David Wagner
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Journaliste, Rédacteur
Le grand public le connaît en tant que député de déi Lénk, mouvement dont il est l'un des fondateurs. Auteur d'articles, il a dans le passé géré Goosch vue son expérience de journaliste avant d'entrer dans la Chambre des Députés.
Les articles de: David Wagner
Les kamikazes
Le gouvernement Bettel-Schneider voulait moderniser le pays. En fait, il l’a fait entrer dans la normalité européenne : redistribution des richesses du bas vers le haut, gouvernement impopulaire et un Premier ministre désacralisé (ce qui n’est pas la pire des choses).
La première phrase de la déclaration du Premier ministre Xavier Bettel à propos du « Zukunftspak » (paquet d’avenir) le 14 octobre à la Chambre, était issue d’un discours sur l’état de la Nation de son prédécesseur, Jean-Claude Juncker. Cela se comprend : mettre le CSV devant son propre passé est la principale ligne de défense du gouvernement. Ce n’est pas bête et cela s’est vérifié cette semaine : la presse s’est procuré un plan d’austérité concocté par Luc Frieden en 2012, alors aux commandes du ministère des Finances.
Dommage pour Claude Wiseler, nouveau chef de groupe CSV, qui se verrait bien à la place de Bettel, et qui pouvait surfer ces derniers jours sur les décisions antisociales d’un gouvernement particulièrement malhabile. Mais on ne sort pas si facilement de ses propres contradictions : si le gouvernement actuel a mis la vitesse supérieure dans le démantèlement social, c’est bien le CSV sous l’égide de Juncker qui avait inauguré l’entrée du Luxembourg dans la logique néolibérale.
Le double-jeu du CSV
Cette semaine, ses vieux démons se sont rappelés à lui. Car le double langage du CSV a ses limites et les interventions de Wiseler en témoignent : d’un côté, le parti soutient la logique d’austérité du gouvernement, de l’autre il pleure de chaudes larmes de crocodiles à propos de l’abolition des allocations familiales qu’il envisageait lui-même.
Dans l’édition du woxx du 17 octobre, Raymond Klein résumait le dilemme chrétien-social ainsi : ne pouvant choisir entre davantage d’orthodoxie budgétaire et une critique sociale, le CSV a choisi de porter sa première critique sur le fait que le budget ait été déposé sous forme… de clé USB.
Tandis que le CSV tente d’enfiler sa peau de mouton, le gouvernement se la joue moderne. L’opération ne date pas du 20 octobre 2013, date des élections législatives anticipées qui l’ont porté au pouvoir. Souvenez-vous de cette fameuse initiative « 5vir12 », association de chefs et cheffes d’entreprises, soutenue par le magazine Paperjam, qui sonnaient l’alarme en revendiquant davantage de démantèlements sociaux.
De « 5vir12 » à 2030.lu
Souvenez-vous aussi de cette autre initiative, 2030.lu, que la Chambre de Commerce mit sur pied en grande pompe suite au flop de la première : Grandes conférences « interactives » traitant « ouvertement » de tous les sujets, feignant la neutralité politique, publication d’un gros livre compilant des centaines de mesures « constructives ». Le « Monsieur Loyal » de ces grands shows n’était alors personne d’autre que Pierre Gramegna, alors encore directeur de la Chambre de Commerce et dont les efforts furent finalement récompensés par l’octroi du ministère des Finances.
Entre-temps, ces chef-fe-s d’entreprises pourtant si dynamiques et apparemment si soucieux de l’avenir du pays ne se font plus entendre. Et 2030.lu s’est dissoute après la formation du gouvernement. Mission accomplie ?
Le CSV est un parti néolibéral. Et ce qu’il préfère conserver, c’est le plutôt le pouvoir que les valeurs. Mais malgré le scandale du Srel, le CSV se sortit plutôt bien des élections et pouvait légitimement prétendre à rempiler à l’Hôtel de Bourgogne. Toutefois, une frange du patronat ne voulait plus se contenter du vieux paquebot CSV aux commandes. Il lui préféra une coalition nouvelle, capable de jouer aux « kamikazes », comme diraient nos voisins belges.
Les kamikazes
Dans le Land du 17 octobre, Romain Hilgert rappelle ce manque d’entrain et la fatigue du gouvernement Juncker-Asselborn II : « Inzwischen war sogar das Geld ausgegangen, um das Einverständnis der Gewerkschaften und Unternehmer zu den Sparpaketen zu kaufen, und die Wahlen kamen immer näher. Deshalb mussten die müden Männer von CSV und LSAP vor einem Jahr den ganzen Krempel hinschmeißen. »
Sur le plan sociétal, quelques modernisations ont eu lieu : le mariage homosexuel et l’homoparentalité en font partie. D’autres questions, comme le droit de vote des étrangers, la séparation entre les églises et l’Etat ou l’abaissement de l’âge électoral, seront tranchées par référendum. Prochainement, c’est aussi la loi sur l’IVG qui devrait être toilettée. Bien.
Mais sur le plan social et économique, il faut se méfier de la modernisation. L’abolition des allocations de maternité et d’éducation est présentée comme telle.
Il ne fait pas de doute que ces allocations s’inscrivent dans une logique favorisant la mère au foyer. Trop facile pour une coalition qui se veut féministe : il faut la supprimer afin d’encourager les femmes à intégrer le marché du travail. Xavier Bettel ne s’est d’ailleurs pas privé, le 14 octobre, de réserver une longue tirade à ces femmes élevant seules leur(s) enfant(s) et que la dépendance à leur ancien conjoint a plongé dans la pauvreté. Ce qui n’est pas faux.
Emanciper avec moins?
Toutefois, ce que le Premier ministre a omis d’évoquer, après avoir expliqué la raison de l’abolition de ces allocations, c’est comment son gouvernement entend libérer les femmes, notamment les plus pauvres d’entre elles. Si les « moins » s’accumulent, on ne discerne pas encore les « plus ».
Que nous renseigne la situation actuelle ? Que tout d’abord, il ne s’agit pas d’une « révolution copernicienne ». Marx nous enseignait que le capital digérait tout pour le transformer en marchandise et que cette dynamique s’étendait aux résultats de ses propres contradictions. Ainsi, le gouvernement nous vend sa version de l’émancipation de la femme pour en faire un vecteur de redistribution des richesses du bas vers le haut. Le gouvernement tente de faire passer cette idée, à la gauche de ne pas tomber dans le panneau.
Services for the poor are poor services
Si le CSV est faussement social, la coalition est faussement moderne. Une contre-révolution au niveau des transferts sociaux est par exemple en marche. Les acquis de l’ère moderne veulent que les services soient universels, c’est-à-dire qu’ils soient accessibles à tous, sans distinction de classe. Désormais, plusieurs voix, dont notamment celle du Premier ministre, se font entendre : les services sociaux doivent revenir à celles et ceux qui sont dans la nécessité.
Cela s’appelle « sélectivité sociale », cela sonne bien, mais aboutit à la généralisation de la politique de l’aumône au lieu de la justice sociale. C’est peu étonnant de la part d’un gouvernement qui refuse d’imposer davantage les grandes fortunes.
Une modernité aux relents de 19ème siècle
La régression va également se faire ressentir au niveau du marché du travail. La culpabilisation du chômeur est en marche. Nous sommes en crise, aime à répéter Xavier Bettel, sans jamais dire qui l’a déclenchée et qui en profite. Cette crise produit sa cohorte de chômeurs bien pratique pour les mettre sous pression. Pas uniquement au niveau des salaires, mais également pour les soumettre à la volonté des entreprises.
Dans une interview accordée à Paperjam, la directrice de l’Administration pour le développement de l’emploi (Adem), Isabelle Schlesser, explique que ses services font le tour des « bonnes pratiques » mises en place dans d’autres pays, notamment en Allemagne. Que ces « bonnes pratiques » soient à l’origine de l’explosion des travailleurs pauvres forcés d’accepter des conditions de travail de plus en plus précaires, cela n’est jamais mentionné. C’est étrange, mais leur modernité sent fortement le 19ème siècle.
Grève à la guerre!
Que se passe-t-il en Ukraine ? Telle est la question régulièrement soulevée lors de discussions et de débats au sein de la gauche luxembourgeoise, ses organisations, ses partis ou tout simplement la diversité de ses militants. Cela vaut aussi pour l’ensemble de la gauche européenne. Les prises de positions sont hétérogènes, allant jusqu’à la contradiction, voire, à l’accusation réciproque, qui de faire le jeu de l’impérialisme russe, qui de se réduire à une marionnette pilotée par Washington. D’un point de vue comme de l’autre, les idiots utiles se trouvent dans le camp d’en-face.
Les actes guerriers en cours, qui ne se limitent pas à l’est de l’Ukraine, mais se déroulent aussi ailleurs, notamment en Irak, ne peuvent être déconnectés de la toile de fond fondamentale qu’est le contexte économique mondial. Peut-on analyser le conflit ukrainien comme un événement isolé et particulier ou ne faut-il pas plutôt l’envisager dans une perspective historique du capitalisme plus profonde qui inaugure une intensification de conflits inter-impériaux ?
Le monde, pétaudière du capitalisme
L’implosion du glacis soviétique a accéléré le développement du capitalisme mondial dont le terrain de jeu s’est considérablement élargi. Dans une première phase, la Russie de Eltsine semblait s’être intégrée dans la sphère « occidentale » et une partie du capital russe, trop content de profiter de la déliquescence de son propre Etat, se voyait fleurir dans le grand marché mondialisé.
C’était sans compter la reprise en main poutinienne, poussée entre autres par la menace d’un éclatement de la Russie. Cette réaffirmation de la Russie comme puissance impériale autonome a été accompagnée d’une reconfiguration de ses intérêts capitalistes.
La plupart des économistes marxistes, dans toute leur hétérogénéité, voit dans la crise actuelle du capital dans les nations industrialisées occidentales (UE et USA), une crise due à la baisse tendancielle du taux de profit (et encore, ils sont loin de s’accorder sur la question, comme l’atteste cette synthèse). Par ailleurs, l’auteur de ces lignes n’a pas la prétention (ni les compétences !) de pouvoir trancher cette question. Mais nous pouvons toutefois dessiner grossièrement les grandes lignes de la crise dans laquelle les nouveaux conflits, dont celui de l’Ukraine, s’inscrivent.
Depuis la fin des « Trente Glorieuses », soit les années de reconstruction (capitaliste) qui ont suivi la dévastation du continent européen subséquente au second conflit mondial (conséquent du premier, communément perçu comme suprême déflagration de l’impérialisme comme stade ultime du capitalisme moderne), le capital est entré dans sa phase néolibérale enclenchée dans les années ’70.
Cette guerre de reconquête du capital face aux acquis et grands compromis entre le capital et le travail s’est soldée par une réduction de la consommation des ménages et poussant dès lors le capital à trouver de nouvelles marges de profit par sa financiarisation accrue. Ce qui ne signifie évidemment pas l’inexistence de la financiarisation du capital hors crise à des fins de maximisation de profits.
A partir de là, plusieurs scénarii sont possibles. Le plus réjouissant serait évidemment celui de la crise de trop que le capitalisme lui-même ne parviendrait plus à dépasser, ouvrant la voie, justement, à son propre dépassement. Dans les pays d’Europe, comme la Grèce ou l’Espagne, où le capital mène sa restructuration la plus profonde, avec son corollaire de redistribution des profits « du bas vers le haut » mais aussi et surtout par son remodelage des grands compromis, les résistances populaires croissent à tel point que les classes dirigeantes de ces pays commencent à serrer la vis des libertés publiques et individuelles. C’est donc le signe que la possibilité et l’espoir de changement se ravive et que cet espoir est « pris au sérieux » par les classes dirigeantes. Mais cette voie n’est pas automatique.
L’exacerbation, dans ce contexte de crise du capitalisme, entre les intérêts divergents et concurrentiels des capitaux, que l’on peut délimiter grossièrement entre les capitaux des USA, de l’UE (avec, à nouveau, ses propres concurrences internes) et celles des capitaux « émergents » – comme, pour ce cas précis, la Russie – qui sont tout aussi bien imbriqués dans la crise, mène au redécoupage du globe en sphères d’influence.
Ce redécoupage est laborieux et surtout accompagné de crises politiques et, dans une première phase tout du moins, de conflits armés dans les régions sous-développées, notamment dans les pays qui furent encore sous domination coloniale au siècle passé (domination qui s’exerce toujours par le biais des bourgeoisies compradores en place). S’y croisent intérêts économiques et positionnement géostratégiques à long terme.
La « domination » de l’Irak par les Etats-Unis par exemple, ne peut se résumer à la seule question de marges de profits immédiates procurées par la rente pétrolière, mais aussi par la domination politique d’une région entière.
Derrière le romantisme, le fric
La crise ukrainienne est à lire dans cette optique. Evidemment, il ne peut être fait abstraction de facteurs politiques, historiques, linguistiques, culturels ou encore religieux. Tout conflit armé est accompagné de sa cohorte de raisons plus ou moins légitimes ou légitimatrices, que ces raisons émanent du peuple ou de ses classes dominantes, voire des deux.
Si la Russie tsariste de 1914 pouvait se targuer de soutenir la « sœur serbe » pour des raisons culturelles (proximité des langues, partage du cyrillique et de la foi orthodoxe), son intervention est motivée par le renforcement de sa présence dans les Balkans et le rapprochement de la Méditerranée, l’un justifiant plus facilement l’autre. Idem pour une France désireuse de récupérer une l’Alsace-Lorraine mais surtout fiévreuse de contenir la domination allemande sur le continent.
Ce serait faire foi d’une extrême naïveté que de vêtir le capital des habits du souci de la libération d’anciens compatriotes ou coreligionnaires. Si le capital, qui, selon Marx et Engels, digère toute construction humaine et sociale jusqu’aux plus intimes pulsions spirituelles pour les transformer en marchandises faisait réellement preuve d’une telle sentimentalité, il y a belle lurette qu’il ne se serait pas survécu à lui-même.
Répétition générale?
Le conflit ukrainien va-t-il dégénérer et se généraliser comme le prévoient les pires Cassandre ? Ou la fièvre va-t-elle baisser à la faveur d’un compromis entre grandes puissances ? Et cette accalmie sera-t-elle de longue durée ou n’est-elle qu’une pause en prélude à de nouveaux réchauffements ? Avons-nous à faire à une sorte de répétition générale en vue d’un nouveau conflit (les champs de tensions en veille ne manquent pas sur le globe) que personne à l’heure actuelle, pas même les classes dominantes, ne prévoit ? Personne, à l’heure actuelle, ne peut le prédire.
Néanmoins, quel que soit notre avenir, la gauche anticapitaliste en doit pas se tromper de combat. Nous devons bien comprendre (pour ne parler que du conflit ukrainien, mais nous pourrions l’étendre à d’autres régions) que les peuples russe, ukrainien, les Européens orientaux et occidentaux et le peuple états-uniens se trouvent tous pris dans l’étau de la rapacité de leurs propres classes dominantes qui n’hésiteront pas, comme par le passé, à exacerber les pulsions chauvines afin de nous mener tous, pour leurs intérêts bien compris, vers la boucherie.
Non à la boucherie!
Se réfugier dans la « compréhension » (aussi légitime soit-elle) d’une Russie encerclée par le bras armé étendu des Etats-Unis qu’est l’OTAN et lui accorder un « soutien tactique » en sa qualité d’empire subalterne est probablement tout aussi hasardeux que de se réfugier dans la « compréhension » (aussi légitime soit-elle) d’une grande partie des Européens orientaux (et en première ligne des Ukrainiens) désireux de s’émanciper du grand voisin russe en accordant un « soutien tactique » à l’expansionnisme de Washington, « libérateur malgré lui ».
Notre rôle, extrêmement ardu il est vrai, serait plutôt de s’opposer à cette grande réorganisation des empires capitalistes, dont les populations ne sont que des chairs à canon de réserve. Et de propager de manière intensive et dans la meilleure des traditions internationalistes, le message que la seule guerre qui vaille, de Vladivostok à Los Angeles en passant par Berlin, c’est celle qui nous oppose à ceux qui veulent nous y plonger.
TTIP: Nous sommes tous des populistes
Il y a comme un arrière-goût de 2005. Vous vous en souvenez certainement : cette année-là, il fallait ratifier ce fameux traité constitutionnel européen. Dans certains pays de l’Union européenne, dont le Luxembourg, la décision a été soumise à un référendum. On s’en souvient bien : la France et les Pays-Bas le rejetèrent. Au Luxembourg, le « oui » l’emporta certes, mais avec seulement 56 % des voix. « Seulement » car quelques mois auparavant, le gouvernement était persuadé qu’il allait passer comme une lettre à la poste. Et comme le « non » ne faisait que progresser dans les sondages, le Service information presse du gouvernement se vit même contraint de changer sa stratégie de communication – ce qui est étrange étant donné que la campagne gouvernementale se voulait neutre. Mais c’est encore une autre histoire…
TTIP – Constitution européenne, même(s) combats
Ce dont on se souvient, c’est la fracture énorme entre le « bas » et le « haut » : le « haut » plaidant pour le « oui », promettant monts et merveilles en cas d’adoption et enfer et damnation en cas de rejet. Tous les moyens leur étaient bons : tantôt les partisans étaient de sombres « populistes », les suivre faisant le jeu des « extrémismes », tantôt les électeurs n’étaient pas assez bien informés – donc idiots – et un « non » ne serait qu’un vaste malentendu, un problème de « communication ». Ou de « pédagogie » (littéralement « direction des enfants »). Pédagogie : ce mot est adoré par les partisans du « haut », qui révèlent ainsi leur attitude méprisante envers un peuple prié de se rendre sagement aux urnes à intervalles réguliers afin de mandater les « politiciens raisonnables » pétris de sagesse et d’omniscience (contrairement au peuple/enfant).
Ces demi-dieux entourés d’enfants
Les plus naïfs croyaient que le rejet de ce traité en 2005 aurait fait infléchir, du moins réfléchir, les dirigeants : plus de démocratie à l’avenir, plus de transparence, plus de participation. C’est mal connaître les demi-dieux qui nous gouvernent. Demi-dieux car eux-mêmes ne sont que les instruments des vrais dieux du capital et de la finance. Ces derniers, contrairement à Hercule ou Persée, sont moins visibles et ne se mêlent que rarement aux mortels.
Avec le TTIP, nos demi-dieux font face à un nouveau défi que les seigneurs juchés sur leur Olympe du capital leur ont concocté : défendez ce traité !
Et ils le font comme si 2005 n’avait jamais existé. Le même arsenal argumentaire est sorti :
Primo : « faites-nous confiance ». Il ne faudrait rien dramatiser, ce traité contient certes des zones d’ombres, des choses dont il faut se méfier, mais il contient également du positif. « Nous », vos dirigeants, nous engageons à ce que le positif prévale.
Secundo : « c’est très compliqué ». C’est bien que le peuple s’y intéresse disent-ils (comme s’ils avaient bougé le plus petit doigt pour qu’il s’y intéresse vraiment), mais attention, laissons faire les pros.
Tertio : « être contre, c’est du populisme ». C’est l’argument-massue (qui fonctionne d’ailleurs de moins en moins). Etre contre ce traité est forcément extrémiste, la preuve, ceux qui le défendent sont de sages et responsables « centristes » de gauche et de droite.
« Au secours! Les populistes sont partout! »
Le problème avec les soi-disant populistes, c’est qu’ils deviennent nombreux. Au Luxembourg, alors que l’on aurait pu attendre de nos sages dirigeants qu’ils informent à temps le peuple de ce traité, ce sont de modestes partis comme déi Lénk qui l’ont popularisé (même Goosch !) et, pour être honnête, certains membres des Verts, dont leur eurodéputé Claude Turmes. Ensuite, c’est une vaste coalition comptant les plus grandes organisations du pays qui a demandé l’arrêt pur et simple des négociations : OGBL, LCGB, FNCTTFEL, Syprolux, Aleba, Bio-Lëtzebuerg, Caritas, Greenpeace, Mouvement écologique, Jeunes agriculteurs et jeunes viticulteurs, l’Union des consommateurs, Cercle de coopération des ONG. Sans oublier le comité Stop Tafta (dont l’ancien député vert Jean Huss s’est fait le porte-parole).
Autisme politique
Nous le voyons : cette coalition est loin d’être formée par une armée de bolcheviks. Cela pourrait en faire réfléchir certains. Mais non : hier encore, le secrétaire général du LSAP, Yves Cruchten, estimait, sur facebook, que les opposants à ce traité ne feraient que dans le « populisme et sèmeraient la panique ». Le problème pour le secrétaire général, c’est que ces « populistes » se trouvent dans son propre parti. Ce que d’ailleurs l’échevin eschois Dan Codello lui a fait remarquer amèrement (une semaine auparavant, le conseil communal eschois avait adopté une motion demandant l’arrêt des négociations, que Codello avait voté, tout comme l’autre échevin Henri Hinterscheid et la bourgmestre Vera Spautz).
Mais, en vérité, n’est-il pas démagogique de taxer tout le monde de populiste ? N’est-il pas démagogique, comme le font certains, de confondre (consciemment ?) le principe du commerce à celui du libre-échange (être contre ce traité reviendrait à rejeter en bloc le principe du commerce, dixit Robert Goebbels) ?
Et la direction du LSAP (qu’il faut distinguer de sa base), ses candidats au parlement européen et sa fraction parlementaire ne devraient-ils pas se demander qui est sur la mauvaise voie ? Car les tenants du TTIP ne sont pas ce que l’on fait de plus progressiste : le CSV, le DP, l’ADR. Sans parler de la commission Barroso, du gouvernement à Washington et… des multinationales ?
La direction du LSAP est à plaindre. Elle est en effet entourée de populistes : le populiste Jean-Claude Reding, la populiste Blanche Weber, le populiste Armand Drews, le populiste Claude Turmes, le populiste André Hoffmann, la populiste Marie-Josée Jacobs, les populistes au sein du LSAP… La liste des populistes est longue. En fait, il vaudrait mieux pour les dirigeants socialistes d’élire un nouveau peuple. Car on ne peut décemment plus gouverner un peuple de populistes.
Vent nouveau ou avis de tempête?
C’est assez étonnant. Le gouvernement DP-LSAP-Gréng avait promis de changer la société luxembourgeoise, de la faire bouger. Cinq mois à peine depuis son installation, il y parvient. Mais probablement pas de la manière qu’il avait souhaitée. Aujourd’hui encore, il a réussi à faire bouger les élèves et les étudiants (un article suivra). Contrairement à ce que certains pourraient penser, les élèves ne font pas grève si facilement. Les mobilisations de masse ne sont jamais sans fondement. Le ministre de l’Education nationale a fait de la pédagogie sans le vouloir : une grève lycéenne et estudiantine est plus formatrice que cent heures d’instruction civique.
En vérité, le gouvernement tout entier fait de la pédagogie politique sans le vouloir. Fini le brouillage idéologique à la Juncker qui savait parler aux petits mais entendait les grands. Le gouvernement actuel parle aux grands, n’écoute qu’eux et n’entend rien d’autre. Claude Meisch est sincère lorsqu’il se dit étonné de la virulence avec laquelle les étudiants ont réagi à sa proposition de réforme des aides financières. A l’instar de bon nombre de ses amis de la coalition, il ne comprend pas où le bât blesse.
Ils ne comprennent pas qu’ils ne comprennent pas
L’autisme politique va très loin. Le gouvernement Bettel-Schneider-Braz part du postulat suivant : en temps de crise, les gens « comprennent » la nécessité de faire des économies. S’y rajoute la conviction que les Luxembourgeois, habitués ces dernières décennies à un rythme de vie confortable, seraient conscients qu’il faille le réduire. De plus, ce gouvernement s’en espère les lauriers du courage politique.
Ce que ce gouvernement ne comprend pas, c’est que tout le monde ne pense pas comme lui. Au moins depuis 2008, depuis l’éclatement de la grande crise du capitalisme, il y a une prise de conscience que les difficultés que nous traversons ne sont pas dues à des dépenses publiques ou un pouvoir étatique exagérés. Car le contraire est vrai. LehmanBrothers, Goldmann & Sachs, etc… sont des noms que l’on ne doit même plus expliquer (d’ailleurs, nous n’allons même pas y ajouter d’hyperlien pour le coup, puisque vous savez ce dont il s’agit).
C’est même entré dans la culture populaire : The Wolf of Wallstreet a explosé les box-office. Moins populaire, mais qui fait tout autant de bruit : le livre de l’économiste Thomas Piketty, « Le capital au 21ème siècle », relate méthodiquementque le capitalisme génère les inégalités sociales (pour ceux qui en doutaient encore). La nouvelle est moins spectaculaire que le travail fourni, mais la réputation de « sérieux » de Piketty a le mérite de faire réfléchir jusqu’au centre-gauche.
The wolves of Wallstreet
A moins qu’il ne change fondamentalement de cap, ce gouvernement est voué à l’échec. La première raison est fondamentale : jamais, nulle part, une politique libérale d’austérité n’a relancé la machine économique d’un pays (et certainement pas dans un contexte de récession) et certainement pas au profit des travailleurs. Parfois, les libéraux ont dû recourir à la manière forte, en imposant ces mesures en s’appuyant sur les militaires, comme ce fut le cas en Amérique latine.
Deuxièmement : ce gouvernement, le DP particulièrement, ne peut pas revenir sur ce cap, car il n’y survivrait pas. Le DP, à la différence du LSAP, n’est pas du genre à se renier. Après tout, c’est sa « classe », sa « clientèle », son idéologie, qui domine la politique. C’est le paradoxe des libéraux : cette famille politique a beau être marginale au niveau européen, c’est son idéologie qui imprègne la politique.
Les deux autres grandes familles politiques européennes, sociaux-démocrates et chrétien-démocrates, n’ont fait que s’y adapter. Dans une interview parue dans le woxx d’aujourd’hui, le secrétaire général des JDL (Jeunesse démocratique et libérale) se félicite même, à juste titre, de la disproportion de l’influence de sa famille politique, revendiquant par exemple la paternité de TAFTA.
Il sera donc intéressant de voir jusqu’où les socialistes et les Verts pourront survivre à cette coalition. Surtout les socialistes, qui doivent commencer à se rendre compte que si le CSV leur faisait avaler des couleuvres, le DP leur sert des vipères. La différence entre les deux espèces étant que les vipères, à la différence des couleuvres, sont venimeuses.
Après les couleuvres, les vipères!
Cela ne fait pas cinq ans mais cinq mois que le DP – pardon, le gouvernement – est au pouvoir. Et on ne peut pas lui reprocher d’être inactif. Déjà, presque tous les domaines de la politique sont marqués au fer bleu. Réalisations, projets ou simples ballons d’essais retirés prématurément (ou provisoirement), l’idéologie libérale domine :
C’est naturellement le cas des aides financière pour étudiants, point sur lequel nous n’avons pas besoin de revenir, dont la finalité est la réduction des dépenses. Mais les enseignants non plus ne sont pas épargnés, avec la tentative du ministre d’abolir la « décharge pour ancienneté ».
Le monde universitaire lui aussi est ébranlé : la réduction de l’allocation de l’Etat à l’Université du Luxembourg a même fait sortir le pourtant très libéral recteur Rolf Tarrach de sa réserve, qui ne sait pas comment l’Université pourra se financer correctement, allant jusqu’à se voir obligé de repousser le déménagement à Belval aux calendes grecques.
Pour rester dans l’immatériel, le monde culturel et scientifique en prend pour son grade : l’annulation de l’exposition sur le Luxembourg pendant la Première Guerre mondiale a provoqué l’indignation d’un milieu académique pourtant plutôt sage.
Dans la foulée, la ministre de la Culture annonce également qu’elle met à plat la politique de subvention des associations culturelles. A froid, sans concertation, et en plongeant beaucoup d’associations dans des difficultés de planification.
Redevenons matériels : la hausse de la TVA, qui grèvera en moyenne le budget personnel annuel par de 480 euros, du smicard au milliardaire (très peu de « sélectivité sociale » pour le coup).
Très matérielle est également la réforme des prestations familiales. Après les déclarations de la ministre de tutelle, en tout début de mandat, qui ont laissé entendre là aussi une réduction, on n’en entend plus rien. Le gouvernement a peut-être compris qu’il ne fallait pas trop charger la mule. Mais ce n’est que partie remise.
Ce n’était peut-être qu’un ballon d’essai, il a éclaté, mais, comme on dit, c’est l’intention qui compte : L’introduction des intérêts notionnels a finalement été laissé tomber. Cette mesure n’avait pas bénéficié d’une grande publicité de la part du gouvernement, et pour cause. Il fallut que l’ancien Premier ministre, qui n’est pas un novice en la matière, la dévoilât pour provoquer une levée de boucliers tous azimuts. Pendant ce temps toutefois, le gouvernement se tait sur la pratique très problématique du « Ruling », c’est-à-dire des petits arrangements entre le fisc luxembourgeois et des investisseurs potentiels. Oui, c’est une pratique très sélective, à défaut d’être sociale.
Et puis il y a le chômage. Le ministre de l’Emploi, Nicolas Schmit, a annoncé une réforme des critères d’octroi du chômage. En clair, les chômeurs seront soumis à un nouveau régime, plus restrictif, plus serré. Ça sent très fort le « Hartz IV », la réforme-phare de Gerhard Schröder, dont le succès n’est vanté que par les milieux patronaux, mais qui a coûté au chancelier social-démocrate son poste.
Mais Bruxelles est contente!
Que faudra-t-il encore ajouter (ou retrancher) à cette liste ? L’ancien président du LSAP Alex Bodry, qui, sentant vite que cette politique peut tourner au vinaigre, avait rappelé la revendication socialiste de l’introduction d’un « impôt pour les riches » (« Räichesteier ») – en fait une légère augmentation du taux maximal d’imposition. Elle n’a pas été entendue par Xavier Bettel, qui considère toute imposition sur les revenus plus importants comme du « poison ». Bodry est l’un des rares dirigeants socialistes à connaître la raison d’être de son parti. Mais ce qui n’est pas le cas de son successeur.
Il serait faux de penser que personne ne comprend la politique du gouvernement. Les agences de notation la comprennent très bien. Le Luxembourg gardera son « triple A ». Cette bonne note n’est pas décernée aux Etats qui « gèrent bien », mais à ceux qui satisfont aux exigences des marchés financiers et spéculateurs en tous genres. Après tout, ces agences leur appartiennent. Et ce sont eux également qui dictent leur politique à la Commission de Bruxelles, des trucs du genre « Pacte de stabilité ». Alors, à chaque fois, comme ce fut le cas cette semaine lors des débats budgétaires, que l’ultralibéral ministre des Finances Pierre Gramegna se félicite de recevoir un sucre à croquer de Moody’s ou une caresse de Bruxelles, il faut se méfier.
Partenariat transatlantique: Vers un nouveau décalage entre le parlement et les citoyens?
Pour la première fois, la Chambre a débattu de ce potentiel « plus-grand-marché-commun-du-monde » que pourrait devenir le Partenariat commercial transatlantique entre les USA et l’Union européenne (TTIP ou TAFTA), voir le précédent article.
L’initiative émanait de déi Lénk, qui avait demandé que l’on place ce sujet comme heure d’actualité lors d’une séance publique de la Chambre des député-e-s, avec motion à l’appui, défendue par Justin Turpel. Histoire de permettre aux citoyens-électeurs de connaître les positions des différents partis politiques sur ce sujet brûlant. Histoire aussi de mettre en lumière ce sujet dont ni les gouvernements, ni la Commission européenne ne veulent que l’on n’évoque trop souvent, tant ce projet remet en cause les droits sociaux, sanitaires, environnementaux… Car une chose est claire: si la société civile s’empare du sujet, le projet risque de s’évaporer tel un vampire.
Et la moindre des choses que l’on puisse dire à l’issue du débat qui a eu lieu ce mardi (et qui ne fut malheureusement que peu relayé médiatiquement), c’est que la société civile a bien intérêt à ne pas lâcher l’affaire et à ne surtout pas la laisser aux partis. Mais avant, voici l’intervention de Justin Turpel:
Voici un petit récapitulatif du débat:
Martine Hansen (CSV): après avoir évoqué certains risques, dont notamment une hypothétique perte de valeurs(?), l’éphémère ministre de l’enseignement supérieur du gouvernement Juncker-Asselborn II plaide pour un maintien des « nos standards européens ». On en sait pas vraiment ce qu’elle entend par là: elle pense probablement à « l’économie de marché sociale ». Mais bon, même ce modèle est sapé depuis des lustres par sa famille politique… Evidemment, elle se prononce contre les tribunaux arbitraires qui pourraient donner gain de cause à des entreprises si celles-ci se voyaient confrontées à des mesures de protection émanant des Etats. Mais sinon, il faut à tout prix sauver ce plus grand marché commun. Des risques? Oui, peut-être. Mais pas si les négociations tournent bien. L’espoir fait vivre…
Marc Angel (LSAP): l’intervention du député socialiste, président de la commission des affaires étrangères et européennes depuis les dernières élections, est certainement la plus problématique. Mais malheureusement, elle fait écho à sa famille politique qui promet à chaque élection que leur « Europe » serait plus sociale, mais qui, une fois au pouvoir, ce qui est le cas au sein des différentes institutions européennes, se range presque systématiquement du côté des libéralisateurs. De belles paroles immédiatement annulées par une absence totale de vision économique: « Il faut donner des chances à toutes initiative qui favorise l’emploi et la croissance ». On notera le fait que les socialistes n’en sont pas encore à remettre en question le dogme de la croissance. Mais qu’ils ont également intégré toutes les autres fantaisies libérales sur le libre-échangisme qui serait un pourvoyeur d’emplois. Angel déplore lui aussi l’absence de transparence, mais rappelle qu’il existe depuis des mois des groupes de travail au niveau européen dans lesquels les acteurs des ONG et des syndicats seraient présents. De fait, il tombe dans le piège de la transparence de façade qui est partie intégrante de la stratégie de communication de la Commission européenne (voir ici). Car jusqu’à présent, les documents sensibles, y compris le mandat de la commission, n’ont pas été révélés volontairement, mais ont été « leakés ». Pour le reste, Angel veut croire que cet accord représente une chance, que ce n’est qu’une question de négociations rondement menées. Il oublie peut-être que les négociateurs européens sont tout aussi imprégnés, sinon plus, par les dogmes néolibéraux et que cet accord est fondamentalement un instrument au service des multinationales.
Eugène Berger (DP): inutile d’attendre de la part du chef de file du groupe libéral une critique d’un accord… libéral. Berger pense ainsi lui aussi que cet accord représente une chance. Et qu’il ne faut surtout pas le condamner prématurément vu la « complexité » du dossier dont on ne connaît pas tous les détails. Trop « complexe » et prématuré pour le rejeter, mais pas assez pour l’accepter. (N.B.: en suivant les débats parlementaires, vous constaterez que lorsque l’argument de la « complexité » est avancé, il s’agit surtout d’un aveu a) de la méconnaissance, voire du désintérêt pour le sujet de la part du député, b) de l’argument-massue pour éviter tout débat « que le public ne comprendrait pas »). Mais la vie est complexe, M. Berger! Evidemment, Berger est contre toute forme de nivellement vers le bas, et, bien évidemment, pour la transparence (dommage que ce soit le tout petit groupe de déi Lénk qui soit obligé de mettre le point à l’ordre du jour, alors que tous les autres ne jurent que par la transparence). Toutefois, Berger pense que la transparence a ses limites: on ne peut publier que des textes définitifs. Oui, c’est bien: on va appliquer la méthode Berger au parlement. Les lois ne seront publiées publiquement qu’une fois votées. Avant, chut!, les projets ne sont pas dé-fi-ni-tifs! Ah, qu’est-ce qu’on s’amuse au Krautmaart!
Viviane Loschetter (Verts): Ah, qu’il est difficile de gouverner! Au moins, l’analyse des Verts n’est pas aussi indigente que celle de leurs partenaires socialistes et libéraux. Car contrairement à eux, les Verts ont compris l’enfumage monumental que représente ce texte. Ils n’ont pas fait venir à Luxembourg pour rien José Bové qui lui aussi a compris qu’il fallait s’opposer à ce traité. Et Loschetter de demander fort pertinemment à quoi bon un accord de libre-échange alors que les barrières douanières entre l’UE et les USA sont déjà extrêmement basses. Peut-être justement que ce traité veut aller plus loin. Et nous en sommes à nouveau au tribunaux arbitraires. Voire aux incitations à libéraliser davantage les services publics. Les Verts ont compris. Mais ils gouvernent avec des partenaires qui a) ont compris et sont contents (le DP) et b) qui n’ont pas compris, mais sont contents quand même (LSAP).
Fernand Kartheiser (ADR): Et ce fut au tour du lieutenant-colonel-maréchalissime Fernand Kartheiser. Kartheiser a tout compris et ne cesse de débusquer les bolcheviks « opposés au commerce ». Comme le pays est occupé par les forces soviétiques (CSV+LSAP+DP+Verts+Lénk+KPL+Pirates+Pid+CNFL+Cid-femmes+Les femmes en général+OGBL+LCGB+Caritas+ »Rome-occupée-par-les-légions-de-Lucifer-depuis-Vatican-II »), Kartheiser en appelle aux forces divines pour qu’elles terrassent toutes les barrières douanières. Gast Gibéryen trouve ça « très bien ».
Jean Asselborn (ministre des affaires étrangères, LSAP): les opposants au traité ne sont pas tous des « philanthropistes » (ordinateur, s’il te plaît, arrête de souligner en rouge les mots quand je cite Asselborn) et ceux qui y sont favorables ne sont pas tous des « capitalistes ». D’ailleurs, l’UE a déjà plein d’accords semblables avec d’autres pays comme la Corée du Sud ou le Japon, mais ça ne fait que du grabuge lorsque c’est avec les USA, parce qu’ils sont… plus grands (et peut-être aussi parce que le traité est un petit peu beaucoup pire). Certes, il faut éviter toutes les dérives, notamment les privatisations des services publics (alors que le mandat prévoit des libéralisations, l’un menant à l’autre), mais, grosso modo, ce traité serait bénéfique aux travailleurs des deux rives de l’Atlantique. Pour preuve, les syndicats américains y seraient favorables. Ce qui est évidemment faux: le plus grand syndicat AFL-CIO y est opposé. Il y serait favorable, uniquement dans une optique de soutien de la demande, ce qui est l’exact contraire de ce qui est prévu et de la politique économique menée par l’UE et les USA…
On devait s’y attendre: la motion déposée par déi Lénk, qui appelait le gouvernement à rendre publics tous les documents, à organiser un hearing public avec la société civile à la Chambre et à mettre fin aux négociations à été rejetée avec 58 voix contre les 2 de déi Lénk. A part les voeux pieux concernant une plus grande transparence, la seule chose concrète qui est ressortie de l’heure d’orientation est la promesse de Marc Angel d’organiser un grand débat public avec la société civile. Promesse réitérée jeudi soir lors d’une conférence organisée par un collectif opposé au TTIP. Jean-Claude Reding, président de l’OGBL, y a fait part du souhait du plus grand syndicat luxembourgeois que les négociations cessent. La société civile a compris et est donc en marche. Aux « décideurs » de faire de même.
TTIP: On va vous sucer jusqu’à la moëlle
Vous vous souvenez de l’AMI, ce malnommé Accord multilatéral sur l’investissement? Cet accord fut négocié entre 1995 et 1997, cette époque où le néolibéralisme avait mis la vitesse supérieure, entre les Etats-membres de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques).
A l’origine, les gouvernements pensaient pouvoir le faire passer en douce. Qui se soucie des tractations autour d’un obscur traité commercial? Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les gouvernements ne voulaient quasiment rien dévoiler.
A cette époque, l’AMI prévoyait un certain nombre d’horreurs qu’il aurait été très difficile à « communiquer » aux citoyens: les entreprises auraient pu assigner en justice des gouvernements pour entrave à leurs activités, voire même s’ils voulaient prendre des mesures de protection de leurs marchés. Des lois ou réglementations concernant l’emploi, l’aide au développement ou encore (pour ne citer qu’elles) la protection de l’environnement auraient pu être mises en cause.
L’éternel retour des vampires
Si, comme écrit plus haut, cette époque correspondait à l’intensification de l’offensive néolibérale (alors que 13 des gouvernements des alors 15 Etats-membres de l’UE étaient dirigés ou comportaient des partis socialistes! – « vote utile » quand tu nous tiens…), elle correspondait également au réveil citoyen et à l’essor du mouvement « altermondialiste ».
Et heureusement, car c’est grâce à ce dernier que l’AMI échoua. Bon nombre d’associations, dont notamment Attac, ont fait tant de bruit autour de cet accord que les gouvernements, afin de ne pas perdre la face, se retrouvaient au pied du mur et n’avaient plus d’autre choix que de le laisser tomber.
C’était la « méthode Dracula », comme l’avait défini l’écrivaine et présidente d’honneur d’Attac, Susan George: à l’image du fameux vampire transylvanien, un traité comme l’AMI « meurt à être exposé en plein jour ». 16 ans après l’évaporation de l’AMI, un nouveau démon vampirique menace les citoyens des deux rives du Nord-Atlantique: l’Accord de libre-échange entre l’UE et les USA, dénommé TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership).
Après l’AMI, le TTIP
Mais désormais nous sommes en 2014 et non plus en 1995. Certes, nos gouvernements, qu’ils soient socialistes ou pas, cela ne change plus grand chose, sont toujours autant favorables à la libre circulation des capitaux et tentent encore et toujours de détruire toute mesure de protection des travailleurs et des consommateurs.
Mais les citoyens sont beaucoup moins dupes: le libéralisme économique, l’absence de toute forme de protection douanière et la flexibilisation du travail, tout ça n’est plus accepté, pour la simple et bonne raison que tout le monde peut constater quotidiennement la baisse de la qualité de vie. Et le TTIP, franchement, de plus en plus de gens, aux USA ou dans l’UE, en ont entendu parler.
Et comme nous sommes en 2014, la Commission européenne, qui est en charge des négociations, sentant bien que ce joli projet risque de capoter si elle ne s’y prend pas plus habilement, a appris du passé. Elle a donc décidé de préparer un plan de communication à propos du TTIP afin de « désamorcer » la fronde populaire. Un plan de communication que l’organisation Corporate Europe Observatory a « leaké » (et que vous pouvez retrouver ici).
Il faut savoir que ce document date déjà un peu: du mois de novembre, le 22 pour être précis, date à laquelle une réunion informelle entre des représentants des Etats-membres de l’Union s’est tenue à Bruxelles.
Et il est intéressant de noter qu’à ce moment déjà, la Commission constate que jamais encore des négociations ont à tel point été commentées par l’opinion publique. Il faut donc réagir, car, comme le précise le texte, « une communication politique convaincante sera déterminante pour le succès du traité de libre-échange ».
La communication est une arme de guerre
Les auteurs du texte retiennent cinq point qu’ils ne doivent pas perdre de vue:
– les « peurs » par rapport aux « possibles conséquences » sur le modèle social européen. Pour cela, il faut une « communication proactive, précoce et large (…) qui revient sur la ‘success story’ (!) de l’Europe dans les négociations internationales »;
– les élections du Parlement européen vont constituer un « facteur important »: les différentes familles politiques se positionneront par rapport au TTIP. L’Union devra alors parler « d’une seule voix »;
– la « dimension stratégique » du TTIP, qui est bien plus qu’un simple accord de libre-échange. « Nous devons représenter de manière convaincante le potentiel stratégique du TTIP » qui permettre tant aux USA qu’à l’UE d’imposer des modes de régulation au reste du monde;
– « établir que l’accord est conclu entre deux puissances égales »;
– « les groupes d’intérêts »: vu la dimension du traité, les négociateurs auront besoin de « l’input » d’un grand nombre de « stakeholder » – mais il faudra parallèlement veiller à garder un certain degré de confidentialité.
Peut-être à l’image de la mobilisation contre l’AMI, mieux encore, la mobilisation contre le Traité constitutionnel européen en 2005 (ou même contre Acta l’année passée), une certaine mobilisation contre le TTIP commence à balbutier, y compris au Luxembourg.
Une bonne stratégie vaut mille tactiques foireuses
Ne soyons pas dupes, les dirigeants nationaux et européens en ont conscience. Ils vont donc privilégier l’attaque à la défense, mais surtout, tenter de diviser les opposants au TTIP en deux blocs: ceux qui le rejettent en bloc et d’autres qui se laisseront convaincre qu’il serait « tactiquement » plus utile de faire pression sur les négociateurs afin d’avoir, face aux Américains, les meilleurs cartes en main.
Le positionnement de l’eurodéputé vert Claude Turmes en est un exemple: lors d’une conférence de presse le 3 février en compagnie des cinq autres eurodéputés grand-ducaux, Turmes s’est dit globalement en faveur d’un tel accord, à condition que certains points soient discutés plus fermement et que, par exemple, le secteur agricole ne fasse pas l’objet des négociations.
Un jour plus tard, son collègue de groupe au Parlement européen et co-tête de liste aux élections européennes, José Bové, avait tenu un meeting à Luxembourg lors duquel ses propos étaient bien plus réticents quant au principe même du traité.
L’offensive après le moratoire
Pour l’instant, la Commission a suspendu les négociations: un moratoire en attendant que passent les élections européennes. Mais ce n’est qu’un moratoire destiné à ne pas trop « effrayer » les électeurs.
Mais la note risque de s’avérer bien salée pour les tenants d’une « meilleure négociation »: finalement, cette position ne fera au mieux qu’atténuer la casse en attendant la prochaine offensive.
L’histoire récente a démontré qu’à trop vouloir jouer au fin tacticien on est un piètre stratège qui ne gagne aucune guerre, perdant bataille après bataille avec pour seule consolation une réduction du nombre des victimes dans son propre camp.
Restera encore un autre point à soulever: « notre » opposition aux « Américains ». Une argumentation qui sillonne comme un serpent de mer sur le dossier TTIP en particulier et sur la question de la « construction de l’Europe » en général.
Européens et Américains solidaires contre le TTIP
Et cette logique s’immisce jusque dans les rangs du centre-gauche et des écologistes, qui sont pourtant les premiers à sermonner les « eurosceptiques » de gauche, n’hésitant pas à sortir l’argument-massue du chauvinisme, voire du nationalisme, voire, comme le prétend l’inénarrable Robert Goebbels, que ceux qui sont opposés à ce traité « sont contre le commerce ».
Par contre, ils semblent de pas éprouver de difficultés à engager l’UE dans une guerre commerciale avec les USA, confondant les intérêts des multinationales tant européennes qu’états-uniennes avec les intérêts des citoyens des deux rives qui sont les mêmes. L’argument de la compétition entre Européens et Américains est ainsi des plus fallacieux: aux Etats-Unis aussi, les organisations progressistes et de gauche ainsi que les syndicats se prononcent contre ce traité (ils savent ce que leur a coûté Nafta).
Le chauvinisme, le nationalisme, c’est oublier qu’au sein d’autres nations, de simples citoyens combattent les mêmes maux que nous. Et ce n’est que dans la lutte commune que nous forgerons un véritable internationalisme de solidarité entre les peuples.
Les maîtres et les capitulards
C’est passé inaperçu. La semaine dernière, la Chambre des députés s’est réunie. Cela aura été la seule séance du mois de février. Non, il n’y en a pas bien plus, ce qui en dit long sur l’état de notre démocratie. Un point toutefois avait dominé l’ordre du jour: la future composition de la commission chargée de contrôler les services de renseignement. Une première douche froide pour celles et ceux qui étaient tombé dans le panneaux du « renouveau » du gouvernement Bettel-Schneider.
Mais un autre point, tout aussi important si ce n’est plus, n’a pas eu les faveurs des gros titres: les députés devaient se prononcer en faveur d’un prêt de 2, 06 milliards d’euros au Fonds monétaire international, le fameux FMI. Pour quoi faire? Mais pour renflouer un fonds qui servira à « aider » les pays frappés par la crise, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal.
Le système n’est pas compliqué: ensemble avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, le FMI forme la « Troïka ». Ce trio infernal est particulièrement connu en Grèce et au Portugal: c’est lui qui décide selon quelles conditions les « aides » seront accordées à ces pays. C’est un troc entre David et Goliath. En somme, la Troïka dit: « vous recevez vos milliards à condition d’abaisser les salaires minimum, de réduire par deux les retraites ou de privatiser vos compagnies et services publics ». Coupes-toi un bras et t’auras ton pansement.
Soutien au trio infernal
Mais où vont ensuite tous ces milliards d’aide? Au peuple? Certainement pas! Non, ils servent à rembourser la dette auprès des banques privées – à des taux d’intérêt énormes évidemment. Résultat: après avoir appauvri la population et vendu ce qui appartient au peuple, l’argent va à ceux qui sont responsables de la catastrophe sociale. Niveau braquage, Bonnie et Clyde était de doux amateurs.
C’est scandaleux, n’est-ce-pas? C’est même plus, c’est criminel. On en connaît les conséquences: qu’il s’agisse de la Grèce ou du Portugal par exemple, la situation n’a fait que se détériorer depuis que la Troïka s’en mêle. C’est très concret: les hôpitaux n’ont même plus les moyens de soigner les enfants mal-nourris qui y entrent!
Tout cela n’est pas bien difficile à comprendre. L’homme et la femme de la rue d’Athènes ou de Lisbonne le savent parfaitement. Mais il y en a qui ne le comprennent pas. Ou qui ferment les yeux. Et c’est d’autant plus grave qu’ils sont des élu-e-s du peuple.
Sur les 60 députés que compte notre parlement, seuls 2 se sont prononcés contre ce système (Serge Urbany et Justin Turpel de déi Lénk). Les trois députés de l’ADR ont certes voté contre également, mais pour des raisons diamétralement opposés: ils appuient le principe, mais trouvent que le montant est trop élevé.
Cette séance était d’une tristesse mais aussi une insulte à l’intelligence: l’on y voit le député socialiste Franz Fayot donner son accord, se permettant même, depuis un monde parallèle dans lequel se sont réfugiés tous les dirigeants du Vieux continent, de juger que la crise de la zone euro commencerait à se dissiper. Faudra faire passer le message à Nikos de Thessalonique ou João de Porto, parce que eux, ils ont plutôt l’impression du contraire. Mais peut-être ne disposent-ils pas de la distance nécessaire pour bien juger.
La blague du jour: l’Eurozone va mieux
Finalement, l’ex, Jean-Claude Juncker, a piqué sa petite crise en détaillant son fabuleux bilan à la tête de l’Eurogroupe qu’il partage avec la Troïka (qu’il ait baptisé son chien d’un prénom grec, Platon, en dit long). Personne n’avait pensé à le faire (sauf le député CSV Gilles Roth qui « a fait le job »). Bref, tout le monde était d’accord pour dire qu’il faut continuer dans cette direction et que bientôt, si, si, la crise sera surmontée. Une fois que les banques se seront bien goinfrées, elles finiront bien par vomir quelques grumeaux.
Nous sommes dans une situation très grave. Non, la crise ne va pas se dégonfler. Elle va s’amplifier. C’est triste, mais c’est ainsi. Nos gouvernements et les élus des partis de l’establishment politique ont capitulé devant les puissances de l’argent. Les uns le font par conviction, mais beaucoup d’autres par ignorance.
Aurélien Bernier : la désobéissance européenne 1/3 par Marianne2fr
Ce qui est en train de se passer dans les pays du Sud est une répétition générale pour le reste de l’Europe. L’endettement des Etats auprès des banques privées est un moyen de les asservir. En utilisant des institutions illégitimes et antidémocrates comme les trois qui forment la Troïka, les marchés financiers dérobent toute souveraineté populaire aux nations. Dans quel but? Afin de faire régner un nouvel ordre politique et économique: l’installation d’une démocratie de façade qui devrait empêcher toute avancée sociale. La dictature n’a pas besoin de bottes et d’uniformes militaires. Elle peut se contenter d’hommes en costume et de femmes en tailleur occupant des postes dans les institutions élues mais dépouillés de toute possibilité d’action.
La partie de tennis entre les Etats-membres et l’Union européenne est le truc du siècle! On délocalise une entreprise? « C’est l’Union européenne », diront les gouvernements nationaux. Et l’UE quant à elle peut relancer la patate chaude au … Conseil des ministres, constitué des représentants de ces gouvernements nationaux! Qui décide de quoi, où et comment? Les pistes sont bien brouillées. Et les peuples écrabouillés.
Ping pong européen
Trop souvent, la démocratie est confondue avec la liberté d’expression. Mais disposer du droit de clamer son opinion sans crainte d’être poursuivi n’est qu’une condition pour vivre en régime démocratique, pas un aboutissement. La démocratie, c’est savoir clairement qui décide de quoi et comment. La démocratie, c’est la simplicité, la transparence et la proximité. Et c’est, finalement et surtout, la prise en mains directe de nos intérêts. C’est l’exact contraire du monde dans lequel vivent les 500 millions de citoyens de l’Union européenne.
Mais tout n’est pas perdu. Il est possible de reconquérir ce que nous avons perdu et même de conquérir davantage de droits sociaux et démocratiques. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir. Une des mesures directes sera d’envoyer paître le FMI et de mettre à bas tout ce qui est antidémocratique dans l’UE. Aucune dette illégitime ne devra être remboursée. Les Etats doivent reconquérir le droit de se financer eux-mêmes. Le système bancaire doit être socialisé.
Les institutions démocratiques existantes devront être fondamentalement réformées afin de donner toujours plus de pouvoir, aussi bien politique qu’économique, à la grande masse du peuple. Il faudra donc rompre avec le système actuel et en construire un nouveau. Cela ne se fera pas sans grandes mobilisations. Le changement viendra d' »en bas » et devra être accompagné et dynamisé par « en-haut ».
Oui, il faudra cesser la capitulation et chasser ces maîtres dont personne ne veut en réalité.
There is no alternative.
Les remèdes de Papa Bettel
Lorsque le Premier Ministre doit s’exprimer devant la Fedil (Fédération des Industriels Luxembourgeois), de quoi parle-t-il? De bouffe. Xavier Bettel a faim: faim de « changer » le pays, faim d’action politique. Le grand patronat lui aussi a faim: faim d’une baisse des cotisations sociales (qu’il préfère appeler « charges »), faim de plus de « flexibilité » des salariés, faim de marges bénéficiaires. Tout le monde a faim, donc.
On a donc appris, lors de la réception de Nouvel an de la Fedil, que la mère du nouveau premier ministre lui faisait ingurgiter quotidiennement de l’huile de foie de morue. Ce n’est pas bon, mais cela fait du bien. Paraît-il du moins. Il faut en tout cas l’espérer, car c’est le programme santé que Xavier Bettel préconise au pays. Nous allons tous boire de l’huile de foie de morue.
A table, les enfants!
Non content d’user dans son discours (prononcé en anglais à l’occasion de la présence du vice-premier ministre irlandais, il aurait pu faire un effort et le dire en gaélique, mais bon…) jusqu’à la corde des métaphores gastronomiques à vous en filer une indigestion, Xavier Bettel ressasse tous les poncifs de la vulgate néolibérale. Ce n’est pas original, mais cela a l’avantage d’être clair. Et pour bien souligner son propos, afin que l’on comprenne bien à quel point il est aux affaires, il va, tout au long de son discours comparer le pays à une famille, avec des rôles bien répartis: les parents, c’est le gouvernement et les enfants… les citoyens, pardi! Même Jean-Claude Juncker, patriarche en chef, n’aurait pas osé.
Restons dans l’enfance: il faut « dire la vérité aux enfants » et « cesser de jouer à cache-cache ». En effet, Monsieur le Premier ministre: nous aurions bien aimé que vous cessiez de jouer à cache-cache et nous disiez clairement quels sacrifices à l’huile de foie de morue vous nous préparez. Le patronat devait être assez frustré: ce lundi, il ne lui a pas révélé « which things we will have to give up ». Le « we » dans ce cas est purement rhétorique: les membres de la Fedil ont certainement compris qu’il ne s’adressait pas à eux.
Le courage de se battre pour les puissants
Bettel n’a pas peur d’être un père de famille que les enfants, dans leur naïveté, trouveraient injuste. Ils ne s’en rendent pas encore compte, mais c’est pour leur bien. Il prendra des mesures impopulaires. Le mot « impopulaire » est ambigu: d’une part, ces mesures ne seront pas appréciées par le peuple. D’autre part, ce sont aussi des mesures qui, justement, n’ont rien de populaires, qui donc n’émanent ni de lui, ni ne seront en sa faveur.
Et c’est normal: ce nouveau gouvernement s’engage à lutter contre le « gaspillage ». Pendant trop longtemps, les parents ont été bien trop généreux avec leurs enfants gâtés-pourris.
Mais il ne suffit pas de leur faire avaler régulièrement de l’huile de foie de morue et de cesser de leur acheter tous les jouets qu’ils désirent, il faut aussi, dans ce grand mouvement de vérité, leur faire comprendre que la vie, ça va être très, très dur: « We should stop telling our children that everybody can become everything ». En clair: tout le monde aura la place qu’il mérite. Ou plutôt: tout le monde aura la place que le marché lui proposera.
Quand Bettel fait du Sarkozy
La rhétorique bettelienne ressemble à s’y méprendre à celle de Sarkozy: on justifie et prépare une société plus inégalitaire en jouant sur un pseudo bon sens commun. Vous voyez, le genre de phrases qui, à première vue, sonnent bien, paraissent logique, mais qui, en fin de compte, sont particulièrement perverses. Exemple tiré du discours de Bettel: « on ne peut pas empêcher un jeune de devenir mécanicien sous prétexte qu’il ne maîtrise pas les règles du subjonctif en français ». C’est vrai que ce serait un peu con. Sauf que même si notre système d’éducation actuel n’est pas très efficace, il n’a jamais exigé ce genre de choses de la part d’un apprenti mécano (et franchement, à part les profs de français, qui connaît vraiment ces règles?).
Le pseudo bon sens commun
Dernier « truc » de papa Bettel: parlant toujours des jeunes (donc les enfants des enfants), le chef du gouvernement se montre néanmoins magnanime. Après avoir demandé à son peuple puéril des larmes et du sang, il se dit prêt à aider « ceux qui veulent vraiment s’en sortir ». Faites très attention à cette phrase, elle va revenir très souvent. Elle va même imprégner la politique d’emploi du gouvernement. Car si le chômage augmente régulièrement au Luxembourg (nous en sommes maintenant à 7,1 %), c’est probablement que le nombre de personnes ne désirant pas vraiment « s’en sortir » augmente lui aussi… Il faudra donc voire qui, parmi ces chômeurs inscrits, « veut vraiment s’en sortir »… ça promet!
Apprendre de l’Irlande… et mourir
Mais bon, il suffit de faire de gros sacrifices et tout ira mieux. Et tiens, quel aubaine, vu que le discours est prononcé en présence d’Eamon Gilmore, le vice-premier ministre irlandais, on peut tirer un joli parallèle. Car l’Irlande, comme tout le monde le sait, avait été durement touchée au début de la crise financière. Et c’est uniquement grâce à d’énormes sacrifices (des millions de litres d’huile de foie de morue) qu’elle va à nouveau mieux. Bon, évidemment, il n’aurait peut-être pas été très courtois de déclarer à un représentant d’un gouvernement étranger que sa politique est nulle, mais ce n’est pas une raison non plus pour raconter n’importe quoi. Comme vous pourrez le lire dans cet article, la cure irlandaise a un prix élevé: augmentation de la TVA à 23 % (tiens, tiens!), abaissement des allocations familiales (re-tiens, tiens!), division par deux des allocations de chômage et triplement des frais de scolarité… Et pourtant, la dette publique ne cesse d’augmenter. Apparemment, l’huile de foie de morue n’a pas convenu aux enfants irlandais. Problème: selon Xavier Bettel, « This, dear Eamon, is a very sweet conclusion for Ireland, for the European Union and for the global economy ».
Indeed Xavier, this is very sweet!
Le pouvoir d’achat est un salami
Nous sommes en crise et il faut faire des économies. L’époque de l’arrosage à l’aveuglette est révolue. D’autant plus que nous Luxembourgeois et Luxembourgeoises, sommes les champions du monde des largesses sociales. Halte au gaspillage!
Ce genre de raisonnement n’est pas nouveau. Mais le nouveau gouvernement entend le mettre en musique concrètement. Deux idées s’entrechoquent: primo, celle qu’en temps de crise économique, il faut réduire les dépenses. Secundo, jouer sur la mauvaise conscience collective d’un gaspillage dont nous profiterions tous, mais qui doit avoir des limites.
Mais bon, tout n’est pas aussi facile.
Pour l’instant, il n’est pas encore très facile d’y voir clair dans les intentions de la coalition DP-LSAP-Gréng (allez, on arrête de l’appeler « Gambie », ce pays n’y est pour rien).
Pour l’instant, ils « calculent », ils « consultent ». Normal, direz-vous, la plupart des ministres sont nouveaux. Sauf que les administrations, elles, ne le sont pas. On va donc dire qu’ils doivent mettre un certains temps à faire passer des pilules antisociales. Et ça, ça ne s’improvise pas.
Le calcul des pilules amères
Une des rares chose qui vient d’être confirmée, c’est la hausse de la TVA, dont on sait qu’il s’agit d’un impôt injuste puisqu’il n’est pas progressif et que riche ou pauvre paie le montant. Pour un salaire de 2.000 euros, 50 euros valent plus que pour un salaire de 6.000 euros.
Aujourd’hui, nous apprenons par la voix du président du LSAP, Alex Bodry, que le taux d’imposition maximal (le fameux « Spëtzesteiersaz ») sera augmenté. C’est une nouvelle, car si ce point était bien présent dans le programme du LSAP, aussi bien le Premier ministre Xavier Bettel que la bourgmestre de la capitale et ancienne dirigeante du DP, Lydie Polfer, avaient assuré, en bons libéraux, que « l’impôt est du poison pour l’économie ».
Il se pourrait donc que les socialistes commencent à prendre conscience du caractère antisocial du gouvernement dans lequel ils se sont installés. Il fallait donc vite ramener un peu la barre à gauche. Cette mesure a-t-elle été discutée au sein de la coalition? Les socialistes font-ils pression sur le DP?
Le taux d’impôt maximal: la contrepartie?
Cette annonce tombe également à un moment où la ministre (libérale elle aussi) de la Famille, Corinne Cahen, commence elle aussi à dessiner des contours de sa politique sociale en matière de toutes sortes d’allocations. Difficile là aussi encore de dire avec exactitude jusqu’où le gouvernement veut aller. Ce matin encore, l’OGBL a publié un communiqué de presse conjoint avec le ministère suite à un premier échange de vues. Pour l’instant, la ministre ne cherche pas le conflit, se veut rassurante. L’OGBL ne semble pas trop alarmé mais reste sur ses gardes.
Toutefois, en matière d’allocations familiales, la ministre, comme on a pu l’entendre après les incessantes questions de Sascha Georges sur RTL (bonne interview, soit dit en passant!), tout indique qu’elles seront revues… à la baisse. La ministre a beau insister que l’on ne peut rien enlever à un enfant qui n’est « même pas encore en route » (puisque la nouvelle réglementation ne devrait entrer en vigueur qu’à partir du 1er janvier 2015), elle avoue donc que ce sera moins que s’il était né un an plus tôt.
Nous n’allons pas nous attarder dans cet article sur logique erronée qui impose de faire des économies en temps de crise, cela nous mènerait trop loin.
Si les socialistes réussissaient en effet à faire passer l’idée d’une augmentation du taux d’impôt maximal (encore faudrait-il savoir de combien), nous n’en sommes pas encore à plus de justice sociale. A quoi serviraient ces recettes supplémentaires? Prendre à celles et ceux qui ont plus (et il ne s’agit même pas encore des grandes sociétés qui réalisent d’énormes bénéfices), c’est très bien, mais à quoi bon si celles et ceux qui ont moins n’en profitent pas? La logique pourrait même être perverse: faire passer à la caisse ceux qui gagnent plus pour mieux justifier la mise à contribution des revenus plus modestes.
Prendre (un peu) aux riches pour mieux prendre aux pauvres
Mais il ne faut pas s’attendre du gouvernement qu’il fasse subir au pays au cure d’austérité brutale. Il passera « en douceur », mesurette après mesurette. Pour certains, l’augmentation de la TVA de deux points peut paraître supportable. Enfin, à mesure que vous gagnerez plus, vous la supporterez plus. Le gouvernement a beau être tout neuf, le ministre des Finances Pierre Gramegna n’est pas tombé de la dernière pluie. Ainsi, certains taux ne seront pas augmentés, comme le taux « super réduit », fixé à 3 %, et qui concerne notamment les biens à l’alimentation et les médicaments. L’augmentation de 2 % concernera donc le « taux réduit », qui passera de 6 à 8 % et qui concerne des biens tout aussi courants que l’électricité ou le chauffage, le coiffeur ou… les réparations de vélos (merci pour la mobilité douce). Finalement, le « taux médian » augmentera aussi, de 12 à 14 %: concernés sont des produits tels que les articles de ménage, mais aussi certaines boissons alcoolisées.
Ceci dit, il ne faudrait pas oublier un petit « détail »: une augmentation de la TVA, cela signifie une augmentation de l’inflation, puisque les prix augmenteront. Pas de problème, nous avons toujours l’index qui le compensera. Mais voilà, le nouvel index ne le compense plus complètement et d’autres manipulations sont à prévoir (ah, si seulement ce gouvernement était clair sur sa politique économique, il serait plus facile d’écrire cet article!).
Un peu + un peu + un peu, ça fait beaucoup
Il n’y a pas si longtemps, quelques mois auparavant, les tickets de bus ont été augmentés (passant à l’unité de 1,50 à 2 euros). Encore une petite augmentation. Certes, cette décision fut prise par le gouvernement précédent, mais rien n’indique que l’actuelle coalition n’aurait pas fait de même. Ces « légères » augmentations (transports publics, allocations familiales et autres aides, TVA, manipulation de l’index…), ne font que s’accumuler et contribuent à l’appauvrissement réel et graduel de la population, ainsi que de la baisse du pouvoir d’achat. Une accumulation d’impacts sur le pouvoir d’achat dont vous pourrez être certains que vous les ressentirez. Et encore, nous ne connaissons pas tout.
Empiffrez-vous!
C’est l’expression à la mode de la future coalition DP-LSAP-Verts: « Du poison pour notre économie ». Une expression que notre futur premier et ex-bourgmestre emploiera certainement plus d’une fois. Elle semble lui plaire. Mais de quoi parle-t-il au juste? De l’augmentation de l’impôt sur le capital, par exemple. Ou bien de la taxe sur les transactions financières, communément appelée Taxe Tobin. Du poison, du poison, du poison…
Il n’est pas trop difficile de comprendre l’économie libérale: impôts, pas bon. Pas d’impôts, c’est bon. Car voilà, les libéraux le savent et l’homme est ainsi fait: s’il n’a pas au-dessus de lui un bon patron, il ne saura rien faire de ses dix doigts. Et qui c’est qui donne du boulot? La patron, pardi!
Mais n’avez-vous pas remarqué que quelque chose cloche dans l’argumentaire des libéraux de toutes les sauces? Vous savez, ceux qui prétendent que les patrons, pardon, « les entrepreneurs », auraient besoin de beaucoup d’argent pour avoir envie de se lever le matin? Ne nous comprenez pas mal: nous ne parlons pas d’argent qui serait réinvesti dans la production. Non, nous parlons de ces fameux « incentives », comme disent grossièrement les amateurs de « business-globish« . Nous parlons money, argent, flouze, pépètes. Des grosses pépètes, hein. Pas les timbres annuels de la coopérative de Bonnevoie!
Etre nul ou être entrepreneur, il faut choisir!
Voilà comment marche le monde: pour commencer, il est divisé en deux. D’un côté, il y a nous. C’est-à-dire des gens qui ne savent pas prendre la moindre initiative. C’est à se demander d’ailleurs comment nous avons fait pour survivre jusqu’à présent. Si, d’accord, nous savons commander une baguette à la boulangerie. Nous savons aussi prendre un bus et connaissons ses horaires (enfin, notre ligne, faut pas charrier). Nous avons même réussi, pour la plupart d’entre nous, à décrocher au moins une fois dans notre misérable vie, un emploi. Et ensuite? Ensuite nous avons intérêt à nous réjouir de l’existence des « autres ».
Les « autres » ne sont pas comme nous. Ce sont les « entrepreneurs ». Ils entreprennent des trucs. Beaucoup de trucs. Des tonnes de trucs. C’est simple, quand ils ne peuvent pas entreprendre, ils dépriment, ils se morfondent, ils dépérissent. Le pire, c’est que tout le monde, c’est-à-dire nous lamentables amibes, en plus d’être de fichues feignasses assistées, nous sommes méchants. Nous ne supportons pas qu’ils entreprennent des trucs. Comment? En leur interdisant de faire des millions. Et ça, ça les déprime nos surhommes et surfemmes d’entrepreneurs.
Mais il y a une chose qui cloche: si nous les comprenons bien (nous lisons souvent le Paperjam), ces hommes et ces femmes ne connaissent qu’un seul carburant qui fasse fonctionner leur moteur: l’argent. C’est assez surprenant. Nous pensions naïvement que ces entrepreneurs avaient surtout envie d’innover, de faire des choses intéressantes, d’avoir la satisfaction de faire avancer la société. Oui, mais à condition de bien se remplir les poches.
Une question nous taraude. Imaginons qu’un revenu mensuel ne dépasse pas les 10.000 euros. 10.000 euros net, soyons généreux. A l’heure actuelle, un tel salaire serait tout à fait acceptable, non? Vous pourriez vivre avec cette idée? Il vous permettrait de devenir propriétaire de votre logement, votre voiture serait financée sans prêt, vous pourriez épargner sans pour autant vous priver d’un certain nombre de plaisirs de la vie. Même vos enfants, si vous en avez, ne devraient pas trop se faire de soucis. Comme des oeufs en gelée!
Imaginons ensuite que vous ayez une passion: la mécanique, la gastronomie, l’infographie… Avec un tel salaire bien assuré qui vous aura libéré des soucis matériels (le reste, c’est à vous de voir, mais vous pouvez encore vous payer un psy), qu’est-ce qui pourrait se mettre en travers de votre souhait d’entreprendre quelque chose en rapport avec votre passion? La banque me direz-vous. Certes, c’est la faille. Elle ne prête plus qu’aux riches (mais c’est un autre problème sur lequel Goosch reviendra). Mais admettons que vous arriviez encore à financer votre projet, ce qui n’est pas encore impossible. Laisseriez-vous tomber si les 100.000 euros net minimums (on a ajouté un zéro là!) ne tombent pas mensuellement? Allez-vous vous détourner de l’entreprise de votre passion car vous ne pourrez plus vous adonner à la construction d’architectures financières complexes qui vous permettront d’engranger des millions? Serez-vous démotivés?
Non? Oui? La réponse à ce psychotest primaire vous aidera à vous situer. A savoir si vous aimez entreprendre ou tout simplement profiter.
Loin de nous l’idée de vouloir moraliser. Ce n’est pas notre intention. Mais nous voulons savoir, en bon béotien que nous sommes, à quoi bon peuvent servir ces montagnes d’argent à votre disposition? Acheter non pas une, mais plusieurs maisons? Un jet privé? Une ribambelle de domestiques? Des tableaux de collection que vous ne regarderez jamais? Des jeunes femmes? Des jeunes hommes?
« La réponse à ce psychotest primaire vous aidera à vous situer. A savoir si vous aimez entreprendre ou tout simplement profiter. »
La question du capitalisme est aussi une question concrète, triviale. D’un côté une minorité qui ne sait plus quoi faire de tant de richesses, de l’autre une majorité en manque. Allons plus loin: savez-vous ce que sont les « snuff movies »? Si vous ne le savez pas, c’est que vous êtes soit sains d’esprit, soit mal informés (l’auteur est bien informé, rassurez-vous). Ces « films » réalisés clandestinement sont vendus à prix d’or. Pourquoi? Tout simplement car ils documentent le meurtre réel, souvent précédé de tortures ou de viols réels sur une personne toute aussi réelle. A ce qu’il paraît, ces films font un carton, notamment auprès de richissimes émirs du Golfe. La richesse ne conduit évidemment pas systématiquement, et c’est encore heureux, à de telles perversions. Mais l’existence de ces films indiquent que l’assouvissement complet de toute forme de désir ou de fantasme conduit à l’ennui et à la recherche de sensations fortes qui vont crescendo.
En 1989 était sorti le film trash-gore « Society » de Brian Yuzna (qu’il ne faut regarder qu’une fois votre digestion terminée) qui combinait les pires dépravations sur fond de lutte de classes: il y décrivait une secte de milliardaires de Beverly Hills, pratiquant des orgies littéralement monstrueuses lors desquelles ses membres, tous issus de l’oligarchie locale, dévoraient un pauvre type ou une pauvre fille. L’un d’entre eux lance d’ailleurs à un jeune ouvrier, le héros du film, lorsque ce dernier veut comprendre le pourquoi de ces rites horribles: « Tu n’as donc rien compris? Cela fait des siècles qu’on vous bouffe! »
Un peu de décence, voyons!
Le philosophe Jean-Claude Michéa explique que les « gens simples » font preuve, généralement, d’un sens de la décence plus développé que le haut du gratin. Non pas parce que les « gens simples » seraient par nature meilleurs que les très riches, mais tout simplement parce que la vie matériellement limitée vous pousse vers des valeurs de décence: savoir-vivre entre personnes car il faut pouvoir s’entre-aider au cas où, faculté d’apprécier des plaisirs plus abordables, tenter de respecter la parole donnée car rien ne vous est offert. C’est la « common decency » dont parlait George Orwell.
Faut-il lire de la philosophie pour se rendre compte de ces évidences? Des évidences que l’humanité a comprises depuis l’aube de la civilisation et sur lesquelles se sont fondées les plus grands courants religieux. Bouddhisme, christianisme ou islam: à leur manière, ils mettaient à l’ordre du jour la question du surplus d’argent, donc de pouvoir, comme élément de déliquescence de l’homme ou de la femme et, finalement, de la civilisation. Et même si l’oligarchie médiatique et économique feint de l’ignorer, ces évidences continuent à être comprises par tout le monde. Il suffit d’avoir un minimum de décence commune.