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23-01-2014 Par

Intérêts notionnels: la dernière blague belge

On les appelle les intérêts notionnels. Comme ça, personne ne peut comprendre ce que ça veut dire. Sauf les financiers, qui vont s'en servir pour nous plumer davantage.

Intérêts notionnels: la dernière blague belge

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Le renouveau politique annoncé par la coalition gambienne a rapidement montré ses limites sur le plan socio-économique : il ne sera donc pas question de faire payer la crise par ceux qui l’ont provoquée. La hausse de la TVA est même revenue à l’ordre du jour. Mais un point du programme est resté quelque peu dans l’ombre : les intérêts notionnels.

Quand on veut faire du renouveau, il faut trouver des idées originales. Alors pourquoi ne pas recycler celles des autres ? Rien de mal a priori. Le problème c’est d’emprunter la mesure fiscale la plus catastrophique jamais inventée par la Belgique, qui possède pourtant un certain « talent » en la matière.

De quoi s’agit-il ? Les intérêts notionnels ont été mis en place pour compenser la disparition des « centres de coordination » condamnés par l’Europe. Ce dispositif avait attiré une grande quantité de multinationales en Belgique, pour y ouvrir des centres de coordination qui leur permettaient de défiscaliser une bonne partie de leurs bénéfices. Les intérêts notionnels ont donc été mis au point pour les inciter à rester.

De quoi s’agit-il exactement ? Prenons une entreprise qui fait des investissements. Elle demande un prêt à sa banque pour les financer. Elle paye donc des intérêts sur cet emprunt. Elle peut ensuite déduire de ses revenus les intérêts versés à la banque. Si elle finance ses investissements sur fonds propres, elle ne peut pas déduire d’intérêts puisqu’elle n’en paye pas. Logique. Sauf que les intérêts notionnels permettent aux entreprises de déclarer les charges d’intérêts qu’elles auraient payés si elles avaient dû emprunter. D’où le terme « notionnel ».

Bilan désastreux

Les défenseurs de la mesure nous ont expliqué qu’il s’agissait d’encourager les entreprises à se financer sur fonds propres, surtout dans le contexte de crise financière qui rendait plus difficile l’accès au crédit. Soit. Toujours est-il que si l’on fait le bilan de cette mesure en Belgique, il est plutôt désastreux. Aucun emploi créé. Aucune richesse non plus. Par contre, des géants de l’industrie comme Mittal sont très contents d’avoir réussi à payer moins d’impôts qu’un seul de leurs ouvriers. Et les finances publiques ont perdu plusieurs milliards d’euro par an.

Il y a un peu plus d’un an, Bruno Colmant, le créateur des intérêts notionnels, faisait lui-même un bilan critique de la mesure, en avouant qu’elle avait fait l’objet de gros abus au travers de multinationales qui établissaient une filiale financière très fortement capitalisée en Belgique, sans rien apporter à l’économie nationale.

Depuis leur création, les intérêts notionnels ont été « adoucis » : leur taux a été réduit. Mais le principe reste le même : offrir des cadeaux fiscaux à ceux qui n’en ont pas besoin puisqu’ils ont les moyens d’investir sans emprunter. Pour les salariés et les indépendants, l’imposition est tout sauf « notionnelle » : pour déduire des frais professionnels, il faut qu’ils soient bien réels et dûment justifiés.

Fiscalité inversée

En recourant à cette mesure, le Luxembourg tenterait de bénéficier à son tour d’une niche fiscale totalement improductive. Au départ, l’impôt est fait pour redistribuer les revenus. Les plus gros revenus contribuent davantage au bien commun. Avec les intérêts notionnels, c’est le contraire. Ceux qui font le plus de bénéfices payent le moins.

Est-ce cela le renouveau promis ? Au lieu de développer une économie au service des besoins de la population et créatrice d’emplois nouveaux, on fait des cadeaux aux grands patrons ! Politiquement, le scénario est cousu de fil blanc : les socialistes voteront les intérêts notionnels les yeux fermés. Dans deux ans, ils pousseront des cris contre les dérives et les abus de cette mesure (anti)fiscale. Mais ils ne pourront pas dire qu’on ne les avait pas prévenus.