Faut –il réformer les hôpitaux au Luxembourg?
La question des structures hospitalières domine le débat de politique de santé au Grand-Duché depuis des années. Les pressions des congrégations religieuses, avides d’hégémonie, et des municipalités, intéressées à garder une pléthore d’emplois, ont fini par créer une situation de surcapacité à laquelle le gouvernement entend mettre fin en limitant le nombre de lits dans le cadre d’un plan hospitalier rigoureux, dont la mise en œuvre a été difficile dans le passé. En effet, l’État subventionne la construction et le maintien des installations pharaoniques, mais ne contrôle rien en termes de retombées sur la santé.
Il était donc grand temps de changer hardiment la gouvernance des hôpitaux en créant un conseil d’administration limitant le pouvoir de décision des médecins, qui décidaient dans une perspective marchande et inflationniste de l’acquisition d’équipements, leur permettant de multiplier les actes techniques et donc leurs revenus. La réforme mettra fin à ce type de conflit d’intérêt, qui a sapé le développement d’une médecine rationnelle et efficace depuis des lustres. L’opposition féroce de la corporation des médecins n’est donc pas une surprise.
Cependant, le fait que les hôpitaux sont organisés d’une façon peu efficace n’est pas la principale raison de la très faible performance du système de santé luxembourgeois, telle que mesurée par l’OCDE. Mais c’est plutôt le fait qu’ils conditionnent l’absence de structures adéquates de soins de santé primaires accessibles et pertinents, mais aussi de politique de prévention intervenant sur la santé de la population dans son ensemble.
L’hygiéniste allemand Max Von Pettenkofer s’était permis de démontrer ceci déjà en 1847 en comparant la santé de Munichois et de Londoniens et, à sa suite, une cohorte incroyable de travaux ont continué à apporter inlassablement les mêmes preuves , qui hélas , n’ont fait l’objet d’aucune ordonnance politique.
L’explosion des maladies non transmissibles comme le diabète, l’hypertension et les problèmes de santé mentale, tous liés et influencés par des déterminants sociaux et environnementaux, comme l’industrialisation de l’alimentation, imposent d’écarter les malades des lits hospitaliers, afin de les soigner dans des structures de proximité actives à long terme.
Certains syndicalistes ont peur de la nécessaire réduction des lits, car ils voient pointer derrière celle-ci des pertes d’emplois, comme si des structures de maisons médicales ne pourraient pas créer davantage d’emplois valorisants.
A défaut d’une réforme globale et profonde, créant un service national de santé se basant sur une médecine pluridisciplinaire et salariée, donnant la priorité à l’accès aux soins de base, cette énième réforme, malgré bien des aspects moralisants et positifs, représentera de nouveau l’application diligente du cautère sur la jambe de bois .