28-04-2017
Der Arbeiter verschwand, die rote Farbe blieb
Eine kleine kunsthistorische Studie von Plakaten zum Anlass der traditionellen 1.Mai Feiern in Luxemburg.
Sowie der Osterhase und buntgefärbte Eier zu Ostern gehören, so gehören ebenfalls zum traditionellen Fest der Arbeit am 1.Mai bestimmte Rituale , Arbeiter und Freiheitslieder, Abzeichen, Spruchbänder, Maikränze, Schilder und nicht zuletzt Plakate die das eigentliche Thema dieses Artikels sind.
Angefangen hat das Ganze am 1.Mai 1886 mit einem Generalstreik von Arbeitern in Chicago, die für den Achtstundentag demonstrierten. Als es am Rande der Streikkundgebung Krawalle mit Toten und Verletzten gab, wurde dieser 1.Mai als Stichtag für die weltweit stattfindenden alljährlichen Feiern zum «Tag der Arbeit» erkoren.
Was hat sich nun im Laufe der fast 120 Jahren bei den Feierlichkeiten verändert und was nicht?
Meist begannen die Maifeiern mit Böllerschüssen der Bergarbeiter. Danach wurden Maikränze mit dem frisch spriessendem Laub gebunden. Anschliessend wurde der 1. Mai dann feierlich in einem Umzug mit Musikkapelle, Gewerkschaftsvertretern, Politikern und schlussendlich den Werkstätigen selbst abgeschlossen. Danach gab es dann öffentliche Kundgebungen mit den üblichen Reden von Gewerlschaftsführern wo dann die neuen sozialen Forderungen für das anstehende Jahr verkündet wurden.
Vieles von dem ist heutzutage (leider) verschwunden so z.B Die rote Fahne die immer am Anfang des Umzuges mitgetragen wurde oder die rote Nelke als deren Ersatz wärend der Nazizeit. Die Arbeiterlieder sind verstummt. Die Umzüge sind durch lokale Feste der Kulturen ersetzt worden . Alles ist friedlicher geworden. Die Forderungen sind weniger radikal, Berlin Kreuzberg und Hamburg Schanzenviertel ausgeschlossen.
Heute wird dieser freie Tag eher zu einem Ausflug ins Grüne genutzt. Die Teilnahme
an den von den Gewerkschaften organisierten Feierlichkeiten interessiert immer weniger Leute. Der Artikel der «Welt 24» des 1.04.2016, «Das proletarische Klassenfest verkam zur Grillparty» beschreibt diese Tendenz besonders gut.
Darüber muss man nicht besonders erfreut sein, haben doch unsere Väter und Grossväter für viele sozialen Errungenschaften gekämpft von denen wir heute noch profitieren. (wie z.B die 40 Stundenwoche).
Von den Traditionen ist leider vieles verschwunden oder wird nur noch lauwarm aufge- kocht.
Jedoch wurde bis zum heutigen Tage beibehalten, die grossen Werbeplakate am Rande der Strassen, die jedes Jahr die Bürger zum Mitmachen an den Feierlichkeiten zum 1. Mai aufrufen.
Analysiert man sie chronologisch (international sowie national), kann man verschiedene interessante Entwicklungen feststellen.
Erstens haben sich die Forderungen, Slogans auf den Plakaten nicht viel verändert .
Sie werden gebetsmühlenartig wiederholt und verlieren so ihre wahre Wirkungskraft. Man nimmt sie kaum mehr wahr oder man hat den Glauben an sie längst verloren.
Eine Analyse der Werbeplakate des DGB (Deutscher Gewerkschaftbund ) vom 1950 bis
heute lässt eine Redundanz der Forderungen erkennen :
Frieden, Freiheit, Gerechtigkeit, Mitbestimmung, Solidarität, soziale Sicherheit und soziale Gerechtigkeit. (letztere zum ersten Mal 1998) .
Aha! Da glaubte Martin Schultz wohl er hätte ein neues Thema entdeckt!
Zweitens gibt es auch in Punkto Stil interessante Entwicklungen zu erkennen.
Bis in die 50ger Jahren hinein waren die Plakate immer von der vorherrschenden Kunstrichtung beeinflusst. Zuerst vom Jugednstil, dann in den 20ger Jahren vom russischen Konstruktivismus. Danach wurden fast alle Plakate, bis zum Tode von Stalin, von dem sogenannten «Russsischen Realismus» geprägt.
Drittens stellt man radikale, ikonographische Veränderung in den Plakaten fest.
Ab den 60ger Jahren ist der Arbeiter, respektiv seine Arbeitsstätte (Fabrik) vollständig als Motiv verschwunden! Dominant ist ab jetzt das Motiv der Familie, die rote Nelke (70gern)
Kinder und Jugendliche (80gern), abstrakte Formen (90gern) oder nur noch Wörter (2000-2017)
Warum das so ist?
Nun einige Ursachen sind wohl klar. Die Deindustrialisierung unserer westlichen Länder,
die Vorrherrschaft der Dienstleistungsgesellschaft. Die Digitalisierung und sich weiter
entwickelnde Robotorisierung haben mit sich gebracht dass der Prozentsatz der Arbeiter in der Bevölkerung stetig abgenommen hat. In Deutschland betrug ihr Anteil nur noch 26,2
Prozent , 1970 lag er noch bei 47,3 Prozent.
Viertens kann man bei der Analyse feststellen dass eine Sache sich nicht so radikal verändert hat.Die Farbe Rot lebt noch immer, obschon in einem bescheideneren Masse.
Sie erinnert einen daran, dass sozialistische Gewerk-schaften massgeblich an der Entwicklung des Sozialstaates beteiligt waren und noch sind.
Und wie steht es mit den alten Arbeiterliedern? Müssen die nicht erneuert werden?
Ich glaub schon.
«Ich gehe nicht zur Demo, na,na,na,na
sondern ich fahr lieber zum Kurzurlaub
nach Mollorca ca ca ca ca…»
Quellen zu diesem Artikel:
100 Joer fräi Gewerkschaften 1916-2016 (OGBL)
OGBL Aktuell – November 2016
DGB Bundesvorstand: «Der 1.Mai: Plakate und Slogans seit 1950»
Die Welt.de : «Das proletarische Klassenfest verkam zur Grillparty»
Die Welt 24: «Tag der Arbeit: Es begann mit einem Massaker»
Lemo, Lebendiges Museum Online: «Der 1 Mai Tag der Arbeit»
BPD Gesellschaft für Medien Geschichte Politik: «Historische Plakate»
Bundeszentrale für politische Bildung: «Die soziale Situation in Deutschland »
28-04-2017
Le tournant d’avril 1917
Le mois d’avril représentait, à plusieurs points de vue, un tournant, une clarification dans le processus révolutionnaire. D’abord Lénine revient en Russie. Ensuite advient la «crise d’avril» autour de la question de la guerre. Enfin les mencheviks poursuivent la logique de leur ligne en intégrant le Gouvernement provisoire.
Le mois de mars avait été marqué par la formation des soviets et par l’affirmation de l’activité publique légale des partis politiques, l’apparition des journaux, etc. A la chute de la monarchie et la victoire de la révolution de février, tous les détenus politiques ont été libérés des prisons. Ceux qui se trouvaient en exil en Sibérie ou à l’étranger ont évidemment mis du temps pour revenir. Ainsi, par exemple, parmi les principaux dirigeants bolcheviques, Staline et Kamenev rentrent de Sibérie à la mi-mars, Lénine, Zinoviev et d’autres arrivent de Suisse début avril.
Ces retours en série ne seront pas sans conséquences. Ils conduisent à des changements d’orientation. Pendant la révolution de février, les bolcheviks étaient dirigés par un triumvirat formé par Chlyapnikov, Molotov et Zaloutsky, dont aucun n’était membre du comité central. Le comité de Pétersbourg ayant été décimé par des arrestations, ils s’appuyaient surtout sur le comité de Vyborg, quartier ouvrier combatif. Cette situation a duré jusqu’au 15 mars, quand Staline et Kamenev, membres, eux, du CC arrivent à Pétersbourg et prennent le contrôle du quotidien Pravda. Le 3 avril Lénine arrive de Suisse et prend sa place –centrale – dans la direction bolchevique.
Quelle révolution, dirigée par qui?
Nous allons essayer de résumer l’évolution des événements entre la révolution de février et le mois d’avril. Mais d’abord, regardons les positions des différents courants sociaux-démocrates avant 1917. Depuis la création des premier groupes dans les années 1880, tous les marxistes russes, tous les courants sociaux-démocrates, considéraient que la révolution à venir – et ils croyaient tous qu’elle viendrait– sera bourgeoise/démocratique. C’est-à-dire, qu’elle débarrasserait la Russie des restes du féodalisme/absolutisme, de la monarchie tsariste, de l’appareil d’Etat civil et militaire, du pouvoir des grands propriétaires fonciers, et déblayerait le terrain pour le libre développement du capitalisme et avec lui de la classe ouvrière. Seulement à ce moment-là, la révolution socialiste pourrait-elle être à l’ordre du jour. Mais cette unanimité sur le caractère de la révolution ne disait rien sur les forces qui devraient la diriger.
Les mencheviks avaient une position apparemment logique: puisque la révolution serait bourgeoise, elle devrait être dirigée par la bourgeoisie et le prolétariat devrait faire alliance avec et soutenir cette bourgeoisie, de manière critique, afin que le capitalisme puisse développer et créer les bases du socialisme. Cette position, qui partait du niveau de développement des forces productives, avait un gros inconvénient: elle ne prenait pas en compte la bourgeoisie russe réellement existante et ses rapports avec d’un côté le tsarisme et de l’autre la classe ouvrière. En fait, elle avait beaucoup plus peur des ouvriers et paysans, surtout après 1905, que de la monarchie et de l’aristocratie. Donc l’idée que la bourgeoisie russe allait jouer un rôle révolutionnaire en Russie, comme elle l’avait fait dans les révolutions anglaise et française entrait en conflit avec la réalité. La révolution bourgeoise en Russie sera mort-née.
Les bolcheviks, eux, ne faisaient pas la même erreur: ils n’accordaient aucun rôle révolutionnaire à la bourgeoisie, et Lénine en particulier polémiquait sans cesse contre toute alliance avec des forces bourgeoises et surtout avec le principal parti bourgeois, les Cadets. La perspective des bolcheviks était que la révolution bourgeoise devrait être dirigée par une alliance entre les ouvriers et les paysans: ils utilisaient la formule «dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie» (1). C’était aussi la position de Rosa Luxembourg, qui insistait portant davantage sur le rôle dirigeant du prolétariat. Enfin, il y avait la position de Trotsky, qui défendait l’idée que la révolution devrait bien être dirigée par le prolétariat mais que ce serait alors impossible qu’elle s’arrête à l’étape bourgeoise: elle devait se poursuivre vers la révolution socialiste.
Lénine revient
Pour prendre le mois d’avril chronologiquement, il y avait d’abord le retour de Lénine. Avant de quitter la Suisse, il avait envoyé une série de lettres à ses camarades, connues sous le nom de «Lettres de loin». Seulement la première, fortement censurée, a été publiée dans la Pravda. Les rayures concernaient l’attitude du parti envers la guerre et le Gouvernement provisoire. On va voir pourquoi. Depuis la formation du Soviet, celui-ci était dirigé par des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires, sur une position de soutien critique vis-à-vis du Gouvernement provisoire. Sur la question de la guerre, la majorité menchevik-SR au Soviet acceptait la participation continue de la Russie à la guerre impérialiste, tout en souhaitant une paix négociée, ce qui allait bientôt créer des problèmes avec le Gouvernement provisoire. Globalement, le bloc menchevik-SR défendait la situation de double pouvoir, d’un gouvernement provisoire soutenu, mais surveillé par le Soviet. Au mois de mars, et pendant encore quelques mois, cette position correspondait à l’opinion majoritaire parmi les ouvriers et les soldats, dont les représentants siégeaient au Soviet.
Le triumvirat qui avait dirigé les bolcheviks à Petrograd (2) depuis février maintenait une position d’indépendance à l’égard du Gouvernement provisoire et d’opposition à la guerre, ainsi que la perspective d’un gouvernement provisoire révolutionnaire, qui était souvent utilisé comme expression populaire de la «dictature démocratique». Staline et Kamenev, au contraire, vacillaient, s’adaptant à la pression de la majorité dans le Soviet et dans l’opinion ouvrière sur les deux questions clefs de la guerre et de l’attitude envers le gouvernement provisoire. Il ne s’agissait pas d’une divergence programmatique. Le triumvirat aussi bien que Staline et Kamenev se réclamaient de la dictature démocratique, souvent caractérisée comme «formule algébrique» et susceptible d’interprétations différentes.
Lénine, lui, en était venu à considérer que la révolution bourgeoise s’était terminée avec la formation d’un gouvernement bourgeois. Ce gouvernement avait adopté quelques positions progressistes – suffrage universel, amnistie générale, libertés démocratiques fondamentales, abolition de la peine de mort, suppression des discriminations basées sur la race, caste ou religion, auto-détermination pour la Finlande et la Pologne. Mais sur des questions fondamentales, on ne pouvait rien attendre de ce gouvernement. Quelles ont été ces questions? Elles se résument dans le slogan célèbre des bolcheviks: «Le Pain, la paix, la terre». La paix était impossible tant que le gouvernement tenait à ses buts de guerre en termes d’expansion territoriale et à son alliance avec les impérialismes et le capital britannique et français. Donner la terre aux paysans aurait impliqué un affrontement avec les grands propriétaires fonciers et leurs soutiens, y compris parmi les militaires, dont beaucoup étaient issus de cette classe. «Pain» ne signifiait pas seulement le droit de ne plus avoir faim. Pour les ouvriers, cela signifiait aussi des salaires corrects, des horaires de travail soutenables, un contrôle de leurs conditions de travail. Dans les mois qui suivaient la révolution de février furent mis sur pied des comités d’usine. Non seulement les ouvriers ont obtenu la journée de huit heures et des augmentations de salaires (vite rongées par l’inflation): ils ont établi le contrôle sur les embauches et les licenciements et, plus largement, sur les conditions du travail et le fonctionnement de leur entreprise.
Un changement brusque d’orientation
Lénine expliquait que la seule façon d’obtenir la paix et la terre pour les paysans, ainsi que de garantir les droits démocratiques et les acquis ouvriers issus de la révolution de février, était de passer de la révolution bourgeoise à la révolution socialiste. Ce qui signifiait que les soviets prennent le pouvoir et créent un nouvel État basé sur la classe ouvrière et ses alliés. Il s’agissait donc d’abandonner la formule de la «dictature démocratique» et de poser la question d’une dictature du prolétariat allié à la paysannerie pauvre.
Il existe des débats, notamment parmi des historiens anglophones, sur la politique bolchevique entre février et avril, qui dépassent largement le cadre de cet article. Ce qui semble indiscutable, c’est que les nouvelles positions de Lénine faisaient l’effet d’une bombe. Bien reçues par Vyborg, elles choquaient manifestement beaucoup de cadres du parti, qui demandaient pourquoi on abandonnait le concept de dictature démocratique. Lénine partait à l’attaque tout de suite. A peine descendu du train qui l’avait amené de Suisse, il apostrophe Kamenev: «Qu’est-ce que c’est que vous écrivez dans la Pravda? Nous en avons vu quelques numéros et nous vous avons vraiment maudits». A côté de ses célèbres Thèses d’Avril qui résumaient la nouvelle orientation, Lénine écrivait des «Lettres sur la tactique», où il expliquait de manière très claire que la dictature démocratique était dépassée, qu’elle avait trouvé son expression d’une certaine manière dans le Soviet dominé par les mencheviks et les SR (dont la base était dans la paysannerie). Il défendait sa nouvelle orientation, obtenant la majorité dans une conférence du parti fin avril. Staline s’est rallié à lui. C’est Kamenev qui menait l’opposition et qui restera jusqu’en octobre le représentant d’un certain nombre de cadres bolcheviques qui défendaient une ligne conservatrice, voire, pour certains d’entre eux, s’opposeraient à la prise du pouvoir en octobre.
Cette droite allait coexister avec la gauche dirigée par Lénine, un centre et une ultragauche, qui voulait forcer le pas de l’histoire, cherchant à prendre le pouvoir de manière prématurée. Lénine, lui, était très clair. La nouvelle orientation, qui sera bientôt résumée par le mot d’ordre «Tout le pouvoir aux soviets», n’était pas une revendication immédiate, ni un appel à l’action. C’était une ligne stratégique, une expression de ce qui était nécessaire, mais qui ne deviendrait pas une perspective immédiate avant que la majorité d’ouvriers et soldats en soit convaincue et que cela se reflète dans les soviets. Pour les mencheviks, le double pouvoir était une orientation politique, l’expression de l’alliance souvent conflictuelle, mais finalement collaborative entre les soviets et le gouvernement. Pour les bolcheviks, le double pouvoir était une contradiction à résoudre pour affirmer le pouvoir des soviets. On pourrait en dire autant pour les partis bourgeois: à court terme, ce double pouvoir était utile pour renforcer leur propre faible légitimité, mais l’autorité du Soviet limitait aussi leur marge de manœuvre et à un moment il aurait fallu s’en débarrasser.
La «crise d’avril»
C’est une démonstration de l’autorité du Soviet qui allait déclencher la crise d’avril. Le 14 mars, le Soviet avait publié un «manifeste aux peuples du monde» exprimant la position de sa majorité pour une paix sans annexions ni indemnités, tout en défendant la participation continue de la Russie à la guerre. Ce manifeste était bien reçu par la masse des ouvriers et surtout par les soldats qui vouaient en finir avec la boucherie au plus vite. Mais pas par les membres du gouvernement et notamment son homme fort Pavel Milioukov, qui croyait que la Russie serait plus forte pour mener la guerre après la chute du tsarisme. Quand Milioukov réaffirmait dans une interview le 23 mars les objectifs de la Russie d’annexer la partie ukrainienne de l’empire autrichien, ainsi que Constantinople et les Dardanelles, le Soviet s’est mis en colère. Le gouvernement a été obligé d’adopter une position plus proche de celle du Soviet et s’engager à la communiquer à ses alliés.
Le gouvernement a tenu sa promesse et envoyé sa déclaration à ses alliés le 18 avril, accompagnée d’une note de Milioukov les assurant essentiellement que rien ne changerait. La publication de cette note a déclenché la crise. Les 20 et 21 avril, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue avec des mots d’ordre «A bas Milioukov», «A bas les politiques d’annexion», et même «A bas le Gouvernement provisoire».
C’était la première fois que des ouvriers et des soldats descendaient dans la rue contre le Gouvernement provisoire. La conséquence immédiate était la démission de Milioukov et du Ministre de la Guerre, Gouchkov. Cela affaiblissait évidemment le gouvernement. Le Soviet a donc pris position pour un gouvernement de coalition et le 5 mai le deuxième Gouvernement provisoire était constitué, avec six ministres menchevik et SR et neuf des partis bourgeois.
Avec l’adoption par les bolcheviks des Thèses de Lénine et l’entrée des mencheviks au gouvernement, l’opposition entre les deux lignes est devenue absolument claire. D’un côté, aucune confiance dans le Gouvernement provisoire, aucune alliance avec la bourgeoisie et la perspective de «Tout le pouvoir aux soviets». De l’autre, non seulement la collaboration avec le Gouvernement provisoire mais la participation à ce gouvernement qui cherchait de plus en plus à consolider l’ordre bourgeois. Les bolcheviks allaient tenir leur orientation pendant des mois où ils étaient minoritaires. Les mencheviks tiendront aussi la leur, même quand leur base se tournait vers les bolcheviks.
Notes
- De nos jours, le mot de ‘dictature’, utilisé sans sens péjoratif, sonne étrangement, surtout lié à ‘démocratique’. Mais à l’époque, avant les dictatures sanglantes du 20e siècle, elle servait à décrire la réalité ou la perspective de la domination d’une classe ou d’une alliance de classes.
- Avant 1914 le nom de la capitale de la Russie était Saint-Pétersbourg. Elle est devenue Petrograd par décision du gouvernement, qui ne voulait pas de nom à consonance allemande. Pour ne pas céder à la xénophobie, les bolcheviks ont continué à parler de Pétersbourg pendant la guerre. Mais à partir de 1917, le nom Petrograd était généralement accepté, même pour le nom du Soviet.
28-04-2017
Faut –il réformer les hôpitaux au Luxembourg?
La question des structures hospitalières domine le débat de politique de santé au Grand-Duché depuis des années. Les pressions des congrégations religieuses, avides d’hégémonie, et des municipalités, intéressées à garder une pléthore d’emplois, ont fini par créer une situation de surcapacité à laquelle le gouvernement entend mettre fin en limitant le nombre de lits dans le cadre d’un plan hospitalier rigoureux, dont la mise en œuvre a été difficile dans le passé. En effet, l’État subventionne la construction et le maintien des installations pharaoniques, mais ne contrôle rien en termes de retombées sur la santé.
Il était donc grand temps de changer hardiment la gouvernance des hôpitaux en créant un conseil d’administration limitant le pouvoir de décision des médecins, qui décidaient dans une perspective marchande et inflationniste de l’acquisition d’équipements, leur permettant de multiplier les actes techniques et donc leurs revenus. La réforme mettra fin à ce type de conflit d’intérêt, qui a sapé le développement d’une médecine rationnelle et efficace depuis des lustres. L’opposition féroce de la corporation des médecins n’est donc pas une surprise.
Cependant, le fait que les hôpitaux sont organisés d’une façon peu efficace n’est pas la principale raison de la très faible performance du système de santé luxembourgeois, telle que mesurée par l’OCDE. Mais c’est plutôt le fait qu’ils conditionnent l’absence de structures adéquates de soins de santé primaires accessibles et pertinents, mais aussi de politique de prévention intervenant sur la santé de la population dans son ensemble.
L’hygiéniste allemand Max Von Pettenkofer s’était permis de démontrer ceci déjà en 1847 en comparant la santé de Munichois et de Londoniens et, à sa suite, une cohorte incroyable de travaux ont continué à apporter inlassablement les mêmes preuves , qui hélas , n’ont fait l’objet d’aucune ordonnance politique.
L’explosion des maladies non transmissibles comme le diabète, l’hypertension et les problèmes de santé mentale, tous liés et influencés par des déterminants sociaux et environnementaux, comme l’industrialisation de l’alimentation, imposent d’écarter les malades des lits hospitaliers, afin de les soigner dans des structures de proximité actives à long terme.
Certains syndicalistes ont peur de la nécessaire réduction des lits, car ils voient pointer derrière celle-ci des pertes d’emplois, comme si des structures de maisons médicales ne pourraient pas créer davantage d’emplois valorisants.
A défaut d’une réforme globale et profonde, créant un service national de santé se basant sur une médecine pluridisciplinaire et salariée, donnant la priorité à l’accès aux soins de base, cette énième réforme, malgré bien des aspects moralisants et positifs, représentera de nouveau l’application diligente du cautère sur la jambe de bois .
28-04-2017
Erster Mai für Arbeit oder Ende der Arbeit?
Am 1. Mai geht es um Arbeit für alle, auch zukünftig für die Jugend. In der Regierung, die den Hellseher Jeremy Rifkin gerufen hat, um die Zukunft des Ländchens zu deuten, geht es u.a. um das Ende der Arbeit. „Computer und Roboter werden die Produktion richten.“ In der eben gelaufenen ersten Runde des französischen Wahlkampfs um die Präsidentschaft hatte der, von der eigenen Partei verratene Kandidat der PS, Benoît Hamon Positionen eingebracht, die von denen Rifkins inspiriert scheinen. Es ist nun Zeit, Klärung zu diesen Fragen herbei zu führen.
Wenn also am 1. Mai eine Reihe von bürgerlichen Politikern auf den Maifeiern herumstolzieren, sollten sie sich bewusst sein, dass sie sich in einem Widerspruch bewegen, den man ihnen unter die Nase halten könnte.
Unbewiesene Prognosen
In den USA sollen in absehbarer Zeit 47% (laut Frey & Osborne) der Arbeitslätze durch neue Technologien ersetzt werden – Robotik, kognitiver Kapitalismus, Automatisierung, immaterielle Produktion – so sagt man. Rifkin hat sich diese Prognose zu eigen gemacht. Dabei glaubt kaum einer noch daran. Die OECD spricht von der Wahrscheinlichkeit, dass 9% der US-amerikanischen Arbeitsplätze verschwinden könnten. Man muss sich auch daran erinnern, dass bei der Verallgemeinerung der Computer ebenfalls schon von der Massenvernichtung der Arbeitsplätze geredet wurde.
Wenn es tatsächlich im Westen einen konsequenten Abbau von industriellen Arbeitsplätzen gegeben hat, so ist dies auf den Drang der Kapitalisten zurück zu führen, eine möglichst hohe Ausbeutungsrate zu erreichen, und die erreicht man nun einmal besser in den armen Ländern, wohin die Produktion dann auch verlagert wurde. Die Smartphones werden bekanntlich nicht in der Silicon Valley produziert. Weltweit haben sich die industriellen Arbeitsplätze zwischen 1950 und 2005 verzehnfacht.
Es bleibt auch zu verifizieren, inwiefern Arbeitsposten und Arbeitsplätze verwechselt werden. Es gibt keine Heizer im öffentlichen Transport mehr, und nach einem starken Abbau von Arbeitsplätzen in der Nachkriegszeit, durch den Abbau vieler Strecken und die Explosion des Individualverkehrs, steigt nun die Zahl der Arbeitsplätze in diesem Sektor ständig.
Diese Bemerkungen müssten durch die Erörterung einer anderen grundsätzlichen Frage der Funktionsweise des Kapitalismus ergänzt werden. Wie steht es mit der doppelten Natur der Schaffenden als Produzenten und Konsumenten? Roboter kaufen keine Waren, sie haben keine Kaufkraft. Wir wollen uns aber mit einer anderen Frage grundsätzlicher Natur befassen.
„Das Paradoxon von Solow“ – Informatisierung und Produktivität
„Computer sieht man überall, nur nicht in den Produktivitätsstatistiken“, so lautete die Aussage vom Wirtschaftsnobelpreisträger Solow, dessen Forschungsresultate eigentlich darauf hinausliefen, dass Produktivitätsgewinne nicht von der Arbeit oder dem Kapital herrühren, sondern von den Faktoren (den technologischen Neuerungen). Er hat somit aufgrund der Statistiken seine eigenen Theorien relativiert. In den 30 Nachkriegsjahren waren die technologischen Neuerungen bereits gewaltig, und doch herrschte quasi Vollbeschäftigung. Der Anstieg der Arbeitslosigkeit im Anschluss an die „30 glorieuses“ geht einher mit einem Schwinden der Produktivitätsgewinne.
Die Arbeiten des marxistischen Wirtschaftswissenschaftlers Michel Husson, der sich auf dem Gebiet der Ökonometrie spezialisiert hat, liefern aufschlussreiche Schlussfolgerungen. Die Gewinne an Arbeitsproduktivität sinken bedeutend seit 2007/8 und zwar weltweit, selbst in den emergenten Wirtschaften, wo sie seit Mitte der 90ger Jahre dramatisch gewachsen waren. Hingegen stoßen die Lehren Rifkins in Luxemburg auf eine Situation, in der die Zahl der Arbeitsplätze ständig wächst und nicht wenig infrastrukturelle Probleme schafft, ohne dass die Prosumers dabei eine Rolle spielten. Prosumers wären Produzenten und Konsumenten in einer Person, doch ist dies eigentlich nichts Neues; die Proletarier alten Stils waren dies auch.
Selbst wenn die neuesten Technologien zu einem bedeutenden Anstieg der Produktivität und zu immer mehr Prekarität im Arbeitsleben führen würden, gäbe es immer noch die Alternative – und da wären wir wieder beim 1.Mai – die gesetzliche Arbeitszeit ebenso bedeutend zu senken. Stattdessen setzen die Prediger der 3. industriellen Revolution (in Deutschland spricht man von der 4.) auf ein völliges Umdenken in Sachen Arbeit. Wohnungen und Transmittel teilen, es hat was von sozialem und ökologischem Flair. AirBnB, Uber, Blablacar…haben auch Einzug in Luxemburg gehalten. Es ist modern, kann also nicht schlecht sein?
In einer Studie der OECD von Mai 2016 (Automatisierung und unabhängige Arbeit in einer numerischen Wirtschaft) wird gemeldet: „Zu diesem Zeitpunkt haben die unabhängigen Arbeiter kein Recht auf Arbeitslosenunterstützung in 19 OECD-Ländern von 34 und haben kein Recht auf Zulagen bei einem Arbeitsunfall in 10 Ländern.“ Die Frage muss berechtigt sein, wer daran verdient. Es sind die privaten Netzwerke, die Anbieter und Kunden zusammen bringen, wie die Immobilienhaie es tun und es ist der schlanke Staat, der sich aus der Verantwortung stiehlt.
Bedingungsloses Grundeinkommen mitten im Neoliberalismus?
Verständlicherweise begegnen die Salariatsorganisationen der Forderung nach einem „Bedingungslosen Grundeinkommen“ mit größtem Vorbehalt. Hamon, eigentlich ein Linker in der Sozialdemokratie, hatte versucht, es zu einem Thema in der Wahlkampagne zu machen, doch es drang nicht wirklich durch. Die Idee findet aber durchaus Gehör in einem Teil der liberalen Kreise, die die Gelegenheit beim Schopf fassen wollen, den Sozialstaat ad acta zu legen.
Das bedingungslose Grundeinkommen könnte eine erstrebenswerte Idee für ein Leben in einer zukünftigen sozialistischen und ökologischen Gesellschaft sein. Unter den gegenwärtigen Kräfteverhältnissen des immer noch dominierenden Neoliberalismus wäre es Gift für die Errungenschaften der Arbeiterbewegung. Die Diskussion soll mit dieser Feststellung nicht abgewürgt, sondern in den rechten Kontext gestellt werden.
In letzter Instanz sind sowohl die Positionen der neuen Gurus à la Rifkin, wie auch der Anhänger des Grundeinkommens, wie auch das (gegensätzliche) Erstarken des Populismus ein Ausdruck der tiefen Orientierungskrise unserer faulenden bürgerlichen Gesellschaft, die weder den Bedürfnissen einer wachsenden Zahl von sozial ausgeschlossenen Menschen eine Perspektive liefern, noch der bedrohlichen, weltweiten ökologischen Krise wirksam begegnen kann. Der gemeinsame Nenner ist: so kann es nicht weiter gehen. Im Luxemburger Ländchen sollte man hinzufügen: Zum Träumen brauchen wir keine Gurus.
28-04-2017
Regard critique sur le programme économique de Jean-Luc Mélenchon
Nous publions ci-dessous une contribution critique sur le programme économique de Jean-Luc Mélenchon. Il est certes utile de se pencher sur cet aspect du programme du candidat de la France insoumise. Il nous semble pourtant qu’il faut préalablement analyser la campagne de Mélenchon dans son ensemble, en prenant en compte son programme aussi bien que la mobilisation déclenchée par la campagne et les perspectives qu’elle a ouvertes. Et ensuite qu’une critique du programme économique mériterait d’être beaucoup plus équilibrée et moins unilatéralement négative. Nous publions néanmoins ce texte comme contribution à la discussion. Le Comité de rédaction
Qui connaît réellement le programme économique du candidat de la « France insoumise »? Élément clé d’une politique gouvernementale, ce point du programme sera déterminant pour le succès ou la déroute d’un futur président de gauche. L’expérience de Syriza nous a démontré qu’une confiance aveugle peut très vite mener à la catastrophe et que des analyses critiques sont recommandées.
L’objectif déclaré est la relance de l’économie par un emprunt de 100 milliards d’euros et une hausse des dépenses publiques. Un taux de chômage de 6,2% est envisagé pour la fin du mandat (ce qui est supérieur au taux actuel des États-Unis et de l’Allemagne). Le salaire minimum serait augmenté de 15% et porté à 1326.-€ net par mois. La retraite serait fixée à 60 ans après 40 ans de cotisations. En fait, c’est déjà tout ou presque! A part une baisse de l’impôt sur les sociétés de 33 à 25%, il n’y a rien de spectaculaire. Le programme de l’homme de la providence se résume à une banale orientation néo-keynésienne et est bien moins radical que le programme de l’union de la gauche en 1981 sous Mitterrand!
Le problème me semble que Mélenchon est perçu comme un sauveur suprême, un tribun du peuple qui cristallise les espoirs de la classe ouvrière avec des discours radicaux à la Danton ou Robespierre, souvent sur des questions secondaires, mais qui en substance est seulement porteur d’un projet social-démocrate extrêmement limité, servi à la sauce nationaliste de la révolution française, qui, grâce à son panache, a su déclencher une dynamique réelle chez le peuple de gauche, mais sans aucun rapport avec le contenu réel de son programme.
Les résistances de la société capitaliste sont criminellement sous-estimées. Aucune leçon de la débâcle grecque n’est tirée par l’équipe de Mélenchon. De même l’obstruction de l’UE, de l’Allemagne et des marchés internationaux est totalement négligée. Mélenchon pense contourner le problème avec des phrases comme: «le problème, c’est la rente, ce n’est pas l’entreprise», pour faire la séparation entre le méchant «capitalisme financier» et le bon «patron producteur» et créateur d’emplois, reprenant les mythes de la séparation entre finance et production. Son programme ne permet pas de rompre avec la logique du marché et nourrit les illusions d’une cohabitation possible entre économie du profit et économie solidaire. C’est une pure illusion. Si Mélenchon prenait des mesures fiscales et sociales susceptibles de peser sur les profits des grands groupes industriels français, il devrait faire face directement à des résistances massives, comme la fuite des capitaux, l’augmentation des taux d’intérêt de la dette, la grève d’investissements, le boycottage du FMI, etc…
Les grandes marques du programme économique et politique de Mélenchon sont donc les incursions dans la propriété capitaliste et la mobilisation populaire. En ce qui concerne la question stratégique des banques, il parle seulement d’un pôle public bancaire, sans toucher à l’essentiel des banques privées. Quant à la mobilisation ouvrière, elle ne se décrète pas, mais elle se construit. Les travailleurs ne défendront qu’un pouvoir qui aura su améliorer immédiatement leurs conditions de vies, qui aura manifesté la volonté d’un changement radical de la société. Des réductions massives du temps de travail, des augmentations importantes de salaire, les interdictions de licenciements, le contrôle des mouvements de capitaux et la socialisation du système bancaire sont les éléments fondamentaux pour indiquer la direction et démarrer les mobilisations. Si Mélenchon avait voulu éviter de prendre le chemin de Hollande (et de Tsipras) après une éventuelle victoire, il aurait dû se préparer à un affrontement avec le capital.
28-04-2017
En France, les lendemains du 23 avril
Les derniers jours avant le premier tour des élections présidentielles ont bien été le reflet d’une campagne marquée par des tournants brusques et des événements inattendus.
En fin de compte, les deux premiers, Macron et Le Pen, qui se confronteront au deuxième tour, étaient ceux prédits par les sondages. Mais jusqu’au soir du 23 avril le résultat était ouvert. Quatre candidats se battaient dans un mouchoir de poche. En attendant le verdict des urnes le 7 mai, essayons de tirer quelques leçons de cette campagne inédite.
D’abord, comme prévu, pour la première fois de l’histoire de la Ve République, il n’y aura pas de représentant au second tour du centre-gauche social-démocrate, ni de la droite traditionnelle. Le candidat du PS, Benoît Hamon, avec 6,13%, a enregistré le pire résultat de son courant depuis 1969. Le PS est maintenant traversé par des projets différents et contradictoires: soit une refondation du parti d’Epinay, comme le souhaite Hamon entre autres; soit la création d’un parti démocrate à l’italienne, comme le prône ouvertement Manuel Valls, avec le soutien discret de François Hollande. C’est ce parti, en crise et profondément divisé, qui a été impacté par la campagne d’Emmanuel Macron et le serait davantage par sa victoire le 7 mai. Malheureusement pour Valls, si un parti démocrate voit le jour, son chef ne sera pas lui mais Macron.
La crise des partis traditionnels
La crise de la droite est moins flagrante, mais néanmoins réelle. Avec la victoire de Fillon dans les primaires Les Républicains ont viré à droite, vers un thatchérisme à la française sur le plan économique et un conservatisme catholique sur le plan sociétal. La présence dans le parti et dans la campagne de Fillon du courant d’ extrême droite Sens Commun, dont les effectifs sont estimés par Le Monde Diplomatique à 9,000 membres, et qui est issu du mouvement de la Manif pour tous, qui a mobilisé contre le mariage pour tous, pose problème pour l’aile du parti représenté par Alain Juppé. Des fissures, qui ont été colmatées pendant la campagne présidentielle, vont émerger de nouveau. Déjà il a été annoncé que la campagne législative ne sera pas dirigée par Fillon. Pourtant ce dernier, malgré les scandales qui ont entouré sa campagne, a failli être au deuxième tour. Il n’est probablement pas prêt à prendre sa retraite.
Le score de Marine Le Pen est le plus élevé du Front national à l’élection présidentielle et elle arrive au deuxième tour. Ce n’est pourtant pas un triomphe. Son score final a été de 20,72%. Quand on sait que le FN a fait 25% aux municipales de 2014 et 27% aux régionales de 2015, et qu’elle a commencé la campagne avec 25% dans les sondages en montant jusqu’à 27 %, c’est décevant. Elle a fini la campagne, devancée par Macron et talonnée par Fillon et Mélenchon.
Macron arrive en tête avec 24,5%. Les titres de deux encarts dans le Quotidien du 24 avril résument bien de qui il est le candidat et par qui il a été soutenu: «Les marchés euphoriques» et «Le candidat des investisseurs». Il est peut-être un peu tôt pour l’euphorie, mais Macron est bien le candidat des investisseurs. Et des banquiers. Et de l’Europe de la finance et des multinationales. Et de la mondialisation financière. Il a été soutenu pendant la campagne par la plus grande partie des média en France, mais aussi en Europe. Sa campagne a été soutenue et sa victoire saluée par Juncker, Merkel, Schulz, Renzi, George Osborne et le ban et l’arrière-ban de l’Europe libérale. Fillon aurait été acceptable pour tout ce beau monde, mais il était un peu critique de l’Union européenne, un peu trop mou sur la Russie. Macron est parfait: sur l’Europe, sur la mondialisation, sur les «réformes» qu’il faut imposer en France. Son programme était moins extrême que celui de Fillon? La réalité pourrait être différente. L’année dernière, en plein mouvement de masse contre la loi Khomri qui démantelait partiellement le Code du travail, il donne une interview aux Échos (23 mai, 2016), «Il faut aller plus loin que la loi Khomri»; dit-il. Et il le fera s’il a la possibilité.
La campagne de Mélenchon
Dans ce panorama désolant le résultat de Jean-Luc Mélenchon brille. Sa progression dans les sondages a été interrompue par l’entrée en campagne de Benoît Hamon. Mais il a battu Hamon politiquement et recommencé à monter pour finir à deux doigts du deuxième tour, avec 19,24%. Mélenchon arrive le premier dans trois départements de la métropole (Seine-Saint-Denis, Dordogne, Ariège), et trois d’outre-mer (Martinique, Guyane, Saint-Pierre et Miquelon). Il cartonne dans de nombreuses villes d’une banlieue parisienne qui est moins rouge qu’avant, mais néanmoins bien plus qu’on ne le dit souvent.
Il arrive aussi en tête dans quatre des dix villes les plus grandes de France (Marseille, Montpellier, Lille, Toulouse). Il est le premier parmi les 18-24 ans (29%) et parmi les moins de 35 ans (26%). Dans l’électorat populaire, il le dispute à Marine Le Pen. Chez les ouvriers, la candidate du FN fait 34% et Mélenchon 24%; parmi les chômeurs les chiffres sont 30% et 27,5% chez les employés, Le Pen fait 30,1% et Mélenchon 23,1%. Il gagne aussi les suffrages de 37% des électeurs musulmans, plus que les autres candidats.
Les chiffres cités ci-dessus sont tirés d’une enquête de l’IFOP, dont le directeur adjoint, Frédéric Dabi, résume le vote de Mélenchon ainsi: «C’est un vote de classe». L’historien Roger Martelli (1), ancien cadre du PCF qui milite aujourd’hui à Ensemble, développe davantage l’analyse. «Dans l’ensemble, le vote Jean-Luc Mélenchon s’insère dans l’espace électoral, communal et départemental, qui fut celui du communisme français, à quoi s’ajoute une implantation (notamment dans le Sud-Ouest) plus proche de celui de la gauche socialiste traditionnelle».
Ce que le score de Mélenchon démontre, entre autres, est qu’il n’y a rien de fatal dans la progression du Front national dans les couches populaires et la jeunesse. La montée de l’extrême droite se nourrit, en France comme ailleurs, de l‘austérité, des inégalités, du chômage, des attaques contre l’État social. Tout cela est renforcé par le rôle des partis traditionnels et surtout par les renoncements de la social-démocratie. Mais la montée de l’extrême droite progresse aussi par l’inexistence, les faiblesses ou les erreurs de la gauche radicale. Quand celle-ci se dote d’un programme qui apporte des réponses et une stratégie politique, on peut enrayer la montée de l’extrême droite. Sinon, qui d’autre, dans le monde du centre, versions gauche et droite, pourra le faire?
Que faire au deuxième tour?
Nous sommes maintenant confrontés à un deuxième tour Macron-Le Pen. Comme Chirac-Le Pen en 2002? Oui et non. Les choix se ressemblent, le contexte est assez différent. En 2002 les deux semaines entre les deux tours ont été ponctuées par d’énormes manifestations contre le Front national, culminant avec 1,3 millions de personnes dans la rue le 1er mai, dont 400,000 à Paris. Cette fois-ci, la seule chose prévue semble être une manifestation le 1er mai. Il est peu probable qu’elle ressemble à celle de 2002. A gauche, et notamment dans l’électorat de Mélenchon, mais aussi parmi les militants qui ont fait sa campagne, on s’interroge. Depuis 2002, nous avons eu trois quinquennats, ceux de Chirac, Sarkozy et Hollande. Au bout du compte, nous sommes toujours à presque 10% de chômeurs, 25% parmi les moins de 25 ans, une montée d’inégalités, de la précarité, nous avons toujours des banlieues miséreuses et les cités laissées pour compte. Les forces politiques qui ont occupé le pouvoir depuis 15 ans n’ont rien apporté aux couches populaires, aux salariés, aux jeunes. Et Macron est largement perçu par eux pour ce qu’il est. Néanmoins, au moins la moitié des électeurs de Mélenchon va probablement voter Macron pour bloquer Le Pen. Une petite minorité risque de voter le Pen, beaucoup peuvent s’abstenir. Mélenchon a eu raison de ne pas ajouter sa voix au chœur des «défenseurs de la démocratie». Il a raison de consulter la base de la France insoumise, d’avoir le débat. Le Parti de gauche va donner sa position au cours d’un Conseil national samedi. La consultation de la France insoumise se terminera mardi prochain. Le choix est entre le vote Macron, l’abstention/vote blanc ou aucune consigne. On verra le résultat.
Si on peut comprendre ceux qui rechignent à voter Macron, on peut penser qu’ils ont tort. Il faut empêcher Le Pen de passer. Pas parce qu’elle est ‘populiste’, protectionniste ou à cause de ses positions sur l’Europe. Mais tout simplement parce que les pouvoirs de la présidence française sont considérables (plus que ceux de Trump aux États-Unis), surtout en état d’urgence. Une présidence Le Pen représenterait une menace considérable pour les libertés politiques et les droits sociaux, sans parler des populations visées par son discours raciste et xénophobe. Il ne faut pas prendre le risque. Cela n’implique évidemment aucune confiance en Macron, qu’il faut combattre dès maintenant. De plus, si le vote pour Macron peut bloquer Le Pen le 7 mai, une présidence Macron continuerait à alimenter le Front national. Comme le dit Serge Halimi (Le Monde Diplomatique d’avril), «le projet d’Emmanuel Macron, c’est le marchepied du Front national»). Il faut faire échec à Macron et construire une puissante alternative de gauche.
Une victoire de Le Pen reste improbable, mais pas impossible. Elle a commencé sa campagne du deuxième tour par une visite à l’usine Whirlpool d’Amiens, menacée de fermeture, où elle a laissé Macron discuter en ville avec les responsables syndicaux pour aller, elle, directement sur le site. Titre du Financial Times ce matin: «Des ouvriers en colère conspuent Macron, saluent Le Pen». Elle risque de mener une campagne centrée sur le social, la défense des salariés français, dénonçant l’UE et la mondialisation. Il ne faut pas en sous-estimer le potentiel. Elle s’adresse déjà directement aux électeurs de Mélenchon. Elle a même intérêt à mettre un bémol sur l’immigration: les racistes, elle les a déjà dans sa poche. Si Macron gagne quand même, ce sera en grande partie par défaut, par vote contre Le Pen plutôt que pour lui.
Après le deuxième tour s’ouvrira la campagne des législatives. Que ce soit Macron ou Le Pen qui gagne, l’important sera de se mettre en mode de combat tout de suite. Ce sera important que, dans la foulée de la campagne de Mélenchon, il y ait une forte présence de la gauche radicale à l’Assemblée nationale.
04-04-2017
Présidentielles en France – une élection comme nulle autre
Ce qui se passe en France ce printemps est beaucoup plus qu’une élection, ou une suite d’élections, présidentielles et législatives. Les deux grands pôles de la vie politique française; le Parti socialiste et Les Républicains (droite) sont en crise.
Dans le cas du PS, la crise pourrait se révéler terminale. L’extrême droite et la gauche radicale occupent des espaces considérables dans la campagne et dans les sondages. Et la campagne a été marquée par tellement de rebondissements et coups de théâtre que tout semble encore possible. Nous assistons à une crise politique sans précédent de la Ve République qui ne sera pas résolue de si vite, quels que soient les résultats de la série électorale.
Depuis 1965, les élections présidentielles se suivaient et se ressemblaient. Au deuxième tour s’affrontaient des représentants des grands partis et alliances de droite et de gauche. Avec deux exceptions: en 1969 le vieux parti socialiste, la SFIO, n’était pas encore mort, bien qu’avec 5% au premier tour il fût aux soins intensifs; et le nouveau Parti socialiste, dont le chef sera François Mitterrand, n’était pas encore né. Le deuxième tour se passait donc entre le gaulliste Pompidou et le vieux routier centriste Alain Poher. La deuxième exception est plus récente. En 2002 Jean-Marie Le Pen du Front national s’est qualifié pour le deuxième tour face à Jacques Chirac, en dépassant le candidat socialiste et Premier ministre, Lionel Jospin, au premier tour. Sur fond d’énormes manifestations contre le Front national, Chirac a remporté le deuxième tour de l’élection avec 82% des suffrages. Le danger était donc écarté – provisoirement, comme on allait voir.
La montée du Front national
Le premier élément frappant de l’élection présidentielle de 2017 est la position de force avec laquelle Marine Le Pen a commencé la campagne. En 2002 son père avait fait 16,86% au premier tour, avec 4,8 millions de voix. En 2012 elle a obtenu 17,9% et 6,4 millions de voix. Avec 1% de plus, 2,4 millions de voix de plus. L’explication est simple: en 2002 le taux d’abstention au premier tour était de 28,4%; Le Pen n’a gagné que 300,000 voix par rapport à son score de 1995. Pas de percée fulgurante donc, il devait son succès au piètre score de Jospin: les électeurs socialistes avaient déserté leur candidat en grand nombre, pour revenir au deuxième tour afin de battre Le Pen. En 2012 Marine Le Pen a fait 2,8 millions de voix de plus que son père à l’élection de 2007, où Sarkozy avait mordu sur l’électorat du FN en reprenant une partie de son discours. Le FN a confirmé et élargi sa percée aux élections européennes de 2014, avec 24,86% des voix, ainsi qu’aux régionales de 2015, avec 27,73%. Et c’est avec un plancher de 25% que Marine Le Pen a commencé sa campagne de 2017. Nous avons donc une situation aussi ironique qu’inquiétante. C’est une candidate qui se situe à l’extérieur du jeu institutionnel qui représente l’élément de stabilité relative– une stabilité qui vient du fait que le vote FN aujourd’hui n’est plus essentiellement un vote de protestation, mais un vote d’adhésion. Alors qu’autour d’elle le Parti socialiste se délite, Jean-Luc Mélenchon, l’outsider de gauche, avance et le candidat officiel du PS, Benoît Hamon perd sur sa gauche face à Mélenchon et sur sa droite face à Emmanuel Macron. Quant à François Fillon, candidat de la droite, il donne une illustration de la corruption des élites françaises et voit aussi fuir certains de ses soutiens vers Macron.
Essayons de voir comment les choses sont arrivées là.
À droite, Nicolas Sarkozy avait été président de 2007 à 2012, avant d’être battu par François Hollande en 2012. Il n’avait jamais abandonné l’espoir de prendre sa revanche en 2017. Malgré le fait d’être embourbé dans une suite de scandales et affaires judiciaires, la plupart concernant de grosses sommes d’argent, il s’est présenté aux primaires de son parti, Les Républicains (LR). Parmi les autres concurrents, il y avait deux anciens premiers ministres, Alain Juppé et François Fillon. Juppé représentait le courant modéré, centre-droite, du parti et partait favori pour remporter la nomination. Fillon défendait une politique ultralibérale sur des questions socio-économiques. En fait, il se propose pour le rôle du Thatcher français (encore un…) avec ce que cela suppose en termes d’affrontement avec le mouvement ouvrier et les mouvements sociaux. Il veut renégocier les accords de Schengen, dans un sens qui limiterait la liberté de circulation. Sur des questions de société il se situe sur le terrain catholique-conservateur. Il garde une position assez critique à l’égard des institutions européennes: en 1992 il avait fait campagne aux côtés de Philippe Séguin contre le Traité de Maastricht. Au premier tour des primaires, Sarkozy était éliminé et Fillon devançait Juppé. Le second tour confirmait la victoire de Fillon.
A priori, avec le discrédit du Parti socialiste, Fillon aurait pu être relativement sûr d’arriver en première ou deuxième place au premier tour et de battre Marine Le Pen au deuxième. Malheureusement pour lui, un scandale a éclaté, qu’on a vite nommé le Penelopegate. Il est apparu que sa femme avait été salariée comme attachée parlementaire de son mari et qu’elle aurait empoché pas loin d’un million d’euros au fil des années pour un travail qui, semble-t-il, n’a jamais été fait. Par la suite, on apprit que ses deux filles ont bénéficié du même traitement. Puis on a su que Fillon a reçu un prêt de 50,000 euros, non déclaré et sans intérêts, de la part d’un homme d’affaires: le même qui avait engagé et payé Penelope Fillon pour un travail journalistique aussi douteux que ses activités parlementaires. Enfin, il est apparu que Fillon a reçu en cadeau deux costumes d’une valeur de 13,000 euros d’un riche avocat. Fillon proclamait son innocence et assuré que s’il était mis en examen il se retirerait de la course à l’Élysée. Il a été mis en examen, il ne s’est pas retiré. Maintenant Penelope Fillon a aussi été mise en examen. L’effet de cette série de révélations a fait descendre Fillon dans les sondages, d’environ 25% à 17%. Pressé par la majorité des dirigeants de son parti à démissionner, il a résisté. Aux abois, il a appelé à un rassemblement à Paris pour le soutenir. Si la réponse était moins importante que Fillon l’a prétendu, il a quand même pu mobiliser quelques dizaines de milliers de personnes. Face à son obstination et sans avoir un candidat de remplacement crédible et qui faisait consensus, l’appareil de LR, suivi par les centristes de l’UDI, a dû se résigner à soutenir Fillon.
A côté d’une droite « républicaine » qui se débat avec les affaires, le tableau des autres partis n’est pas plus réjouissant, à l’exception de la France Insoumise. Notre dossier en 3 chapitres :
04-04-2017
PS : naufrage annoncé
Le Parti socialiste abordait la campagne présidentielle dans le désordre, un désordre qui vient de loin. François Hollande avait été élu président en 2012 sur un discours de gauche, déclarant notamment, «mon adversaire, c’est la finance». Il s’engageait aussi à contester la politique d’austérité européenne et à défendre une politique de relance, mais il s’est vite fait rappeler à l’ordre par Angela Merkel. Le quinquennat d’Hollande était le dernier en date d’une série désolante: Mitterrand, 1981-86 et encore 1988-93, Jospin 1997-2002. Après le tournant de la rigueur en 1983, la séquence était toujours le même: après une période où la droite était aux affaires, le PS arrivait au pouvoir plein de promesses, pour ensuite faire une politique en continuité avec celle de la droite. La suite était prévisible: en 1986, 1993 et 2002 la droite revenait en force au pouvoir. La série de gouvernements en alternance à partir de 1983 conduisait progressivement à un désillusionnement avec la politique et une crise de crédibilité des partis, qui de droite comme de gauche se suivaient en faisant essentiellement les mêmes politiques, connues diversement comme celle de la rigueur, du franc fort, d’austérité, de «réformes».
Pourtant l’effet sur le Parti socialiste (et parfois ses alliés communistes, comme en 2002) était pire, puisque l’écart entre les aspirations des électeurs de gauche et les promesses électorales de la gauche d’un côté, et de l’autre la politique gouvernementale, était plus grand. En plus, droite et gauche agissaient dans le cadre de, et avec le concours d’une Union européenne de moins en moins populaire. Le revirement de Mitterrand en 1983 et la politique de la rigueur coïncidaient avec la relance de l’UE sur des bases néolibérales, qui mènera à l’Acte unique en 1986 et le Traité de Maastricht en 1992. Ce qu’on appellera plus tard les élites politiques ont remporté de justesse le référendum sur Maastricht. En 2005 ils ont perdu celui sur le projet de Traité constitutionnel européen.
Le tournant de 2008
Il y avait pourtant un tournant après la crise de 2008. Partout en Europe les gouvernements de droite et de gauche imposaient les politiques dures d’austérité et de réformes structurelles, associées pour les pays de la zone euro avec des mesures contraignantes, tel le pacte fiscal. Cette politique, appliquée par Sarkozy, lui a coûté l’Élysée en 2012. Quand, après quelques hésitations, Hollande est rentré dans le rang, il a rencontré des résistances. Sous Jospin en 1997-2002 on avait vu des grèves et des manifestations contre la politique du gouvernement; mais les grands mouvements de 1995, 2003 et 2010 ont tous été dirigés contre des gouvernements de droite. Mais cette fois-ci c’était différent. La première moitié de l’année 2016 était marquée par un mouvement massif de grèves et de manifestations contre la Loi El-Khomri, qui démantelait une partie importante du Code du travail. Le gouvernement a eu recours à la répression à une échelle plus grande que n’importe quel gouvernement de droite ou de gauche depuis des décennies, utilisant même l’état d’urgence en vigueur depuis les attentats de novembre 2015 pour assigner à résidence des militants parmi les plus actifs. Le mouvement dans la rue était accompagné de débats houleux à l’Assemblée, avec le spectacle inouï de députés socialistes déposant une motion de censure, dans une tentative, qui n’était pas loin de réussir, de bloquer l’utilisation de l’article 49,3 qui permettait au gouvernement de faire adopte la loi Khomri sans majorité parlementaire. Ce mouvement sans précédent sous un gouvernement de gauche et sa répression ont eu des répercussions politiques sans précédent. Au mois d’avril 2016, la cote de popularité de Hollande était de 14%; en novembre il dégringole jusqu’à 4%, du jamais vu. Le 1er décembre 2016, François Hollande est devenu le premier président de la Ve République à renoncer à se présenter pour un deuxième mandat.
Une «belle alliance populaire»…
Les primaires pour choisir un candidat socialiste pour l’élection présidentielle ont eu lieu en janvier 2017. Cinq jours après l’annonce de Hollande, Manuel Valls, Premier ministre depuis 2014, a démissionné et s’est porté candidat. Il était le préféré de Hollande et de l’appareil du PS et portait une grande responsabilité pour l’évolution néolibérale et répressive du gouvernement. Mais à l’image des primaires de droite qui venaient d’avoir lieu, celles de la gauche étaient ouvertes à tous ceux qui considéraient comme leurs les «valeurs de gauche». Ainsi y a-t-il eu 1,6 million de votants au premier tour des primaires (baptisées celles de la «belle alliance populaire») et 2 millions au second. Pour mettre ces chiffres en perspective, en 2014 le PS avait 60,000 adhérents (173,000 en 2012). Les trois principaux candidats étaient Valls, Benoît Hamon et Arnaud de Montebourg, deux anciens ministres devenus opposants à la politique du gouvernement. Au premier tour Hamon est arrivé en première place, au second tour il a battu Valls. Il critiquait la présidence de Hollande pour ne pas avoir tenu ses engagements. Son programme envisageait l’augmentation des dépenses publiques, notamment sur la santé et l’éducation, la réduction du temps de travail, la taxation du capital et des personnes aisées et la mesure phare, un revenu universel minimum de 750 euros par mois.
Hamon a été élu par une bonne partie de ce qu’on appelle en France le «peuple de gauche». Si le vote avait été limité aux membres du PS, il n’aurait certainement pas gagné. Mais une fois vainqueur il n’était pas le candidat d’une «belle alliance populaire» qui n’avait jamais été plus qu’un slogan: il était le candidat du Parti socialiste. Candidat minoritaire dans le parti, encore plus dans le groupe parlementaire et l’appareil. Fort de plus d’un million de voix au second tour, il aurait pu mener une campagne large, indépendante de l’appareil. Mais il a fait le choix d’être le candidat du PS stricto sensu, ce qui l’amenait à faire des compromis avec les élus et l’appareil. Il a fini par perdre sur les deux tableaux. Son message est devenu brouillé, laissant un grand espace à Jean-Luc Mélenchon, candidat de la gauche radicale, sans vraiment convaincre la droite de son parti, pour qui il serait toujours trop à gauche. Certains commençaient déjà à faire défection vers la candidature centriste d’Emmanuel Macron, ancien ministre de l’Économie de Hollande.
Ce n’est pas un hasard que dans les deux primaires c’étaient, contre toute attente, le candidat le plus à droite, Fillon, et le candidat le plus à gauche, Hamon qui ont gagné. C’était l’expression au sein des partis traditionnels d’une polarisation représentée de manière plus aiguë par Le Pen et Mélenchon. À droite, le noyau dur de l’électorat de LR a voulu que leur parti mène une vraie offensive contre le monde du travail. Fillon s’engageait à licencier 500,000 fonctionnaires, abroger la loi sur les 35 heures hebdomadaires, baisser les impôts sur les couches aisées et les entreprises. Il était largement soutenu par les milieux patronaux. À gauche Hamon a été élu par ceux qui voulaient une vraie rupture avec le quinquennat de Hollande et plus largement avec le social libéralisme du PS.
Signe de la profonde crise sociale en France, sur tous les côtés les gens cherchent une rupture, un renouveau. Chacun à sa manière les cinq candidats principaux veulent incarner cette rupture, être l’homme ou la femme du renouveau. Nous reviendrons sur Le Pen et sur Mélenchon. Regardons maintenant le dernier venu, qui peut même rafler la mise.
Suite du dossier:
04-04-2017
Macron et le FN au coude à coude
Le candidat de la finance
Emmanuel Macron est le plus jeune des candidats et le moins expérimenté politiquement. Sorti en 2004 de l’ENA, le vivier des hauts fonctionnaires et de la plupart des dirigeants politiques français, il est nommé inspecteur des finances. En 2008 il devient banquier d’investissements à la Banque Rothschild, où il empoche la bagatelle de 2,9 millions d’euros, notamment pour avoir aidé Nestlé à faire une OPA. En 2010 il devient conseiller économique à François Hollande, en 2012 secrétaire général adjoint à l’Élysée, en 2014 ministre de l’Économie, où il introduit en 2015 la loi qui porte son nom et qui comporte de nombreux cadeaux aux milieux d’affaires. Face à la fronde d’une partie du groupe parlementaire socialiste, cette loi a dû être adoptée par le recours au 49.3.
Macron a démissionné du gouvernement en août 2016, peu après avoir fondé son propre mouvement, En Marche! Le 16 novembre, il annonce sa candidature à la présidence. Il faut un certain culot pour se présenter comme porteur du neuf quand on a été un des principaux architectes du quinquennat de Hollande et tout particulièrement de son évolution à droite. Mais c’est ainsi que Macron aborde la campagne. Son programme est parfaitement social libéral. Dans une conférence de presse le 1er mars il se défendait d’être le «candidat de l’oligarchie financière». Il a bien besoin de se défendre, sur ce terrain il est éminemment attaquable. La taxe européenne sur les transactions financières? – «ce n’est pas la priorité», dit-il. Il est pour assouplir les règles imposées aux banques et assureurs: il veut «réformer en profondeur» l’Impôt sur la fortune dans un sens favorable aux actionnaires; il propose de baisser le taux d’impôt sur les sociétés de 33,3% à 25% et supprimer la progressivité de l’impôt sur les revenus du capital. Côté social – n’oublions pas que dans «social-libéral» le substantif est libéral et l’adjectif social – il veut seulement couper les effectifs du secteur public de 50,000 salariés, réduire les dépenses publiques par 60 milliards, faire un paquet de relance économique de 50 milliards d’euros.
Dans une autre élection, Macron aurait pu espérer faire un bon score, peut-être en arrivant troisième comme le centriste François Bayrou en 2007, et hausser son profil politique. Mais cette élection est différente et certains facteurs le favorisent. D’abord il y a la volatilité généralisée, l’affaiblissement de loyautés envers les partis, la recherche du nouveau. Ensuite, la crise des deux grandes formations, exprimées par les candidatures de Fillon et de Hamon. On dit que cela aurait pu être différent si les candidats en face étaient Juppé et Valls. Sans doute, mais ce n’est pas un accident que ce sont Fillon et Hamon. Enfin, les déboires de Fillon ont ouvert un grand espace pour Macron. Il peut se présenter comme le meilleur bouclier contre Le Pen. Son programme convient aux milieux patronaux et aux banques, même si certains préfèrent Fillon et d’autres s’inquiètent de son manque d’expérience et la faiblesse de son mouvement. Il est largement soutenu par les médias en France et en Europe. Il a pourtant deux points faibles. D’abord, son programme taillé aux besoins de la finance et ses liens avec la Banque Rothschild l’exposent aux attaques, aussi bien de Le Pen que de Mélenchon. Ensuite tout neuf qu’il veut se présenter et n’ayant jamais été membre du PS, il est quand même fortement responsable pour la politique de Hollande. Il semble que Fillon se prépare à lancer une offensive sur ce thème-là.
Les ralliements en série de responsables socialiste à sa candidature sont une expression de la crise du PS. Mais pour Macron, cela représente une arme à double tranchant. D’un côté ils affaiblissent Hamon – mais ce n’est plus vraiment nécessaire. D’un autre, ils gênent la tentative de Hamon de s’émanciper du bilan du quinquennat et d’être, suivant une formule un peu fatiguée, «ni de droite ni de gauche». Ainsi à l’annonce de Manuel Valls qu’il allait voter pour Macron, ce dernier était visiblement soulagé quand l’ancien premier ministre a ajouté qu’il ne voulait pas rejoindre sa campagne et n’avait rien à lui demander.
La candidate à abattre
Pour les autres prétendants à l’Élysée, Le Pen reste la candidate à abattre. Sa base reste solide, le pourcentage des sondés qui indiquent qu’ils sont certains de voter pour elle dépassant celui de tous les autres candidats. Mais elle ne progresse pas vraiment; au dernier sondage elle était à 25% contre Macron à 26%. Le tout est de savoir jusqu’où elle peut élargir son électorat. Depuis qu’elle a pris la direction du FN en 2011, elle a fait un véritable «tournant social». Elle propose de garder la semaine des 35 heures, baisser l’âge de la retraite, réduire les impôts sur les ménages et augmenter les allocations sociales. Sur le plan économique, elle est protectionniste. Mais ce protectionnisme social est pour les Français. Le Pen maintient la politique traditionnelle de son parti sur l’immigration, qu’elle veut réduire à 10,000 par an. Et si elle veut quitter l’OTAN, elle veut aussi augmenter les dépenses militaires à 3% du GDP.
Cette évolution sociale inquiète l’aile la plus traditionnelle des partisans du FN, représentée notamment par sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, qui est plus libérale sur l’économie, plus conservatrice que sa tante sur l’avortement, par exemple, catholique pratiquante. On peut y voir un conflit potentiel. On peut aussi voir une complémentarité: Marine Le Pen et son équipe peuvent s’adresser aux électeurs de gauche, sa nièce peut plus facilement trouver une audience chez ceux de Fillon, dont 38% se disent prêts à voter Le Pen.
On peut être sûr qu’une fois au pouvoir le discours social céderait la place aux exigences patronales. Au-delà, une victoire de Le Pen renforcerait qualitativement et systématiserait toutes les tendances à la militarisation de la police, la répression systématique, les attaques contre les droits de salariés et les droits démocratiques, le racisme et la xénophobie qui sont déjà présents en France.