23-05-2014
TTIP: Nous sommes tous des populistes
Il y a comme un arrière-goût de 2005. Vous vous en souvenez certainement : cette année-là, il fallait ratifier ce fameux traité constitutionnel européen. Dans certains pays de l’Union européenne, dont le Luxembourg, la décision a été soumise à un référendum. On s’en souvient bien : la France et les Pays-Bas le rejetèrent. Au Luxembourg, le « oui » l’emporta certes, mais avec seulement 56 % des voix. « Seulement » car quelques mois auparavant, le gouvernement était persuadé qu’il allait passer comme une lettre à la poste. Et comme le « non » ne faisait que progresser dans les sondages, le Service information presse du gouvernement se vit même contraint de changer sa stratégie de communication – ce qui est étrange étant donné que la campagne gouvernementale se voulait neutre. Mais c’est encore une autre histoire…
TTIP – Constitution européenne, même(s) combats
Ce dont on se souvient, c’est la fracture énorme entre le « bas » et le « haut » : le « haut » plaidant pour le « oui », promettant monts et merveilles en cas d’adoption et enfer et damnation en cas de rejet. Tous les moyens leur étaient bons : tantôt les partisans étaient de sombres « populistes », les suivre faisant le jeu des « extrémismes », tantôt les électeurs n’étaient pas assez bien informés – donc idiots – et un « non » ne serait qu’un vaste malentendu, un problème de « communication ». Ou de « pédagogie » (littéralement « direction des enfants »). Pédagogie : ce mot est adoré par les partisans du « haut », qui révèlent ainsi leur attitude méprisante envers un peuple prié de se rendre sagement aux urnes à intervalles réguliers afin de mandater les « politiciens raisonnables » pétris de sagesse et d’omniscience (contrairement au peuple/enfant).
Ces demi-dieux entourés d’enfants
Les plus naïfs croyaient que le rejet de ce traité en 2005 aurait fait infléchir, du moins réfléchir, les dirigeants : plus de démocratie à l’avenir, plus de transparence, plus de participation. C’est mal connaître les demi-dieux qui nous gouvernent. Demi-dieux car eux-mêmes ne sont que les instruments des vrais dieux du capital et de la finance. Ces derniers, contrairement à Hercule ou Persée, sont moins visibles et ne se mêlent que rarement aux mortels.
Avec le TTIP, nos demi-dieux font face à un nouveau défi que les seigneurs juchés sur leur Olympe du capital leur ont concocté : défendez ce traité !
Et ils le font comme si 2005 n’avait jamais existé. Le même arsenal argumentaire est sorti :
Primo : « faites-nous confiance ». Il ne faudrait rien dramatiser, ce traité contient certes des zones d’ombres, des choses dont il faut se méfier, mais il contient également du positif. « Nous », vos dirigeants, nous engageons à ce que le positif prévale.
Secundo : « c’est très compliqué ». C’est bien que le peuple s’y intéresse disent-ils (comme s’ils avaient bougé le plus petit doigt pour qu’il s’y intéresse vraiment), mais attention, laissons faire les pros.
Tertio : « être contre, c’est du populisme ». C’est l’argument-massue (qui fonctionne d’ailleurs de moins en moins). Etre contre ce traité est forcément extrémiste, la preuve, ceux qui le défendent sont de sages et responsables « centristes » de gauche et de droite.
„Au secours! Les populistes sont partout!“
Le problème avec les soi-disant populistes, c’est qu’ils deviennent nombreux. Au Luxembourg, alors que l’on aurait pu attendre de nos sages dirigeants qu’ils informent à temps le peuple de ce traité, ce sont de modestes partis comme déi Lénk qui l’ont popularisé (même Goosch !) et, pour être honnête, certains membres des Verts, dont leur eurodéputé Claude Turmes. Ensuite, c’est une vaste coalition comptant les plus grandes organisations du pays qui a demandé l’arrêt pur et simple des négociations : OGBL, LCGB, FNCTTFEL, Syprolux, Aleba, Bio-Lëtzebuerg, Caritas, Greenpeace, Mouvement écologique, Jeunes agriculteurs et jeunes viticulteurs, l’Union des consommateurs, Cercle de coopération des ONG. Sans oublier le comité Stop Tafta (dont l’ancien député vert Jean Huss s’est fait le porte-parole).
Autisme politique
Nous le voyons : cette coalition est loin d’être formée par une armée de bolcheviks. Cela pourrait en faire réfléchir certains. Mais non : hier encore, le secrétaire général du LSAP, Yves Cruchten, estimait, sur facebook, que les opposants à ce traité ne feraient que dans le « populisme et sèmeraient la panique ». Le problème pour le secrétaire général, c’est que ces « populistes » se trouvent dans son propre parti. Ce que d’ailleurs l’échevin eschois Dan Codello lui a fait remarquer amèrement (une semaine auparavant, le conseil communal eschois avait adopté une motion demandant l’arrêt des négociations, que Codello avait voté, tout comme l’autre échevin Henri Hinterscheid et la bourgmestre Vera Spautz).
Mais, en vérité, n’est-il pas démagogique de taxer tout le monde de populiste ? N’est-il pas démagogique, comme le font certains, de confondre (consciemment ?) le principe du commerce à celui du libre-échange (être contre ce traité reviendrait à rejeter en bloc le principe du commerce, dixit Robert Goebbels) ?
Et la direction du LSAP (qu’il faut distinguer de sa base), ses candidats au parlement européen et sa fraction parlementaire ne devraient-ils pas se demander qui est sur la mauvaise voie ? Car les tenants du TTIP ne sont pas ce que l’on fait de plus progressiste : le CSV, le DP, l’ADR. Sans parler de la commission Barroso, du gouvernement à Washington et… des multinationales ?
La direction du LSAP est à plaindre. Elle est en effet entourée de populistes : le populiste Jean-Claude Reding, la populiste Blanche Weber, le populiste Armand Drews, le populiste Claude Turmes, le populiste André Hoffmann, la populiste Marie-Josée Jacobs, les populistes au sein du LSAP… La liste des populistes est longue. En fait, il vaudrait mieux pour les dirigeants socialistes d’élire un nouveau peuple. Car on ne peut décemment plus gouverner un peuple de populistes.
15-05-2014
Waffenhandel unterbinden … und Rüstungsindustrie unterstützen?
„Entweder wir schaffen die Rüstung ab, oder die Rüstung schafft uns ab“ – zitierte ich den evangelischen Theologen und Sozialisten Helmut Gollwitzer am Dienstag, den 13. Mai 2014 anlässlich der parlamentarischen Debatten zur Ratifizierung der Konvention über die Kontrolle des Handels mit konventionellen Waffen. Es ist nicht mit Worten zu fassen, was mit Waffen, Krieg und Rüstung an Leid und Unrecht in dieser Welt getan wird. Umso wichtiger ist es zu handeln, so wie Millionen von Leuten und Friedensaktivisten dies seit einem Jahrhundert tun! „Frieden, Brot und Freiheit“ waren die Basis für die Gründung der freien Gewerkschaften zu Anfang des vergangenen Jahrhunderts; diese Forderung ist heute aktueller denn je.
Im 20. Jahrhundert wurden 100 bis 150 Millionen Menschen durch Waffen und Krieg umgebracht. 2013 war das Jahr, in dem es weltweit die meisten Kriege gab, rund 34 – nicht Kriege von Ländern gegen andere Länder – aber Kriege, die Menschen töteten und die stattfanden um Waffen zu verkaufen, zu benutzen und neue zu produzieren. „Ich bin nicht sicher, mit welchen Waffen der dritte Weltkrieg ausgetragen wird, aber im vierten Weltkrieg werden sie mit Stöcken und Steinen kämpfen.“ – so Albert Einstein.
Unter dem Druck der Friedensbewegung
Die ersten Versuche einer Konvention über den Handel mit Waffen auszuhandeln ist während der Jahren 2006 bis 2009 am Widerstand der USA, der Waffen- und Rüstungsindustrie gescheitert. Erst 2013 konnte, unter dem Druck der Friedensbewegung, insbesondere von Amnesty International und Oxfam, eine Konvention über die Kontrolle des Waffenhandels ausgehandelt und unterzeichnet werden. Am 2. April 2013 wurde das Abkommen von der UNO-Generalversammlung mit 154 zu 3 Stimmen bei 23 Enthaltungen verabschiedet und wird nach Ratifizierung durch 50 UN-Mitgliedsstaaten in Kraft treten. 118 Regierungen haben es bereits unterzeichnet, davon 31 auch ratifiziert (Stand: Mai 2014), darunter seit Dienstag auch Luxemburg.
Diese Konvention sieht zwar nicht die Abschaffung der Kriegs- und Waffenindustrie vor, die internationale Kontrolle des Handels konventioneller Waffen ist aber ein kleiner, längst fälliger Schritt auf einem langen Weg. Dabei zeigt sich, dass der Druck der internationalen Gemeinschaft sich auszahlt und dass internationales Engagement und Einsatz etwas bewegen können. Natürlich unterstützen wir diese Konvention.
Rüstungskonzerne nach Luxemburg!
Wir sind aber auch der Meinung, dass man nicht bei diesem Abkommen, das noch zahlreiche Schlupflöcher enthält, stehen bleiben kann. Jetzt schon gibt es in vielen Ländern, auch in Luxemburg, Gesetze, die weiter gehen, als das die vorliegende Konvention. Ob sich immer an diese Gesetze und Abkommen gehalten wird, ist fragwürdig. So hatte déi Lénk vor einigen Jahren durch ihren damaligen Abgeordneten André Hoffmann darauf hingewiesen, dass die hiesigen Rentenfonds – der Fonds de Compensation – in Firmen investieren, die Streubomben herstellen. Diese Praxis, die durch die „Oslo-Konvention“ ausdrücklich verboten ist, führte zu einer allgemeinen Entrüstung in Luxemburg und wurde daraufhin geändert. Unsere Entrüstung war ebenso groß, als wir im Januar 2014 lasen, dass die neue luxemburgische Regierung vorhat, aus steuerlichen Gründen, die europäische Zentrale der chinesischen CASIC, einem der größten Rüstungsunternehmen der Welt, in Luxemburg anzusiedeln.
CASIC ist uns aus zwei Gründen bekannt: erstens, weil eine ihrer Tochterfirmen, die IEE, die in Echternach elektronische Sensoren herstellt, übernommen hat, und zweitens, weil es sich bei CASIC, der „China Aerospace Science and Industry Corporation“, um einen chinesischen Zusammenschluss von Rüstungskonzernen handelt. CASIC ist einer der weltweit größten Waffenproduzenten und Hersteller von Massenvernichtungswaffen und produziert ebenso unbemannte Kriegsdohnen, wie Cruise missiles und Bodenraketen.
Nicht sicher?
Man kann nicht vorgeben, sich dem Handel mit Waffen, der Waffen- und Rüstungsindustrie entgegen stellen zu wollen, und gleichzeitig einen solchen Konzern nach Luxemburg holen. Deswegen brachten déi Lénk am Dienstag, bei der Ratifizierung der Konvention zur Kontrolle des Waffenhandels, einen Antrag in der Abgeordnetenkammer ein, der verlangt, dass die luxemburgische Regierung keine weiteren Schritte mehr unternehmen soll, um die europäische Zentrale von CASIC in Luxemburg anzusiedeln. Damit ist keineswegs gemeint, dass man die IEE in Echternach schließen soll; diese ist nicht in der Waffenproduktion aktiv. Die Bestrebungen jedoch, die europäische Zentrale des chinesischen Rüstungskonzerns CASIC – mit Steuervorteilen – nach Luxemburg zu locken, sind definitiv das falsche Signal im Kampf gegen Aufrüstung und Kriegsindustrie. Wir sollten vielmehr klarstellen, dass wir solche Rüstungsunternehmen nicht in Luxemburg ansiedeln wollen; dies ist Sinn und Zweck unseres Antrages.
Sichtlich geniert hielt Außenminister Jean Asselborn dem entgegen, dass er nicht sicher sei, ob es sich bei dem chinesischen Unternehmen CASIC tatsächlich um einen Rüstungskonzern handele; er kenne die Firma lediglich als im Bereich der Raum- und Luftfahrt angesiedelt und stufe sie deswegen nicht als Rüstungskonzern ein. Marc Angel, als außenpolitischer Sprecher der LSAP, schließt sich den Worten Asselborns an, indem er zu bedenken gibt, dass nicht jede Firma der Luftfahrt automatisch ein Waffenkonzern sein muss…
Welch Heuchelei!
Ich wies nach diesen Einwänden darauf hin, dass die Internetseite der Firma keinen Zweifel daran lässt, dass es sich um einen Rüstungskonzern handelt. Auf deren Homepage wird mit Cruise missiles und andere Waffensystemen geworben. Ich schlug vor, dass der Antrag, im Falle von Zweifeln, an die zuständige Kommission weitergegeben wird, wo die Fakten überprüft werden können, und anschließend auf den Antrag zurückkommen.
An einer derartigen Überprüfung der Fakten zeigte die Parlamentsmehrheit jedoch kein Interesse und stimmte den Antrag mit 2 Für- und 58 Gegenstimmen unter dem Motto „Geld stinkt nicht“ unter den Tisch!
Solch eine Heuchelei; shame on you!
28-04-2014
Kriegserklärung an den Sozialstaat
Am 25. April haben sich rund 17.000 Schüler und Studenten, zusammen mit sich solidarisierenden Lohnabhängigen, Eltern, Rentnern, zusammengefunden, um gegen die geplanten Kürzungen der Studienbeihilfen zu streiken. Zum ersten Mal seit Jahren waren Luxemburgs Straßen gefüllt mit jungen Menschen, die sich gegen ihnen zugefügte Ungerechtigkeiten zur Wehr setzen wollen.
Initiiert wurde der Streik von der UNEL, der luxemburgischen Studentengewerkschaft, die schon den Streik gegen das Gesetzesprojekt 5611 auf die Beine gestellt hatte, zusammen mit dem Theater- und Filmkollektiv Richtung 22. Den Aufruf zum Streik unterstützten auch diverse andere Jugendorganisationen, wie die Jonk Lénk, die Jeunesse Communiste, die Luxembourg University Students’ Organization und andere. Solidarisch erklärten sich aber auch die Gewerkschaften und eine einzige in der Abgeordnetenkammer vertretene Partei – déi Lénk. Gegen dieses breit aufgestellte Bündnis stellten sich die Regierungsparteien und zwei ihrer Jugendorganisationen.
Ein breites Bündnis
In trauter Zweisamkeit lehnten die Jeunesse Démocrate et Libérale und jonk Gréng den Streik ab und forderten, stattdessen den Dialog mit Bildungsminister Meisch zu suchen. Bei den Jungliberalen mag dies nicht verwundern, da sich diese offen dazu bekennen, wirtschaftsliberale Prinzipien zu vertreten und den Sozialabbau offensiv fordern. Dass die jonk Gréng, die immerhin doch die Kritik des Streikkomitees an den geplanten Kürzungen der Studienbeihilfen teilen, aber dazu aufrufen, am Streik nicht teilzunehmen und stattdessen den Dialog zu suchen, verwundert doch angesichts ihrer Beteiligung am Schülerstreik von 2006 sehr.
Obwohl Meisch es ablehnt, von der Grundausrichtung des Gesetzestextes abzuweichen, schwärmen die jonk Gréng von der „Dialogbereitschaft“ des Ministers. Damit sind sie also in ihrer Vorgehensweise – wenn man es gut meint – naiver oder – wenn man ihnen böse Absichten unterstellen möchte – opportunistischer als die Jusos, die den Streik unterstützten.
Die jonk Gréng: naiv oder opportunistisch?
Tatsächlich ist der Dialog gescheitert. Deswegen wurde gestreikt. Die Regierung will nicht von ihrem Vorhaben abweichen, 40% bei den Studienbeihilfen einsparen zu wollen – und die vom Streikkomitee getragenen Forderungen sind mit solch drastischen Sparmaßnahmen nicht mehr durchführbar.
Meischs Reform aber sehr wohl; diese sieht vor, den Studenten eine Basiszuwendung von 2000 Euro im Jahr zu gewähren – dazu kommt ein sozial gestaffelter Anteil von 2500 im Jahr und eine Mobilitätszuwendung von 2000, die jedem zusteht, der im Ausland studiert.
(Auf das Bild klicken – Quelle: streik.lu)
Die Streikenden aber fordern, die Basiszuwendung auf 4000 zu erhöhen, die Mobilitätszuwendung daran zu knüpfen, dass man Miete zahlen muss und beim sozialen Anteil der Studienbeihilfen auch die Anzahl der Kinder eines Haushaltes mit zu berücksichtigen. Dass dies mit den liberalen Sparmaßnahmen nicht zu finanzieren ist, sollte klar sein. Solange diese also nicht rückgängig gemacht werden, kann es zu keinem weiteren Dialog kommen, da sich an der Reform nicht viel verändern ließe.
Der Konflikt ist noch nicht beigelegt
Die Regierung sollte sich diese Sparmaßnahmen also ganz gut überlegen. Denn wie man an den 17.000 streikenden Schülern und Studenten sehen kann, sind diese durchaus dazu bereit, für ihre Studienbeihilfen zu kämpfen. Und wer arroganterweise meint, all die Streikenden hätten „keine Ahnung“, wofür sie streikten, stellt damit nur die eigene Ignoranz unter Beweis.
Auch wenn nicht jeder einzelne der empörten jungen Menschen die geplante Reform im Detail kennt, so zeigte sich doch, dass unter den Streikenden der überwältigende Konsens vorherrschte, dass bei der Bildung und bei den Studienbeihilfen nicht gespart werden darf und der Sozialstaat den Menschen ihr Studium ermöglichen müsse, auch wenn sie nicht das Glück haben, zur großherzoglichen Familie zu gehören.
Viel Kritik erfuhren die Organisatoren des Streiks auch aufgrund ihres Sprachgebrauchs; so sei es „polemisch“, zu behaupten, Meisch habe den Schülern und Studenten den Krieg erklärt. Natürlich ist das nicht ganz richtig: Die ganze Regierung, inklusive der LSAP und déi Gréng, hat nicht nur den Schülern, sondern dem Sozialstaat, und damit Schülern, Studenten, Rentnern, Lohnempfängern und Arbeitssuchenden gleichermaßen, den Krieg erklärt. Und diese lassen sich das nicht länger gefallen.
25-04-2014
Vent nouveau ou avis de tempête?
C’est assez étonnant. Le gouvernement DP-LSAP-Gréng avait promis de changer la société luxembourgeoise, de la faire bouger. Cinq mois à peine depuis son installation, il y parvient. Mais probablement pas de la manière qu’il avait souhaitée. Aujourd’hui encore, il a réussi à faire bouger les élèves et les étudiants (un article suivra). Contrairement à ce que certains pourraient penser, les élèves ne font pas grève si facilement. Les mobilisations de masse ne sont jamais sans fondement. Le ministre de l’Education nationale a fait de la pédagogie sans le vouloir : une grève lycéenne et estudiantine est plus formatrice que cent heures d’instruction civique.
En vérité, le gouvernement tout entier fait de la pédagogie politique sans le vouloir. Fini le brouillage idéologique à la Juncker qui savait parler aux petits mais entendait les grands. Le gouvernement actuel parle aux grands, n’écoute qu’eux et n’entend rien d’autre. Claude Meisch est sincère lorsqu’il se dit étonné de la virulence avec laquelle les étudiants ont réagi à sa proposition de réforme des aides financières. A l’instar de bon nombre de ses amis de la coalition, il ne comprend pas où le bât blesse.
Ils ne comprennent pas qu’ils ne comprennent pas
L’autisme politique va très loin. Le gouvernement Bettel-Schneider-Braz part du postulat suivant : en temps de crise, les gens « comprennent » la nécessité de faire des économies. S’y rajoute la conviction que les Luxembourgeois, habitués ces dernières décennies à un rythme de vie confortable, seraient conscients qu’il faille le réduire. De plus, ce gouvernement s’en espère les lauriers du courage politique.
Ce que ce gouvernement ne comprend pas, c’est que tout le monde ne pense pas comme lui. Au moins depuis 2008, depuis l’éclatement de la grande crise du capitalisme, il y a une prise de conscience que les difficultés que nous traversons ne sont pas dues à des dépenses publiques ou un pouvoir étatique exagérés. Car le contraire est vrai. LehmanBrothers, Goldmann & Sachs, etc… sont des noms que l’on ne doit même plus expliquer (d’ailleurs, nous n’allons même pas y ajouter d’hyperlien pour le coup, puisque vous savez ce dont il s’agit).
C’est même entré dans la culture populaire : The Wolf of Wallstreet a explosé les box-office. Moins populaire, mais qui fait tout autant de bruit : le livre de l’économiste Thomas Piketty, « Le capital au 21ème siècle », relate méthodiquementque le capitalisme génère les inégalités sociales (pour ceux qui en doutaient encore). La nouvelle est moins spectaculaire que le travail fourni, mais la réputation de « sérieux » de Piketty a le mérite de faire réfléchir jusqu’au centre-gauche.
The wolves of Wallstreet
A moins qu’il ne change fondamentalement de cap, ce gouvernement est voué à l’échec. La première raison est fondamentale : jamais, nulle part, une politique libérale d’austérité n’a relancé la machine économique d’un pays (et certainement pas dans un contexte de récession) et certainement pas au profit des travailleurs. Parfois, les libéraux ont dû recourir à la manière forte, en imposant ces mesures en s’appuyant sur les militaires, comme ce fut le cas en Amérique latine.
Deuxièmement : ce gouvernement, le DP particulièrement, ne peut pas revenir sur ce cap, car il n’y survivrait pas. Le DP, à la différence du LSAP, n’est pas du genre à se renier. Après tout, c’est sa « classe », sa « clientèle », son idéologie, qui domine la politique. C’est le paradoxe des libéraux : cette famille politique a beau être marginale au niveau européen, c’est son idéologie qui imprègne la politique.
Les deux autres grandes familles politiques européennes, sociaux-démocrates et chrétien-démocrates, n’ont fait que s’y adapter. Dans une interview parue dans le woxx d’aujourd’hui, le secrétaire général des JDL (Jeunesse démocratique et libérale) se félicite même, à juste titre, de la disproportion de l’influence de sa famille politique, revendiquant par exemple la paternité de TAFTA.
Il sera donc intéressant de voir jusqu’où les socialistes et les Verts pourront survivre à cette coalition. Surtout les socialistes, qui doivent commencer à se rendre compte que si le CSV leur faisait avaler des couleuvres, le DP leur sert des vipères. La différence entre les deux espèces étant que les vipères, à la différence des couleuvres, sont venimeuses.
Après les couleuvres, les vipères!
Cela ne fait pas cinq ans mais cinq mois que le DP – pardon, le gouvernement – est au pouvoir. Et on ne peut pas lui reprocher d’être inactif. Déjà, presque tous les domaines de la politique sont marqués au fer bleu. Réalisations, projets ou simples ballons d’essais retirés prématurément (ou provisoirement), l’idéologie libérale domine :
C’est naturellement le cas des aides financière pour étudiants, point sur lequel nous n’avons pas besoin de revenir, dont la finalité est la réduction des dépenses. Mais les enseignants non plus ne sont pas épargnés, avec la tentative du ministre d’abolir la « décharge pour ancienneté ».
Le monde universitaire lui aussi est ébranlé : la réduction de l’allocation de l’Etat à l’Université du Luxembourg a même fait sortir le pourtant très libéral recteur Rolf Tarrach de sa réserve, qui ne sait pas comment l’Université pourra se financer correctement, allant jusqu’à se voir obligé de repousser le déménagement à Belval aux calendes grecques.
Pour rester dans l’immatériel, le monde culturel et scientifique en prend pour son grade : l’annulation de l’exposition sur le Luxembourg pendant la Première Guerre mondiale a provoqué l’indignation d’un milieu académique pourtant plutôt sage.
Dans la foulée, la ministre de la Culture annonce également qu’elle met à plat la politique de subvention des associations culturelles. A froid, sans concertation, et en plongeant beaucoup d’associations dans des difficultés de planification.
Redevenons matériels : la hausse de la TVA, qui grèvera en moyenne le budget personnel annuel par de 480 euros, du smicard au milliardaire (très peu de « sélectivité sociale » pour le coup).
Très matérielle est également la réforme des prestations familiales. Après les déclarations de la ministre de tutelle, en tout début de mandat, qui ont laissé entendre là aussi une réduction, on n’en entend plus rien. Le gouvernement a peut-être compris qu’il ne fallait pas trop charger la mule. Mais ce n’est que partie remise.
Ce n’était peut-être qu’un ballon d’essai, il a éclaté, mais, comme on dit, c’est l’intention qui compte : L’introduction des intérêts notionnels a finalement été laissé tomber. Cette mesure n’avait pas bénéficié d’une grande publicité de la part du gouvernement, et pour cause. Il fallut que l’ancien Premier ministre, qui n’est pas un novice en la matière, la dévoilât pour provoquer une levée de boucliers tous azimuts. Pendant ce temps toutefois, le gouvernement se tait sur la pratique très problématique du « Ruling », c’est-à-dire des petits arrangements entre le fisc luxembourgeois et des investisseurs potentiels. Oui, c’est une pratique très sélective, à défaut d’être sociale.
Et puis il y a le chômage. Le ministre de l’Emploi, Nicolas Schmit, a annoncé une réforme des critères d’octroi du chômage. En clair, les chômeurs seront soumis à un nouveau régime, plus restrictif, plus serré. Ça sent très fort le « Hartz IV », la réforme-phare de Gerhard Schröder, dont le succès n’est vanté que par les milieux patronaux, mais qui a coûté au chancelier social-démocrate son poste.
Mais Bruxelles est contente!
Que faudra-t-il encore ajouter (ou retrancher) à cette liste ? L’ancien président du LSAP Alex Bodry, qui, sentant vite que cette politique peut tourner au vinaigre, avait rappelé la revendication socialiste de l’introduction d’un « impôt pour les riches » (« Räichesteier ») – en fait une légère augmentation du taux maximal d’imposition. Elle n’a pas été entendue par Xavier Bettel, qui considère toute imposition sur les revenus plus importants comme du « poison ». Bodry est l’un des rares dirigeants socialistes à connaître la raison d’être de son parti. Mais ce qui n’est pas le cas de son successeur.
Il serait faux de penser que personne ne comprend la politique du gouvernement. Les agences de notation la comprennent très bien. Le Luxembourg gardera son « triple A ». Cette bonne note n’est pas décernée aux Etats qui « gèrent bien », mais à ceux qui satisfont aux exigences des marchés financiers et spéculateurs en tous genres. Après tout, ces agences leur appartiennent. Et ce sont eux également qui dictent leur politique à la Commission de Bruxelles, des trucs du genre « Pacte de stabilité ». Alors, à chaque fois, comme ce fut le cas cette semaine lors des débats budgétaires, que l’ultralibéral ministre des Finances Pierre Gramegna se félicite de recevoir un sucre à croquer de Moody’s ou une caresse de Bruxelles, il faut se méfier.
04-04-2014
Municipales en France: le Front de Gauche face aux droites
Les élections municipales des 23 et 30 juin ont constitué le premier test électoral à l’échelle nationale depuis l’élection présidentielle de 2012. Pour François Hollande et le Parti socialiste, les résultats ont été sans appel. Globalement, les électeurs se sont servis de ces élections pour sanctionner. C’était la facture pour deux ans de promesses abandonnées et un tournant de plus en plus net vers une politique néolibérale.
Pour une partie importante de l’électorat, cette sanction s’exprimait par l’abstention (38% au premier tour, 36% au deuxième). Il est clair que ce sont surtout les électeurs de gauche qui se sont abstenus : dans les banlieues populaires de la région parisienne le taux d’abstention dépassait les 40%, et parfois les 50%.
Le premier tour marquait déjà un sérieux revers pour la gauche. On aurait pu penser que pour le deuxième tour il y aurait un sursaut, une mobilisation des électeurs de gauche. A quelques exceptions locales près, ce ne fut pas le cas. En fait, le deuxième tour était pire que le premier: c’était la plus grosse défaite de la gauche dans ce type d’élection de l’histoire de la Ve République. La gauche a perdu 151 villes de plus de 10.000 habitants, l’UMP en a gagné 142.
Colossale raclée du PS
Parmi les villes perdues par la gauche on trouve Toulouse, Angers, Amiens, Saint-Etienne et même Limoges, ville ancrée à gauche depuis un siècle. Il y a bien sûr des rescapés. La gauche garde Paris, Lyon, Strasbourg, Nantes et Lille (mais en perdant Roubaix et Tourcoing dans l’agglomération). Certaines de ces résultats s’expliquent sans doute par de bons bilans municipaux. Mais globalement, à l’issue de ces élections, le bloc de droite autour de l’UMP se trouvait avec 13,84 millions de voix contre 11,38 pour le bloc PS et alliés.
Les forces situées à gauche du PS ont mieux résisté, mais elles sont loin d’avoir été épargnées. Un des points marquants de ces élections était le manque de visibilité du Front de gauche en tant que force politique nationale. La raison principale en était certainement la décision du PCF d’aller à ce scrutin en alliance avec le PS dans un nombre important de villes, avec notamment le cas emblématique de Paris. Il est difficile à donner un chiffre avec exactitude pour les résultats du Front de gauche.
A gauche de la gauche: le handicap de la division
Mais en prenant les listes comprenant tout ou une partie des composants du FDG, qu’elles soient intitulées PCF, FDG, PG ou autre, on arrive a un million de voix. D’après une analyse du journal Le Monde, ces listes ont fait en moyenne 10,7% dans les villes où elles étaient présentes. Ce chiffre recouvre de grandes inégalités entre les villes. En particulier les listes étiquetés PCF ont fait de meilleurs scores (24,97% en moyenne) que ceux étiquetés Front de gauche (9,32%) ou PG (6,04%).
Dans ces élections, le PCF a pourtant perdu un quart de ses conseillers municipaux, sans qu’on puisse dire pour l’instant combien ont été perdus en alliance avec le PS et combien dans des listes autonomes. Il perd aussi 48 villes mais en gagne 12. Parmi les pertes, certaines sont douloureuses. En Seine-Saint-Denis, au cœur de ce qui était la banlieue rouge, le PCF perd Bobigny, Blanc-Mesnil et Saint-Ouen. Mais des listes FG regagnent deux des villes les plus importantes du département, perdues en 2008, Aubervilliers et Montreuil.
Des résultats difficilement déchiffrables
Et à Saint-Denis, la liste du maire sortant (PCF-FG) bat de justesse une liste PS qui s’était maintenue et a certainement profité des voix venant des listes de droite éliminées au premier tour. Le résultat de Grenoble mérite d’être noté particulièrement. Dans un certain nombre de villes le PG a cherché à nouer des alliances avec des Verts. A Grenoble il y a eu en effet une liste EELV-PG-Ensemble (un autre composant du FG). Arrivée devant la liste PS (soutenu par le PCF de la ville) au premier tour, cette liste a remporté la mairie au deuxième.
Pas la déroute donc, mais on ne peut certainement pas dire que le Front de gauche ait tiré profit de la débandade du PS ni qu’il soit apparu comme une force politique nationale dans ces élections. L’heure des bilans va sonner, pour le FG et pour chacune de ces composantes. Mais sans doute pas tout de suite. Car la campagne des européennes commence déjà. Elle s’annonce compliquée.
Au niveau national et dans les villes où le PCF est parti avec le PS et où d’autres composantes du FG ont présenté une liste autonome, les relations sont tendues. Et à sept semaines du scrutin du 25 mai, les listes Front de gauche ne sont toujours pas bouclées.
Marche ardue vers les européennes
Si le grand vainqueur de ces élections a été la droite traditionnelle, nous avons aussi assisté à une progression du Front national. Il est inutile de le nier, comme certains à gauche semblent tentés de le faire. Par exemple, il est vrai que le nombre de villes où le FN a présenté des listes, autour de 600, est le même nombre que le Front de gauche. Mais avec ces listes, dans des villes bien ciblées, il a ramassé 1,7 millions de voix.
Et il a pris une douzaine de villes, davantage que dans n’importe quelles élections municipales jusqu’ici. La plus grosse prise a été le 7e secteur de Marseille, avec une population de 155.000 habitants, qui sera dorénavant dirigé par un maire et un conseil FN.
Bien qu’il soit vrai qu’une bonne partie des voix du FN vienne d’électeurs de la droite, il faut aussi reconnaître qu’une partie vient des couches populaires. Et les élections européennes vont lui donner l’occasion de se présenter partout, les sondages le mettant devant le PS, avec même la possibilité qu’il émerge comme premier parti en France.
Alors qu’il est évident que les électeurs de gauche ont déserté le PS à cause de sa politique néolibérale, la réponse d’Hollande indique plutôt qu’il va accentuer son cours actuel. En nommant Manuel Valls comme Premier ministre, il a choisi le dirigeant du PS le plus droitier, non seulement par sa politique sécuritaire en tant que Ministre de l’Intérieur depuis deux ans, mais aussi sur les questions économiques et sociales.
On ne change pas une stratégie qui perd
Valls ne cache pas son admiration pour Tony Blair et sa nomination a ravi les cercles financiers internationaux. Au PS, c’est moins sûr. Aux primaires, pour la nomination présidentielle en 2011, il a fait 6%. Déjà, sa nomination a provoqué une crise chez les Verts d’EELV. Alors que les parlementaires du parti voulaient rester au gouvernement, le bureau exécutif a voté contre. Au PS, même l’opposition à la politique d’Hollande monte.
Le courant « Maintenant la gauche » a envoyé une lettre ouverte à Hollande pour exiger un changement de cap et « un tournant économique majeur », signé par plusieurs membres du Bureau national du PS et par Paul Quilès, ancien ministre de François Mitterrand. Il semble clair qu’un certain nombre de députés PS vont refuser d’accorder la confiance à Valls, en votant contre ou en s’abstenant. Quant au groupe parlementaire FG, il votera contre.
Hollande/Valls: à droite toute!
A un moment où le cours droitier d’Hollande s’accentue, il est important que le Front de gauche tisse des liens avec la gauche du PS et des Verts et qu’il réapparaisse comme force politique nationale. Une grande manifestation contre la politique d’Hollande aura lieu à Paris le 12 avril, soutenu par le Front de gauche mais aussi par le NPA et d’autres forces et par de nombreux responsables syndicaux.
C’est bien, c’est nécessaire. Mais c’est aussi nécessaire que le pôle politique représenté par le Front de gauche dans une série d’élections de 2009 à 2012 se manifeste de nouveau par une bonne campagne et un bon résultat aux élections européennes. Ce n’est vraiment pas le moment de laisser prévaloir les ressentiments de la campagne des municipales ou de se chamailler sur des têtes de liste.
20-03-2014
Europa und DIE LINKE
Auf dem Parteitag von „DIE LINKE“ wurde Gabi Zimmer mit deutlicher Mehrheit zur EU-Spitzenkandidatin gewählt. Im Vorhinein gab es innerhalb der Linken heftige Debatten über den Europa-Kurs der Partei. Die Vorsitzende der europäischen Linksfraktion über die EU-Skepsis ihrer Partei, Alternativen zur Schuldenpolitik und die Möglichkeiten einer sozialen Europäischen Union.
woxx: Im Vorfeld Ihres Parteitags gab es innerhalb der Linken heftige Debatten über den Europa-Kurs der Partei, insbesondere ihre Haltung zur EU. In der Endfassung des Programms ist die Passage, die EU sei „neoliberal, militaristisch und weithin undemokratisch“, nicht mehr enthalten. Was ist an dem Urteil falsch, die EU mache eine neoliberale Politik? Wie würden Sie die sogenannte „Rettungspolitik“ gegenüber Griechenland, Portugal, Spanien bezeichnen?
Gabi Zimmer: Die Debatte, die wir innerhalb der Linken in Deutschland führen, ist im Grunde ein Spiegelbild der öffentlichen Diskussion. Viele Menschen empfinden die EU aufgrund der europäischen Politik der letzten Jahre als äußerst problematisch, und niemand bestreitet, dass die EU in den letzten Jahren eine sehr neoliberale Politik betrieben hat. Die inhaltliche Auseinandersetzung ging um die Frage: inwieweit ist die EU alleine die Adressatin und reicht es aus, zu sagen, die EU ist neoliberal, militaristisch und undemokratisch? Wenn das alles ist, was wir zur EU sagen können, dann fragen sich die Menschen, weshalb sie überhaupt wählen sollen. Die Linke steht vor der Aufgabe, einerseits die Defizite der EU, ihre derzeit tatsächlich neoliberale Politik sehr konkret zu kritisieren. Auf der anderen Seite muss sie die Frage beantworten, wie bringe ich meine Kritik zum Ausdruck? Wie können wir zugleich deutlich machen, dass wir für eine Alternative stehen? Wenn ich in der EU einfach nur alles um 20 Jahre zurückdrehe, wird keineswegs alles wieder besser. Das ist eine Illusion. Aus meiner Sicht neigen manche Linke dazu, die Debatte um die Entwicklung der EU auf den Euro zu verkürzen und andere Aspekte zu ignorieren.
Woran liegt es, dass die Kritik der europäischen Linken an der „EU-Rettungspolitik“ als „Rettung von Banken und Finanzspekulateuren“ zwar öffentlich wahrgenommen wird, dass aber recht unklar ist, wie denn ein linker Weg zur Hilfe Griechenlands aussähe? Hat die europäische Linkspartei überhaupt ein Konzept oder eine Idee, was hier die konkreten europäischen Alternativen wären?
Wir haben von dem Moment an, als die Troika installiert wurde und mit ihren ersten Ideen zur Rettung Griechenlands aus der jetzigen Krise hervortrat, gesagt: das ist ein Weg, der ins Desaster führt. Das muss ich unserer Fraktion GUE/NGL – nicht zu verwechseln mit der Europäischen Linkspartei -, aber auch der Europäischen Linkspartei zugute halten. Inzwischen haben sich dieser Einschätzung ja auch viele angeschlossen, aber eine wirkliche Kurskorrektur ist nicht zu erkennen. Es gab bei einigen die Hoffnung, dass sich durch die Beteiligung der Sozialdemokraten an der deutschen Bundesregierung etwas ändern würde, aber sie wurden enttäuscht. Nun geht es darum, nicht nur zu sagen, was falsch ist, sondern gleichzeitig die Debatte zu führen, welche anderen Entwicklungswege es gäbe. Der sofortige Stopp der Austeritätspolitik, der Privatisierung von öffentlichen Gütern, Einrichtungen und Unternehmen muss verbunden werden mit der Einführung EU-weiter armutsfester sozialer Mindeststandards, Mindestlöhne und auch Mindest-Einkommen, wie einer auskömmlichen Rente.
Wie soll aber mit der Verschuldung Griechenlands, aber auch anderer EU-Staaten, umgegangen werden?
Für die Schuldenproblematik muss ein anderer Weg gefunden werden. Alexis Tsipras hat eine Schuldenkonferenz vorgeschlagen – ähnlich der von 1953 für die Bundesrepublik nach dem 2. Weltkrieg. Alle Gläubiger sollen an einen Tisch und langfristige Schuldenmodalitäten vereinbaren, die es möglich machen, eine unabhängige Wirtschaft aufzubauen. Aus Sicht der griechischen Linken wäre das ein Weg, nicht nur für Griechenland, sondern auch für andere Staaten, die so hoch verschuldet sind. Gleichzeitig brauchen wir eine Diskussion um ein Schuldenaudit. Das heißt, es muss eine Bewertung durchgeführt werden, welche der Schulden, die dem Land auferlegt wurden, legitim sind und welche nicht. Ein Teil der Schulden rührt aus sinnvollen Investitionen her, die das Land weiterhin zur Entwicklung braucht. Aber warum soll die griechische Bevölkerung dafür haften, dass die Deutsche Bank und andere Banken in Griechenland spekuliert und sich dabei vertan haben? Außerdem muss die Europäische Zentralbank ein Mandat bekommen, dass sie direkte Kredite an Staaten vergeben darf. Der Umweg der Kreditgewährung über Privatbanken, die zum Teil vorher mit Staatsgeldern gerettet worden sind und jetzt mit hohem Zinsaufschlag Geld der EZB durchreichen, ist eine vollkommene Idiotie!
In der Vergangenheit gab es wenig konkrete gemeinsame öffentlichkeitswirksame Initiativen gerade für die finanzielle Solidarität mit Griechenland, es fehlte an einem klaren Bekenntnis: Ja, wir wollen für Griechenland zahlen! Wieso hat es dazu in der Vergangenheit keine Initiative der Linken gegeben?
Bei den vielen Versuchen von Solidaritätskampagnen, die es sehr wohl zum Beispiel gemeinsam mit griechischen Linken gegeben hat, musste zunächst ein öffentliches Meinungsbild durchbrochen werden. „Die Griechen sind doch selber schuld“, hieß es oft, und „wer sich so verschuldet hat, muss selbst die Konsequenzen tragen“. Es ist ja viel schwieriger darüber zu reden, was die Ursachen sind, wer eigentlich wirklich verantwortlich ist und warum bisher viel zu wenig Anstrengungen unternommen worden sind, die Krisengewinnler und die Krisenverursacher zur Kasse zu bitten. Auch in Griechenland. Dieser Stimmung etwas entgegenzusetzen, ist nicht einfach. Wir versuchen das mit vielen Einzelinitiativen, wir sind auch als Fraktion einige Male in Athen gewesen, um uns da mit Initiativen zu treffen, mit Gewerkschaften, mit Vertretern der öffentlichen Dienstleistungen, mit Leuten, die ihr Unternehmen besetzt haben, um es selbst in die Hand zu nehmen und weiterzuführen. Wir sind dann auch wirklich auf eine große Tour durch andere Länder gegangen, um immer wieder von unseren Erlebnissen, von unserer Sichtweise zu berichten und zu versuchen, etwas im Denken der Menschen zu bewirken. Angela Merkel ist in Deutschland doch letztlich gewählt worden, weil die Mehrheit der Auffassung war, dass sie alles richtig gemacht hat, dass ihre Politik gegenüber Griechenland richtig war. Das zu durchbrechen, ist schwer, aber notwendig.
Wie europäisch bzw. internationalistisch denkt denn DIE LINKE tatsächlich? Bei wirtschaftlichen Standortdiskussionen, wie z.B. um die Opel-Werke, ist DIE LINKE doch auch meist sehr national orientiert und setzt sich primär für die „eigenen“ Arbeitsplätze ein?
Das genau ist ja ein Punkt unserer Debatte gewesen, die es jetzt im Vorfeld des Parteitags gegeben hat – auch mit Blick auf das Europawahlprogramm. Auf dem Parteitag hat es mit sehr klarer Mehrheit Entscheidungen gegeben, die besagen, dass die Linke europäisch handeln und um diese Europäische Union kämpfen will. Wir wollen die EU verändern, wir wollen sie sozialer machen, sie soll eine Sozialunion bekommen, wir wollen die Verträge öffnen und entsprechende Sozialklauseln einführen. Wir wissen dabei genau, dass wir damit kein System ändern. Aber keiner kann die eigenen Probleme mehr im nationalen Rahmen lösen. Diejenigen, die über das große Kapital verfügen, sind intelligent genug, um sich aus der Verantwortung zu stehlen. Also müssen wir doch Einfluss darauf nehmen, dass die Bedingungen für die Eurozone sich verändern. Es geht eben darum, nicht nur die Währungs- und Wirtschaftsstabilität zu sichern, sondern auch die soziale und die ökologische Stabilität. Gerade bei ökologischen Standards sind wir natürlich auch oft im Dissens mit Teilen der Gewerkschaften, wenn die beispielsweise im Interesse der Autoindustrie in Deutschland ihren Einfluss nehmen und dann in das gleiche Horn stoßen wie die Konzernchefs der Autoindustrie, etwa was die Reduktion der CO2-Emmissionen und Ähnliches betrifft.
Die Europäische Union hat gerade hinsichtlich der Landwirtschaftspolitik große Bedeutung, in der linken Diskussion spielt dieses Thema jedoch fast keine Rolle. Ist das nicht implizit auch ein Zeichen der Ignoranz gegenüber den süd- und osteuropäischen Mitgliedsländern?
Ja, aber zum Teil auch gegenüber Ländern außerhalb der Europäischen Union. Denn durch die Art und Weise der Europäischen Agrarpolitik wird ein Wettbewerbsvorteil im Agrarexport geschaffen. Ich selbst war hier im Europaparlament Berichterstatterin zum Problem von Land-Grabbing und Nahrungsmittelspekulation. Ich habe immer versucht, den Zusammenhang herzustellen zwischen der gemeinsamen Agrarpolitik der EU, der gemeinsamen Energiepolitik und dem Thema der Ernährungssouveränität einschließlich der Mangelernährung in der Bevölkerung. In Deutschland wird die Debatte um die Agrarpolitik leider meist nur darum geführt, wie viele Subventionen Agrarbetriebe bekommen. Der große Bauernverband in der Bundesrepublik wird nun wahrlich nicht von der Linken beherrscht, und die Diskussionen, die die Bauernverbände betreiben, sind oftmals von den großen Agrarbetrieben bestimmt. Wir haben uns immer dafür ausgesprochen, dass Agrarpolitik verbunden sein muss mit ökologischen Kriterien. Eine unserer Grundforderungen – zumindest als PDS, bei der Partei DIE LINKE ist das leider etwas in den Hintergrund geraten – lautete immer, dass wir einen sozial-ökologischen Umbau wollen. Das Bewusstsein dafür ist leider noch nicht stark genug.
Welche institutionellen Reformen strebt die Europäische Linkspartei für die EU an, damit die stets geforderte größere Transparenz europäischer Entscheidungsabläufe Wirklichkeit wird?
Die Stärkung der Mitspracherechte der nationalen Parlamente und der Rechte des Europaparlaments, einschließlich des legislativen Initiativrechts, ist ein wesentlicher Punkt. Zu allen relevanten Themen soll es daneben EU-weite Volksentscheide bzw. Referenden geben, die dann auch in allen Ländern gleichzeitig durchzuführen sind. Über die weitere Entwicklung der EU soll unserer Auffassung nach ein europäischer Konvent diskutieren. Welches Ziel soll die Europäische Union in ihrem Selbstverständnis haben, wohin will sie eigentlich? Braucht die EU eine Verfassung? Sollen europäische Verträge wieder geöffnet werden, um eine andere Richtung einzuschlagen? Wogegen wir uns absolut wehren, ist dieser schleichende Umbau, den Merkel und andere vornehmen, also insbesondere die Regierungschefs der ökonomisch starken Länder. Sie sagen, in Zeiten der Krise muss alles schnell gehen, wir brauchen jetzt auf die Demokratie keine Rücksicht zu nehmen, wir wollen das hinter verschlossenen Türen klären. So werden neue Verträge und Instrumente beschlossen, die nicht im Europaparlament entschieden und diskutiert worden sind, Beispiel Fiskalpakt. Die Institutionen der Europäischen Union werden mit Aufgaben betraut, die ihnen normalerweise gar nicht obliegen und zu denen das Europäische Parlament noch nicht einmal befragt worden ist. Das ist aus unserer Sicht ein Bruch der europäischen Verträge.
Die Europa-Skepsis dominiert in weiten Teilen der Linken – auch in Frankreich und Luxemburg. Woran liegt es, dass innerhalb der Linken kaum ein positives Bild von Europa existiert? Am technokratischen europäischen Betrieb, an der Entferntheit der supranationalen Ebene vom normalen Leben, oder spielen auch nationale Borniertheiten eine Rolle?
Entscheidungen werden ja vor allem über die Regierungen getroffen, die sich in der Europäischen Union eine Vormachtstellung geschaffen haben und damit eine Spaltung in der Europäischen Union in Kauf nehmen. Eine Spaltung zwischen den Kräften des Zentrums und denen der Peripherie, dann zwischen Euro-Zone und Nicht-Euro-Zone. Dann glaube ich, dass durch das Fehlen einer Sozialunion die EU nur auf einem Bein steht. Es ist ja nicht nur der Streit um den Standort von Automobilproduzenten, sondern es gibt tatsächlich viele Entscheidungen des Europäischen Gerichtshof auf Grundlage der Verträge, bei denen die sogenannten „Grundfreiheiten“ höher bewertet werden als der Sozialschutz. Viele erfahren die EU als Ausdruck von gesenkten Sozial- und Beschäftigungsstandards. Da sind die Leute frustriert und wütend. Und das kann ich sehr gut nachvollziehen. Deshalb wollen wir eine Sozialunion, in der soziale Rechte über wirtschaftlichen Freiheiten stehen.
14-03-2014
Partenariat transatlantique: Vers un nouveau décalage entre le parlement et les citoyens?
Pour la première fois, la Chambre a débattu de ce potentiel „plus-grand-marché-commun-du-monde“ que pourrait devenir le Partenariat commercial transatlantique entre les USA et l’Union européenne (TTIP ou TAFTA), voir le précédent article.
L’initiative émanait de déi Lénk, qui avait demandé que l’on place ce sujet comme heure d’actualité lors d’une séance publique de la Chambre des député-e-s, avec motion à l’appui, défendue par Justin Turpel. Histoire de permettre aux citoyens-électeurs de connaître les positions des différents partis politiques sur ce sujet brûlant. Histoire aussi de mettre en lumière ce sujet dont ni les gouvernements, ni la Commission européenne ne veulent que l’on n’évoque trop souvent, tant ce projet remet en cause les droits sociaux, sanitaires, environnementaux… Car une chose est claire: si la société civile s’empare du sujet, le projet risque de s’évaporer tel un vampire.
Et la moindre des choses que l’on puisse dire à l’issue du débat qui a eu lieu ce mardi (et qui ne fut malheureusement que peu relayé médiatiquement), c’est que la société civile a bien intérêt à ne pas lâcher l’affaire et à ne surtout pas la laisser aux partis. Mais avant, voici l’intervention de Justin Turpel:
Voici un petit récapitulatif du débat:
Martine Hansen (CSV): après avoir évoqué certains risques, dont notamment une hypothétique perte de valeurs(?), l’éphémère ministre de l’enseignement supérieur du gouvernement Juncker-Asselborn II plaide pour un maintien des „nos standards européens“. On en sait pas vraiment ce qu’elle entend par là: elle pense probablement à „l’économie de marché sociale“. Mais bon, même ce modèle est sapé depuis des lustres par sa famille politique… Evidemment, elle se prononce contre les tribunaux arbitraires qui pourraient donner gain de cause à des entreprises si celles-ci se voyaient confrontées à des mesures de protection émanant des Etats. Mais sinon, il faut à tout prix sauver ce plus grand marché commun. Des risques? Oui, peut-être. Mais pas si les négociations tournent bien. L’espoir fait vivre…
Marc Angel (LSAP): l’intervention du député socialiste, président de la commission des affaires étrangères et européennes depuis les dernières élections, est certainement la plus problématique. Mais malheureusement, elle fait écho à sa famille politique qui promet à chaque élection que leur „Europe“ serait plus sociale, mais qui, une fois au pouvoir, ce qui est le cas au sein des différentes institutions européennes, se range presque systématiquement du côté des libéralisateurs. De belles paroles immédiatement annulées par une absence totale de vision économique: „Il faut donner des chances à toutes initiative qui favorise l’emploi et la croissance“. On notera le fait que les socialistes n’en sont pas encore à remettre en question le dogme de la croissance. Mais qu’ils ont également intégré toutes les autres fantaisies libérales sur le libre-échangisme qui serait un pourvoyeur d’emplois. Angel déplore lui aussi l’absence de transparence, mais rappelle qu’il existe depuis des mois des groupes de travail au niveau européen dans lesquels les acteurs des ONG et des syndicats seraient présents. De fait, il tombe dans le piège de la transparence de façade qui est partie intégrante de la stratégie de communication de la Commission européenne (voir ici). Car jusqu’à présent, les documents sensibles, y compris le mandat de la commission, n’ont pas été révélés volontairement, mais ont été „leakés“. Pour le reste, Angel veut croire que cet accord représente une chance, que ce n’est qu’une question de négociations rondement menées. Il oublie peut-être que les négociateurs européens sont tout aussi imprégnés, sinon plus, par les dogmes néolibéraux et que cet accord est fondamentalement un instrument au service des multinationales.
Eugène Berger (DP): inutile d’attendre de la part du chef de file du groupe libéral une critique d’un accord… libéral. Berger pense ainsi lui aussi que cet accord représente une chance. Et qu’il ne faut surtout pas le condamner prématurément vu la „complexité“ du dossier dont on ne connaît pas tous les détails. Trop „complexe“ et prématuré pour le rejeter, mais pas assez pour l’accepter. (N.B.: en suivant les débats parlementaires, vous constaterez que lorsque l’argument de la „complexité“ est avancé, il s’agit surtout d’un aveu a) de la méconnaissance, voire du désintérêt pour le sujet de la part du député, b) de l’argument-massue pour éviter tout débat „que le public ne comprendrait pas“). Mais la vie est complexe, M. Berger! Evidemment, Berger est contre toute forme de nivellement vers le bas, et, bien évidemment, pour la transparence (dommage que ce soit le tout petit groupe de déi Lénk qui soit obligé de mettre le point à l’ordre du jour, alors que tous les autres ne jurent que par la transparence). Toutefois, Berger pense que la transparence a ses limites: on ne peut publier que des textes définitifs. Oui, c’est bien: on va appliquer la méthode Berger au parlement. Les lois ne seront publiées publiquement qu’une fois votées. Avant, chut!, les projets ne sont pas dé-fi-ni-tifs! Ah, qu’est-ce qu’on s’amuse au Krautmaart!
Viviane Loschetter (Verts): Ah, qu’il est difficile de gouverner! Au moins, l’analyse des Verts n’est pas aussi indigente que celle de leurs partenaires socialistes et libéraux. Car contrairement à eux, les Verts ont compris l’enfumage monumental que représente ce texte. Ils n’ont pas fait venir à Luxembourg pour rien José Bové qui lui aussi a compris qu’il fallait s’opposer à ce traité. Et Loschetter de demander fort pertinemment à quoi bon un accord de libre-échange alors que les barrières douanières entre l’UE et les USA sont déjà extrêmement basses. Peut-être justement que ce traité veut aller plus loin. Et nous en sommes à nouveau au tribunaux arbitraires. Voire aux incitations à libéraliser davantage les services publics. Les Verts ont compris. Mais ils gouvernent avec des partenaires qui a) ont compris et sont contents (le DP) et b) qui n’ont pas compris, mais sont contents quand même (LSAP).
Fernand Kartheiser (ADR): Et ce fut au tour du lieutenant-colonel-maréchalissime Fernand Kartheiser. Kartheiser a tout compris et ne cesse de débusquer les bolcheviks „opposés au commerce“. Comme le pays est occupé par les forces soviétiques (CSV+LSAP+DP+Verts+Lénk+KPL+Pirates+Pid+CNFL+Cid-femmes+Les femmes en général+OGBL+LCGB+Caritas+“Rome-occupée-par-les-légions-de-Lucifer-depuis-Vatican-II“), Kartheiser en appelle aux forces divines pour qu’elles terrassent toutes les barrières douanières. Gast Gibéryen trouve ça „très bien“.
Jean Asselborn (ministre des affaires étrangères, LSAP): les opposants au traité ne sont pas tous des „philanthropistes“ (ordinateur, s’il te plaît, arrête de souligner en rouge les mots quand je cite Asselborn) et ceux qui y sont favorables ne sont pas tous des „capitalistes“. D’ailleurs, l’UE a déjà plein d’accords semblables avec d’autres pays comme la Corée du Sud ou le Japon, mais ça ne fait que du grabuge lorsque c’est avec les USA, parce qu’ils sont… plus grands (et peut-être aussi parce que le traité est un petit peu beaucoup pire). Certes, il faut éviter toutes les dérives, notamment les privatisations des services publics (alors que le mandat prévoit des libéralisations, l’un menant à l’autre), mais, grosso modo, ce traité serait bénéfique aux travailleurs des deux rives de l’Atlantique. Pour preuve, les syndicats américains y seraient favorables. Ce qui est évidemment faux: le plus grand syndicat AFL-CIO y est opposé. Il y serait favorable, uniquement dans une optique de soutien de la demande, ce qui est l’exact contraire de ce qui est prévu et de la politique économique menée par l’UE et les USA…
On devait s’y attendre: la motion déposée par déi Lénk, qui appelait le gouvernement à rendre publics tous les documents, à organiser un hearing public avec la société civile à la Chambre et à mettre fin aux négociations à été rejetée avec 58 voix contre les 2 de déi Lénk. A part les voeux pieux concernant une plus grande transparence, la seule chose concrète qui est ressortie de l’heure d’orientation est la promesse de Marc Angel d’organiser un grand débat public avec la société civile. Promesse réitérée jeudi soir lors d’une conférence organisée par un collectif opposé au TTIP. Jean-Claude Reding, président de l’OGBL, y a fait part du souhait du plus grand syndicat luxembourgeois que les négociations cessent. La société civile a compris et est donc en marche. Aux „décideurs“ de faire de même.
11-03-2014
Que fait la Russie en Ukraine?
Le Parlement de Crimée a donc voté son rattachement à la Russie. Le fameux référendum, fixé d’abord pour le 25 mai, puis avancé au 30 mars, aura finalement lieu le 16 mars et « ne fera que confirmer » le vote du Parlement. On peut dire qu’ils s’entraînent déjà pour rejoindre la Russie de Poutine. Là-bas, on ne tient jamais une consultation électorale sans avoir décidé le résultat à l’avance.
Nous devons comprendre l’énormité de ce qui vient de se passer. Pour la première fois depuis 1945, un pays a simplement annexé, par la force armée, une partie du territoire d’un autre pays. Jusqu’ici nous avons vu des interventions armées, des bombardements, même des guerres dans les Balkans. Mais jamais ça. Et pour l’instant, rien n’indique que cela restera un cas isolé.
Ceux qui prévoyaient que Poutine n’attendait que la fin des JO de Sotchi pour frapper n’avaient pas tort. Car l’intervention en Crimée qui a débuté le 27 février était tout sauf une réaction sur le vif aux événements dramatiques à Kiev de la semaine précédente. Elle a impliqué un transfert de navires de guerre de la flotte de la Baltique à la Mer noire, la préparation et le transfert de 2.000 troupes d’assaut, sans parler des manœuvres en parallèle à la frontière orientale de l’Ukraine qui mobilisaient 150.000 troupes.
Pas de place à l’improvisation
Tout était donc préparé à l’avance. Par ailleurs, l’intervention s’insère dans un projet géopolitique de Poutine. Vladimir Poutine considère que l’effondrement de l’Union soviétique était « le plus grand désastre géopolitique » de notre temps. Et en effet, l’effondrement de l’URSS a effectivement été un désastre social qui a frappé la vie de dizaines de millions de ses citoyens.
Une « catastrophe humaine », comme l’a caractérisé le grand historien marxiste Eric Hobsbawm. Mais ce n’est pas ce qui concerne Poutine. Celui-ci a poursuivi l’œuvre de destruction de l’Etat social commencé sous Eltsine dans les années ’90. Il préside aujourd’hui une société où 110 milliardaires possèdent 35 % des richesses du pays.
Mais revenons à la géopolitique, car il est indispensable de comprendre les objectifs globaux de la Russie de Poutine. Ce qu’il regrette, c’est le statut de grande puissance qu’avait l’URSS. Ce qu’il veut, c’est restaurer la puissance de la Russie et imposer son contrôle sur les territoires qui étaient ceux de l’URSS et de l’Empire tsariste.
L’URSS sans le socialisme
En 1913, le troisième centenaire de la dynastie des Romanov fut célébré avec grand faste. Quatre ans plus tard, la révolution les a renvoyés à la poubelle de l’Histoire. Définitivement, semblait-il. Mais non : après le chute de l’URSS, ils ont été déterrés, littéralement et figurativement. Le Tsar Nicolas II, connu de son vivant comme Nicolas le Sanglant, grand amateur de pogroms anti-juifs, fut canonisé en 2000.
Et en 2013, on célébrait en Russie le quatrième centenaire des Romanov. Ce qui était mis en exergue et enseigné aux écoliers, cartes interactives à l’appui, c’était le rôle de cette dynastie dans l’extension de l’empire russe. Et c’est vrai : sous les Romanov, de l’Ukraine aux pays Baltes et d’Asie centrale au Caucase, la Russie a construit son empire par des méthodes non moins barbares que celles employés par les Britanniques, les Français et autres impérialistes aux quatre coins du monde.
Arrivé au pouvoir en 2000, Poutine se désolait du déclin de la Russie et jurait de restaurer l’autorité de l’Etat, ce qu’il a largement fait. Cela se traduit par une « démocratie guidée », une mainmise croissante sur les médias, la répression de toute dissidence sérieuse et une politique de réarmement.
Le tout sur fond d’un chauvinisme grand-russe, cette idéologie que Lénine détestait tellement et qu’il combattait inlassablement. Et qui est largement partagée dans le monde politique, de l’extrême droite de Zhirinovsky au Parti communiste de la Fédération de Russie (PCFR).
L’alliance des grands-russes
Sur le deuxième volet, Poutine a commencé par liquider l’indépendance de fait de la Tchétchénie avec une brutalité extrême, à plus petite échelle que ce qu’ont fait Bush et Blair en Irak trois ans plus tard, mais avec des méthodes similaires. Le tout sans vraiment restaurer « l’ordre » dans cette république du Caucase du Nord qui a donné du fil à retordre à ses prédécesseurs tsaristes et même à Staline.
Et puis, il a élaboré son projet pour encadrer les anciennes républiques soviétiques. Pour commencer, il s’agit d’une union douanière, à laquelle adhérent pour l’instant le Kazakhstan et la Biélorussie et que devrait suivre l’Arménie. Mais il annonce la couleur : dès 2015, il veut transformer l’union douanière en Union eurasiatique, définie comme union économique et politique.
C’est dans cette union qu’il voulait (et qu’il veut encore…), entraîner l’Ukraine : d’où son opposition furieuse à la signature par l’Ukraine d’un partenariat avec l’Union européenne. Bien sûr, il ne s’agit pas d’annexer toutes les républiques de l’ex-URSS (bien que…), mais de les réunir dans une union dominée par Moscou. Cela peut se faire à géométrie variable.
Le PCFR parle de « l’Etat unifié de Russie et de Biélorussie » comme si c’était déjà une réalité. C’est inexact. Des accords dans ce sens existent, mais ils ne sont pas très clairs et la Biélorussie fait preuve de quelques réticences.
Timides manifestations
Ce qui est clair et ce dont tout le monde convient, qu’ils soient pour ou contre, c’est que l’Ukraine constitue une pièce maîtresse du projet d’Union eurasiatique. C’est pourquoi on aurait tort de conclure que Poutine s’arrêtera après l’annexion de la Crimée. Il ne peut pas simplement regarder le nouveau gouvernement s’installer, se rapprocher de l’Union européenne et signer un partenariat.
Il est clair que la Russie a été et reste très active dans l’Est et le Sud de l’Ukraine. Elle a essayé de susciter des manifestations en faveur de l’union avec la Russie. Pour le moment, c’est un échec. Il y a eu quelques manifestations mais relativement restreintes, de l’ordre de quelques milliers, 10.000 au maximum, ce qui est peu pour des villes comme Donetsk, Odessa ou Kharkiv, avec des populations d’un million et plus.
En face, il y a eu des manifestations pour l’unité de l’Ukraine, parfois plus importantes (15.000 à Odessa) mais pas non plus massives. Et puis des tentatives, parfois réussies dans un premier temps, de prendre d’assaut des bâtiments officiels pour y hisser le drapeau russe. Là, il s’agissait d’attaques bien organisées, de quelques centaines d’hommes, dont certains venaient manifestement de Russie.
La plupart de la population ne se mobilise pas. Pourtant, un sondage du 3 mars montre que le plus fort pourcentage en faveur de l’intégration à la Russie est d’un tiers dans la région de Donetsk, puis de 24 % à Luhansk et Odessa, et pas plus de 16 % ailleurs. Il ne faut pourtant pas en conclure que le danger serait passé.
Il est facile d’organiser des provocations comme prétexte d’intervention militaire, surtout dans des régions où il y a des fortes minorités pro-russes. Et puis, on occupe le conseil régional, on fait voter, on ferme tous les médias indépendants comme en Crimée…
Aujourd’hui la Crimée, demain Kiev?
Au-delà de la question de possibles interventions-annexions, il y a celle, plus large, de la déstabilisation de l’Ukraine toute entière. Si l’élection présidentielle a lieu le 25 mai, on ne sait pas encore qui va gagner, mais on sait que ce ne sera pas un candidat pro-russe. Alors, soit il faut empêcher que l’élection ait lieu, soit il faut que le président élu préside un pays affaibli, divisé, déstabilisé. Rien, absolument rien n’est exclu, y compris une invasion de tout le pays, ou au moins jusqu’à Kiev.
En fin de compte, ce que Poutine fera ou pas dépendra du degré d’opposition qu’il rencontre, en Ukraine comme au niveau international. En Ukraine, il ne suffit pas simplement que le gouvernement affirme son autorité, y compris dans l’Est. Il faut qu’il prenne en compte les préoccupations de tous les citoyens.
C’est une bonne chose que le président par intérim ait refusé de signer l’annulation de la loi sur les langues de 2012, mesure qui avait inquiété inutilement les russophones. Et puis il faut mettre fin à la situation où dans certaines régions, certains partis ne peuvent pas fonctionner normalement. En particulier, il faut stopper les agressions contre le Parti communiste d’Ukraine.
Bien évidemment, la tenue d’une élection présidentielle ne résoudrait pas en soi les problèmes de l’Ukraine.
Il faudrait une démocratisation de fond en comble, un programme social, une assemblée constituante. Mais rien de tout cela ne pourrait se faire sans lever la menace d’une intervention russe.
Antisémitisme?
Deux raisons sont et seront avancées pour justifier une intervention russe. D’abord, que le pays serait dans un état de chaos, d’anarchie, avec des agressions contre les minorités, et surtout des actes antisémites. C’est faux. La meilleure réponse est fournie par cette lettre ouverte à Vladimir Poutine signée par un large éventail de la communauté juive en Ukraine.
La deuxième raison serait qu’au lieu d’être l’agresseur, de poursuivre une politique élaborée bien avant les événements récents en Ukraine, la Russie serait en réalité la victime, la cible de provocations venant des Etats-Unis et de l’UE. Avec en particulier l’intention d’admettre l’Ukraine comme membre de l’OTAN. Dans cette vision, il y a certainement du vrai. Depuis la chute de l’URSS, les Etats-Unis ont poursuivi une politique visant à « contenir » la Russie : expansion de l’OTAN vers l’Est, bouclier anti-missiles…
La perspective que l’Ukraine adhère à l’OTAN est partagée par certaines puissances et forces en Occident, mais pas par toutes. Et par des partis aujourd’hui au gouvernement en Ukraine. Pourtant, les sondages ont systématiquement montré qu’une majorité d’Ukrainiens est contre et préfère une position non-alignée.
C’est certainement la meilleure solution, pour l’Ukraine et pour la paix en Europe. Pourtant, le moins que l’on puisse dire, c’est que si jamais un prochain sondage donnait une majorité pour l’adhésion à l’OTAN, ce serait sans doute une conséquence de l’agression russe actuelle.
Vers un conflit avec l’OTAN?
Pour conclure : les mesures économiques et diplomatiques à l’égard de la Russie qui ont été prises, ou sont envisagées par les Etats-Unis et les pays européens auront un certain effet. Mais aussi, mondialisation oblige, des conséquences pour certains pays européens. Il n’est pas sûr qu’elles soient vraiment efficaces, ou qu’elles seront maintenues longtemps, et Poutine a dû prendre cela en considération avant d’agir.
Jusqu’ici, ceux en Occident qui parlent d’action militaire sont très minoritaires. Mais on aurait tort de considérer que cette option est totalement exclue. Les Américains et les Européens étaient surpris par l’intervention en Crimée, et encore plus par son annexion. Mais si les choses en restent là, on peut dire que le risque de conflit armé entre la Russie et l’OTAN est minime.
Si la Russie devait aller plus loin en Ukraine, ce risque augmenterait et les secteurs les plus va-t-en guerre en Occident seraient renforcés. C’est pourquoi il faut condamner toute intervention étrangère en Ukraine et défendre la souveraineté de l’Ukraine. Le peuple ukrainien doit pouvoir régler les problèmes considérables auxquels il est confronté sans ingérence étrangère aucune.
04-03-2014
Chronique ukrainienne
La rédaction de cet article a débuté juste avant les événements dramatiques des journées des 18-22 février. A l’origine, l’intention était surtout de traiter quelques questions de fond, de porter un regard sur l’arrière-fond de ce qui se passe en Ukraine. Et puis on a commencé à tirer dans les rues de Kiev et tout a basculé en quelques jours. Le régime commençait à s’effondrer, les soutiens de Ianoukovitch l’abandonnant les uns après les autres, les plus coupables de ses partisans prenant la fuite. Le compromis laborieux négocié entre Ianoukovitch et l’opposition sous l’égide des ministres des affaires étrangères allemands, français et polonais, et qui aurait laissé Ianoukovitch au pouvoir jusqu’en décembre, a échoué face au refus du mouvement, exprimé sur la Place Maïdan dans la soirée de vendredi 21 février. Et puis, Ianoukovitch lui-même a pris la fuite et le Parlement l’a destitué à l’unanimité des présents, 328 députés sur 450.
Une semaine après la chute de Ianoukovitch, comment résumer la situation de l’Ukraine ?
D’abord, il y a un nouveau gouvernement. La Présidence par intérim est assurée par le président du Parlement Oleksandr Tourtchynov, de Baktivshchina, le parti de Ioulia Tymoshenko. L’élection présidentielle est fixée pour le 25 mai. Le premier ministre est Arseni Iatseniuk, du même parti, l’homme de Washington. Le gouvernement comprend d’un côté des représentants de Baktivshchina, du parti d’extrême-droite Svoboda, du monde des affaires, et de l’autre des représentants du mouvement. Mais ce sont les premiers qui dominent. Le ministre des Finances est un banquier. Le ministre de l’Agriculture, un membre de Svoboda, est un riche agriculteur. Vitali Klitschko, l’ancien boxeur qui dirige le Parti UDAR, ne fait pas partie du gouvernement, se réservant pour l’élection présidentielle.
Pourtant, le mouvement qui a renversé Ianoukovitch ne s’est pas démobilisé. Il a eu un droit de regard sur la formation du nouveau gouvernement et il reste très méfiant à son égard, à l’affût de chaque signe qui montre que si les têtes ont changé, le système reste le même. De ce point de vue-là, les leçons de la « Révolution orange » de 2004 et de la déception qui a suivi le changement de gouvernement sans changement de système ont été apprises. Et bien qu’Ioulia Tymoshenko ait été acclamée sur la place Maïdan après sa sortie de prison, il est clair qu’elle ne jouit pas du même niveau de confiance qu’en 2004.
2004: Le changement sans changement
L’économie est en ruines, les coffres de l’Etat sont presque vides, les réserves sont autour de 12 milliards de dollars, l’équivalent des 16,3 % de la dette nationale de 73 milliards qui doit être remboursée cette année. La monnaie, la hryvnia, est en chute libre. Si elle est dévaluée, la dette, dont une grande partie est libellée en dollars, augmentera. D’ici quelques mois, un défaut de paiement est une possibilité réelle.
Le nouveau gouvernement aura donc besoin de crédits. Sous l’œil méfiant du mouvement, il va négocier et en toute probabilité les obtenir de l’Union européenne, du FMI et des Etats-Unis, et ce au prix que l’on sait: austérité, réformes néolibérales. Les premières déclarations de Yatseniuk, le 28 février, vont dans ce sens-la. Si les choses se déroulent ainsi, on verra comment vont réagir le mouvement et la population.
Le facteur qui peut encore tout bouleverser, c’est le rôle de la Russie. Ce qui se passe en ce moment en Crimée est très inquiétant. Ce qui est clair, c’est que la Russie est en train d’intervenir militairement sur le territoire ukrainien. Ce qui n’est pas clair, c’est jusqu’où elle veut aller. Plutôt que de spéculer, nous reviendrons sur la question dans les prochains jours.
Jusqu’où peut aller la Russie?
Revenons maintenant une semaine en arrière. Ce qui venait de se passer en Ukraine était assez extraordinaire. Un mouvement de masse avait réussi à renverser un de ces autocrates qui président encore la plupart des anciennes républiques soviétiques, ces pays dominés par un capitalisme de type mafieux. Certains nous rappellent que Ianoukovitch avait été élu de manière légitime, démocratiquement, dans une élection honnête. C’est exact. Ils oublient en général d’ajouter que ce n’est pas lui, mais son prédécesseur qui a organisé cette élection. Quand Ianoukovitch était aux affaires en 2004, les élections se passaient tout autrement, provoquant la première grande mobilisation depuis l’indépendance et imposant de nouvelles élections que Ianoukovitch avait perdues.
Elu démocratiquement ou pas, il ne suffisait pas de répéter qu’il était le « président légitime ». La légitimité, ça se gagne et ça se perd. Quelle est la légitimité de Samaras en Grèce, pourtant élu démocratiquement? Elu en 2010, une des premières actions de Ianoukovitch était de se débarrasser de la Constitution de 2004 qui partageait le pouvoir entre la Présidence et le Parlement et de concentrer le pouvoir dans ses propres mains.
Ensuite il a largement profité de son mandat pour s’enrichir, lui et les fils et son clan, que les Ukrainiens appellent « la Famille ». Sa fortune personnelle a été estimée à 12 milliards de dollars. C’est d’ailleurs très exactement la somme qui reste dans les coffres de l’Etat ukrainien. A la demande du nouveau gouvernement, des mesures sont prises pour bloquer les comptes de la bande à Ianoukovitch en Autriche, Suisse et Liechtenstein.
C’est quoi être légitime?
Entre le 18 et le 22 février, les événements se sont déroulés à une vitesse fulgurante. Le 18 à Kiev, les affrontements entre protestataires et policiers ont fait 28 morts, dont 10 policiers, et des centaines de blessés. Ce n’était pas les premiers affrontements entre manifestants et policiers, ni même les premiers morts, mais on a eu l’impression qu’un pas qualitatif avait été franchi.
La suite l’a confirmé. Le jeudi 20 février a été la journée la plus noire, la plus sanglante de l’histoire de l’Ukraine indépendante, avec plus de 50 morts. Nous commençons à apprendre maintenant qu’une répression à beaucoup plus grande échelle était en préparation, un scénario à la Tienanmen. Que cela a été évité revient sans doute au fait que Ianoukovitch était déjà en train de perdre le contrôle de l’appareil d’Etat et qu’une partie au moins de l’armée n’était pas fiable.
La responsabilité première et écrasante pour le sang qui a coulé échoue à Ianoukovitch et son gouvernement. Pendant trois mois, le régime a fait preuve d’un immobilisme à toute épreuve. Trois mois de crise politique permanente, qui a vu des manifestations de masse à répétition, rassemblant des dizaines et parfois des centaines de milliers de personnes, alors que s’installait au cœur de Kiev, sur le Maïdan, un campement de plusieurs milliers de personnes qui a progressivement pris l’allure d’une forteresse retranchée et qui s’est doté d’un Conseil élu.
Alternant entre répression, négociations avec les partis d’opposition et concessions de façade, Ianoukovitch n’a rien lâché sur le fond. Le 16 janvier, il a fait adopter une série de lois liberticides. Le 28 janvier, il les a fait annuler, à condition que les bâtiments publics occupés fussent libérés. En même temps, il a limogé son premier ministre, Mykola Azarov, qui a tout de suite pris l’avion pour rejoindre ses comptes en banque en Autriche.
La forteresse Maïdan
Jusqu’au lundi 17 février, avec la libération des manifestants détenus et l’évacuation de certains bâtiments publics occupés, on aurait pu avoir l’impression d’une détente, d’une décompression, d’une possible résolution pacifique de la crise. A condition qu’il y ait une ouverture politique quelconque.
En fait, il y a eu, depuis trois mois, des possibilités, pas exclusives : une élection présidentielle anticipée, des élections législatives anticipées (ou les deux à la fois), un retour à la constitution de 2004 et un nouveau gouvernement qui aurait organisé à terme des élections. Mais de toute façon la solution passait forcément par la possibilité pour les citoyens de dire s’ils avaient encore confiance dans le président et le gouvernement.
Aucune de ces initiatives n’a été prise. Mardi 18, le parlement devait encore une fois discuter d’une réforme constitutionnelle. Une marche sur le Parlement voulait exercer une pression pour que les députés l’adoptent. Et puis, une fois encore, le débat a été reporté pour une raison « technique ». Pour les manifestants c’était la goutte qui a fait déborder la vase. Et la police a lancé des grenades et commencé à tirer avec des balles réelles à une échelle jusque-là jamais vue. Le jeudi 20, un nouveau pas a été franchi.
La goutte qui fait déborder le vase
Des tireurs d’élite nichés sur les toits ont tiré avec des armes automatiques, faisant une cinquantaine de morts, âgés de 17 à 62 ans, pour ceux qui ont pu être identifiés. Beaucoup venaient de l’Ouest, beaucoup de Kiev, mais aussi plusieurs de l’Est; il y avait même un Russe. Cette-fois-ci, seulement trois policiers sont morts: les manifestants, que certains présentaient comme des paramilitaires armés jusqu’aux dents, n’avaient aucun moyen contre ceux qui tiraient pour tuer avec des armes automatiques. Ils ont été tirés comme des lapins.
Le mouvement est parti de la volte face de Ianoukovitch sur l’Europe en novembre dernier. Mais il a progressivement pris comme cible le véritable problème, le système corrompu et autoritaire que subit l’Ukraine, et de plus en plus Ianoukovitch lui-même. Avant d’aborder la situation d’aujourd’hui, essayons de voir l’arrière-fond du mouvement.
Sur l’Ukraine, il y a plusieurs discours qui ont été largement diffusés par les média et même par certains « experts ». D’abord, le mouvement serait dirigé par (voire dans les pires caricatures se réduirait à) des groupes néo-nazis et antisémites. Ensuite, le problème fondamental serait le choix entre l’Union européenne d’un côté et de l’autre la Russie (et son projet d’Union eurasienne); donc entre « pro-européens » et « pro-russes ».
Propagandes
Enfin, que ce choix serait le reflet d’une division fondamentale entre un Ouest ukrainophone et un Est russophone. Chacun de ces éléments a sa part de vérité. Aucun ne constitue le problème fondamental ni ne suffit à expliquer la crise et le mouvement. On pourrait ajouter que ces visions partielles sont aussi souvent partiales : présenter les opposants à Ianoukovitch comme essentiellement pro-européens sert bien les intérêts de l’UE; en revanche, présenter le mouvement comme dirigé par l’extrême droite, et maintenant comme un coup d’Etat, sert la propagande de Ianoukovitch et de Poutine. Certains colportent ces versions des événements par ignorance, d’autres savent très bien ce qu’ils font.
Il existe, bien sûr, des groupes néo-nazis et beaucoup plus importants, des courants ultranationalistes. D’après de nombreux témoignages – de participants et de journalistes – ils ne sont pourtant pas majoritaires dans un mouvement large extrêmement divers. Le groupe (en fait une coalition) Praviy Sektor en regroupe plusieurs d’entre eux. Ils ont été très actifs dans la défense de Maïdan et, qu’on le veuille ou non, se sont fait largement acceptés pour cette raison. Surtout dans la dernière phase du mouvement, après les premiers morts, disparitions et actes d’intimidation par les forces de répression au mois de janvier; à partir de là, la question de l’autodéfense devenait centrale.
Svoboda et les autres…
Le parti Svoboda, qui a obtenu environ 10 % aux dernières élections législatives, a une idéologie et des pratiques fascistes. Pourtant, il semblait chercher à devenir « respectable », à être accepté comme la composante nationaliste dure de l’opposition parlementaire. Aujourd’hui, il participe au gouvernement. Ainsi, à la différence de la plupart des partis d’extrême-droite en Europe, il est devenu – tardivement – pro-Union européenne.
A côté de son discours ultranationaliste, Svoboda devait sa percée électorale en 2012 aussi à sa dénonciation du système politique corrompu, exigeant même la nationalisation des entreprises privatisées (souvent crapuleusement).
Svoboda est surtout porteur d’une idéologie nationaliste ethnique et exclusive et se réclame de l’héritage – ou de son interprétation de cet héritage – du mouvement nationaliste OUN-UPA des années 30 et 40. Il joue ainsi un rôle de division dans l’Ukraine d’aujourd’hui, où la nation est encore en voie de formation et ne peut être construite que sur des bases politiques, civiques, citoyennes, englobant ukrainophones, russophones, Tatars, Juifs et autres.
Vous avez dit antisémite?
Quant à l’antisémitisme – oui, il existe, sans aucun doute, dans Svoboda et d’autres courants d’extrême droite. Pourtant, de l’avis de la principale organisation juive ukrainienne, la VAAD, il se manifestait peu sur Maïdan. D’après la VAAD, le nombre d’incidents antisémites enregistrés en Ukraine en 2013 était de 27, le même qu’en 2012. Il affirme aussi que l’antisémitisme est moins présent en Europe de l’Est qu’en Europe occidentale, ce qui peut surprendre.
Ceci dit, pour l’année 2012, le chiffre pour la France était de 177 actions antisémites et de 437 menaces. Par la voix de son président, Iosif Sissels, la VAAD a fait une déclaration concernant deux incidents antisémites en janvier. Il est clair que qu’il y a de sa part pour le moins des forts soupçons que ces incidents, qui coïncidaient avec l’adoption de l’arsenal répressif, étaient des provocations par le pouvoir. D’autres groupes juifs se montrent plus inquiets sur l’antisémitisme.
Et puis, les groupes d’extrême droite sur le Maïdan n’avaient pas le monopole de l’antisémitisme. Médiapart nous fournit un lien vers le site des Berkout, cette police anti-émeute d’élite qui a été au tranchant de la répression et qui vient d’être dissoute par le nouveau gouvernement.
Le site a été « nettoyé » depuis, mais on peut toujours voir ce qu’il y avait. On trouve des perles du genre « La sioniste Tymoshenko et la carte pour diviser l’Ukraine en trois », « Les racines et liens juifs des dirigeants de l’opposition Ioulia Tymoshenko, Vitali Klitschko, Arseniy Yatsenyuk et Oleg Tiagnybok ». Ce dernier est le dirigeant principal de Svoboda…
Quand l’hôpital se fout de la charité
« Les Juifs sont les acolytes des Nazis, le Juifs au service de la Wehrmacht, Juifs – collaborateurs, sionistes – acolytes d’Hitler, le drapeau Nazi-sioniste ». On trouve aussi beaucoup de graphiques, notamment la croix gammée superposée sur l’Etoile de David. C’est incohérent ? Certainement. Les déversements antisémites le sont souvent, ils ne sont pas moins nocifs.
En matière d’antisémitisme et d’idées d’extrême droite, il faut aussi regarder du côté de la Russie, qui se plaît en ce moment à dénoncer le fascisme en Ukraine. Un certain Sergeï Glazyev a refait surface ces derniers temps comme porte-parole officieux du régime Poutine sur l’Ukraine, souvent cité dans la presse occidentale. Glazyev est un ancien député communiste qui a ensuite fondé le parti d’extrême droite Rodina (Mère-patrie). En 2005, des députés de Rodina ont demandé l’interdiction de toute organisation juive en Russie.
Glazyev fait part du courant idéologique connue comme « National-Bolchévik » ou « Eurasien ». Son principal théoricien est Alexandre Dougine, qui cherche à faire une synthèse entre le fascisme et le stalinisme et s’inspire du théoricien nazi Carl Schmitt. Dougine prône ouvertement la division et la colonisation de l’Ukraine. Ces idées ne sont pas marginales dans l’administration Poutine, où on entend souvent qu’il ne faut pas « perdre » l’Ukraine – qui n’est bien sûr pas la leur à garder ou à perdre.
De Glazyev à Dougine…
Iosif Sissels a pris la parole à au moins deux occasions à la tribune de Maïdan. A aussi pris la parole le 18 février Mustapha Djemilev, dirigeant historique des Tatars de Crimée, un des peuples déportés en masse en 1944 par Staline et qui n’a pu revenir en Crimée qu’après la chute de l’URSS.
Il y avait aussi des groupes et des militants de gauche sur le Maïdan. Ils n’ont pas eu la vie facile, subissant parfois des agressions de l’extrême droite. Mais ils avaient le mérite d’être là, dans le mouvement, à la différence du Parti communiste d’Ukraine, dont on parlera plus tard.
Ce sont des faits qui collent mal avec l’image d’un mouvement où l’extrême droite et le nationalisme ethnique sont hégémoniques. Il convient donc de regarder derrière les formules toutes faites. Il faut garder une vision d’ensemble : oui, l’extrême droite a une forte présence, non le Maïdan ne se réduit pas à cela. Les groupes de défense et d’entraide s’appelaient sotyas et ils se formaient en général par affinité. Donc, il y avait des sotyas d’extrême droite, mais aussi un sotya pacifiste, un sotya de femmes non-mixte, un autre dont le chef et plusieurs membres étaient Juifs.
Un mouvement hétéroclite
Médiapart nous fournit aussi un lien avec un appel signé par des universitaires spécialistes de l’Ukraine, et pour un certain nombre d’entre eux, spécifiquement des mouvements nationalistes et d’extrême-droite et de l’antisémitisme. La plupart sont Ukrainiens, mais ils travaillent dans des institutions d’enseignement supérieur et de recherche dans une dizaine de pays. Deux au moins sont Juifs, dont Iosif Sissels.
L’appel est adressé à des journalistes, commentateurs et analystes qui écrivent sur l’Ukraine et s’intitule « L’Euromaidan de Kiev est une action de masse de désobéissance civile, libératrice et non extrémiste ».
Il existe des différences entre l’Est et l’Ouest. C’est une histoire complexe mais qu’on peut schématiser en trois étapes. D’abord, l’Est, le Centre et le Sud de l’Ukraine ont été rattachés progressivement à l’Empire russe dès le 17e siècle. L’Ouest a été polonais et plus tard faisait partie de l’Empire austro-hongrois.
Par conséquent, les Ukrainiens de l’Ouest ont pu disposer à partir du 19e siècle d’un certain nombre de droits politiques, linguistiques et culturels. A contraster avec la situation dans le bastion de réaction et d’absolutisme qu’était la Russie tsariste, sans droits politiques et où l’utilisation écrite même de la langue ukrainienne fut interdite.
Une histoire éclatée
De manière générale, l’Ouest était plus tourné vers l’Europe. Accessoirement, il s’y pratiquait largement une forme de catholicisme, alors que l’Est était orthodoxe. Ensuite, dès la fin du 19e siècle, l’industrialisation de l’Ukraine a eu lieu dans l’Est, surtout le bassin minier du Donbass. La majorité de la force de travail initiale venait de Russie, ce qui faisait en sorte que même quand les Ukrainiens furent embauchés, la langue véhiculaire était le russe.
Dans les années ’20, la direction national-communiste d’Ukraine appliquait une politique d’ukrainisation, de soutien à la langue et la culture ukrainienne, ce qui correspondait à la politique relativement éclairée de l’époque du régime soviétique sur la question nationale. A partir des années ’30 et jusqu’à la fin de l’Union soviétique, une politique de russification a repris le dessus. Enfin, l’Est a fait partie de l’URSS dès le début, bien que l’histoire de la révolution ukrainienne de 1917 à 1920, mal connue, soit bien distincte de celle en Russie.
L’Est a donc partagé l’histoire de l’Ukraine soviétique, pour le meilleur, celle sous la direction national-communiste dans les années ’20 (qui fut anéantie par la terreur stalinienne); et pour le pire, les horreurs des années ’30, la famine de 1932-33 qui a tué des millions, la terreur, suivie par la guerre. Les estimations du nombre de morts ukrainiens pendant la Deuxième Guerre mondiale vont de 8 à 10,5 millions. En ajoutant ceux de la guerre civile, de la famine et de la terreur des années ’30, on va vers les 20 millions. Seule la Biélorussie a autant souffert.
Une histoire douloureuse
L’Ouest, de nouveau polonais dès 1920, a été incorporé de force à l’Union soviétique en 1939, dans le cadre du Pacte Nazi-Soviétique. Pour l’Union soviétique, la Deuxième Guerre mondiale a commencé avec l’invasion allemande en juin 1941. Pour l’Ukraine occidentale, elle a commencé en septembre 1939 avec l’occupation soviétique. Pour elle donc, juin 1941 n’était pas simplement une occupation, mais l’échange d’un occupant contre un autre. Ce qui aide à expliquer la suite.
Dans un premier temps, les occupants allemands n’étaient pas mal accueillis, non simplement dans l’Ouest mais à Kiev et dans les campagnes. Les nationalistes espéraient la création d’un Etat indépendant sous « protection » allemande. Les paysans espéraient la fin de la collectivisation. Tout le monde a été déçu.
L’Organisation Ukrainienne Nationaliste (OUN) a proclamé l’indépendance de l’Ukraine le 30 juin. Il s’en suivait une floraison de comités locaux, associations culturelles, etc. Les Allemands n’ont pas apprécié et ont commencé à réprimer durement l’OUN et toute manifestation nationale ukrainienne. Stepan Bandera, dirigeant du principal courant de l’OUN, a été détenu par les Allemands de 1941 à 1944. A partir de 1942, la majeure partie de l’OUN a commencé à résister aux Allemands, créant l’UPA (Armée insurgée ukrainienne).
Entre l’Allemagne et la Russie
L’OUN a brièvement collaboré avec les Allemands à deux périodes. En 1941, elle a formé deux bataillons qui ont participé à l’invasion de l’Ukraine. Ils ont été dissous par les Allemands en 1942. Pendant la majeure partie de la guerre, l’UPA a combattu à la fois les Allemands, l’Armée rouge, les partisans soviétiques et les partisans polonais. Ensuite, en septembre 1944, Stepan Bandera a accepté l’offre des Allemands, qui avaient déjà perdu la guerre, d’être libéré de Sachsenhausen pour combattre les Soviétiques.
Les affirmations du genre « Stepan Bandera et l’OUN-UPA étaient des supplétifs des Nazis » ont l’avantage de la simplicité, mais l’inconvénient de n’être que très partiellement vraies et donc n’aider à comprendre ni l’Ukraine des années ’40 ni celle d’aujourd’hui. De la mouvance OUN-UPA sont issus une partie de ceux qui ont vraiment collaboré avec les Nazis.
A l’autre extrême, l’OUN clandestine dans l’Est, qui avait une activité importante, a évolué dans un sens plus démocratique et social au contact avec les populations de l’Est, sur lesquelles le nationalisme « pur » avait moins de prise. Dans le Donbass l’OUN a même adopté le mot d’ordre « Une Ukraine soviétique indépendante sans le Parti communiste ».
L’UPA d’Est en Ouest
L’UPA a continué à résister aux Soviétiques jusque dans les années ’50. Elle a aussi commis des crimes. Elle a été antisémite mais beaucoup plus fondamentalement antirusse et anti-polonaise et elle a été responsable pendant la guerre d’un nettoyage ethnique qui a conduit au massacre de dizaines de milliers de civils polonais. L’UPA est controversée en Ukraine aujourd’hui. A l’Ouest, elle est célébrée par beaucoup et pour beaucoup d’autres elle n’est pas complètement condamnable à cause de sa résistance aux Soviétiques.
Pour exactement la même raison, à l’envers, elle est très largement rejetée à l’Est et au Sud. Dans ces régions, la majorité de la population a soutenu et combattu dans les rangs de l’Armée rouge et des partisans soviétiques. Il est à souligner que pendant la guerre, l’identité ukrainienne a été fortement mise en avant par le régime soviétique, avec la création d’unités militaires et de décorations spécifiquement ukrainiennes. Cela n’a pas survécu à la normalisation culturelle après 1945.
L’histoire commune a commencé après 1945 et a conduit à une identité ukrainienne commune, au-delà des régions et des langues. Ce qui sépare l’Est et l’Ouest aujourd’hui, ce sont beaucoup plus deux réalités socio-économiques (voir ci-dessous) que des questions de langue et de culture. Lors du référendum de 1991, l’indépendance a été majoritaire partout. D’après le recensement de 2001, 77 % des habitants se définissent comme Ukrainiens, 17 % comme Russes.
Une unité nationale en germe?
Presque tout le monde comprend les deux langues et apparemment il se développe aujourd’hui le sourzhyk, un mélange des deux. Il n’est pas exclu que les facteurs de division surviennent dans les prochains jours, et pas seulement en Crimée. Mais ce n’est pas inévitable et cela peut être encouragé ou découragé par les actions des uns et des autres. Une mauvaise décision du Parlement dans les premiers jours après la destitution de Ianoukovitch a été d’annuler une loi de 2012 qui donnait un statut officiel à la langue russe.
Que la loi en question affaiblissait en même temps l’ukrainien n’excuse rien. Elle aurait pu être amendée. Cette décision était une provocation potentielle à l’égard des russophones. Mais deux réactions à cette mesure sont à signaler. D’abord, une déclaration signée par des intellectuels de Lviv, grande ville de l’Ouest, en faveur du pluralisme linguistique et culturel.
Il se trouve par ailleurs que le premier signataire est le fils de celui qui était commandant-en-chef de l’UPA. Ensuite le 26 février, la ville de Lviv a annoncé que ce jour-là ses habitants parleraient le russe, en formulant les choses ainsi: « Lviv veut des nouvelles élections pour le Parlement et pas de la spéculation sur la langue et la nationalité. Le 26 Février, je parlerai le russe à la maison, à mon travail, avec mes amis – partout, en solidarité avec les habitants des régions Sud et Est de l’Ukraine ».
Le social au-delà du national
Les villes russophones de Donetsk (Est) et d’Odessa (Sud) ont tout de suite réciproqué, adoptant des déclarations identiques, remplaçant simplement « russe » par « ukrainien » et « Sud » et « Est » par « Ouest » et « Centre ». Il y a aussi des déclarations des municipalités à l’Est contre la division.
Quant aux attitudes de la population, un sondage fait dans l’Est et l’Ouest indique que des questions comme la langue, le fédéralisme et les rapports avec la Russie et l’UE ne sont pas les préoccupations principales: les priorités partout (sauf en Crimée) sont la corruption, le niveau de vie, le chômage, les retraites, la santé et l’éducation.
Et en ce qui concerne la Russie, une pétition circule actuellement à l’Est, adressée à Vladimir Poutine :
« Nous, les Russes et les citoyens russophones de l’Ukraine, n’ont pas besoin de protection par d’autres États. Nous vous remercions pour votre soutien, cependant, nous tenons à vous informer que personne ne nous a jamais porté atteinte, en aucune façon, sur le territoire de l’Ukraine. Nous avons toujours vécu librement et heureusement, parlant notre langue habituelle. Nous avons également étudié la langue d’Etat de l’Ukraine à l’école et sommes capables de la parler assez bien pour nous sentir à l’aise dans un environnement ukrainophone. C’est pourquoi, avec tout le respect dû à vos soucis, nous vous demandons de ne pas soulever des questions internes de notre pays qui sont loin d’être critiques à l’échelle nationale de la Fédération de Russie. Et d’ailleurs, nous vous demandons de ne pas amener des troupes pour régler un conflit que vous voyez apparemment, mais que nous n’arrivons pas à remarquer. Nous vous remercions de votre compréhension. Avec respect, les citoyens russe et russophones de l’Ukraine. »
L’étincelle
Le mouvement actuel a débuté en réaction à la volte-face d’Ianoukovitch qui a abandonné des négociations pour le partenariat avec l’UE pour signer un accord avec Poutine pour un crédit de 15 milliards de dollars et une réduction du prix de gaz fourni. C’était l’étincelle. Le combustible, c’était autre chose, et pas seulement la question européenne.
Le problème fondamental en Ukraine n’est ni le choix entre l’Europe et la Russie, ni l’opposition entre Est et Ouest. Il réside dans le caractère de la société ukrainienne. Comme ailleurs en ex-Union soviétique dans les années ’90, il s’est installé un capitalisme mafieux et corrompu. Comment pourrait-il en être autrement, car ce capitalisme a été créé sur la seule base possible, celle du détournement et du vol de la propriété publique à une échelle de masse.
Les oligarques et autres affairistes qui ont accaparé les entreprises nouvellement privatisés agissent comme leur compères en Russie. Ils enregistrent leurs sociétés à l’étranger, souvent dans des paradis fiscaux, ils exportent leurs capitaux. Ils ne paient pas d’impôts.
Qui vole, dirige
A l’Est, dans les zones industrielles, les privatisations ont été accompagnées d’une montée de chômage et de salaires impayés. Aujourd’hui, les salaires sont de misère mais les salariés qui ont un emploi s’y accrochent. C’est souvent le cas, comme à l’époque soviétique, que l’usine où ils travaillent est la seule de la ville, ce qui les rend dépendant de leur employeur, qui par ailleurs contrôle souvent en plus les média locaux et les élus de la ville. A l’Ouest, il y a une autre situation.
Ce sont des régions relativement peu industrialisées, où l’agriculture joue un rôle dominant. Les terres sont tombées sous le contrôle d’énormes entreprises de l’agrobusiness, des agroholdings, chassant beaucoup de paysans de leurs terres. Beaucoup sont partis travailler à l’étranger. Beaucoup de ceux qui restent dépendent des versements en provenance de l’étranger et des allocations publiques.
Il aurait été étonnant que sur cette base socio-économique apparaisse une société et une vie politique propre. Et ce ne fut pas le cas. A l’époque de l’Union soviétique, l’Etat s’occupait, tant bien que mal, de ces citoyens, du berceau jusqu’au tombeau. Aujourd’hui en Ukraine, on paie pour tout, de la crèche jusqu’au cimetière.
Et ce n’est pas à cause des privatisations, car beaucoup de services sont encore publics. Tout simplement, pour avoir une place à la crèche, un diplôme à l’Université, un emploi, une autorisation pour créer une entreprise, une place au cimetière, il faut graisser des paumes.
Corruption généralisée
Et évidemment quand on arrive dans le monde des affaires et celui de la politique, les sommes concernées, par exemple pour avoir des contrats d’Etat ou se faire élire député, sont beaucoup plus importantes. Toute la société est gangrénée par la corruption, sur fond d’une énorme inégalité entre riches et pauvres.
Quand aux partis politiques, ils sont liés, soutenus et financés par les différents oligarques: et une fois au pouvoir, les hommes et femmes politiques s’enrichissent. Ianoukovitch, ses fils et son entourage l’ont fait grossièrement. Mais cela vaut aussi pour le parti de Tymoshenko quand elle était au pouvoir.
Quant à l’ancien boxeur Vitali Klischko, il jouit encore d’un certain respect parce qu’il n’a pas encore été au pouvoir et qu’il a gagné l’argent honnêtement comme sportif. Cela ne veut pas dire que son parti agirait différemment des autres une fois au pouvoir. Sans parler de la probabilité qu’il reçoive de l’argent d’Allemagne.
Ce qui manque en Ukraine, ce sont des partis qui se basent sur des programmes politiques et sociaux et non pas sur les intérêts de tel ou tel clan. Ce qui manque très spécifiquement, c’est un parti de gauche. Certes, il y a le Parti communiste d’Ukraine. A regarder son programme social, il n’y a pas grand chose à redire. Par ailleurs, il a fait la proposition constructive d’un référendum sur les choix d’orientation internationale et défendait le retour à un régime parlementaire plutôt que présidentiel.
Où est la gauche?
Le hic est que ce parti est perçu, et avec raison, comme ayant été lié au régime de Ianoukovitch. Il a voté systématiquement avec le Parti des régions, rejoignant même le gouvernement en 2010. Il a voté en faveur des lois répressives du 16 janvier dernier, qu’il justifiait par la suite. Et malgré certaines critiques tardives à l’encontre du régime Ianoukovitch, il place la responsabilité pour la crise actuelle sur le Maïdan.
Il faut voir comment il se positionne dans la nouvelle situation qui s’ouvre. Par ailleurs, surtout depuis la chute de Ianoukovitch, il a été victime d’agressions et d’attaques contre ses locaux qui sont à condamner absolument.
Revenons à l’origine du mouvement. Ce qui l’a déclenché, c’est la volte face de Ianoukovitch. Mais à la différence de la « Révolution orange » de 2004, le mouvement est parti d’en bas. En 2004, les manifestations demandaient l’annulation d’une élection présidentielle truquée et la tenue d’une nouvelle élection et il a était clairement dirigé par le candidat Youshchenko et par Ioulia Tymoshenko.
Cette-fois-ci, le mouvement a été spontané et dés le début plutôt méfiant à l’égard de l’opposition officielle qui a été obligée de lui courir après et se trouvait souvent coincée entre le mouvement et le pouvoir.
Qu’est-ce qui a motivé les premières manifestations? Bien sûr, la question de l’Europe a eu son importance. Pour beaucoup de gens, vue d’Ukraine, l’Europe représentait la prospérité, la démocratie, les droits de l’Homme. Ils ne croyaient pas forcément que l’Europe était le paradis. Juste mieux que l’Ukraine. Avaient-ils raison ? Sur la démocratie et les droits de l’Homme, oui et non. Bien sûr, comme nous le savons, l’UE a un fonctionnement anti-démocratique.
UE: les désavantages, sans les avantages
Mais les Etats membres des Etats sont des démocraties qui respectent les droits civiques – avec des bémols, avec des lois répressives, bien sûr. Mais ce n’est pas comparable à l’Ukraine ou la Russie. A propos du partenariat avec l’Union européenne, c’est autre chose. Dans le cadre de l’accord proposé, l’Ukraine n’aurait même pas eu la perspective d’adhésion à l’UE et ses citoyens n’auraient donc pas eu de liberté de mouvement.
Ce serait une zone de libre échange avec acceptation des règles de l’Union, avec l’imposition des « réformes » qu’on connaît bien, avec l’ouverture de son marché et son économie aux exportations et investissements occidentaux, avec exploitation de sa force de travail bon marché. Tous les désavantages de l’UE sans beaucoup d’avantages.
Mais on peut parier que pas grand monde en Ukraine n’avait lu les termes de l’accord. En fait, l’UE avait une autre attraction. Elle n’était pas la Russie. Surtout en ce qui concerne l’Ouest et le Centre, où le sentiment antirusse reste fort, cela a beaucoup joué. Il y avait la suspicion que les accords avec la Russie n’étaient que le premier pas vers l’adhésion à l’Union douanière et plus tard à l’Union eurasienne de Poutine. Et le sentiment était, « surtout pas ça, nous avons déjà donné. »
On a déjà donné!
Et à l’Est ? Les sentiments antirusses sont beaucoup plus faibles et il y a avec la Russie des liens linguistiques, culturels mais aussi économiques. Pour la majorité de la population, les accords avec Poutine ont beaucoup moins choqué. Mais de là à dire que le gens seraient prêts à se laisser entraîner dans l’Union eurasienne… c’est beaucoup moins sûr. Et il y a eu des manifestations à l’Est. Elles ont été réprimées. Mais elles n’ont pas été négligeables.
Un sondage a indiqué que le mouvement avait le soutien de 80 % des gens à l’Ouest, 30 % à l’Est et 20 % au Sud. Il semble aussi que c’est à partir du mois de janvier, quand la question européenne a été éclipsée par l’affrontement avec les forces de répression, quand la lutte contre tout le système représenté par Ianoukovitch est devenue centrale, que l’Est a commencé à bouger.
Les vrais problèmes de l’Ukraine sont endogènes, le produit de la transition vers le capitalisme et la société ainsi engendrée.
Ce sont sur des questions qui en découlent que les gens sont descendus dans la rue en 2004. Bien sûr, le soutien actif de l’Occident a été un facteur important. Mais les Ukrainiens ne sont pas descendus dans la rue à l’appel de l’Occident, mais par indignation à la fraude électorale. Et à partir du 21 novembre dernier, ils ne sont pas descendus dans la rue à l’appel de l’UE mais parce qu’ils pensaient que Ianoukovitch était en train de les amener là où ils n’avaient pas envie d’aller et que quelque part, ils avaient été floués.
Ni Russie, ni Occident
C’est important de dire cela, car les gens ne sont pas des moutons. A trop insister sur les complots et les ingérences extérieurs, on laisse les arbres cacher la forêt. Et la forêt, c’est le mouvement de masse. Ceci dit, ces ingérences existent, et l’environnement international a toujours pesé – et pèse encore plus depuis la chute de Ianoukovitch.
L’Ukraine est devenue un enjeu géopolitique entre l’Ouest – les Etats-Unis et l’UE – et la Russie. A l’Ouest, chacun a son poulain. Pour les Américains, c’est Yatseniuk, pour les Européens et surtout les Allemands, c’est Klitschko.
Pour la Russie, ce qui est central, c’est le projet de l’Union eurasienne. Poutine regrette l’Union soviétique. Mais pas pour ses fondements socio-économiques. Ce qu’il regrette, c’est son statut de grande puissance, ses frontières et l’appareil policier où il a été lui-même formé. Et il essaie de les restaurer. L’Union eurasienne est sa tentative de rétablir une sphère d’influence économique et politique dans l’espace qui était celui de l’Empire russe et de l’URSS. Et pour cela, l’Ukraine est essentielle.
Voilà pourquoi il a fait tellement d’efforts pour empêcher que l’Ukraine signe le partenariat. Sur le plan économique, la Russie est infiniment plus faible que l’Europe ou les Etats-Unis. Mais il a plus besoin d’Ukraine qu’eux. Et si la situation en Ukraine le permet, il peut intervenir militairement. Là-dessus, il aura sans doute le soutien de l’opinion publique russe, car ce que certains appellent le nationalisme russe, mais que Lénine appelait toujours le chauvinisme grand-russe, reste très fort et est largement partagé à travers l’éventail politique.
Un parti communiste… impérialiste?
Malheureusement, c’est aussi vrai pour le Parti communiste de la Fédération de Russie. Les déclarations telles « le présidium du CC du PCFR se prononce pour une posture active et maximale de la part de la Fédération de Russie dans la tâche de normaliser la situation en Ukraine » sont une honte, un appel à l’intervention en Ukraine. Un vrai parti communiste s’opposerait aux ambitions impérialistes de son pays plutôt que de les encourager.
En guise de conclusion, une question. Sommes-nous devant une révolution en Ukraine ? Dans la préface à son « Histoire de la révolution russe », Léon Trotsky écrit : « L’histoire de la révolution est pour nous, avant tout, le récit d’une irruption violente des masses dans le domaine où se règle leurs propres destinées ».
Par cette définition-là, ce qui se passe en Ukraine est une révolution. Ce n’est pas tout joli? Il y a des fascistes et des idées réactionnaires? Lénine avait une réponse à cela qui est trop longue à citer ici mais qui se résume de la manière suivante: quiconque s’attend à une révolution pure ne la verra jamais.
Il est impossible d’avoir une vraie révolution sans l’éruption sur la scène de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés réactionnaires. On peut dire qu’en Ukraine, avec son histoire, avec l’extrême faiblesse du mouvement ouvrier et de la gauche, c’est encore plus vrai.
Le mouvement en Ukraine a beaucoup de faiblesses et pas mal de tares. Mais il a connu une première et grande victoire. Il reste beaucoup d’obstacles sur la voie d’une vraie révolution sociale et démocratique. A l’intérieur, la classe politique, les fascistes, les oligarques. A l’extérieur, les impérialismes occidentaux, la Russie. Il mérite la solidarité de la gauche en Europe pour les surmonter. On y reviendra.
28-02-2014
TTIP: On va vous sucer jusqu’à la moëlle
Vous vous souvenez de l‘AMI, ce malnommé Accord multilatéral sur l’investissement? Cet accord fut négocié entre 1995 et 1997, cette époque où le néolibéralisme avait mis la vitesse supérieure, entre les Etats-membres de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques).
A l’origine, les gouvernements pensaient pouvoir le faire passer en douce. Qui se soucie des tractations autour d’un obscur traité commercial? Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les gouvernements ne voulaient quasiment rien dévoiler.
A cette époque, l’AMI prévoyait un certain nombre d’horreurs qu’il aurait été très difficile à „communiquer“ aux citoyens: les entreprises auraient pu assigner en justice des gouvernements pour entrave à leurs activités, voire même s’ils voulaient prendre des mesures de protection de leurs marchés. Des lois ou réglementations concernant l’emploi, l’aide au développement ou encore (pour ne citer qu’elles) la protection de l’environnement auraient pu être mises en cause.
L’éternel retour des vampires
Si, comme écrit plus haut, cette époque correspondait à l’intensification de l’offensive néolibérale (alors que 13 des gouvernements des alors 15 Etats-membres de l’UE étaient dirigés ou comportaient des partis socialistes! – „vote utile“ quand tu nous tiens…), elle correspondait également au réveil citoyen et à l’essor du mouvement „altermondialiste“.
Et heureusement, car c’est grâce à ce dernier que l’AMI échoua. Bon nombre d’associations, dont notamment Attac, ont fait tant de bruit autour de cet accord que les gouvernements, afin de ne pas perdre la face, se retrouvaient au pied du mur et n’avaient plus d’autre choix que de le laisser tomber.
C’était la „méthode Dracula“, comme l’avait défini l’écrivaine et présidente d’honneur d’Attac, Susan George: à l’image du fameux vampire transylvanien, un traité comme l’AMI „meurt à être exposé en plein jour“. 16 ans après l’évaporation de l’AMI, un nouveau démon vampirique menace les citoyens des deux rives du Nord-Atlantique: l’Accord de libre-échange entre l’UE et les USA, dénommé TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership).
Après l’AMI, le TTIP
Mais désormais nous sommes en 2014 et non plus en 1995. Certes, nos gouvernements, qu’ils soient socialistes ou pas, cela ne change plus grand chose, sont toujours autant favorables à la libre circulation des capitaux et tentent encore et toujours de détruire toute mesure de protection des travailleurs et des consommateurs.
Mais les citoyens sont beaucoup moins dupes: le libéralisme économique, l’absence de toute forme de protection douanière et la flexibilisation du travail, tout ça n’est plus accepté, pour la simple et bonne raison que tout le monde peut constater quotidiennement la baisse de la qualité de vie. Et le TTIP, franchement, de plus en plus de gens, aux USA ou dans l’UE, en ont entendu parler.
Et comme nous sommes en 2014, la Commission européenne, qui est en charge des négociations, sentant bien que ce joli projet risque de capoter si elle ne s’y prend pas plus habilement, a appris du passé. Elle a donc décidé de préparer un plan de communication à propos du TTIP afin de „désamorcer“ la fronde populaire. Un plan de communication que l’organisation Corporate Europe Observatory a „leaké“ (et que vous pouvez retrouver ici).
Il faut savoir que ce document date déjà un peu: du mois de novembre, le 22 pour être précis, date à laquelle une réunion informelle entre des représentants des Etats-membres de l’Union s’est tenue à Bruxelles.
Et il est intéressant de noter qu’à ce moment déjà, la Commission constate que jamais encore des négociations ont à tel point été commentées par l’opinion publique. Il faut donc réagir, car, comme le précise le texte, „une communication politique convaincante sera déterminante pour le succès du traité de libre-échange“.
La communication est une arme de guerre
Les auteurs du texte retiennent cinq point qu’ils ne doivent pas perdre de vue:
– les „peurs“ par rapport aux „possibles conséquences“ sur le modèle social européen. Pour cela, il faut une „communication proactive, précoce et large (…) qui revient sur la ’success story‘ (!) de l’Europe dans les négociations internationales“;
– les élections du Parlement européen vont constituer un „facteur important“: les différentes familles politiques se positionneront par rapport au TTIP. L’Union devra alors parler „d’une seule voix“;
– la „dimension stratégique“ du TTIP, qui est bien plus qu’un simple accord de libre-échange. „Nous devons représenter de manière convaincante le potentiel stratégique du TTIP“ qui permettre tant aux USA qu’à l’UE d’imposer des modes de régulation au reste du monde;
– „établir que l’accord est conclu entre deux puissances égales“;
– „les groupes d’intérêts“: vu la dimension du traité, les négociateurs auront besoin de „l’input“ d’un grand nombre de „stakeholder“ – mais il faudra parallèlement veiller à garder un certain degré de confidentialité.
Peut-être à l’image de la mobilisation contre l’AMI, mieux encore, la mobilisation contre le Traité constitutionnel européen en 2005 (ou même contre Acta l’année passée), une certaine mobilisation contre le TTIP commence à balbutier, y compris au Luxembourg.
Une bonne stratégie vaut mille tactiques foireuses
Ne soyons pas dupes, les dirigeants nationaux et européens en ont conscience. Ils vont donc privilégier l’attaque à la défense, mais surtout, tenter de diviser les opposants au TTIP en deux blocs: ceux qui le rejettent en bloc et d’autres qui se laisseront convaincre qu’il serait „tactiquement“ plus utile de faire pression sur les négociateurs afin d’avoir, face aux Américains, les meilleurs cartes en main.
Le positionnement de l’eurodéputé vert Claude Turmes en est un exemple: lors d’une conférence de presse le 3 février en compagnie des cinq autres eurodéputés grand-ducaux, Turmes s’est dit globalement en faveur d’un tel accord, à condition que certains points soient discutés plus fermement et que, par exemple, le secteur agricole ne fasse pas l’objet des négociations.
Un jour plus tard, son collègue de groupe au Parlement européen et co-tête de liste aux élections européennes, José Bové, avait tenu un meeting à Luxembourg lors duquel ses propos étaient bien plus réticents quant au principe même du traité.
L’offensive après le moratoire
Pour l’instant, la Commission a suspendu les négociations: un moratoire en attendant que passent les élections européennes. Mais ce n’est qu’un moratoire destiné à ne pas trop „effrayer“ les électeurs.
Mais la note risque de s’avérer bien salée pour les tenants d’une „meilleure négociation“: finalement, cette position ne fera au mieux qu’atténuer la casse en attendant la prochaine offensive.
L’histoire récente a démontré qu’à trop vouloir jouer au fin tacticien on est un piètre stratège qui ne gagne aucune guerre, perdant bataille après bataille avec pour seule consolation une réduction du nombre des victimes dans son propre camp.
Restera encore un autre point à soulever: „notre“ opposition aux „Américains“. Une argumentation qui sillonne comme un serpent de mer sur le dossier TTIP en particulier et sur la question de la „construction de l’Europe“ en général.
Européens et Américains solidaires contre le TTIP
Et cette logique s’immisce jusque dans les rangs du centre-gauche et des écologistes, qui sont pourtant les premiers à sermonner les „eurosceptiques“ de gauche, n’hésitant pas à sortir l’argument-massue du chauvinisme, voire du nationalisme, voire, comme le prétend l’inénarrable Robert Goebbels, que ceux qui sont opposés à ce traité „sont contre le commerce“.
Par contre, ils semblent de pas éprouver de difficultés à engager l’UE dans une guerre commerciale avec les USA, confondant les intérêts des multinationales tant européennes qu’états-uniennes avec les intérêts des citoyens des deux rives qui sont les mêmes. L’argument de la compétition entre Européens et Américains est ainsi des plus fallacieux: aux Etats-Unis aussi, les organisations progressistes et de gauche ainsi que les syndicats se prononcent contre ce traité (ils savent ce que leur a coûté Nafta).
Le chauvinisme, le nationalisme, c’est oublier qu’au sein d’autres nations, de simples citoyens combattent les mêmes maux que nous. Et ce n’est que dans la lutte commune que nous forgerons un véritable internationalisme de solidarité entre les peuples.