09-12-2016
Italie: Le maillon faible commence à se tendre
Dans une année qui a été largement marquée par des bouleversements et des coups d’éclat en Europe, le résultat du référendum du 4 décembre en Italie est loin d’en être le moins significatif.
Ce référendum était appelé à approuver ou rejeter une réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi, premier ministre depuis 2014 et dirigeant du Parti démocratique (PD) qui fait office de force social-démocrate en Italie. Le but était de redistribuer les pouvoirs: réduire ceux du Sénat et des régions et renforcer ceux de l’État central.
Cette poussée vers un État plus centralisé fait partie du programme de transformation néolibérale des États européens, surtout ceux de la «périphérie» du Sud.
Dans le cas de l’Italie la victoire des propositions de Renzi aurait représenté la plus grande attaque contre la constitution de 1948, issue de la Résistance, et dont l’un des objectifs était d’éviter trop de concentration des pouvoirs. Par ailleurs, cette constitution définissait l’Italie comme «une république démocratique fondée sur le travail».
Une étude commandée par la banque J.P. Morgan en 2013 résume bien le problème du point de vue du capital financier. «Les constitutions [des États du Sud] ont tendance à montrer une forte influence socialiste, reflétant la force politique gagnée par des partis de gauche, après la défaite du fascisme». Ces États seraient caractérisés par «des pouvoirs exécutifs faibles; des États centraux faibles vis-à-vis des régions; une protection constitutionnelle des droits du travailleurs; (…) et le droit de protester si des changements mal venus sont faits au statu quo politique».
On voit que Renzi voulait bien éliminer ces «faiblesses». Pas pour la forme, mais pour avoir un meilleur instrument pour mener les attaques contre l’état social et les droits des travailleurs.
Il était tellement sûr de gagner le référendum qu’il a promis de démissionner si ses propositions n’étaient pas approuvées. Et au début de la campagne, les sondages lui étaient très favorables.
Pourtant, à l’arrivée il a perdu son pari. Avec 59% de «Non» contre 41% de oui, le résultat était sans appel: alors que les derniers sondages avaient prédit une défaite probable, aucun n’en avait prévu l’ampleur. C’était une lame de fond.
Une opposition large et diversifiée
Une des explications réside dans l’éventail des forces rangées contre Renzi. Il y avait la droite avec le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi, la Ligue du Nord qui dérive de plus ne plus vers l’extrême droite et d’autres petites forces de droite. Il y avait aussi le Mouvement des Cinq Étoiles, pour lequel le mot imprécis de «populiste» convient pour une fois, reflétant précisément tout le flou et l’ambiguïté de ce mouvement sui generis. Ces forces étaient motivées par la volonté de faire chuter Renzi, de provoquer des élections anticipées et, dans le cas de la Ligue du Nord et du Mouvement des Cinq Étoiles, de mener campagne pour la sortie de l’euro.
Mais la campagne pour le Non ne se limitait pas à ces forces-là. De manière tout à fait significative, des forces de gauche ont fait campagne. D’abord, il y avait toutes les forces de la gauche radicale: Rifondazione comunista, Altra Europa, Sinistra Italiana. Ensuite, la principale confédération syndicale, la CGIL, bien que tardivement et faisant peu de campagne. Et last but not least, une frange importante de militants du PD, dont des figures marquantes comme l’ancien premier ministre Massimo d’Aléma et l’ancien secrétaire du parti Pier Luigi Bersani. Vers la fin de la campagne, on a vu apparaître des comités locaux rassemblant des militants de gauche.
Quant aux motivations des électeurs qui se sont mobilisés assez massivement (plus de 67% des inscrits), elles ont été multiples. L’une d’elles était la réforme elle-même: il y avait de solides raisons démocratiques pour voter contre. Mais plus fondamental sans doute était tout ce qui était derrière. Le vote était une expression de révolte contre l’austérité et le chômage, contre la misère qui frappe des secteurs importants de la population. A regarder le détail du vote par région, on voit que le Sud appauvri a voté massivement pour le Non, comme l’ont fait 80% des 18-34 ans. Un taux de chômage de 40% chez les jeunes, et 80% des jeunes, contre Renzi: l’arithmétique politique n’est vraiment pas compliquée.
C’était aussi et même surtout un vote contre Renzi et sa politique. Devenu premier ministre en 2014 sans avoir gagné une élection, il a été dans une certaine mesure adoubé par sa victoire dans les élections européennes de 2014 tout de suite après, faisant le plein de promesses de sortir le pays de sa stagnation économique. Des promesses pas tenues. Sa mesure-phare, celle qui lui valait les louanges des élites européennes, était son «Jobs Act» de 2014. Il a réussi là où d’autres avaient échoué en supprimant l’article 18 du code du travail, qui donnait une protection à l’emploi. Et ces élites l’ont soutenu dans le référendum. D’ailleurs, il faut supposer qu’un jour quelqu’un à Bruxelles ou ailleurs va finir par comprendre que le soutien de la Commission et de Merkel, Hollande et autres n’est vraiment pas une aide pour gagner une élection ou un référendum en Europe aujourd’hui. C’est même plutôt le contraire. Et ce vote était aussi contre l’Europe, contre une certaine Europe, celle de l’Union européenne. Car dans un pays qui était historiquement «europhile», de plus en plus d’Italiens sentent de manière plus ou moins claire, et à juste titre, que cette Europe est pour beaucoup dans les malheurs qui frappent leur pays.
Montée du “populisme”?
Du côté des média et du monde politique en Europe, beaucoup se sont précipités pour classer le vote italien sous la rubrique «montée des populismes». A tort. Le vote du 4 décembre était fondamentalement une victoire pour la démocratie et les droits sociaux. Et il aura des conséquences, pas seulement en Italie. Ce pays est certainement, parmi les grands pays, le maillon faible de l’Union européenne. Son économie est dans un état de stagnation, voire de recul, depuis son adhésion à l’euro. Son système bancaire est le plus fragile d’Europe, ce qui est exemplifié par la situation de la troisième banque du pays, Monti dei Paschi di Siena, qui a un besoin urgent de sauvetage, privé ou public. L’instabilité politique qui va découler du référendum et de la démission de Renzi va certainement aiguiser tous les facteurs de crise.
Le commentateur du Financial Times, Gideon Rachman, constatait deux jours après le vote que «le projet européen est soumis à une tension sans précédent. La décision de la Grande-Bretagne de le quitter en est l’évidence la plus frappante. Mais à long terme, la crise qui se déroule en Italie pourrait devenir une menace plus sévère à la survie de l’UE». Il est rejoint par un financier qui estime que si le danger immédiat est minime, on pourrait bien assister «au premier pas de l’Italie vers la porte de sortie de la zone euro».
La gauche radicale, tout en ayant remonté un peu la pente, ne s’est jamais vraiment remise du désastre de sa participation au gouvernement Prodi et de son élimination du Parlement il y a dix ans. Dans la foulée de la victoire du 4 décembre, espérons qu’elle puisse renouer avec les meilleures traditions du mouvement ouvrier italien et être capable de défendre une alternative claire contre le néolibéralisme aussi bien que contre la droite et l’extrême droite nationalistes.
09-12-2016
One-Way Ticket Luxemburg-Kabul
« Von Reisen nach Afghanistan und von Aufenthalten jeder Art wird abgeraten. Die Sicherheit ist nicht gewährleistet: Im ganzen Land besteht das Risiko von schweren Gefechten, Raketeneinschlägen, Minen, Terroranschlägen, Entführungen und gewalttätigen kriminellen Angriffen einschließlich Vergewaltigungen und bewaffneter Raubüberfälle. »
Diese Einschätzung der Sicherheitslage in Afghanistan stammt von der Webpage des Schweizer Außenministeriums[1]. Gäbe es von luxemburgischer Seite eine eigene Reisewarnung, würde diese wohl sehr ähnlich ausfallen. Trotz der desaströsen Lage in dem zentralasiatischen Land hält die luxemburgische Regierung jedoch an ihrer Entscheidung fest, abgewiesene afghanische Asylbewerber mittels Zwangsrückführung nach Kabul auszufliegen.
Non-refoulement-Gebot
Die Rückführung von Personen in Staaten, in denen ihnen Verfolgung oder schwere Menschenrechtsverletzungen drohen, ist völkerrechtlich verboten (Non-refoulement-Gebot). Demnach muss bei jeder Abschiebung individuell überprüft werden, ob der betreffenden Person Gefahr droht. Diese Beurteilung ist generell eine sehr schwierige Aufgabe und im Fall Afghanistan sogar bei sorgfältiger Prüfung mit einem erheblichen Risiko verbunden. Ein generelles Abschiebeverbot in dieses Land wäre demnach aus humanitärer Sicht dringend geboten.
Diese Sichtweise wird allerdings nicht von Außenminister Jean Asselborn geteilt. In seiner Antwort auf eine parlamentarische Anfrage[2] vom Abgeordneten David Wagner (déi Lénk) erläutert er, mehrere Regionen in Afghanistan seien als sicher einzustufen, insbesondere die Hauptstadt Kabul und Mazar-i-Sharif. Rückführungen in diese Städte wären demnach möglich und keine Verletzung des Non-refoulement-Gebots.
Angesichts der ständigen Selbstmordattentate in afghanischen Städten ist diese Einschätzung mehr als zweifelhaft. Am 21. November 2016 kam es in Kabul zu einem tödlichen Anschlag auf eine Moschee, 30 Menschen starben und 70 wurden verletzt. Zehn Tage davor explodierte eine Bombe vor dem deutschen Konsulat in Mazar-i-Sharif und forderte vier Tote. Dies sind nur zwei rezente Beispiele, die Liste solcher tödlichen Attacken ist lang.
Frontex-Flüge
In der Vergangenheit wurden Afghanen trotz abgelehnter Asylgesuche meist auf luxemburgischem Boden toleriert. Offensichtlich plant die Regierung aber in Zukunft eine härtere Gangart. Grund dafür ist nicht zuletzt ein umstrittenes Abkommen zwischen der EU und Afghanistan.
Abschiebungen sind generell mit erheblichen administrativen und logistischen Herausforderungen verbunden. Das Herkunftsland muss gewillt sein, die Personen aufzunehmen, muss Reisedokumente ausstellen, und es bedarf einer Koordinierung der Flüge, sowie eine Klärung der Aufnahmebedingungen. Diese Fragen werden in sogenannten Rücknahmeabkommen behandelt.
Für die EU-Kommission ist das Abschließen solcher Verträge, die generell nicht im Interesse der Herkunftsländer liegen, seit längerer Zeit ein Anliegen. Wegen der Migrationshysterie einiger Mitgliedsländer steht sie aktuell jedoch derart unter Druck, dass sie mit der Brechstange vorgeht: Mittlerweile droht sie offen mit einer Kürzung von Hilfsgeldern, sollten die betreffenden Länder die Unterschrift unter ein Rücknahmeabkommen verweigern.
Angesichts der steigenden Flüchtlingszahlen aus Afghanistan stand das Land bei diesen Bemühungen der EU-Kommission ganz oben auf der Prioritätenliste. Die Verhandlungen stellten sich jedoch als sehr zäh heraus. Teile der afghanischen Regierung wehrten sich heftig gegen ein solches Abkommen, da sie derzeit andere Probleme haben, als sich um die Aufnahme von tausenden abgewiesenen Asylbewerbern aus Europa zu kümmern. Insbesondere der Minister für Flüchtlingsfragen, Sayed Alemi Balkhi, verweigerte bis zuletzt seine Unterschrift[3].
Erst als die Europäer mit einem Scheitern einer Geberkonferenz und somit mit einer dramatischen Kürzung der Hilfsgelder drohten, sprach der afghanische Präsident Aschraf Ghani ein Machtwort. So wurde am 4. Oktober – auf eben jener Geberkonferenz in Brüssel – eine gemeinsame Erklärung mit dem euphemistischen Titel „Joint Way Forward“[4] unterzeichnet, in der sich die afghanische Regierung verpflichtet, abgewiesene Asylbewerber aus EU-Staaten aufzunehmen. Dabei geht es sowohl um freiwillige als auch um unfreiwillige Abschiebungen mit regulären Flügen oder mit Chartermaschinen, die von der EU-Grenzschutzagentur Frontex organisiert werden. Laut dem Dokument können die Reisedokumente von EU-Seite ausgestellt werden, was die Abschiebungen erheblich beschleunigen wird.
Abschiebung von 70 Personen?
Nach Angaben des Ministers befanden sich Mitte Oktober 233 Personen afghanischer Herkunft in Luxemburg in der Asylprozedur. Mit einer Anerkennungsrate die aktuell bei 68% liegt, wären rund 70 von ihnen potentiell von einer Abschiebung betroffen. Durch die Unterzeichnung der „Joint Way Forward“ Deklaration, braucht sich Luxemburg nicht mehr selbst um die administrativen, logistischen und rechtlichen Fragen zu kümmern, sondern „übergibt“ die abgewiesenen Asylsuchenden – und damit auch die Verantwortung – einfach der Agentur Frontex, die sie dann mit gemeinsamen EU-Flügen nach Kabul ausfliegt.
Jean Asselborn bestätigte dann auch in der bereits genannten parlamentarischen Anfrage, dass Luxemburg sich an den Flügen beteiligen wird. Parallel dazu hat die Regierung ein Gesetzesvorhaben im Parlament deponiert, das vorsieht, die Abschiebehaft für Familien mit Kindern von derzeit maximal 3 Tagen auf 7 Tage auszuweiten. Eine Politik, die dem humanitären Image, das die Regierung und insbesondere der Außenminister gerne über Luxemburg verbreiten, diametral entgegensteht.
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[1] https://www.eda.admin.ch/content/eda/de/home/laender-reise-information/afghanistan/reisehinweise-afghanistan.html
[2] Question écrite n°2466
[3] http://reliefweb.int/report/afghanistan/eu-and-afghanistan-get-deal-migrants-disagreements-pressure-and-last-minute
[4] https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/eu_afghanistan_joint_way_forward_on_migration_issues.pdf
09-12-2016
Retours de Palestine: Jérusalem, capitale confisquée?
Du 31 mars au 10 avril dernier, 15 résidents du Luxembourg ont réalisé un voyage d’études en Palestine et en Israël. Ils souhaitaient se rendre compte sur place de la réalité vécue par les populations concernées comprendre mieux et, au retour, témoigner de ce qu’ils ont vu, entendu et compris et interpeller les instances concernées sur les enjeux perçus.
Cet article a été publié dans la revue mensuelle de l’ASTM Brennpunkt n° 294 de septembre 2016
Témoignages sur Jérusalem de deux «anciens»
Nos deux témoignages et les analyses qui vont suivre ont ceci de particulier qu’ils sont proposés par deux participants ayant réalisé déjà de nombreux voyages (ensemble, 13) et de plusieurs missions en Palestine et Israël au cours des 15 dernières années. Le séjour d’avril dernier leur a donc permis de revoir encore, d’essayer de comprendre un peu mieux, ce conflit, sa durée et sa profondeur, sa complexité, mais aussi sa profonde simplicité: d’un voyage à l’autre, les réalités désespérément permanentes, en même temps que les aggravations et les formes sans cesse nouvelles qu’elles prennent. Ce sont ces permanences et ces aggravations que nous voudrions proposer ici. Nous le ferons en partant des faits et des constats, puis en partageant aux lecteurs les analyses que nos partenaires nous en ont proposées et que nous reprenons généralement à notre compte. Nous compléterons ces approches et les confirmerons par les déclarations officielles successives et les projets explicites de dirigeants israéliens sur la terre de Palestine et particulièrement de Jérusalem-Est. Nous terminerons en proposant quelques pistes d’action aux citoyens que nous sommes et aux instances nationales et européennes responsables.
La route de l’aéroport Ben Gourion à Jérusalem-Est : «Je suis choqué[e]»!
De l’aéroport Ben Gourion à la Maison d’Abraham à Jérusalem-Est, Nour, notre chauffeur, commente ce que nous voyons depuis notre minibus: à gauche, à droite, devant, encore à gauche, derrière! des barbelés entourant des points d’eau, le «mur de séparation», des check points, des Palestiniens sortant leurs permis, des soldats très jeunes, suréquipés, et des jeeps, des routes interdites aux Palestiniens, des routes réservées aux Palestiniens, une prison réservée aux Palestiniens, un tramway réservé (de fait) aux Israéliens juifs …
Tout y était déjà, ou presque. L’impression commune exprimée lors de notre «debriefing» ce 1er soir à la Maison d’Abraham par les (nouveaux) participants fut: «Je suis choqué [e]». Et nous le fûmes aussi, Joanna et moi, tant les réalités vues comme en zoom et en condensé sur un aussi court trajet, et les commentaires de Nour, nous avaient déjà plongé brusquement et en continu dans un monde désarticulé, déchiré et désolant.
Des faits, de plus en plus clairs et nombreux …
Ce sont les principaux éléments de ce système d’occupation et de colonisation qui nous ont tant frappés dès la 1e heure de notre voyage que nous allons décrire maintenant en nous centrant sur Jérusalem-Est.
La plupart de ces faits étant déjà connus, nous choisissons de les aborder de manière synthétique pour nous arrêter plus longuement aux logiques à l’œuvre et aux projets israéliens avérés.
… à commencer par des chapelets de colonies … et des Palestiniens dépossédés …
C’est après la guerre de 1967 que le mouvement des colonies s’est développé et a connu des augmentations constantes. Ainsi, le nombre de colons avoisinait les 106 000 en 1983, 300 000 en 1993, au moment des Accords d’Oslo, 414 000. en 2002, lors des rencontres de Camp David II. Aujourd’hui, en 2016, il se situe autour des 620 000, dont plus de 220 000 dans Jérusalem-Est.
Au-delà des chiffres, si l’on veut comprendre leur gravité et leur importance stratégique dans le blocage toujours plus profond de la situation, il faut imaginer en dehors de nos cadres habituels ce que les colonies israéliennes représentent vraiment dans la vie quotidienne des Palestiniens: pour que des colons s’implantent, il faut que les Palestiniens qui y vivent en soient expulsés, que leurs terres soient appropriées, que leurs maisons soient détruites, qu’ils soient dépossédés de leur source d’eau, que leur ciel et leur environnement leur soient barrés ou coupés. Arbitrairement. Violemment. Injustement. Avec humiliation. Sans compensation. Et, plus encore, impunément, … alors que ces pratiques sont totalement contraires à la 4e Convention de Genève et punissables de crimes de guerre.
À chaque nouveau voyage, de nouvelles colonies barrent l’horizon des Palestiniens et occupent de nouvelles collines. Elles sont implantées de plus en plus au cœur de Jérusalem-Est, et même au cœur des quartiers arabes de la Vieille Ville: ainsi, la maison du décédé Ariel Sharon, qui surplombe de manière arrogante la rue centrale du souk de la Vieille Ville (photo ci-contre) ou encore cette maison très récente près de la maison d’Abraham où nous logions, et aussi dans le quartier de Silwan que nous avons plusieurs fois visité.
Ainsi, la «confiscation» de Jérusalem-Est par les colonies progresse constamment et de manière accélérée. Les étapes de l’extension de la Jérusalem juive ont été impressionnantes: depuis le Jérusalem du «corpus separatum » de 1947 jusqu’à la super agglomération actuelle.
Elle passe ainsi de 7 km2 en 1949 à 70km2 en 1967, à 165 km2 en 2005, pour atteindre 200km2 en 2014…
… un «mur de séparation» ..
Tantôt un mur en béton, haut de 8 à 10 m. à Jérusalem-Est, coupant des quartiers palestiniens entre eux ou le mur de 12 m à Bethléem, serpentant, entourant le tombeau de Rachel. Tantôt une «barrière» bourrée d’électronique. Les Israéliens ont prévu au départ qu’il atteigne 730 km. Ce «mur» est situé à plus de 8/10 de son parcours à l’intérieur des terres palestiniennes, et non sur la frontière, la «ligne verte» (qui fait environ 320 km). Il pénètre profondément à l’intérieur de la Palestine au point de presque faire la jonction entre l’ouest et l’est et, ainsi, de couper la Cisjordanie en trois bantoustans séparés entre eux et séparés de Jérusalem.
Le mur zigzague à l’intérieur de Jérusalem-Est puis dans les territoires palestiniens autour de Jérusalem-Est, vers le nord et Ramallah, vers l’est et la Vallée du Jourdain, vers le sud, jusque, dans et autour de Bethléem et vers Hébron, entourant les grandes, moyennes et petites colonies israéliennes. Revoyant ce mur, nous pensons évidemment aux nombreuses et lourdes implications qu’il a sur la vie quotidienne des Palestiniens, dans tous les domaines, particulièrement celui des déplacements des personnes et des marchandises.
…des barrages ou check points et des routes de contournement… sont le 3e outil de contrôle utilisé par la puissante occupante. De plusieurs centaines, ces barrages ont été relativement réduits au cours des dernières années, nous avons pu le constater, et remplacés par deux systèmes plus «ingénieux»: d’une part, quelques grands check points semblables à des terminaux d’aéroport, remplis d’appareillages électroniques – ainsi autour de Jérusalem et Bethléem, puis autour de Naplouse, Jenine et Ramallah, et, d’autre part, des check points volants, y compris en voitures banalisées. Ceux-ci ont le grand avantage, pour les Israéliens, d’être légers, mobiles et moins coûteux, mais surtout de rendre leur présence et leur venue non prévisibles pour les Palestiniens. Ces derniers ne peuvent plus anticiper pour éviter ou contourner. Ils peuvent être contrôlés n’importe où et n’importe quand. Imprévisibles et arbitraires. Temps passé, temps perdu. Espace barré.
… et les routes de contournement viennent parachever l’ensemble de ce 1er système. Ce sont des routes réservées aux colons, qui leur permettent de se déplacer depuis leurs colonies, sur des voies larges, sécurisées, interdites aux Palestiniens sous peine d’amende ou d’emprisonnement, pour rejoindre les grandes villes ou les habitants d’autres colonies chaque matin et chaque soir.
«Il faut imaginer le maillage et le réseau de plus en plus dense de ces routes qui viennent s’ajouter au tracé du mur, aux chapelets de colonies et aux check points fixes et mobiles. Il n’y a plus guère de liberté de circuler. Plus de liberté du tout: tout (presque tout) est sous contrôle.» L’excellente Ruth – cette jeune juive travaillant dans une organisation israélienne de défense des droits des Palestiniens – qui nous a guidés au cœur et aux alentours de Jérusalem, nous l’a fait comprendre mieux que quiconque en détaillant avec force détails les contraintes de tous genres, y compris administratives, qui corsètent de manière insoutenable et anesthésiante la vie quotidienne des Palestiniens.
… et enfin une administration étouffante …. Pour assurer ses fonctions au quotidien à l’égard des Palestiniens, ce système est complété par une pléthore d’obligations et d’interdictions administratives, dont beaucoup exigent des permis spéciaux, difficiles et longs à obtenir, enlevés au moindre faux pas. Pour beaucoup de demandes, il faut des permis spéciaux: permis de bâtir, permis d’aller à Jérusalem ou à Gaza, permis d’aller travailler sur son champ, permis d’aller à l’étranger, permis d’aller à l’hôpital en Israël, etc.
Espace, temps, mouvements cadenassés. Une pléthore de fonctionnaires israéliens est ainsi consacrée à cette «administration de l’occupation», érigée en système juridique séparé.
Au-delà des faits, des «logiques» à l’œuvre?
Trois logiques principales nous sont apparues lors des rencontres avec nos partenaires israéliens et palestinien, qui se superposent et se renforcent mutuellement. Tant à Jérusalem-Est que dans la Vallée du Jourdain et l’ensemble de la Cisjordanie.
Une logique d’épuration ethnique. Jérusalem-Est étouffe, est «mangée» à petit feu au nord vers Ramallah, au sud vers Hébron et Bethléem et à l’est vers la Vallée du Jourdain. Autant de milliers, de dizaines de milliers de Palestiniens expulsés, chassés ou déplacés. Place nette est faite pour remplacer la population palestinienne par des colons juifs. Un seul petit couloir à l’est relie encore Jérusalem à la Cisjordanie, c’est la fameuse zone E1. Si les Israéliens se l’approprient, Jérusalem sera définitivement coupée de la Cisjordanie au nord, à l’est et au sud et ne deviendra jamais la capitale d’un futur État palestinien.
Une deuxième logique s’ajoute à la précédente et vient la renforcer : une logique d’enfermement, et/ou d’emprisonnement, un contrôle permanent et pointilleux du temps, de l’espace, de toutes les dimensions de la vie, avec le double sentiment ainsi créé de n’avoir plus de liberté, de maîtrise sur sa vie, ni individuelle ni familiale ni collective. Il faut y ajouter la militarisation, le harassement, l’épuisement, la mise au sec, avec leurs conséquences: l’étouffement, la peur, la démission, le repli. Le mur, les check points, la militarisation, les diverses formes de contrôles, les emprisonnements, tous les obstacles administratifs et autres mis à l’expansion démographique ou économique palestinienne, … autant de formes concrètes que prennent ces logiques d’enfermement et d’étouffement, si possible pour faire partir.
Une logique de séparation, écartèlement, division, éclatement, déstructuration, s’ajoute et se superpose aux deux premières. Nous la voyons à l’œuvre, elle aussi, dans les effets ou fonctions du mur, des check points, des routes réservées, du morcellement du territoire, de l’enclavement, de la séparation parmi les Palestiniens eux-mêmes. La géographie de Jérusalem-Est et de ses zones environnantes manifeste sans ambiguïté cette logique. De jour en jour, à mesure des trajets et des visites, lentement, mais sûrement, elle nous est apparue de plus en plus clairement, en lien avec les autres. Ensemble, elles forment «système». C’est un «système».
Une 4e logique à l’œuvre s’est dégagée de notre observation et des discussions avec nos partenaires : logique de «néan-tisation» ou d’ «a-néan-tissement» des Palestiniens, plus exactement des «arabes» – car les Palestiniens n’existent pas, n’ont jamais existé! Cette logique est mise en œuvre de multiples manières avec son cortège de pratiques discriminantes et d’infériorisation: ainsi les mesures discriminatoires de la métropole de Jérusalem à l’égard de Jérusalem-Est au niveau des services (publics) et des formes de retours des impôts versés. Et encore, dans de multiples circonstances de la vie quotidienne, des pratiques humiliantes et dégradantes, à la fois à ses propres yeux, aux yeux des proches et de la communauté. Elles risquent de conduire à la perte d’identité personnelle et collective.
Un concept réunit en lui la plupart de ces logiques, qui en sont autant de concrétisations dans l’espace et le temps, le corps, l’esprit, le cœur: nous sommes en présence et en face d’une SOCIO-CIDE: la mise à mort à petit feu d’une SOCIÉTÉ. Ou bien vous partez (le plus possible), ou bien vous restez (le moins nombreux possible quand même, mais alors enfermés en plein air, comme des sous-hommes, ghettoïsés, sous notre contrôle total). C’est à ce processus lent, profond, généralisé, que les Palestiniens sont confrontés aujourd’hui. Et nous, avec eux, c’est bien ce défi-là qu’il nous faut relever en tant que société civile puisque la communauté internationale et les puissances concernées font défaut.
… et des projets israéliens avoués, qui disent la même chose!
Ces analyses et leurs conclusions ne constituent-elles pas des «projections» de notre part et de la part de nos interlocuteurs israéliens et palestiniens?
D’une part, elles nous semblent trop enracinées et vérifiées dans les «faits accomplis» sur le terrain que pour pouvoir être globalement contestées. Beaucoup avant nous, ainsi que les personnalités rencontrées au cours de de notre voyage qui ont réfléchi avec nous, nous ont proposé leur diagnostic. Nos interlocuteurs israéliens critiques, très connus ou peu connus, peu importe, nous ont sans cesse montré une grande sensibilité aux enjeux profonds, une capacité d’analyse en largeur et en profondeur, une érudition à toute épreuve et un grand calme pour nous les partager.
D’autre part et surtout, en écho à ces logiques proposées, les autorités israéliennes – des simples fonctionnaires aux dirigeants les plus en vue – se gênent de moins en moins pour écrire et dire tout haut leurs objectifs, leurs projets. Les mécanismes qui animent le système, les objectifs poursuivis, et finalement le «projet» d’ensemble que la majorité des responsables israéliens cherche à réaliser, ce sont ces mêmes dirigeants qui les expriment le plus régulièrement, le plus clairement et le plus résolument possible. De Herzl à Ben Gourion, de Jabotinsky à Sharon, de Netanyahou à Libermann, tous ont dit et redisent à peu près avec les mêmes mots les mêmes projets: ceux qu’ils mettent en œuvrent, pas à pas, lentement, mais sûrement, fait accompli après fait accompli.
Le projet israélien sur Jérusalem en est un exemple frappant. Il se trouve dans le Schéma Directeur d’aménagement local de Jérusalem 2020, sorti pour la 1e fois en 2004. Ce Schéma directeur dessine en fait les politiques précises et concrètes d’aménagement des lieux et de l’espace en vue d’imposer pas à pas l’idée du «Grand Jérusalem».
La commande du Gouvernement israélien de l’époque a assigné deux objectifs clés aux planificateurs :
– mettre en œuvre des politiques urbaines qui assurent et confirment la place de Jérusalem comme capitale d’Israël et, dans cette optique, veiller strictement à une distribution «ethnique» de la population, qui atteigne d’ici 2020 la proportion de 70% de juifs et de 30% d’arabes. Objectif revu à la baisse suite à l’irréalisme de la proposition selon les planificateurs de l’époque, donc à 60% contre 40%;
– distribuer les quartiers de la ville avec comme objectifs de couper la Cisjordanie en deux, de couper ces deux parties de tout lien avec Jérusalem et de couper Jérusalem de Bethléem.
Ce n’est rien d’autre que nous avons vu de nos yeux à l’œuvre et qui nous a tellement choqué. Dominique Vidal en résume ainsi les moyens et les étapes, qui nous ont tellement frappés en cours de route et Ruth, la jeune israélienne nous l’a concrètement expliqué exemples et cartes à l’appui depuis les hauteurs du Mont des Oliviers:
– l’extension illégale des frontières de la municipalité;
– la colonisation de, dans et autour de Jérusalem, en trois anneaux successifs;
– la maîtrise totale de voies de communication;
– l’infiltration de la vieille ville du Bassin sacré;
– la judaïsation de Jérusalem, dans les symboles, les signes, les noms des rues, la rareté ou difficulté des permis de conduire et enfin;
– la politique globale de discrimination à l’égard des Palestiniens de Jérusalem-Est, qui ne sont pas réellement citoyens et auxquels le budget de la ville accorde une moyenne de 260€ pour 1190€ aux juifs.
Le mur synthétise et symbolise toute cette politique concernant Jérusalem: 180 km de mur autour de et dans Jérusalem. Menahem Klein nous explique: «Le mur est un outil que le gouvernement utilise pour contrôler Jérusalem et non pour assurer la sécurité des Israéliens».
Ces constats et ces analyses devraient naturellement nous porter au scepticisme sinon au découragement, surtout dans un contexte international où la Palestine n’est plus à l’agenda. Il y a, pourtant, des raisons d’espérer et des éléments à partir desquels construire avec d’autres des stratégies de changement à moyen et long termes.
Après avoir rencontré les associations et personnalités visitées, après discussion entre collègues de mission, en rappelant aussi ce qu’expriment et soutiennent le CPJPO et la coordination européenne des associations pour la Palestine (ECCP), nous attirons l’attention sur les éléments suivants:
– les populations civiles palestiniennes continuent de résister depuis plus de 60 ans (1948), sinon depuis plus d’un siècle (Déclaration Balfour de 1917); cela leur a été possible; elles nous semblent déterminées à le faire encore. Honte à nous si nous ne pouvons pas résister ici dans notre pays et en Europe!
– malgré leur petit nombre, des organisations et des personnalités israéliennes résistent avec les Palestiniens et avec nous, certaines depuis longtemps déjà, ainsi que des organisations juives de plus en plus nombreuses, en Europe, aux États-Unis, en Australie …: certaines d’entre elles prennent de gros risquent et le payent souvent cher, surtout avec le mouvement de répression qu’Israël est en train de mettre en place. Ce fut une chance pour nous de les rencontrer;
– les sociétés civiles européennes se mobilisent de plus en plus et mènent divers types de mobilisations et d’actions dont certaines commencent réellement à porter des fruits: l’une d’entre elle est le boycott de produits israéliens, l’autre est l’appel au désinvestissement d’entreprises impliquées dans l’occupation et la colonisation; leur succès grandissant trouve sa confirmation dans l’importance des moyens mis depuis un an ou deux à les contrer par les appareils israéliens de propagande et d’action à l’étranger, aussi dans notre petit Luxembourg;
– enfin, au niveau de l’Union européenne – non pas tant la commission, non pas tant les chefs d’État -, mais au niveau de parlementaires européens, de chez nous et d’ailleurs. En nombre croissant et avec des convictions renforcées, certains d’entre eux, parfois même de partis différents, s’allient pour dénoncer ou pour proposer, en cherchant à rallier de plus en plus de collègues.
Parce que nous savons que ce sera encore long et dur, c’est l’alliance entre ces 4 composantes qu’il nous faut soutenir et à laquelle il nous faut contribuer, chacun depuis notre lieu de vie, de travail et d’investissement.
Joanna FEYDER et Michel Legrand
25-11-2016
Une conférence marquante
Pendant le weekend des 19-20 novembre une conférence importante à eu lieu à Copenhague, intitulée « Pour un Plan B en Europe ». Co-organisée par l’Alliance rouge et verte du Danemark et le Parti de gauche de Suède, elle a rassemblé plus de 250 participants, venus de tous les pays d’Europe occidentale et méridionale, ainsi que de Pologne et de Slovénie.
C’était la suite de deux conférences organisées dans les premiers mois de cette année à Paris et Madrid. L’initiative est venue de Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche en France, avec le soutien notamment de Zoé Konstantinopolou, ancienne présidente du Parlement grec et d’Oskar Lafontaine. Les deux premiers ont pris la parole à Copenhague.
La référence au Plan B découle de l’expérience grecque en 2015. Celle-ci a montré d’abord la brutalité à laquelle les créanciers de la Grèce – les institutions européennes et le FMI – étaient prêts à recourir pour obtenir la soumission du gouvernement d’Alexis Tsipras. Il faut signaler tout particulièrement le rôle de la Banque centrale européenne qui a commencé a fermer le robinet monétaire dix jours après la victoire électorale de Syriza. Ensuite il s’est révélé que le gouvernement grec n’avait pas préparé les moyens de riposter à cette offensive, donc pas de « Plan B ». Cette expérience a fait réfléchir beaucoup de partis et militants de gauche en Europe. En Grèce, bien sûr, les militants qui ont quitté Syriza en 2015, mais aussi ceux qui sont restés dans ce parti. Mais aussi partout en Europe, où des partis de gauche cherchent à voir comment éviter que de futures expériences de gouvernement de gauche ne se terminent de la même façon.
Pourtant, pour les participants à la conférence il était clair qu’il faut commencer non pas par un Plan B, mais par un Plan A, c’est-à-dire un plan qui part de la résistance contre les attaques aux droits de travail et aux droits sociaux qui conduisent à la remise en cause de l’Etat social, contre les privatisations et la marchandisation de la société. Un plan qui part des besoins des couches populaires, des salariés, des pensionnés, des jeunes et qui traite de l’emploi, des salaires, des allocations sociales, du logement, des services publics, de la fiscalité, du contrôle public de la finance et des secteurs clés de l’économie. Et par le combat pour un gouvernement qui appliquera ce programme.
Il est clair que tout programme, comme le programme dit de Thessalonique en Grèce, rencontrerait la résistance farouche des défenseurs du néolibéralisme aux niveaux national et européen. Mais il y a une dimension spécifiquement européenne. C’est particulièrement le cas en ce qui concerne la zone euro. Il n’y a aucune raison de penser que n’importe quel gouvernement de gauche ne serait pas confronté aux mêmes méthodes que celles utilisées en Grèce. Et on ne voit pas comment un gouvernement de gauche qui ne contrôle pas sa monnaie puisse mener une politique indépendante. D’autant plus que la monnaie des pays de la zone euro est sous le contrôle d’une Banque centrale européenne qui est indépendante de tout contrôle démocratique – mais pas des marchés financiers.
C’est pourquoi une partie importante de la conférence était consacrée à la question monétaire. Il y a eu des débats d’un très haut niveau, avec la participation entre autres de Costas Lapavitsas, professeur d’économie et ancien député de Syriza, Fabio de Masi, député européen pour Die Linke et Catarina Martins, coordinatrice du Bloc de gauche portugaise. Tous les intervenants – et sans doute la grande majorité de participants – étaient d’accord qu’il fallait dans ces conditions sortir de la zone euro et restaurer une monnaie nationale. Pas comme un but en soi, mais pour pouvoir mener une politique de gauche. Pourtant la réflexion ne s’est pas arrêtée là, il y a eu des débats pour savoir par quoi on pourrait remplacer l’euro, entre autres l’idée d’une monnaie commune (mais pas unique), articulée avec des monnaies nationales.
Si la sortie de la zone euro fait largement consensus, celle de l’Union européenne prête à plus de discussions. Il faut dire par ailleurs que deux des pays dont les forces de gauche ont participé à la conférence ne sont pas membres de l’Union européenne : il s’agit de la Norvège et de l’Islande (où la délégation du Mouvement rouge-vert, qui avait aidé à mettre la conférence sur pied, a été retenue à Reykjavik à cause de la situation politique en Islande). Mais la plupart des partis venaient des pays membres de l’UE. A part les parts danois et suédois, il y avait notamment le Parti de gauche et le mouvement Ensemble de France, le Bloc de Gauche portugais, Podemos d’Espagne, Sinistra Italiana, l’Alliance de gauche de Finlande.
La question de l’Union européenne ne se pose pas d’exactement de la même façon que celle de la zone euro. On peut penser que l’Union européenne actuelle n’est pas réformable, ou pour le moins que sa réforme équivaudrait à sa transformation totale. Un gouvernement de gauche rentrerait certainement en conflit avec la Commission et sans doute la Cour européenne de justice. Mais il s’agirait d’un conflit politique, sans que les institutions européennes aient les moyens de chantage que l’euro donne à la BCE. On pourrait donc pour une période plus au moins longue mener le combat, dont l’issue dépendrait du nombre de pays qui contesteraient les règles de l’UE et de l’ampleur de la solidarité internationale. On ne peut pas avoir une garantie de ne pas être exclu de l’UE. Mais on peut par exemple commencer, comme le propose Jean-Luc Mélenchon dans la campagne présidentielle en France, par contester les traités européens et exiger leur renégociation radicale.
Ce qui a commencé comme une simple conférence il y a moins d’un an commence à avoir une certaine structure et une certaine dynamique. La conférence de Copenhague a été très bien organisée, aussi bien dans son contenu politique que dans son fonctionnement. La déclaration finale a été signée par des représentants de partis danois, suédois, français, espagnols, italiens, portugais et par Fabio de Masi.
La prochaine conférence aura lieu à Rome en mars 2017, donc 60 ans après la signature du Traité signé dans cette ville. Elle peut très bien s’élargir par rapport à celle de Copenhague. Un vent parmi d’autres, mais qui peut souffler fort.
25-11-2016
Des missions économiques du Luxembourg en Israël très… politiques
Lors de la conférence de presse organisée le 28 septembre dernier par le CPJPO pour commenter la mission économique en Israël du 1er Ministre luxembourgeois, et en dévoiler divers non-dits, nous avions insisté sur le contexte politique et économique israélo-palestinien totalement absent des rencontres et des échanges entre la délégation luxembourgeoise et les représentants de l’État et d’entreprises israéliennes. Et, dans notre précédente contribution à Goosch.lu, nous avons présenté et expliqué les liens entre l’Université du Luxembourg, des universités israéliennes et le secteur de la recherche militaire. Nous avons présenté à la fois les faits (la matérialité) des coopérations entre qui et qui, et dans quels cadres, et en avons établi les contradictions par rapport aux engagements et aux obligations qui incombaient aux États et à des institutions telles que l’Université, en vertu des Droits de l’homme et des autres formes du droit international concerné (aspects juridiques et éthiques). Le maintien et la poursuite de ces coopérations dans l’état actuel de l’occupation et de la colonisation israéliennes constituent indéniablement des formes de « complicité » avec la colonisation et l’occupation.
Passant au volet proprement économique, nous pensons important de repartir des faits et d’expliquer que, en ignorant la question des droits humains, du Droit international et des atteintes quotidiennes aux droits des Palestiniens, les missions économiques normalisent un État occupant et ont, de ce fait, un effet hautement politique : elles offrent en quelque sorte une prime à l’occupation, la soutiennent, en sont complices et la légitiment.
Un secteur cyber déjà militarisé
Israël promeut son image d´innovateur dans le domaine des TIC et du Fintech, des secteurs à risque. Ces technologies sont souvent liées aux secteurs militaire et sécuritaire. En Israël en particulier, où l´armée est omniprésente notamment dans les universités et dans les centres de recherches, il est impossible d’ignorer les liens entre le complexe militaro-industriel et les milieux de la recherche scientifique et technologique.
La supériorité d’Israël tant vantée dans le secteur de la cyber-sécurité résulte directement de l´occupation militaire et de l’expertise gagnée lors des guerres à Gaza, devenu le laboratoire idéal pour ses expériences (voir le film documentaire israélien The Lab sur le business des armes). Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu le reconnait : “Today cyber is part of the battlefield”. Les connexions étroites entre l´armée, la recherche et l´industrie sont établies. D´ailleurs, on retrouve souvent d’anciens responsables militaires dans les entreprises IT.
JVP Cyber Labs
JVP Cyber Labs[i], l’une des entreprises rencontrées lors de la mission économique d’octobre 2016, constitue l’épicentre des innovations dans le domaine de la cyber-sécurité et dans des domaines proches ou liés. Un des représentants de JVP, Yoav Tzruya, a souligné la proximité de cette entreprise avec l´armée (IDF):
“The IDF has invested a lot over the last few years in cyber”… “Now it’s starting to find its way into the cyber civilian industry. We’ve seen a dramatic increase in cybersecurity companies….”
Preuve qu’il est impossible de tirer une frontière nette entre le secteur économique (notamment le secteur de la cyber-sécurité et de l´IT en général) et l´armée d´occupation.
Dimensions juridiques des relations économiques et commerciales: Les entreprises et les institutions luxembourgeoises sont concernées
Les relations économiques et commerciales des entreprises opèrent dans un cadre juridique à la fois international, européen et national; ignorer ces cadres risque de mettre les entreprises en situation de complicité.
Les entreprises et les institutions luxembourgeoises sont concernées d’abord quand les entités israéliennes partenaires se trouvent dans des colonies israéliennes (territoires palestiniens illégalement appropriés) et/ou rendent des services à des entités qui se trouvent dans ces colonies. Elles le sont parce que :
(1) les colonies sont illégales selon le Droit international (« crimes de guerre ») [ii] ;
(2) le soutien direct ou indirect à ces colonies est qualifié juridiquement de « complicité » avec ces pratiques et leurs auteurs[iii] ;
(3) l’Union européenne, à travers ses « Guidelines », a informé les entreprises qu’elles couraient de sérieux risques légaux, financiers et moraux si elles nouaient des relations avec de telles entités[iv];
(4) Le Luxembourg a lui-même publié des « avertissements aux entreprises » appliquant les Guidelines européennes (3.7.2014) [v].
Les entreprises et les institutions luxembourgeoises sont concernées aussi quand les entités en question, situées ou non dans les colonies israéliennes, commettent des actes, participent à ou soutiennent des pratiques contraires aux Droits de l’homme. Ce qui est le cas de nombreuses entreprises israéliennes, d’organisations, d’universités et, globalement du Gouvernement israélien. L’article 2 de l’Accord d’Association (AA) entre l’UE et Israël (année 2000) est très clair à ce sujet : il concerne le respect des Droits de l’homme et des principes démocratiques comme conditions de mise en œuvre, de suspension ou de suppression de l’AA[vi].
Deux cas d’entreprises particulièrement emblématiques…
… dans leur participation au système d’occupation et aux violations des droits humains.
Elbit Systems
Elbit Systems[vii] est parmi les plus gros fabricants, fournisseurs et exportateurs d’armes d’Israël. Elle est notamment impliquée dans la construction et la gestion du Mur et des check points et propose divers matériels militaires et services à l’armée israélienne – particulièrement ses drones – pour mener ses opérations en Cisjordanie et surtout à Gaza. Ses armes sont renommées, car testées sur les Palestiniens.
De plus, Elbit entre dans le nouveau programme européen de recherche (Horizon 2020) [viii], à travers le projet FLYSEC[ix]. Or, dans le cadre de ce projet, l’Université et l’aéroport de Luxembourg sont parties prenantes, avec Elbit. Tant l’Université que l’aéroport du Luxembourg sont donc en parfaite contradiction avec le droit et se font de la sorte complices de l’occupation et de la colonisation israéliennes.
D’ailleurs le Fonds de compensation au régime général de pension du Luxembourg a exclu en 2013, 9 entreprises israéliennes, dont la société Elbit Systems, car elle participe à la fourniture des systèmes de sécurité du mur de séparation illégal construit dans les Territoires occupés palestiniens[x].
G4S
G4S[xi], l’une des plus grandes compagnies de sécurité du monde, est impliquée dans les systèmes de sécurité des prisons et centres de détention où sont enfermés les prisonniers politiques palestiniens. Certains centres sécurisés par G4S sont renommés pour leur usage de la torture, y inclus celle des enfants.
Or, G4S est l’une des principales firmes assurant la sécurité de nombreux bâtiments publics et privés au Luxembourg : des ministères, des administrations communales, des centres culturels, la Cour de Justice de l’Union européenne.
Les entreprises (et les multinationales) et institutions israéliennes concernées violent directement le Droit international, la 4e Convention de Genève et les Droits de l’homme, et les entreprises luxembourgeoises, en coopérant directement ou indirectement avec elles, contribuent au maintien, au renforcement et à la normalisation de l‘occupation et de la colonisation. Elles deviennent « complices » au sens juridique de ce terme (selon l’avis de la CIJ).
Des considérations éthiques (RSE)
Au niveau mondial, l’ONU et certaines de ses instances ont émis des principes en vue de régler les activités économiques et commerciales des États et des entreprises et de faire respecter le Droit international humanitaire :
- Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, mise en œuvre du cadre de référence «protéger, respecter et réparer» des Nations Unies[xii]
- Le Global Compact et ses dix principes[xiii]
Des chartes européennes concrétisent les chartes onusiennes et des plateformes européennes ont été mises en place pour les entreprises qui ont choisi d’opérer en vertu de la responsabilité sociale.[xiv]. Le Luxembourg a lui-même créé sa propre « charte d’entreprises pour la responsabilité sociale et le développement durable »[xv].
Rappelons que les deux premiers des dix principes du Global Compact demandent aux entreprises de :
– soutenir et respecter la protection des Droits de l’homme dans la sphère de leur influence;
– s’assurer que leurs propres sociétés ne soient pas complices d’abus de Droits de l’homme.
Le ministère de l’Économie et les entreprises luxembourgeoises ne feraient-ils plus cas de la RSE quand il s’agit d’Israël et de la Palestine ?
Des propositions, des pistes …
Il est de la mission et de la responsabilité des organisations de la société civile d’informer les autorités et le monde économique des risques qu’elles encourent de se voir un jour reprocher leur complicité dans l’occupation de la Palestine et les violations des Droits humains qui l’accompagnent.
Avec d’autres acteurs ici au Luxembourg, nous proposons une approche constructive en vue d’éviter au moins les partenariats les plus à risque.
Il appartient au gouvernement de prendre ses responsabilités pour les partenariats israéliens auxquels il n’est pas prêt à renoncer ou pour lesquels il n’estime pas nécessaire de protéger les entreprises luxembourgeoises.
Par ailleurs, dans sa réponse à une question parlementaire de 2010 portant sur les missions économiques du gouvernement en Israël, le ministre de l’Économie de l’époque, Jeannot Krecké, précisait : « Il est dans l’intérêt aussi bien de l’Union européenne que du Grand-Duché de Luxembourg de créer une égalité de traitement entre l’Etat d’Israël et les territoires palestiniens pour y contribuer à la croissance économique et à la création d’emplois qui fait cruellement défaut en l’absence actuelle d’investissements étrangers de taille » . A notre connaissance, aucune mission économique n’a jamais eu lieu en Palestine pour y contribuer à la croissance économique. Peut-on espérer une telle initiative avant la fin de la législature ?
Notes:
[i] Voir http://www.jvpvc.com/cyberlabs.
[ii] Déclaration des Droits de l’Homme, 4e Convention de Genève, et, surtout, l’avis de la CIJ le 8 juillet 2004 et la résolution correspondante de l’ONU, n° 4ES 10-15, du 20 juillet 2004. (http://www.icj-cij.org/docket/files/131/1671.pdf ) et la résolution correspondante de l’ONU, n° 4ES 10-15, du 20 juillet 2004 (http://www.un.org/press/fr/2004/AG1488.doc.htm ).
[iii] Idem, Avis de la CIJ.
[iv] Guidelines on the eligibility of Israeli entities and their activities in the territories occupied by Israel since June 1967 for grants, prizes and financial instruments funded by the EU from 2014 onwards :http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2013:205:0009:0011:EN:PDF.
[v] Communiqué : « Messages communs visant à sensibiliser les entreprises et les citoyens de l’UE par rapport à la participation à des activités économiques et financières dans les colonies israéliennes ». Publié le 03.07.2014 (http://www.gouvernement.lu/3827655/03-activites-eco-colonies-israeliennes).
[vi] Euro-mediterranean Agreement establishing an association between the European Communities and their Member States, of the one part, and the State of Israel, of the other part: http://eeas.europa.eu/archives/delegations/israel/documents/eu_israel/asso_agree_en.pdf. On lira surtout
l’article 2 : « Relations between the Parties, as well as all the provisions of the Agreement itself, shall be based on respect for human rights and democratic principles, which guides their internal and international policy and constitutes an essential element of this Agreement ».
[vii]
Voir : http://elbitsystems.com/.
[viii]
Programme de recherche européen Horizon 2020 : http://cordis.europa.eu/programme/rcn/664463_en.html.
[ix]
Le projet FLYSEC (avec Elbit Systems, Aéroport et Université du Luxembourg, etc.) constitue l‘un parmi de multiples projets au sein du programme Horizon 2020. Pour le projet, se reporter à : http://cordis.europa.eu/project/rcn/194906_en.html. L’Université du Luxemburg en est l’une des parties prenantes; on en trouve donc la référence sur le site de l’Université : http://wwwen.uni.lu/research/fstc/computer_science_and_communications_research_unit/research_projects/fly_faster_through_an_innovative_and_robust_risk_based_security_tunnel.
[x]
Liste d’exclusion d’entreprises contrevenant aux critères du FDC : Elbit Systems, page 3, entreprise n° 21, mai 2013 : http://www.fdc.lu/fileadmin/file/fdc/Strategie/Liste_d_exclusion20150515.pdf.
[xi]
Exposition de l’industrie d’occupation israélienne – G4S, par l’organisation israélienne WhoProfits : Voir : http://www.whoprofits.org/company/g4s-israel-hashmira. Et Securing Injustice: Legal Analysis of
G4S Israel Operations
in Occupied Palestinian Territory, par Diakonia International Humanitarian Law Resource Centre, November 2013 : http://www.diakonia.se/globalassets/documents/ihl/ihl-resources-center/securing-injustice-legal-analysis-of-g4s-operations-in-occupied-palestinian-territory.pdf.
[xii]
Lien : http://www.ohchr.org/Documents/Publications/GuidingPrinciplesBusinessHR_FR.pdf.
[xiii]
Lien : https://www.unglobalcompact.org/ et, pour les dix principes https://www.unglobalcompact.org/what-is-gc/mission/principles).
[xiv]
ESBG Charter for responsible business, Bruxelles, mai 2008 (http://www.savings-banks.com/About-us ) et Savings and Retail Banking Dialogue with European Parliament Strasbourg, 11 May 2016 Positions, par la ESGB ; p. 14 : Corporate Social Responsibility (http://www.savings-banks.com/SiteCollectionDocuments/0330%20-%20ESBG%20Positions.11.May.2016.pdf).
[xv]
Voir : http://www.interlycees.lu/site/wp-content/uploads/2007/11/charte-rse-dd-201006-texte-3p.pdf
25-11-2016
Freihandel im Interesse der Umwelt!?
Fünf (Dach)organisationen aus dem Umweltbereich, fordern in einem Brief an die Handelskommissarin der Europäischen Kommission, Cecilia Malmström, die Handelsbeschränkungen auf chinesischen Photovoltaikimporten zu beenden.
Sie geben an, sie machten sich Sorgen um die Einhaltung der Cop 21 Ziele in Europa. Solarenergie sei eine der Schlüsseltechnologien, welche die EU für eine effektive Dekarbonisierung und für das Erreichen der in Paris vereinbarten Klimaziele brauche, heißt es in dem Schreiben von CAN Europe, Greenpeace (European Unit), WWF (European Policy Office), E3G und Ekoenergy. Handelsbeschränkungen hingegen würden importierte Photovoltaik-Module verteuern und die Nutzung von Solarenergie in Europa verlangsamen.
Wichtige Aspekte in Bezug auf den Umweltschutz, soziale Standards, Arbeitsbedingungen, das Recht auf ein menschenwürdiges Leben werden in dem Schreiben außer Acht gelassen.
Im Handel mit China muss man den Faktor Transport mit einbeziehen. Um Solarpannels oder ähnliche Anlagen von China nach hier zu transportieren wird Treibstoff benötigt, bei Schiffen immer auch stark umweltverschmutzendes Schweröl. Um Schiffe zu beladen, zu entladen und von einem Ort zum andern zu fahren wird eine Mannschaft gebraucht. Matrosen sind nicht auf Rosen gebettet, wer sich näher informieren will, kann gerne auf der Internetseite der Internationalen Transportarbeiter-Föderation (ITF) nachsuchen.
Alle unsere Billigimporte wären ohne die miesen Arbeitsbedingungen und Hungerlöhne auf den Schiffen nicht möglich. Die ITF leistet eine gute Arbeit, jedoch es bleibt ein Tropfen auf dem heißen Stein, wenn wir unsere Geiz-ist-geil-Mentalität nicht ablegen, uns für diese Menschen einsetzen und das Geld dort einfordern, wo es im Überfluss ist.
Auch die Arbeitsbedingungen der chinesischen Arbeitnehmer und Arbeitnehmerinnen, welche die Photovoltaikanlagen produzieren, lassen zu wünschen übrig. Theoretisch gibt es die 40-Stundenwoche, in der Praxis sind unbezahlte Überstunden die Regel. Es gibt wenig Urlaub, besonders für die ArbeiterInnen, Gesundheitsschutz wird kleingeschrieben, die Entlohnung ist auf niedrigem Niveau.
Die Herstellung von Silizium und Wafern, Zellen und Modulen ist sehr energieintensiv. Trotz der Bekenntnisse Chinas auf der Cop22 zu erneuerbaren Energien, wird heute im Reich der Mitte fast ausschließlich mit Kohle oder Atomstrom produziert. In den chinesischen Minen kommt es des Öfteren zu Unfällen, Sicherheitsnormen werden nicht eingehalten, die Arbeitsbedingungen sind unmenschlich.
Ein Ende der Handelsbeschränkungen würde zudem ausgerechnet Solarunternehmen mit niedrigen Umweltschutzstandards zugutekommen, da diese besonders billige Produkte liefern könnten.
Der europäischen Markt würde mit chinesischen Photovoltaik-Modulen zu Dumpingpreisen überflutet und die verbleibenden europäischen Produktionsanlagen wegfegt.
Im Gegensatz zu chinesischen Firmen produziert die europäische Photovoltaik-Industrie unter Umweltauflagen. Außerdem existieren in Europa noch Sozialstandards, der Energieverbrauch ist geringer und der Energiemix weniger klimaschädlich, die Transportwege sind zudem viel kürzer.
Ein Senken der Handelsbarrieren würde so den CO2-Fußabdruck der Photovoltaik vergrößern. CO2 Ausscheidungen müssen nicht nur in der Europäischen Union gesenkt werden, sondern weltweit. In Europa würden außerdem Arbeitsplätze in der Produktion von Photovoltaik Elementen abgebaut.
Sozialstandards, Arbeitsbedingungen, Demokratie und Umweltschutz dürfen nicht auf dem Altar des Freihandels und zu Gunsten von billigen Solarpannels aus China geopfert werden.
25-11-2016
Zur Krise der « Bolivarianischen Revolution » in Venezuela
Natürlich ist der spektakuläre Absturz des Rohölpreises, bedingt durch Überproduktion, die stagnierende Weltwirtschaft und den momentanen Boom der „Fraking“ Gasgewinnung ein wichtiger Faktor der wirtschaftlichen Krise Venezuelas. Im Grunde hat dieser Faktor aber nur bewirkt, dass die fundamentalen gesellschaftlichen Widersprüche offener hervortraten.
Der Kern des Problems hat natürlich tieferliegende politische Ursachen und diese sind in der Ausrichtung und den Beschränkungen zu suchen, die Chavez der bolivarianischen Bewegung von ihrem Beginn an eingeprägt hat. Ein Bruch mit dem kapitalistischen System und dem bürgerlichen Staat war in diesem Fahrplan nie vorgesehen, auch nicht in Form einer fernen Zukunftsvision.
Das Projekt von Chavez lässt sich grob in drei Punkten zusammenfassen:
– Rückgewinnung der Souveränität über die eigenen nationalen Bodenschätze und Ressourcen.
– Aufbau von demokratischen Institutionen und Ausmisten des alten Staatsapparates. Dabei sind auch Elemente direkter Partizipation und parastaatlicher Institutionen (wie die der „Missionen“) vorgesehen, ohne jedoch die soziale Natur des Staates fundamental in Frage zu stellen.
– Die dritte Säule war der Beginn eines Lateinamerikanischen Integrationsprozesses.
Im Kern basierte die Politik von Chavez darin, der venezuelischen Bourgeoisie die alleinige Verfügungsgewalt über die Erdöleinnahmen streitig zu machen und mit diesem Kapital ein ambitioniertes Programm sozialer Reformen zu finanzieren. In den 12 Regierungsjahren von H. Chavez haben sich die Staatseinnahmen aus dem Erdölgeschäft verdreifacht. 2012 betrugen sie noch 10 Milliarden Dollar! Diese Umverteilung hat unter der Präsidentschaft von Hugo Chavez in den Bereichen Ernährung, Gesundheit, Bildung und Soziales zu teilweise spektakulären Erfolgen geführt.
Allerdings hatten all diese Maβnahmen, abgesehen von der sie begleitenden aktiven Volksmobilisierung, im Grunde eine „reformistische Natur“. Die Fundamente der bürgerlichen Klassengesellschaft, der Privatbesitz und die Kontrolle über die Wirtschaft, den Markt, den Import, die Medien, den Transport wurden, von marginalen Ausnahmen abgesehen, niemals in Frage gestellt. Es entwickelte sich eine Art staatlich finanzierte Parallelgesellschaft neben dem weiter real existierenden Kapitalismus. Auβer einem Plebiszit über „sozialistische“ Verfassungszusätze, das verloren wurde, weil es die Frage abstrakt und ohne revolutionäre Mobilisierung stellte, war ein praktischer Bruch mit einer profitorientierten Gesellschaft nie Thema strategischer Debatten innerhalb des PSUV.
Sowohl die Milliardäre wie die durchschnittlichen Groβgrundbesitzer und die Kompradoren der Bourgeoisie haben somit den Höhepunkt des Chavismus völlig unbeschadet überstanden und nebenbei ansehnliche Profite gemacht. Selbst nach einem misslungenen Putschversuch wurden reaktionäre Parteien und ihre Protagonisten nie verboten.
Die Identität der bolivarianischen Bewegung bestand programmatisch weitgehend aus berechtigter sozialer und anti-imperialistischer Kritik in Verbindung mit pragmatischen Lösungsansätzen, unter der Leitung eines linken „Caudillo“, wie ihn die Welt seit Fidel Catro nicht mehr gesehen hat. Diese ideologische Leere und Beschränktheit wurde weltweit eher noch positiv bewertet und als sympathisch empfunden, dabei sollte sie sich sehr bald und vor allem nach dem Tod von H. Chavez als absoluter Schwachpunkt erweisen.
In Chavez „bolivarianischer Revolution“ war Profitstreben keineswegs verpönt. Im Gegenteil, Geschäfte zu machen und sich individuell zu bereichern war gang und gäbe. Wirtschaftliche Aktivitäten ˮ nebenbei ˮ zu haben, ist in ganz Lateinamerika allgegenwärtig und war für die meist aus kleinbürgerlichem Milieu stammenden Kader des Chavismus eine Selbstverständlichkeit. Im Laufe der Jahre verschob sich das „Gravitationszentrum“ für eine ganze Fraktion leitender Aktivisten des PSUV immer mehr weg von den Basisbewegungen, den gewerkschaftlichen Alltagskämpfen und Stadtteilkomitees, hin zur Realität ihres eigenen „Business“. Auf allen Ebenen, von der Basis bis zur Regierung, wurde die bolivarianische Bewegung immer mehr von solchen „patriotischen Geschäftsleuten“ bestimmt. Hinzu kam noch, daβ Chavez oftmals eigenhändig in die Komposition der lokalen Vorstände und Kandidatenlisten eingriff, um den „pluralen Charakter“ zu erhalten, in der Praxis aber um auf Kosten der innerparteilichen Demokratie, faule Kompromisse mit dubiosen Familienclans zu festigen.
War dieser Prozess schon zu Lebzeiten von Chavez, teils gewollt teils ungewollt, schon verdammt weit fortgeschritten, so brach er mit seinem Nachfolger Maduro nun voll durch. Die bestehende Kohabitation zwischen den Vertretern der Arbeiterklasse und den „patriotischen“ Geschäftemachen kam aus dem Gleichgewicht. Immer mehr führende Kader und prinzipientreue Minister wurden durch „undogmatische“ ersetzt. Dreh- und Angelpunkt war das zur Verfügung Stellen von Erdöl Devisen an die Privatwirtschaft zwecks Importeinkäufen. Nach einer ersten künstlichen Lebensmittelverknappung gab Maduro erstmals diesem Druck nach und vergrößerte substantiell die Devisenvergabe an die Bourgeoisie. Der Damm war nun gebrochen und die Wende eingeleitet. Das Chaos in den Staatsfinanzen wurde bald unübersehbar, so daβ Maduro 2013 die integre marxistische Ökonomistin Edmée Betancourt zur Chefin der Zentralbank machte. Unterm Strich kam dabei heraus, daβ 28 300 Millionen Dollar (28,3 Milliarden) in private Banken verschoben wurden. Konkret bedeutet dies, daβ Milliarden in dunkle Kanäle verschwanden bzw. „ausgeliehen“ wurden, um den Schwarzhandel und die Spekulation anzuheizen! Frau Betancourt wurde daraufhin schon nach 3 Wochen entlassen. Nicolas Maduro und sein Finanzminister Nelson Merentes hatten dem Druck der Oligarchie und der „roten“ bolivarianischen Unternehmern im September 2013 nachgegeben und einen radikalen Kurswechsel vollzogen. Eine zentrale Errungenschaft von Chavez Revolution, die Verfügung über die Erdöleinnahmen, wurde preisgegeben und es begann eine frenetische Spekulation und Verschiebung von Milliarden $ ins Ausland.
Die Folgen wurden sofort spürbar. Die „Unternehmer“ kauften u.a. alle im Lande produzierten Lebensmittel mit ihren geliehenen Petrodollars auf, schafften diese ins Ausland, um einen internen Mangel zu erzeugen. Dann importieren sie ihre eigenen Produkte erneut zu erhöhten Preisen und verkauften sie zu astronomischen Preisen auf dem Schwarzmarkt! Die Folge war eine verheerende Inflation (700%), ein absoluter Mangel an jeglichen Waren und Grundnahrungsmitteln. Politisch kippte die Entwicklung mit der Niederlage des PSUV bei den Parlamentswahlen am 6. Dezember 2015. Seitdem befindet sich die bolivarianische Revolution im Niedergang, ohne daβ die Maduro Führung des PSUV irgendetwas an ihrer Politik zu ändern gedenkt. In der Basis des PSUV wuchsen Desorientierung und Demoralisierung. Etwa 30 000 linke Kaderaktivisten haben sich seit 2013 ins Privatleben zurückgezogen, während sich die „Bolibourgeoisie“, d.h. die korrupten Politkader und Staatsbeamten sich die Taschen füllen, ehrliche Aktivisten verdrängen und ihre Macht im Staatsapparat ausdehnen. Ein sanfter politischer Kurswechsel ist darum nicht mehr möglich. Die Entwicklung, sprich die „soziale Differenzierung“ innerhalb des PSUV, ist in den letzten Jahren zu weit fortgeschritten. Die entwendeten 28 Milliarden $ behindern jeglichen Neuanfang und bilden einen schier unüberwindlichen Graben zwischen „Linken“ und „Rechten“ innerhalb der PSUV.
Was tun?
Gegen das präsidiale Absetzungsreferendum müsste die PSUV die Massen mobilisieren, das würde aber konkrete Maβnahmen gegen die hemmungslose Bereicherung der alten und der neuen Bourgeoisie erfordern, rigorose Maβnahmen gegen Spekulation, exemplarische Strafen und eine Säuberung des PSUV voraussetzen. Da eine solche Flucht nach vorne jetzt extrem schwierig wäre, geht Maduro genau in die entgegengesetzte Richtung. Er sucht Kompromisse mit der Oligarchie und strebt mit der Vermittlung des Vatikans einen „historischen Kompromiss“ an. Dieser wird die Teilung der Macht, der Erdöleinahmen und eine Regierung der nationalen Einheit vorsehen, sowie eine Art von Amnestie für die bisher geraubten Petro-dollars. Der Weg einer mexikanischen Lösung, in Form einer „institutionalisierten Revolution“ ist vorgezeichnet.
Die reaktionäre Rechte ist derweil gespalten in einen offen faschistischen Flügel, der auf eine gewaltsame Zerschlagung der bolivarianischen Bewegung und all ihrer Errungenschaften setzt, und das bürgerliche Lager, das dieses Ziel auf friedlichem Weg erreichen will.
Konklusion
So wie der ehemalige Gründer des PSUV, Emilio Guerrero es erklärte, war das fundamentale Problem des chavistischen Projektes das Fehlen eines klaren, antikapitalistischen Zieles. Der Bruch mit der kapitalistischen Gesellschaft und die Zerstörung des kapitalistischen Staates waren nie vorgesehen. Ohne klare sozialistische Zielsetzung, und ohne Aufbau von alternativen Machtstrukturen zu Staat und Bourgeoisie, verlor sich die radikale Dynamik in sozialen Reformen und pragmatischen Lösungen. Der einzige Lichtblick für eine erneute revolutionäre Mobilisierung könnten Organisationen wie das MPP (Mouvement pouvoir populaire), oder Marea socialista sein.
14-11-2016
Zur Wahl von Donald Trump
Dieser Präsidentschaftswahlkampf hatte es in sich. Die Krise des Neoliberalen Modells ist nun unverkennbar in der amerikanischen Politik angekommen und die „Unzufriedenen“ haben den Ausgang dieser Wahl bestimmt. Zwei herausragende Ereignisse belegen dies.
Als erstes steht dafür der Durchbruch des „Sozialistischen“ Demokraten, Bernie Sander. Wohl kein anderer seit Eugen Debs in den zwanziger Jahren, hat seine Kampagne auf sozialen Themen eine solche Resonanz erfahren und zur Enttabuisierung sozialer Forderungen beigetragen. Sein Erfolg, vor allem bei der Jugend und den Arbeitern, beweist das wachsende Bedürfnis nach sozialer Gerechtigkeit in weiten Teilen der US Bevölkerung. Die Hemmungen für einen „Linken“ Politiker einzutreten der offen die Schaffung eines Sozialstaats fordert, sind erstmals bei einer breiten Wählerschaft verschwunden. Allerdings blieb er gegenüber dem Apparat der bürgerlichen „Demokratischen Partei“ minoritär und wagte es nicht eine unabhängige Kandidatur zu starten oder gar eine autonome „Arbeiterpartei“ zu gründen. Diese Zurückhaltung hat in der Arbeiterschaft Enttäuschung und Resignation verursacht und das Gefühl erneut eine „historische Gelegenheit“ verpasst zu haben.
Auf der Gegenseite ist es dem eingeschnappten Milliardär Trump dagegen gelungen das Establishment der zutiefst reaktionären „Republikaner“ gegen die Wand zu spielen und mit schlagkräftigen Sprüchen und Versprechen deren Basis zu erobern. Einfache Formeln und der Gebrauch einer enttabuisierten Wortwahl, haben seine Einzigartigkeit inmitten von allerlei reaktionären Mittelmäβigkeiten hervorstechen lassen. Die „unpolitischeren“ Verlierer des amerikanischen Traums der letzten 30 Jahre, natürlich ebenfalls meistens Lohnabhängige des Südens und Mittleren Westens, haben dem groβmäuligen Trump, zum Triumph verholfen. Zweifellos war der bestimmende Faktor dieser Wahl die tiefe Unzufriedenheit des amerikanischen Volkes mit seinen Herrschenden und den aktuellen Zuständen.
Um diese Realität zu verstehen braucht man nur einige Zahlen zu betrachten.
Das Jahres Durchschnittseinkommen eines US Haushalts lag 2007 noch bei 57 423 $ und stand 2015 noch bei 56 515 $. Die Zahl der offiziell „Armen“ ist von 13,5% im Jahre 2009 auf 15,5% 2014 gestiegen. Die Zahl der Bezieher von Lebensmittelgutscheinen (Food stamps) ist von 26.3 Millionen 2007 auf heute 43,4 Millionen Leute gestiegen. Heute erhalten nur noch 45% der Angestellten eine betriebliche Altersversorgung, gegenüber 57% 2001 und nur noch 69% haben eine betriebliche Krankenversorgung gegenüber 77% im Jahre 1980! Dem gegenüber verfügen 3% der reichsten Amerikaner über 30,5 % des nationalen Reichtums, 2009 waren es nur 27,6%. Obama der sich rühmt dass die Arbeitslosigkeit nur noch bei 5% liegen soll, wird von alternativen Analysten widersprochen die von einer realen Arbeitslosigkeit von 22,9% ausgehen. Die Demokraten ernteten nun was sie an Halbheiten und faulen Kompromissen gesät hatten. Die soziale Bilanz der Obama Jahre kann nicht gut sein, denn unterm Strich ist Donald Trump dabei herausgekommen.
14-11-2016
Brexit – où en sommes-nous ?
Plus de quatre mois après le référendum du 23 juin, le chemin pour quitter l’Union européenne reste long, compliqué et semé d’embuches: plein de questions restent ouvertes.
Que veut vraiment la nouvelle première ministre, Theresa May, d’un côté et ses (futurs anciens) partenaires européens de l’autre ?
Theresa May ne cesse de répéter « Brexit, ça veut dire Brexit », ce qui sonne fort sans apporter beaucoup d’éclaircissements. C’est d’ailleurs son but. Elle veut réaffirmer qu’elle respecte le vote du 23 juin (bien qu’elle ait – mollement – fait campagne pour rester dans l’UE). Et elle refuse de dévoiler, y compris devant le Parlement britannique, sur quelles bases et avec quels objectifs elle veut négocier avec les dirigeants européens. Ce qui permet à ses critiques, dans l’opposition et dans son propre parti, de dire qu’elle n’a pas de plan et que le gouvernement est divisé. C’est vrai que les tensions au sein du gouvernement restent vives. Mais il semble que May a quand même quelques idées en tête. Cela peut changer, mais pour l’instant il semble qu’elle veut sortir du marché unique, non seulement pour reprendre le contrôle de l’immigration, mais aussi et probablement plus important pour elle, pour ne plus être soumis aux jugements de la Cour de justice européenne et pour restaurer la primauté des lois britanniques. Il est moins clair, mais probable, qu’elle envisage la sortie de l’union douanière pour pouvoir négocier les accords commerciaux avec des pays tiers. Ce qu’elle cherche, c’est un accord bespoke – un terme utilisé par les tailleurs et qui signifie « fait sur mesure », donc ni la Norvège ni la Suisse. Elle veut un accord qui permettra au Royaume uni de faire des affaires en termes d’exportation de biens et des services, surtout financiers. Un accord réciproque, évidemment.
Du côté de ses partenaires européens on répète le mantra de « pas de négociations avant l’activation du fameux Article 50, qui notifiera formelle les autres pays de l’Union de la décision du Royaume-Uni de la quitter. Il semble pourtant improbable qu’il n’y ait aucune forme de contact avec au moins certains pays. Les pays de l’UE répètent aussi que les quatre libertés de circulation (de capitaux, biens, services et personnes) sont indissociables pour avoir accès au marché unique. Soit. Mais est-ce que cela va aussi pour un pays qui ne veut pas faire partie du marché unique en tant que tel ?
En fait, derrière la question des négociations et l’accent mis sur la liberté de circulation, il y a autre chose, des considérations politiques. Il s’agit de faire comprendre au Royaume-Uni qu’il n’y aura pas de cadeaux, que les négociations vont être dures, pour la punir d’avoir pris la décision de sortir et pour décourager d’autres pays de suivre son exemple. Soit dit en passant, ce n’est pas vraiment au crédit de L’Union européenne que ses dirigeants le considèrent nécessaire de garder des pays dans l’Union sous la menace des conséquences d’une sortie. Il y a pourtant d’autres considérations, économiques, que ces dirigeants devront prendre en compte. On y revendra, mais d’abord regardons le paysage politique et économique britannique.
Parlement contre gouvernement
Le vote du 23 juin allait à encontre des intérêts du grand capital au Royaume uni dans sa grande majorité. Banquiers et industriels n’avaient pas voulu de référendum, ils ont fait campagne pour rester dans l’UE et ils ont très mal digéré le résultat. Ceci est aussi le cas du monde politique. Une majorité des députés conservateurs, une grande majorité des députés travaillistes et la totalité des groupes libéral-démocrate et SNP (nationalistes écossais) ont fait campagne pour rester dans l’UE. C’est quelque chose qu’il faut garder en tête en les entendant exiger que le gouvernement détaille ses plans.
En principe presque tous les députés disent aujourd’hui qu’il faut respecter la décision du référendum. D’autant plus que 61% d’entre eux représentent des circonscriptions qui ont voté pour sortir. Mais certains d’entre eux sauteraient sur la première possibilité d’annuler le résultat s’ils pensent qu’ils pourraient le faire sans déclencher une tempête dans le pays. Et beaucoup plus veulent négocier un Brexit aussi doux que possible, en restant dans le marché unique, l’union douanière et en acceptant toutes les contraintes que cela implique. Ce qui oppose le gouvernement et le Parlement, ce ne sont pas des grands principes démocratiques de souveraineté parlementaire, c’est l’opposition entre un gouvernement qui veut organiser le Brexit, s’appuyant sur le vote du 23 juin, et un Parlement qui ne le veut pas ou qui veut tout au moins le vider de son contenu.
Dans ce panorama, Jeremy Corbyn et ses partisans au sein du Labour occupent une place particulière. Corbyn avait dit dès le début qu’il acceptait la décision du 23 juin, d’autant plus qu’il a toujours porté une critique de gauche de l’UE et qu’il est bien possible qu’il ait pris position contre le Brexit surtout à cause du rapport de force défavorable dans la fraction parlementaire travailliste. Depuis le 23 juin, lui et ses partisans mènent campagne pour un « people’s Brexit », un Brexit au service du peuple, des couches populaires, des salariés. Récemment, il a pris position pour que le Royaume-Uni reste dans le marché unique, dont il est par ailleurs fort critique.
C’est dans ce contexte que deux citoyens qui avaient intenté une action en justice pour demander que le Parlement, et pas simplement le gouvernement, doive voter l’activation de l’Article 50, ont obtenu gain de cause. La décision a déclenché un tollé de protestation dans la presse pro-Brexit et parmi ses partisans. Mais le gouvernement a dû accepter la décision, tout en indiquant qu’il ferait appel à la Cour suprême. Cet appel pourrait être entendu début décembre : la décision de la Cour pourrait tomber début janvier. Si elle est favorable au gouvernement, May en sortira renforcée. Si la décision confirme le jugement précédent elle sera au contraire affaiblie. Dans les deux cas, elle pourrait décider de convoquer des élections anticipées, avec l’idée de faire élire assez de députés conservateurs pour avoir une majorité plus solide et pro-Brexit dans le groupe conservateur et dans le Parlement (actuellement sa majorité est de seulement 16 sièges). Elle a des chances de gagner son pari, mais ce n’est pas sûr. Même si le Parti travailliste n’aura pas le temps de surmonter ses divisions internes, il peut y avoir d’autres problèmes. Par exemple, il suffirait que l’UKIP fasse un bon score, même sans élire des députés, pour affaiblir le résultat des Conservateurs.
En tout état de cause, la campagne risquerait d’être très tendue, un nouveau face à face entre partisans et opposants au Brexit. Les premiers sont actuellement très remontés contre les « élites « qui chercheraient à leur voler leur victoire.
Tout cela risque de compliquer un peu l’activation de l’Article 50, que May avait promis de réaliser avant la fin mars 2017. Sauf si elle rompt avec une longue tradition, les élections ne pourraient avoir lieu avant le mois de mars.
Principes et considérations économiques
A supposer que l’Article 50 entre quand même en application au printemps, il risque de ne pas y avoir de négociations sérieuses avant les élections françaises en mai-juin et allemandes en septembre. Les négociations avec Michel Barnier, représentant la Commission, aura un caractère essentiellement technique – les obligations financières du Royaume-Uni, sa participation continue ou pas à divers organismes européens, le sort des agences de l’UE situées en Angleterre, etc. Pour le reste cela reviendra aux chefs de gouvernement et d’Etat.
Ces négociations, quand elles commencent, pour des accords transitoires ou définitifs, tourneront du côté européen autour de deux points potentiellement, au moins partiellement, contradictoires. D’un côté la volonté de ne pas affaiblir davantage une Union mal en point et donc d’avoir une attitude ferme à l’égard de Londres. Cette préoccupation est réelle et ne relève pas simplement de la rhétorique, même si certains en rajoutent une couche (Schulz, Verhofstadt, Juncker à Bruxelles, mais aussi Hollande). Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi les conséquences de la séparation pour chaque pays. Du côté britannique les prédictions de catastrophe économique en cas de Brexit n’ont pas été confirmées. La chute de la livre aide les exportateurs britanniques, mais en même temps les importations plus chères commenceront à se faire sentir au détriment des consommateurs, et surtout des plus pauvres. Et une sortie de l’Union sans accord aura sans aucun doute des effets néfastes, ce dont le gouvernement est conscient. Il est clair qu’il a donné des gages de soutien dans ce cas-là à certaines entreprises, notamment la grande usine d’automobile Nissan à Sunderland, sans en dévoiler les détails.
Mais pour l’instant, la chute de la livre a des effets négatifs sur des entreprises européennes cherchant à exporter vers le Royaume-Uni, en rendant leurs produits plus chers. Pour ne prendre que l’industrie automobile, General Motors, Ford, Renault et PSA (Peugeot et Citroën) ont tous subi des pertes importantes (se chiffrant à plusieurs centaines de millions d’euros) au troisième trimestre et s’attendent à des pertes du même ordre au quatrième trimestre. Cela pourrait les conduire à réduire leur production. L’industrie automobile n’est sans doute pas la seule concernée.
Evidemment, cela s’arrangerait si la livre remonte. Mais à plus long terme le scénario où le Royaume-Uni sortirait de l’UE sans accord avec un retour des tarifs douaniers aurait des effets négatifs non seulement pour le Royaume-Uni mais pour les pays de l’Union. Cela risque de produire des pressions sur les gouvernements. C’est manifestement déjà le cas. Angela Merkel a cru nécessaire de demander à des entreprises allemandes de « résister à des ‘pressions des associations industrielles européennes’ et éviter la tentation de mettre de côté des principes européens – surtout la liberté de circulation ». Elle a aussi précisé que la « question centrale » serait « combien d’accès au marché unique aura le Royaume-Uni et d’une manière réciproque, combien d’accès au marché britannique aurons-nous ? Et jusqu’à quel point sommes-nous prêts à lier cet accès politiquement pour que les quatre libertés soient défendues » (Financial Times, 7 octobre). De son côté, Jean-Claude Juncker a eu la même préoccupation, qu’il a exprimées à sa manière : « Je vois les manoeuvres » dit-il, « Il doit être évident que si le Royaume-Uni veut avoir un libre accès au marché intérieur, [il faut] que toutes les règles et toutes les libertés soient intégralement respectées (…). Il ne faudrait pas que des pans entiers de l’industrie européenne s’engagent dans des pourparlers secrets, dans des chambres noires, rideaux tirés, avec les envoyés du gouvernement britannique » (Le Quotidien, 8-9 octobre). Remarquons que dans ce cas-ci, les négociations secrètes posent un problème à Junker, mais pas lorsqu’il s’agit du CETA…
Voilà, que des négociations secrètes aient actuellement lieu ou pas, les enjeux ont été bien résumés par Merkel. Un accord réciproque concernant les marchés et l’attachement à certaines règles ou « principes » européens. Sans doute elle essayera de tenir les deux bouts. Pour certains pays, pourtant, les enjeux économiques pèsent plus lourds. Ainsi, La Suède aussi bien que l’Irlande ont déjà un peu rompu les rangs en appelant à un accord amical avec le Royaume-Uni. On les comprend. Sans parler des exportations et importations, il y a outre-Manche 1,000 entreprises suédoises implantées, employant 100,000 salariés. Et les liens étroits entre le Royaume-Uni et l’Irlande sur le plan économique, ainsi que des considérations politiques (frontière avec l’Irlande du Nord) ont fait sortir ce pays de sa discrétion habituelle au sein de l’UE. Ces deux pays ne sont certainement pas les seuls à avoir intérêt à une séparation à l’amiable.
Pour conclure, un mot sur le « principe » de la liberté de circulation des personnes. On parle beaucoup des « quatre libertés ». On pourrait dire beaucoup de choses sur les trois premières, notamment sur le qualificatif « libre » appliqué aux mouvements de capitaux. Mais en ce qui concerne la liberté de circulation des personnes, ce n’est pas un principe pour le capital. Historiquement, cette liberté a été accordée à certains moments et retirée à d’autres. Prenons un petit exemple récent. En 2004, au moment de l’entrée de huit pays de l’Europe centrale et oriental dans l’UE, les 15 membres existants avait un sursis de sept ans pour appliquer la liberté de circulation – de deux ans, renouvelable pour trois ans et dans des situations exceptionnelles, deux ans de plus. Trois pays ont tout de suite renoncée à ces délais : le Royaume-Uni, l’Irlande et la Suède. Seulement deux pays ont profité de sept ans et ce n’était ni les plus pauvres ni les plus « eurosceptiques ». Il s’agit de l’Allemagne et de l’Autriche. Ce qui a été suspendu une fois peut l’être de nouveau, suivant les besoins, et pas seulement par les pays de l’Est. Pour défendre la liberté de circulation des personnes, donc, on peut très bien s’appuyer sur ce « principe » de l’UE. Mais en fin de compte la gauche et le mouvement ouvrier doivent surtout faire confiance à leurs propres forces.
14-11-2016
La permaculture et la résistance main dans la main en Palestine
Chercheur en génétique, Mazin Qumsiyeh est le directeur général et le coordinateur de la recherche du Musée palestinien d´Histoire naturelle et de l´Institut palestinien de biodiversité et de durabilité, deux Instituts qui appartiennent à l´Université de Bethlehem. A côté de cela et des cours qu´il tient aux Universités de Bethlehem et de Birzeit, le docteur Mazin Qumsiyeh s´engage dans la résistance non violente et préside le Centre palestinien pour le rapprochement entre les peuples. Il est notamment actif dans les médias et dans l´éducation publique comme outil de renforcement des capacités, en particulier des jeunes.
Interview avec le docteur Mazin Qumsiyeh. Bethlehem, Palestine occupée.
Initialement publiée dans la revue «Brennpunkt» n° 295 de l‘ASTM
Pouvez-vous expliquer la relation entre la colonisation et le développement de la Palestine?
Bien sûr. Le projet sioniste de coloniser la Palestine a impliqué de transformer un pays en une version européenne; l´Etat juif d´Israël. L´idée était de faire immigrer des juifs européens ici, d´établir des colonies en Palestine. L´effet de ceci sur les populations locales est évidemment que ceux-ci ne veulent pas de cela (l´immigration). Ils (les nouveaux-venus) voulaient la terre mais sans le peuple. Mais ils voulaient également transfigurer le paysage afin de correspondre à leur idée d´un pays européen. Ainsi ils ont planté des arbres européens par exemple. Concernant les populations locales, ils n´étaient pas désirées et c´est ainsi que la majorité d´entre nous ont fini par devenir réfugiés.
Un processus intentionné de dé-développement
Maintenant, ceux, qui restent encore, comme moi, je suis en Cisjordanie, sont sous-développés. Il y a un processus, un processus intentionné, de dé-développement, de réduire notre développement, afin de nous empêcher d´avoir une économie ici, d´accaparer toutes nos sources de revenus , comme l´agriculture et le tourisme. Ainsi tout cela est pris par Israël. Par exemple, dans l´agriculture, l´eau et la terre ont été accaparées et ainsi, pour les locaux, il ne reste plus d´espace à développer et plus de ressources naturelles à utiliser.
Pouvez-vous en dire plus sur ce projet de dé-développement?
Quelles sont les sources de revenus dans n´importe quel pays? Ce sont les ressources à utiliser telles que l´agriculture, le tourisme, l´industrie, les services, les ressources naturelles productives et ainsi de suite. Toutes ces choses sont liées à la nature du gouvernement. Par exemple, Israël accapare les ressources naturelles donc nous ne pouvons pas utiliser celles ci pour l´agriculture. Nous n´avons pas assez d´eau pour cultiver des jardins verts. Israël a pris cela. Aussi, au niveau du tourisme, le dé-développement du tourisme se passe parce que Israël a créé un conflit et même s´il y a des touristes qui viennent, comme ici à Bethlehem, pour voir l´église de la nativité, seuls les guides israéliens les accompagnent ici et ils viennent pour une ou deux heures et puis ils repartent. Ils ne laissent pas leur argent ici.
Des ressources publiques accaparées
Le secteur du tourisme a été repris par Israël. Le secteur de l´industrie, nous avons du mal à le développer car tout doit passer par les systèmes israéliens d´import et export et Israël ne nous permet pas d´importer l´équipement industriel nécessaire. Au niveau de l´éducation, bien sûr, l´éducation est liée à l´économie. Il y a des atteintes au droit à l´éducation. Moi en tant que professeur à l´université je ne peux pas remplir ma fonction comme un professeur dans une université européenne. En venant aux cours, mes étudiants doivent passer par des checkpoints donc je dois être clément envers eux. L´éducation souffre et l´économie souffre. Israël interfère dans les aspects de notre vie en Palestine. Peut être que nous pouvons encore respirer l´air mais même celle-là est en train d´être polluée par les industries dans les colonies israéliennes. Tous les aspects que ce soit notre eau, notre terre, nos mouvements, notre religion, nos droits religieux, tout est affecté par l´occupation.
L´importance de l´eau dans un projet colonial
93 % de l´eau de la Cisjordanie est contrôlée par Israël. Nous avons le droit d´utiliser 7 % de notre propre eau. Et même celle-là, nous devons la payer à Israël. Le reste remplit les besoins des colons israéliens qui vivent sur la terre palestinienne volée.
Combien de terres et d´espace reste-t-il pour les paysans palestiniens?
Ce que nous essayons de faire ici dans la station de recherche agricole que nous sommes en train de développer ici au jardin botanique, est de montrer aux paysans des méthodes d´agriculture intensives à la sensibilité écologique. C´est ce que l´on appelle couramment la permaculture. La permaculture permet de cultiver beaucoup sur un terrain très restreint et avec peu d´eau. Ceci permet de gérer la situation mais ce n´est pas la solution à la crise à laquelle nous faisons face. Cette crise est une crise créée par les hommes, c´est un projet israélien de priver les palestiniens de leur vie et leurs moyens de subsistance. Beaucoup de paysans ont délaissé leurs terres. Avant 1967, 70 % de l´économie palestinienne dépendait de l´agriculture, 70 % des emplois étaient dans le secteur de l´agriculture. Maintenant, c´est moins de 20 %. La raison pour cela est ce projet intentionnel de priver les paysans de leurs terres, de l´eau et d´autres ressources pour ainsi leur rendre la vie difficile.
Que deviennent les paysans palestiniens qui se trouvent dans l´obligation de quitter les champs?
Ils doivent aller travailler dans les colonies israéliennes ou dans les fermes agricoles, voire dans la construction du mur. Ce sont des paysans qui ont quitté les terres qui travaillent maintenant dans ces secteurs parce qu´ils doivent bien nourrir leurs familles.
Que pensez-vous de l´argument „les palestiniens seront les premiers à souffrir de la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions) “?
Cet argument a également été utilisé contre la campagne BDS en Afrique du Sud. Mais ce furent les Noirs en Afrique du Sud qui ont appelé pour le désinvestissement. Et nous, palestiniens, avons appelé pour le désinvestissement. Des centaines d´organisations de la société civile ont lancé l´appel.
Et c´est clair que nous préférons avoir la liberté que de recevoir des miettes de pain.
Et c´est clair que nous préférons avoir la liberté que de recevoir des miettes de pain de quelques ouvriers dans les colonies industrielles israéliennes qui ont été développées sur la terre palestinienne volée et qui polluent notre environnement. Donc je préfère souffrir plus pour avoir ma liberté que de continuer à souffrir avec des miettes qui descendent de l´économie israélienne.
Liens:
https://www.youtube.com/watch?v=FgfVaXxcGPU
www.palestinenature.org
http://popular-resistance.blogspot.lu
www.astm.lu