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13-02-2014 Par

Les maîtres et les capitulards

Retour sur un triste épisode de la vie parlementaire luxembourgeoise. Et sa signification.

Les maîtres et les capitulards

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C’est passé inaperçu. La semaine dernière, la Chambre des députés s’est réunie. Cela aura été la seule séance du mois de février. Non, il n’y en a pas bien plus, ce qui en dit long sur l’état de notre démocratie. Un point toutefois avait dominé l’ordre du jour: la future composition de la commission chargée de contrôler les services de renseignement. Une première douche froide pour celles et ceux qui étaient tombé dans le panneaux du « renouveau » du gouvernement Bettel-Schneider.

Mais un autre point, tout aussi important si ce n’est plus, n’a pas eu les faveurs des gros titres: les députés devaient se prononcer en faveur d’un prêt de 2, 06 milliards d’euros au Fonds monétaire international, le fameux FMI. Pour quoi faire? Mais pour renflouer un fonds qui servira à « aider » les pays frappés par la crise, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal.

Le système n’est pas compliqué: ensemble avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, le FMI forme la « Troïka ». Ce trio infernal est particulièrement connu en Grèce et au Portugal: c’est lui qui décide selon quelles conditions les « aides » seront accordées à ces pays. C’est un troc entre David et Goliath. En somme, la Troïka dit: « vous recevez vos milliards à condition d’abaisser les salaires minimum, de réduire par deux les retraites ou de privatiser vos compagnies et services publics ». Coupes-toi un bras et t’auras ton pansement.

Soutien au trio infernal

Mais où vont ensuite tous ces milliards d’aide? Au peuple? Certainement pas! Non, ils servent à rembourser la dette auprès des banques privées – à des taux d’intérêt énormes évidemment. Résultat: après avoir appauvri la population et vendu ce qui appartient au peuple, l’argent va à ceux qui sont responsables de la catastrophe sociale. Niveau braquage, Bonnie et Clyde était de doux amateurs.

C’est scandaleux, n’est-ce-pas? C’est même plus, c’est criminel. On en connaît les conséquences: qu’il s’agisse de la Grèce ou du Portugal par exemple, la situation n’a fait que se détériorer depuis que la Troïka s’en mêle. C’est très concret: les hôpitaux n’ont même plus les moyens de soigner les enfants mal-nourris qui y entrent!

Tout cela n’est pas bien difficile à comprendre. L’homme et la femme de la rue d’Athènes ou de Lisbonne le savent parfaitement. Mais il y en a qui ne le comprennent pas. Ou qui ferment les yeux. Et c’est d’autant plus grave qu’ils sont des élu-e-s du peuple.

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Sur les 60 députés que compte notre parlement, seuls 2 se sont prononcés contre ce système (Serge Urbany et Justin Turpel de déi Lénk). Les trois députés de l’ADR ont certes voté contre également, mais pour des raisons diamétralement opposés: ils appuient le principe, mais trouvent que le montant est trop élevé.

Cette séance était d’une tristesse mais aussi une insulte à l’intelligence: l’on y voit le député socialiste Franz Fayot donner son accord, se permettant même, depuis un monde parallèle dans lequel se sont réfugiés tous les dirigeants du Vieux continent, de juger que la crise de la zone euro commencerait à se dissiper. Faudra faire passer le message à Nikos de Thessalonique ou João de Porto, parce que eux, ils ont plutôt l’impression du contraire. Mais peut-être ne disposent-ils pas de la distance nécessaire pour bien juger.

La blague du jour: l’Eurozone va mieux

Finalement, l’ex, Jean-Claude Juncker, a piqué sa petite crise en détaillant son fabuleux bilan à la tête de l’Eurogroupe qu’il partage avec la Troïka (qu’il ait baptisé son chien d’un prénom grec, Platon, en dit long). Personne n’avait pensé à le faire (sauf le député CSV Gilles Roth qui « a fait le job »). Bref, tout le monde était d’accord pour dire qu’il faut continuer dans cette direction et que bientôt, si, si, la crise sera surmontée. Une fois que les banques se seront bien goinfrées, elles finiront bien par vomir quelques grumeaux.

Nous sommes dans une situation très grave. Non, la crise ne va pas se dégonfler. Elle va s’amplifier. C’est triste, mais c’est ainsi. Nos gouvernements et les élus des partis de l’establishment politique ont capitulé devant les puissances de l’argent. Les uns le font par conviction, mais beaucoup d’autres par ignorance.


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Ce qui est en train de se passer dans les pays du Sud est une répétition générale pour le reste de l’Europe. L’endettement des Etats auprès des banques privées est un moyen de les asservir. En utilisant des institutions illégitimes et antidémocrates comme les trois qui forment la Troïka, les marchés financiers dérobent toute souveraineté populaire aux nations. Dans quel but? Afin de faire régner un nouvel ordre politique et économique: l’installation d’une démocratie de façade qui devrait empêcher toute avancée sociale. La dictature n’a pas besoin de bottes et d’uniformes militaires. Elle peut se contenter d’hommes en costume et de femmes en tailleur occupant des postes dans les institutions élues mais dépouillés de toute possibilité d’action.

La partie de tennis entre les Etats-membres et l’Union européenne est le truc du siècle! On délocalise une entreprise? « C’est l’Union européenne », diront les gouvernements nationaux. Et l’UE quant à elle peut relancer la patate chaude au … Conseil des ministres, constitué des représentants de ces gouvernements nationaux! Qui décide de quoi, où et comment? Les pistes sont bien brouillées. Et les peuples écrabouillés.

Ping pong européen

Trop souvent, la démocratie est confondue avec la liberté d’expression. Mais disposer du droit de clamer son opinion sans crainte d’être poursuivi n’est qu’une condition pour vivre en régime démocratique, pas un aboutissement. La démocratie, c’est savoir clairement qui décide de quoi et comment. La démocratie, c’est la simplicité, la transparence et la proximité. Et c’est, finalement et surtout, la prise en mains directe de nos intérêts. C’est l’exact contraire du monde dans lequel vivent les 500 millions de citoyens de l’Union européenne.

Mais tout n’est pas perdu. Il est possible de reconquérir ce que nous avons perdu et même de conquérir davantage de droits sociaux et démocratiques. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir. Une des mesures directes sera d’envoyer paître le FMI et de mettre à bas tout ce qui est antidémocratique dans l’UE. Aucune dette illégitime ne devra être remboursée. Les Etats doivent reconquérir le droit de se financer eux-mêmes. Le système bancaire doit être socialisé.

Les institutions démocratiques existantes devront être fondamentalement réformées afin de donner toujours plus de pouvoir, aussi bien politique qu’économique, à la grande masse du peuple. Il faudra donc rompre avec le système actuel et en construire un nouveau. Cela ne se fera pas sans grandes mobilisations. Le changement viendra d' »en bas » et devra être accompagné et dynamisé par « en-haut ».

Oui, il faudra cesser la capitulation et chasser ces maîtres dont personne ne veut en réalité.

There is no alternative.