17-06-2014
Rouge belge
Après de longues années d’absence, la gauche radicale fait son retour dans les assemblées des différents niveaux de pouvoir en Belgique. Mais la Belgique ne fait pas exception au tableau européen : la droite radicale progresse également, même si l’extrême-droite pure et dure ne fait pas de percée comme c’est le cas malheureusement dans beaucoup de pays européens.
C’est donc le PTB-GO (Parti du Travail de Belgique – Gauche d’Ouverture) qui enverra au total 8 élus dans les différentes assemblées. Le résultat final est peut-être un peu inférieur aux espoirs que les derniers sondages avaient fait naître, mais la victoire est bel et bien là : pour la 1ère fois depuis plusieurs décennies, et après plusieurs tentatives infructueuses de construire des alternatives à la gauche du PS et d’Ecolo, la gauche radicale fait son retour aux parlements.
La gauche radicale au parlement
Le parti a triplé voire quadruplé ses résultats aux précédentes élections fédérales et régionales. Cela offre d’énormes possibilités mais entraîne aussi de grandes responsabilités quant à la manière d’organiser, de structurer et de diriger la résistance face à l’avalanche de casse sociale qui se prépare.
C’est surtout dans la partie francophone du pays que la percée est la plus marquée. Elle est particulièrement significative dans les bastions ouvriers de la région liégeoise. Elle résulte principalement de 3 facteurs cumulés :
1. Le PTB a réussi à se débarrasser, au moins en apparence, de son passé mao-stalinien, pour devenir une organisation large et plus « acceptable ». Il a également réussi à attirer vers lui des fractions de la gauche radicale, comme le PC (Parti communiste) et la LCR (Ligue communiste révolutionnaire).
2. Dans les rangs syndicaux, des fractions importantes se sont ouvertement distanciées du Parti socialiste, en critiquant sa politique antisociale.
3. En conséquence, l’argument massue du Parti socialiste qui se présente comme seul rempart à la droite, notamment flamande, et qui martèle que « sans nous ce serait pire », fonctionne de moins en moins bien.
Cependant, ce sont surtout les écologistes qui ont perdu des plumes lors du dernier scrutin : leur score a quasiment été divisé par deux ! Ceci s’explique par un bilan très mitigé, y compris sur leur terrain de prédilection, l’écologie. Mais aussi par une droitisation progressive du parti « vert ».
La percée de la gauche radicale va donc apporter un souffle d’air frais dans les différentes assemblées, et notamment au parlement fédéral. Les partis traditionnels seront certainement étonnés de voir que, lors de la prochaine fermeture d’entreprise, des élus ne plient pas purement et simplement l’échine devant « les lois du marché ». Ils ne pourront plus simplement applaudir la publication des bénéfices engrangés dans le privé ces dernières années, des cadeaux fiscaux, des subsides salariaux et autres baisses de charges.
Leur étonnement sera encore plus grand si les élus du PTB-GO sortent de leurs bureaux feutrés pour rejoindre les travailleurs en lutte, aux portes des usines. On attend aussi du PTB un soutien actif aux luttes sociales, non seulement au parlement mais surtout dans la construction de plans d’action susceptibles de changer le rapport de force.
Ouverture et radicalité
Et si la discussion ne se limite plus à la négociation du recul social mais aborde aussi l’appropriation collective des moyens de production sous contrôle public en tant qu’alternative – le parlement sera profondément ébranlé.
La percée de la gauche radicale était attendue depuis longtemps. Sa concrétisation est porteuse d’espoir. Elle aurait pu être encore plus forte si le PTB-GO avait ouvert plus largement les portes à toutes les composantes de la gauche radicale, et notamment au PSL (Parti socialiste de Lutte), qui appelle depuis plus de 10 ans à la construction d’un rassemblement à gauche, capable de représenter valablement les travailleurs.
Toujours est-il que 8 élus c’est une première et belle victoire. On est en droit d’attendre qu’ils fassent au moins aussi bien que Kshama Sawant, l’élue de Socialist Alternative à Seattle, qui a réussi, en organisant le mouvement social à la base, à obtenir une avancée sociale majeure : le salaire minimum à 15 dollars de l’heure. C’est le niveau le plus élevé de tous les Etats-Unis.
Cette victoire locale est devenue une source d’inspiration pour toute la classe ouvrière américaine. Elle montre comment il est possible de transformer une victoire électorale en victoire politique et sociale, en organisant la lutte. Puissent nos camarades belges s’en inspirer.
25-04-2014
Vent nouveau ou avis de tempête?
C’est assez étonnant. Le gouvernement DP-LSAP-Gréng avait promis de changer la société luxembourgeoise, de la faire bouger. Cinq mois à peine depuis son installation, il y parvient. Mais probablement pas de la manière qu’il avait souhaitée. Aujourd’hui encore, il a réussi à faire bouger les élèves et les étudiants (un article suivra). Contrairement à ce que certains pourraient penser, les élèves ne font pas grève si facilement. Les mobilisations de masse ne sont jamais sans fondement. Le ministre de l’Education nationale a fait de la pédagogie sans le vouloir : une grève lycéenne et estudiantine est plus formatrice que cent heures d’instruction civique.
En vérité, le gouvernement tout entier fait de la pédagogie politique sans le vouloir. Fini le brouillage idéologique à la Juncker qui savait parler aux petits mais entendait les grands. Le gouvernement actuel parle aux grands, n’écoute qu’eux et n’entend rien d’autre. Claude Meisch est sincère lorsqu’il se dit étonné de la virulence avec laquelle les étudiants ont réagi à sa proposition de réforme des aides financières. A l’instar de bon nombre de ses amis de la coalition, il ne comprend pas où le bât blesse.
Ils ne comprennent pas qu’ils ne comprennent pas
L’autisme politique va très loin. Le gouvernement Bettel-Schneider-Braz part du postulat suivant : en temps de crise, les gens « comprennent » la nécessité de faire des économies. S’y rajoute la conviction que les Luxembourgeois, habitués ces dernières décennies à un rythme de vie confortable, seraient conscients qu’il faille le réduire. De plus, ce gouvernement s’en espère les lauriers du courage politique.
Ce que ce gouvernement ne comprend pas, c’est que tout le monde ne pense pas comme lui. Au moins depuis 2008, depuis l’éclatement de la grande crise du capitalisme, il y a une prise de conscience que les difficultés que nous traversons ne sont pas dues à des dépenses publiques ou un pouvoir étatique exagérés. Car le contraire est vrai. LehmanBrothers, Goldmann & Sachs, etc… sont des noms que l’on ne doit même plus expliquer (d’ailleurs, nous n’allons même pas y ajouter d’hyperlien pour le coup, puisque vous savez ce dont il s’agit).
C’est même entré dans la culture populaire : The Wolf of Wallstreet a explosé les box-office. Moins populaire, mais qui fait tout autant de bruit : le livre de l’économiste Thomas Piketty, « Le capital au 21ème siècle », relate méthodiquementque le capitalisme génère les inégalités sociales (pour ceux qui en doutaient encore). La nouvelle est moins spectaculaire que le travail fourni, mais la réputation de « sérieux » de Piketty a le mérite de faire réfléchir jusqu’au centre-gauche.
The wolves of Wallstreet
A moins qu’il ne change fondamentalement de cap, ce gouvernement est voué à l’échec. La première raison est fondamentale : jamais, nulle part, une politique libérale d’austérité n’a relancé la machine économique d’un pays (et certainement pas dans un contexte de récession) et certainement pas au profit des travailleurs. Parfois, les libéraux ont dû recourir à la manière forte, en imposant ces mesures en s’appuyant sur les militaires, comme ce fut le cas en Amérique latine.
Deuxièmement : ce gouvernement, le DP particulièrement, ne peut pas revenir sur ce cap, car il n’y survivrait pas. Le DP, à la différence du LSAP, n’est pas du genre à se renier. Après tout, c’est sa « classe », sa « clientèle », son idéologie, qui domine la politique. C’est le paradoxe des libéraux : cette famille politique a beau être marginale au niveau européen, c’est son idéologie qui imprègne la politique.
Les deux autres grandes familles politiques européennes, sociaux-démocrates et chrétien-démocrates, n’ont fait que s’y adapter. Dans une interview parue dans le woxx d’aujourd’hui, le secrétaire général des JDL (Jeunesse démocratique et libérale) se félicite même, à juste titre, de la disproportion de l’influence de sa famille politique, revendiquant par exemple la paternité de TAFTA.
Il sera donc intéressant de voir jusqu’où les socialistes et les Verts pourront survivre à cette coalition. Surtout les socialistes, qui doivent commencer à se rendre compte que si le CSV leur faisait avaler des couleuvres, le DP leur sert des vipères. La différence entre les deux espèces étant que les vipères, à la différence des couleuvres, sont venimeuses.
Après les couleuvres, les vipères!
Cela ne fait pas cinq ans mais cinq mois que le DP – pardon, le gouvernement – est au pouvoir. Et on ne peut pas lui reprocher d’être inactif. Déjà, presque tous les domaines de la politique sont marqués au fer bleu. Réalisations, projets ou simples ballons d’essais retirés prématurément (ou provisoirement), l’idéologie libérale domine :
C’est naturellement le cas des aides financière pour étudiants, point sur lequel nous n’avons pas besoin de revenir, dont la finalité est la réduction des dépenses. Mais les enseignants non plus ne sont pas épargnés, avec la tentative du ministre d’abolir la « décharge pour ancienneté ».
Le monde universitaire lui aussi est ébranlé : la réduction de l’allocation de l’Etat à l’Université du Luxembourg a même fait sortir le pourtant très libéral recteur Rolf Tarrach de sa réserve, qui ne sait pas comment l’Université pourra se financer correctement, allant jusqu’à se voir obligé de repousser le déménagement à Belval aux calendes grecques.
Pour rester dans l’immatériel, le monde culturel et scientifique en prend pour son grade : l’annulation de l’exposition sur le Luxembourg pendant la Première Guerre mondiale a provoqué l’indignation d’un milieu académique pourtant plutôt sage.
Dans la foulée, la ministre de la Culture annonce également qu’elle met à plat la politique de subvention des associations culturelles. A froid, sans concertation, et en plongeant beaucoup d’associations dans des difficultés de planification.
Redevenons matériels : la hausse de la TVA, qui grèvera en moyenne le budget personnel annuel par de 480 euros, du smicard au milliardaire (très peu de « sélectivité sociale » pour le coup).
Très matérielle est également la réforme des prestations familiales. Après les déclarations de la ministre de tutelle, en tout début de mandat, qui ont laissé entendre là aussi une réduction, on n’en entend plus rien. Le gouvernement a peut-être compris qu’il ne fallait pas trop charger la mule. Mais ce n’est que partie remise.
Ce n’était peut-être qu’un ballon d’essai, il a éclaté, mais, comme on dit, c’est l’intention qui compte : L’introduction des intérêts notionnels a finalement été laissé tomber. Cette mesure n’avait pas bénéficié d’une grande publicité de la part du gouvernement, et pour cause. Il fallut que l’ancien Premier ministre, qui n’est pas un novice en la matière, la dévoilât pour provoquer une levée de boucliers tous azimuts. Pendant ce temps toutefois, le gouvernement se tait sur la pratique très problématique du « Ruling », c’est-à-dire des petits arrangements entre le fisc luxembourgeois et des investisseurs potentiels. Oui, c’est une pratique très sélective, à défaut d’être sociale.
Et puis il y a le chômage. Le ministre de l’Emploi, Nicolas Schmit, a annoncé une réforme des critères d’octroi du chômage. En clair, les chômeurs seront soumis à un nouveau régime, plus restrictif, plus serré. Ça sent très fort le « Hartz IV », la réforme-phare de Gerhard Schröder, dont le succès n’est vanté que par les milieux patronaux, mais qui a coûté au chancelier social-démocrate son poste.
Mais Bruxelles est contente!
Que faudra-t-il encore ajouter (ou retrancher) à cette liste ? L’ancien président du LSAP Alex Bodry, qui, sentant vite que cette politique peut tourner au vinaigre, avait rappelé la revendication socialiste de l’introduction d’un « impôt pour les riches » (« Räichesteier ») – en fait une légère augmentation du taux maximal d’imposition. Elle n’a pas été entendue par Xavier Bettel, qui considère toute imposition sur les revenus plus importants comme du « poison ». Bodry est l’un des rares dirigeants socialistes à connaître la raison d’être de son parti. Mais ce qui n’est pas le cas de son successeur.
Il serait faux de penser que personne ne comprend la politique du gouvernement. Les agences de notation la comprennent très bien. Le Luxembourg gardera son « triple A ». Cette bonne note n’est pas décernée aux Etats qui « gèrent bien », mais à ceux qui satisfont aux exigences des marchés financiers et spéculateurs en tous genres. Après tout, ces agences leur appartiennent. Et ce sont eux également qui dictent leur politique à la Commission de Bruxelles, des trucs du genre « Pacte de stabilité ». Alors, à chaque fois, comme ce fut le cas cette semaine lors des débats budgétaires, que l’ultralibéral ministre des Finances Pierre Gramegna se félicite de recevoir un sucre à croquer de Moody’s ou une caresse de Bruxelles, il faut se méfier.
04-04-2014
Municipales en France: le Front de Gauche face aux droites
Les élections municipales des 23 et 30 juin ont constitué le premier test électoral à l’échelle nationale depuis l’élection présidentielle de 2012. Pour François Hollande et le Parti socialiste, les résultats ont été sans appel. Globalement, les électeurs se sont servis de ces élections pour sanctionner. C’était la facture pour deux ans de promesses abandonnées et un tournant de plus en plus net vers une politique néolibérale.
Pour une partie importante de l’électorat, cette sanction s’exprimait par l’abstention (38% au premier tour, 36% au deuxième). Il est clair que ce sont surtout les électeurs de gauche qui se sont abstenus : dans les banlieues populaires de la région parisienne le taux d’abstention dépassait les 40%, et parfois les 50%.
Le premier tour marquait déjà un sérieux revers pour la gauche. On aurait pu penser que pour le deuxième tour il y aurait un sursaut, une mobilisation des électeurs de gauche. A quelques exceptions locales près, ce ne fut pas le cas. En fait, le deuxième tour était pire que le premier: c’était la plus grosse défaite de la gauche dans ce type d’élection de l’histoire de la Ve République. La gauche a perdu 151 villes de plus de 10.000 habitants, l’UMP en a gagné 142.
Colossale raclée du PS
Parmi les villes perdues par la gauche on trouve Toulouse, Angers, Amiens, Saint-Etienne et même Limoges, ville ancrée à gauche depuis un siècle. Il y a bien sûr des rescapés. La gauche garde Paris, Lyon, Strasbourg, Nantes et Lille (mais en perdant Roubaix et Tourcoing dans l’agglomération). Certaines de ces résultats s’expliquent sans doute par de bons bilans municipaux. Mais globalement, à l’issue de ces élections, le bloc de droite autour de l’UMP se trouvait avec 13,84 millions de voix contre 11,38 pour le bloc PS et alliés.
Les forces situées à gauche du PS ont mieux résisté, mais elles sont loin d’avoir été épargnées. Un des points marquants de ces élections était le manque de visibilité du Front de gauche en tant que force politique nationale. La raison principale en était certainement la décision du PCF d’aller à ce scrutin en alliance avec le PS dans un nombre important de villes, avec notamment le cas emblématique de Paris. Il est difficile à donner un chiffre avec exactitude pour les résultats du Front de gauche.
A gauche de la gauche: le handicap de la division
Mais en prenant les listes comprenant tout ou une partie des composants du FDG, qu’elles soient intitulées PCF, FDG, PG ou autre, on arrive a un million de voix. D’après une analyse du journal Le Monde, ces listes ont fait en moyenne 10,7% dans les villes où elles étaient présentes. Ce chiffre recouvre de grandes inégalités entre les villes. En particulier les listes étiquetés PCF ont fait de meilleurs scores (24,97% en moyenne) que ceux étiquetés Front de gauche (9,32%) ou PG (6,04%).
Dans ces élections, le PCF a pourtant perdu un quart de ses conseillers municipaux, sans qu’on puisse dire pour l’instant combien ont été perdus en alliance avec le PS et combien dans des listes autonomes. Il perd aussi 48 villes mais en gagne 12. Parmi les pertes, certaines sont douloureuses. En Seine-Saint-Denis, au cœur de ce qui était la banlieue rouge, le PCF perd Bobigny, Blanc-Mesnil et Saint-Ouen. Mais des listes FG regagnent deux des villes les plus importantes du département, perdues en 2008, Aubervilliers et Montreuil.
Des résultats difficilement déchiffrables
Et à Saint-Denis, la liste du maire sortant (PCF-FG) bat de justesse une liste PS qui s’était maintenue et a certainement profité des voix venant des listes de droite éliminées au premier tour. Le résultat de Grenoble mérite d’être noté particulièrement. Dans un certain nombre de villes le PG a cherché à nouer des alliances avec des Verts. A Grenoble il y a eu en effet une liste EELV-PG-Ensemble (un autre composant du FG). Arrivée devant la liste PS (soutenu par le PCF de la ville) au premier tour, cette liste a remporté la mairie au deuxième.
Pas la déroute donc, mais on ne peut certainement pas dire que le Front de gauche ait tiré profit de la débandade du PS ni qu’il soit apparu comme une force politique nationale dans ces élections. L’heure des bilans va sonner, pour le FG et pour chacune de ces composantes. Mais sans doute pas tout de suite. Car la campagne des européennes commence déjà. Elle s’annonce compliquée.
Au niveau national et dans les villes où le PCF est parti avec le PS et où d’autres composantes du FG ont présenté une liste autonome, les relations sont tendues. Et à sept semaines du scrutin du 25 mai, les listes Front de gauche ne sont toujours pas bouclées.
Marche ardue vers les européennes
Si le grand vainqueur de ces élections a été la droite traditionnelle, nous avons aussi assisté à une progression du Front national. Il est inutile de le nier, comme certains à gauche semblent tentés de le faire. Par exemple, il est vrai que le nombre de villes où le FN a présenté des listes, autour de 600, est le même nombre que le Front de gauche. Mais avec ces listes, dans des villes bien ciblées, il a ramassé 1,7 millions de voix.
Et il a pris une douzaine de villes, davantage que dans n’importe quelles élections municipales jusqu’ici. La plus grosse prise a été le 7e secteur de Marseille, avec une population de 155.000 habitants, qui sera dorénavant dirigé par un maire et un conseil FN.
Bien qu’il soit vrai qu’une bonne partie des voix du FN vienne d’électeurs de la droite, il faut aussi reconnaître qu’une partie vient des couches populaires. Et les élections européennes vont lui donner l’occasion de se présenter partout, les sondages le mettant devant le PS, avec même la possibilité qu’il émerge comme premier parti en France.
Alors qu’il est évident que les électeurs de gauche ont déserté le PS à cause de sa politique néolibérale, la réponse d’Hollande indique plutôt qu’il va accentuer son cours actuel. En nommant Manuel Valls comme Premier ministre, il a choisi le dirigeant du PS le plus droitier, non seulement par sa politique sécuritaire en tant que Ministre de l’Intérieur depuis deux ans, mais aussi sur les questions économiques et sociales.
On ne change pas une stratégie qui perd
Valls ne cache pas son admiration pour Tony Blair et sa nomination a ravi les cercles financiers internationaux. Au PS, c’est moins sûr. Aux primaires, pour la nomination présidentielle en 2011, il a fait 6%. Déjà, sa nomination a provoqué une crise chez les Verts d’EELV. Alors que les parlementaires du parti voulaient rester au gouvernement, le bureau exécutif a voté contre. Au PS, même l’opposition à la politique d’Hollande monte.
Le courant « Maintenant la gauche » a envoyé une lettre ouverte à Hollande pour exiger un changement de cap et « un tournant économique majeur », signé par plusieurs membres du Bureau national du PS et par Paul Quilès, ancien ministre de François Mitterrand. Il semble clair qu’un certain nombre de députés PS vont refuser d’accorder la confiance à Valls, en votant contre ou en s’abstenant. Quant au groupe parlementaire FG, il votera contre.
Hollande/Valls: à droite toute!
A un moment où le cours droitier d’Hollande s’accentue, il est important que le Front de gauche tisse des liens avec la gauche du PS et des Verts et qu’il réapparaisse comme force politique nationale. Une grande manifestation contre la politique d’Hollande aura lieu à Paris le 12 avril, soutenu par le Front de gauche mais aussi par le NPA et d’autres forces et par de nombreux responsables syndicaux.
C’est bien, c’est nécessaire. Mais c’est aussi nécessaire que le pôle politique représenté par le Front de gauche dans une série d’élections de 2009 à 2012 se manifeste de nouveau par une bonne campagne et un bon résultat aux élections européennes. Ce n’est vraiment pas le moment de laisser prévaloir les ressentiments de la campagne des municipales ou de se chamailler sur des têtes de liste.
14-03-2014
Partenariat transatlantique: Vers un nouveau décalage entre le parlement et les citoyens?
Pour la première fois, la Chambre a débattu de ce potentiel „plus-grand-marché-commun-du-monde“ que pourrait devenir le Partenariat commercial transatlantique entre les USA et l’Union européenne (TTIP ou TAFTA), voir le précédent article.
L’initiative émanait de déi Lénk, qui avait demandé que l’on place ce sujet comme heure d’actualité lors d’une séance publique de la Chambre des député-e-s, avec motion à l’appui, défendue par Justin Turpel. Histoire de permettre aux citoyens-électeurs de connaître les positions des différents partis politiques sur ce sujet brûlant. Histoire aussi de mettre en lumière ce sujet dont ni les gouvernements, ni la Commission européenne ne veulent que l’on n’évoque trop souvent, tant ce projet remet en cause les droits sociaux, sanitaires, environnementaux… Car une chose est claire: si la société civile s’empare du sujet, le projet risque de s’évaporer tel un vampire.
Et la moindre des choses que l’on puisse dire à l’issue du débat qui a eu lieu ce mardi (et qui ne fut malheureusement que peu relayé médiatiquement), c’est que la société civile a bien intérêt à ne pas lâcher l’affaire et à ne surtout pas la laisser aux partis. Mais avant, voici l’intervention de Justin Turpel:
Voici un petit récapitulatif du débat:
Martine Hansen (CSV): après avoir évoqué certains risques, dont notamment une hypothétique perte de valeurs(?), l’éphémère ministre de l’enseignement supérieur du gouvernement Juncker-Asselborn II plaide pour un maintien des „nos standards européens“. On en sait pas vraiment ce qu’elle entend par là: elle pense probablement à „l’économie de marché sociale“. Mais bon, même ce modèle est sapé depuis des lustres par sa famille politique… Evidemment, elle se prononce contre les tribunaux arbitraires qui pourraient donner gain de cause à des entreprises si celles-ci se voyaient confrontées à des mesures de protection émanant des Etats. Mais sinon, il faut à tout prix sauver ce plus grand marché commun. Des risques? Oui, peut-être. Mais pas si les négociations tournent bien. L’espoir fait vivre…
Marc Angel (LSAP): l’intervention du député socialiste, président de la commission des affaires étrangères et européennes depuis les dernières élections, est certainement la plus problématique. Mais malheureusement, elle fait écho à sa famille politique qui promet à chaque élection que leur „Europe“ serait plus sociale, mais qui, une fois au pouvoir, ce qui est le cas au sein des différentes institutions européennes, se range presque systématiquement du côté des libéralisateurs. De belles paroles immédiatement annulées par une absence totale de vision économique: „Il faut donner des chances à toutes initiative qui favorise l’emploi et la croissance“. On notera le fait que les socialistes n’en sont pas encore à remettre en question le dogme de la croissance. Mais qu’ils ont également intégré toutes les autres fantaisies libérales sur le libre-échangisme qui serait un pourvoyeur d’emplois. Angel déplore lui aussi l’absence de transparence, mais rappelle qu’il existe depuis des mois des groupes de travail au niveau européen dans lesquels les acteurs des ONG et des syndicats seraient présents. De fait, il tombe dans le piège de la transparence de façade qui est partie intégrante de la stratégie de communication de la Commission européenne (voir ici). Car jusqu’à présent, les documents sensibles, y compris le mandat de la commission, n’ont pas été révélés volontairement, mais ont été „leakés“. Pour le reste, Angel veut croire que cet accord représente une chance, que ce n’est qu’une question de négociations rondement menées. Il oublie peut-être que les négociateurs européens sont tout aussi imprégnés, sinon plus, par les dogmes néolibéraux et que cet accord est fondamentalement un instrument au service des multinationales.
Eugène Berger (DP): inutile d’attendre de la part du chef de file du groupe libéral une critique d’un accord… libéral. Berger pense ainsi lui aussi que cet accord représente une chance. Et qu’il ne faut surtout pas le condamner prématurément vu la „complexité“ du dossier dont on ne connaît pas tous les détails. Trop „complexe“ et prématuré pour le rejeter, mais pas assez pour l’accepter. (N.B.: en suivant les débats parlementaires, vous constaterez que lorsque l’argument de la „complexité“ est avancé, il s’agit surtout d’un aveu a) de la méconnaissance, voire du désintérêt pour le sujet de la part du député, b) de l’argument-massue pour éviter tout débat „que le public ne comprendrait pas“). Mais la vie est complexe, M. Berger! Evidemment, Berger est contre toute forme de nivellement vers le bas, et, bien évidemment, pour la transparence (dommage que ce soit le tout petit groupe de déi Lénk qui soit obligé de mettre le point à l’ordre du jour, alors que tous les autres ne jurent que par la transparence). Toutefois, Berger pense que la transparence a ses limites: on ne peut publier que des textes définitifs. Oui, c’est bien: on va appliquer la méthode Berger au parlement. Les lois ne seront publiées publiquement qu’une fois votées. Avant, chut!, les projets ne sont pas dé-fi-ni-tifs! Ah, qu’est-ce qu’on s’amuse au Krautmaart!
Viviane Loschetter (Verts): Ah, qu’il est difficile de gouverner! Au moins, l’analyse des Verts n’est pas aussi indigente que celle de leurs partenaires socialistes et libéraux. Car contrairement à eux, les Verts ont compris l’enfumage monumental que représente ce texte. Ils n’ont pas fait venir à Luxembourg pour rien José Bové qui lui aussi a compris qu’il fallait s’opposer à ce traité. Et Loschetter de demander fort pertinemment à quoi bon un accord de libre-échange alors que les barrières douanières entre l’UE et les USA sont déjà extrêmement basses. Peut-être justement que ce traité veut aller plus loin. Et nous en sommes à nouveau au tribunaux arbitraires. Voire aux incitations à libéraliser davantage les services publics. Les Verts ont compris. Mais ils gouvernent avec des partenaires qui a) ont compris et sont contents (le DP) et b) qui n’ont pas compris, mais sont contents quand même (LSAP).
Fernand Kartheiser (ADR): Et ce fut au tour du lieutenant-colonel-maréchalissime Fernand Kartheiser. Kartheiser a tout compris et ne cesse de débusquer les bolcheviks „opposés au commerce“. Comme le pays est occupé par les forces soviétiques (CSV+LSAP+DP+Verts+Lénk+KPL+Pirates+Pid+CNFL+Cid-femmes+Les femmes en général+OGBL+LCGB+Caritas+“Rome-occupée-par-les-légions-de-Lucifer-depuis-Vatican-II“), Kartheiser en appelle aux forces divines pour qu’elles terrassent toutes les barrières douanières. Gast Gibéryen trouve ça „très bien“.
Jean Asselborn (ministre des affaires étrangères, LSAP): les opposants au traité ne sont pas tous des „philanthropistes“ (ordinateur, s’il te plaît, arrête de souligner en rouge les mots quand je cite Asselborn) et ceux qui y sont favorables ne sont pas tous des „capitalistes“. D’ailleurs, l’UE a déjà plein d’accords semblables avec d’autres pays comme la Corée du Sud ou le Japon, mais ça ne fait que du grabuge lorsque c’est avec les USA, parce qu’ils sont… plus grands (et peut-être aussi parce que le traité est un petit peu beaucoup pire). Certes, il faut éviter toutes les dérives, notamment les privatisations des services publics (alors que le mandat prévoit des libéralisations, l’un menant à l’autre), mais, grosso modo, ce traité serait bénéfique aux travailleurs des deux rives de l’Atlantique. Pour preuve, les syndicats américains y seraient favorables. Ce qui est évidemment faux: le plus grand syndicat AFL-CIO y est opposé. Il y serait favorable, uniquement dans une optique de soutien de la demande, ce qui est l’exact contraire de ce qui est prévu et de la politique économique menée par l’UE et les USA…
On devait s’y attendre: la motion déposée par déi Lénk, qui appelait le gouvernement à rendre publics tous les documents, à organiser un hearing public avec la société civile à la Chambre et à mettre fin aux négociations à été rejetée avec 58 voix contre les 2 de déi Lénk. A part les voeux pieux concernant une plus grande transparence, la seule chose concrète qui est ressortie de l’heure d’orientation est la promesse de Marc Angel d’organiser un grand débat public avec la société civile. Promesse réitérée jeudi soir lors d’une conférence organisée par un collectif opposé au TTIP. Jean-Claude Reding, président de l’OGBL, y a fait part du souhait du plus grand syndicat luxembourgeois que les négociations cessent. La société civile a compris et est donc en marche. Aux „décideurs“ de faire de même.
28-02-2014
TTIP: On va vous sucer jusqu’à la moëlle
Vous vous souvenez de l‘AMI, ce malnommé Accord multilatéral sur l’investissement? Cet accord fut négocié entre 1995 et 1997, cette époque où le néolibéralisme avait mis la vitesse supérieure, entre les Etats-membres de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques).
A l’origine, les gouvernements pensaient pouvoir le faire passer en douce. Qui se soucie des tractations autour d’un obscur traité commercial? Et ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les gouvernements ne voulaient quasiment rien dévoiler.
A cette époque, l’AMI prévoyait un certain nombre d’horreurs qu’il aurait été très difficile à „communiquer“ aux citoyens: les entreprises auraient pu assigner en justice des gouvernements pour entrave à leurs activités, voire même s’ils voulaient prendre des mesures de protection de leurs marchés. Des lois ou réglementations concernant l’emploi, l’aide au développement ou encore (pour ne citer qu’elles) la protection de l’environnement auraient pu être mises en cause.
L’éternel retour des vampires
Si, comme écrit plus haut, cette époque correspondait à l’intensification de l’offensive néolibérale (alors que 13 des gouvernements des alors 15 Etats-membres de l’UE étaient dirigés ou comportaient des partis socialistes! – „vote utile“ quand tu nous tiens…), elle correspondait également au réveil citoyen et à l’essor du mouvement „altermondialiste“.
Et heureusement, car c’est grâce à ce dernier que l’AMI échoua. Bon nombre d’associations, dont notamment Attac, ont fait tant de bruit autour de cet accord que les gouvernements, afin de ne pas perdre la face, se retrouvaient au pied du mur et n’avaient plus d’autre choix que de le laisser tomber.
C’était la „méthode Dracula“, comme l’avait défini l’écrivaine et présidente d’honneur d’Attac, Susan George: à l’image du fameux vampire transylvanien, un traité comme l’AMI „meurt à être exposé en plein jour“. 16 ans après l’évaporation de l’AMI, un nouveau démon vampirique menace les citoyens des deux rives du Nord-Atlantique: l’Accord de libre-échange entre l’UE et les USA, dénommé TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership).
Après l’AMI, le TTIP
Mais désormais nous sommes en 2014 et non plus en 1995. Certes, nos gouvernements, qu’ils soient socialistes ou pas, cela ne change plus grand chose, sont toujours autant favorables à la libre circulation des capitaux et tentent encore et toujours de détruire toute mesure de protection des travailleurs et des consommateurs.
Mais les citoyens sont beaucoup moins dupes: le libéralisme économique, l’absence de toute forme de protection douanière et la flexibilisation du travail, tout ça n’est plus accepté, pour la simple et bonne raison que tout le monde peut constater quotidiennement la baisse de la qualité de vie. Et le TTIP, franchement, de plus en plus de gens, aux USA ou dans l’UE, en ont entendu parler.
Et comme nous sommes en 2014, la Commission européenne, qui est en charge des négociations, sentant bien que ce joli projet risque de capoter si elle ne s’y prend pas plus habilement, a appris du passé. Elle a donc décidé de préparer un plan de communication à propos du TTIP afin de „désamorcer“ la fronde populaire. Un plan de communication que l’organisation Corporate Europe Observatory a „leaké“ (et que vous pouvez retrouver ici).
Il faut savoir que ce document date déjà un peu: du mois de novembre, le 22 pour être précis, date à laquelle une réunion informelle entre des représentants des Etats-membres de l’Union s’est tenue à Bruxelles.
Et il est intéressant de noter qu’à ce moment déjà, la Commission constate que jamais encore des négociations ont à tel point été commentées par l’opinion publique. Il faut donc réagir, car, comme le précise le texte, „une communication politique convaincante sera déterminante pour le succès du traité de libre-échange“.
La communication est une arme de guerre
Les auteurs du texte retiennent cinq point qu’ils ne doivent pas perdre de vue:
– les „peurs“ par rapport aux „possibles conséquences“ sur le modèle social européen. Pour cela, il faut une „communication proactive, précoce et large (…) qui revient sur la ’success story‘ (!) de l’Europe dans les négociations internationales“;
– les élections du Parlement européen vont constituer un „facteur important“: les différentes familles politiques se positionneront par rapport au TTIP. L’Union devra alors parler „d’une seule voix“;
– la „dimension stratégique“ du TTIP, qui est bien plus qu’un simple accord de libre-échange. „Nous devons représenter de manière convaincante le potentiel stratégique du TTIP“ qui permettre tant aux USA qu’à l’UE d’imposer des modes de régulation au reste du monde;
– „établir que l’accord est conclu entre deux puissances égales“;
– „les groupes d’intérêts“: vu la dimension du traité, les négociateurs auront besoin de „l’input“ d’un grand nombre de „stakeholder“ – mais il faudra parallèlement veiller à garder un certain degré de confidentialité.
Peut-être à l’image de la mobilisation contre l’AMI, mieux encore, la mobilisation contre le Traité constitutionnel européen en 2005 (ou même contre Acta l’année passée), une certaine mobilisation contre le TTIP commence à balbutier, y compris au Luxembourg.
Une bonne stratégie vaut mille tactiques foireuses
Ne soyons pas dupes, les dirigeants nationaux et européens en ont conscience. Ils vont donc privilégier l’attaque à la défense, mais surtout, tenter de diviser les opposants au TTIP en deux blocs: ceux qui le rejettent en bloc et d’autres qui se laisseront convaincre qu’il serait „tactiquement“ plus utile de faire pression sur les négociateurs afin d’avoir, face aux Américains, les meilleurs cartes en main.
Le positionnement de l’eurodéputé vert Claude Turmes en est un exemple: lors d’une conférence de presse le 3 février en compagnie des cinq autres eurodéputés grand-ducaux, Turmes s’est dit globalement en faveur d’un tel accord, à condition que certains points soient discutés plus fermement et que, par exemple, le secteur agricole ne fasse pas l’objet des négociations.
Un jour plus tard, son collègue de groupe au Parlement européen et co-tête de liste aux élections européennes, José Bové, avait tenu un meeting à Luxembourg lors duquel ses propos étaient bien plus réticents quant au principe même du traité.
L’offensive après le moratoire
Pour l’instant, la Commission a suspendu les négociations: un moratoire en attendant que passent les élections européennes. Mais ce n’est qu’un moratoire destiné à ne pas trop „effrayer“ les électeurs.
Mais la note risque de s’avérer bien salée pour les tenants d’une „meilleure négociation“: finalement, cette position ne fera au mieux qu’atténuer la casse en attendant la prochaine offensive.
L’histoire récente a démontré qu’à trop vouloir jouer au fin tacticien on est un piètre stratège qui ne gagne aucune guerre, perdant bataille après bataille avec pour seule consolation une réduction du nombre des victimes dans son propre camp.
Restera encore un autre point à soulever: „notre“ opposition aux „Américains“. Une argumentation qui sillonne comme un serpent de mer sur le dossier TTIP en particulier et sur la question de la „construction de l’Europe“ en général.
Européens et Américains solidaires contre le TTIP
Et cette logique s’immisce jusque dans les rangs du centre-gauche et des écologistes, qui sont pourtant les premiers à sermonner les „eurosceptiques“ de gauche, n’hésitant pas à sortir l’argument-massue du chauvinisme, voire du nationalisme, voire, comme le prétend l’inénarrable Robert Goebbels, que ceux qui sont opposés à ce traité „sont contre le commerce“.
Par contre, ils semblent de pas éprouver de difficultés à engager l’UE dans une guerre commerciale avec les USA, confondant les intérêts des multinationales tant européennes qu’états-uniennes avec les intérêts des citoyens des deux rives qui sont les mêmes. L’argument de la compétition entre Européens et Américains est ainsi des plus fallacieux: aux Etats-Unis aussi, les organisations progressistes et de gauche ainsi que les syndicats se prononcent contre ce traité (ils savent ce que leur a coûté Nafta).
Le chauvinisme, le nationalisme, c’est oublier qu’au sein d’autres nations, de simples citoyens combattent les mêmes maux que nous. Et ce n’est que dans la lutte commune que nous forgerons un véritable internationalisme de solidarité entre les peuples.
20-02-2014
Venezuela: Approfondir la révolution pour la sauver
Marea Socialista est un des courants du PSUV (Parti socialiste uni du Venezuela)
Le 12 février dernier a débuté la partie violente de l’offensive de la droite. Jusqu’à présent prédominait la pression économique, l’organisation des pénuries, la spéculation sur les prix et une manipulation de la crise économique ayant une caractéristique de guerre économique. La violence s’ajoute aujourd’hui à la pression politique et idéologique.
Un secteur de cette droite, dont les principales figures sont Leopoldo López et María Corina Machado, occupe la rue de manière violente pour compléter la prise en tenaille, approfondir l’usure du gouvernement de Nicolás Maduro et chercher à récupérer le contrôle du pays en faveur de la bourgeoisie locale et internationale.
Négociatrice ou violente, la droite vénézuélienne poursuit le même objectif
Il ne faut pas s’y tromper : qu’elle soit « négociatrice » ou « violente », la droite politique et la bourgeoisie n’ont qu’un seul et unique plan de gouvernement. Ce plan a été rendu public par un communiqué de 47 économistes de l’opposition à la fin du mois de janvier dernier. Et il repose sur trois axes : la libération du dollar, l’endettement international avec les centres du pouvoir financier comme le FMI et, prétextant du déficit budgétaire, l’application de contre-réformes afin de démanteler les conquêtes politiques, sociales et économiques du peuples vénézuélien. Tout cela vise également à récupérer le contrôle du PDVSA (entreprise de pétrole nationalisée). Ils veulent tout et pas seulement une partie des dollars provenant de la rente pétrolière.
Au-delà des deux tactiques de la droite, nous sommes en présence du schéma classique des contre-révolutions. Il consiste à mettre le gouvernement sous pression pour qu’il applique des mesures anti-populaires et perdre ainsi sa base sociale, en approfondissant son usure vis-à-vis du peuple bolivarien. Il sera alors forcé de partir, que ce soit de manière violente ou plus « en douceur ».
Le gouvernement du président Maduro est en train de commettre une grave erreur en pensant qu’il existe une droite « violente » et une autre « pacifique » avec laquelle on peut négocier et qui serait prétendument respectueuse de la Constitution. Comme dans la vieille combinaison de la carotte et du bâton, ces secteurs convergent en réalité dans un objectif commun : abattre le processus bolivarien.
Mais l’erreur principale du gouvernement réside dans ses oscillations hésitantes qui l’amènent à appliquer les mesures exigées par la droite. Avec l’annonce du « SICAD 2 » (système financier de gestion des taux de change) s’ouvrirait la voie à la libération d’une partie substantielle de la rente pétrolière en faveur du capital et le risque de transformer l’inflation importante actuelle en hyperinflation, accentuant encore plus les problèmes de pénuries de produits. Cette annonce d’un nouveau taux de change du dollar ne fera qu’augmenter le malaise social ressenti aujourd’hui dans le pays. Et il approfondira la désorientation et le mécontentement du peuple qui vit de son travail.
Contre la droite: plus de pouvoir au peuple!
En tant que Marea Socialista, nous affirmons avec détermination notre engagement en faveur du processus bolivarien contre toute tentative de coup d’Etat, même déguisé avec des mobilisations de sympathisants de la droite dans les rues. Mais nous alertons sur le fait que la poursuite de la voie de l’adaptation aux exigences des capitalistes nous entraînera dans une situation de reculs et de perte de contrôle irrécupérable.
C’est pour cela que nous appelons le gouvernement du président Maduro à rectifier son orientation et à appliquer des mesures anticapitalistes afin de garantir l’approvisionnement en produits, freiner l’augmentation incontrôlée des prix et mettre en œuvre une nouvelle phase du processus bolivarien. Nous proposons en outre les mesures d’urgence économiques et politiques suivantes :
1) Pas un dollar de plus pour la bourgeoisie. Que l’Etat applique sous contrôle social et anti-corruption le monopole du commerce extérieur et soit l’unique importateur des biens essentiels de notre peuple.
2) Centralisation nationale sous contrôle social de tous les dollars du pays. Que ce soit ceux qui proviennent du pétrole comme ceux qui sont déposés dans des fonds à l’étranger.
3) Intervention et contôle étatique et social des travailleurs bancaires, de tout le système bancaire privé qui opère dans le pays, afin de financer le fonctionnement de l’économie. Contrôle centralisé de tous les fonds gérés par la banque publique.
4) Renforcement urgent de la production alimentaire étatique et en produits de consommation de base. Expropriation sous contrôle ouvrier et populaire des grandes entreprises impliquées dans les opérations d’accaparement, de spéculation ou de contrebande.
5) Demander aux peuples et exiger des gouvernements d’Amérique latine leur soutien solidaire en aliments et médicaments pour affronter la situation d’urgence.
En même temps nous demandons:
1) De mettre un terme à l’impunité de la droite. Nous soutenons ainsi l’ordre d’arrestation contre Leopoldo López du fait de sa responsabilité morale et intellectuelle par rapports aux événements violents du 12 février. Mais nous réclamons aussi la détention d’Enrique Capriles et de tous les responsables des 11 assassinats du 15 avril 2013.
2) Nous appelons à encourager et à soutenir la mobilisation et la lutte des secteurs du peuple bolivarien et au-delà qui sont en train de défendre leurs conquêtes. Ceux qui luttent pour les salaires, pour la défense de leur poste de travail, pour leurs contrats collectifs, comme les électriciens et bien d’autres. Nous appelons à encourager et non à criminaliser la protestation légitime du peuple qui vit de son travail. Il faut affronter de manière déterminée la contre-révolution mais en respectant et en stimulant la lutte du peuple travailleur, paysan et populaire et l’orienter afin d’obtenir des mesures anticapitalistes.
3) Nous insistons sur la proposition d’une participation réelle et effective à la prise de décision du gouvernement des organisations sociales et politiques du peuple révolutionnaire, de ses syndicats de base, de ses conseils de travailleurs, de ses mouvements sociaux et populaires, afin de garantir qu’on gouverne au service du peuple travailleur et en faveur des intérêts de la révolution.
4) Nous demandons de soutenir les médias communautaires et alternatifs en tant que réseau national de communication de ceux qui luttent contre la droite et en défense des conquêtes de la révolution. Nous exigeons d’ouvrir immédiatement les médias publics aux débats et opinions de tous ceux qui défendent le processus bolivarien.
5) Nous appelons à ouvrir les casernes de notre Force Armée Bolivarienne au débat public avec l’ensemble du peuple révolutionnaire et de ses organisations.
Il est encore temps aujourd’hui de changer de cap par rapport à l’orientation conciliatrice avec la bourgeoisie et pour impulser des mesures anticapitalistes effectives avec la participation démocratique du peuple qui vit de son travail. Mais demain, il sera peut-être trop tard.
13-02-2014
Les maîtres et les capitulards
C’est passé inaperçu. La semaine dernière, la Chambre des députés s’est réunie. Cela aura été la seule séance du mois de février. Non, il n’y en a pas bien plus, ce qui en dit long sur l’état de notre démocratie. Un point toutefois avait dominé l’ordre du jour: la future composition de la commission chargée de contrôler les services de renseignement. Une première douche froide pour celles et ceux qui étaient tombé dans le panneaux du „renouveau“ du gouvernement Bettel-Schneider.
Mais un autre point, tout aussi important si ce n’est plus, n’a pas eu les faveurs des gros titres: les députés devaient se prononcer en faveur d’un prêt de 2, 06 milliards d’euros au Fonds monétaire international, le fameux FMI. Pour quoi faire? Mais pour renflouer un fonds qui servira à „aider“ les pays frappés par la crise, comme la Grèce, l’Espagne ou le Portugal.
Le système n’est pas compliqué: ensemble avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne, le FMI forme la „Troïka“. Ce trio infernal est particulièrement connu en Grèce et au Portugal: c’est lui qui décide selon quelles conditions les „aides“ seront accordées à ces pays. C’est un troc entre David et Goliath. En somme, la Troïka dit: „vous recevez vos milliards à condition d’abaisser les salaires minimum, de réduire par deux les retraites ou de privatiser vos compagnies et services publics“. Coupes-toi un bras et t’auras ton pansement.
Soutien au trio infernal
Mais où vont ensuite tous ces milliards d’aide? Au peuple? Certainement pas! Non, ils servent à rembourser la dette auprès des banques privées – à des taux d’intérêt énormes évidemment. Résultat: après avoir appauvri la population et vendu ce qui appartient au peuple, l’argent va à ceux qui sont responsables de la catastrophe sociale. Niveau braquage, Bonnie et Clyde était de doux amateurs.
C’est scandaleux, n’est-ce-pas? C’est même plus, c’est criminel. On en connaît les conséquences: qu’il s’agisse de la Grèce ou du Portugal par exemple, la situation n’a fait que se détériorer depuis que la Troïka s’en mêle. C’est très concret: les hôpitaux n’ont même plus les moyens de soigner les enfants mal-nourris qui y entrent!
Tout cela n’est pas bien difficile à comprendre. L’homme et la femme de la rue d’Athènes ou de Lisbonne le savent parfaitement. Mais il y en a qui ne le comprennent pas. Ou qui ferment les yeux. Et c’est d’autant plus grave qu’ils sont des élu-e-s du peuple.
Sur les 60 députés que compte notre parlement, seuls 2 se sont prononcés contre ce système (Serge Urbany et Justin Turpel de déi Lénk). Les trois députés de l’ADR ont certes voté contre également, mais pour des raisons diamétralement opposés: ils appuient le principe, mais trouvent que le montant est trop élevé.
Cette séance était d’une tristesse mais aussi une insulte à l’intelligence: l’on y voit le député socialiste Franz Fayot donner son accord, se permettant même, depuis un monde parallèle dans lequel se sont réfugiés tous les dirigeants du Vieux continent, de juger que la crise de la zone euro commencerait à se dissiper. Faudra faire passer le message à Nikos de Thessalonique ou João de Porto, parce que eux, ils ont plutôt l’impression du contraire. Mais peut-être ne disposent-ils pas de la distance nécessaire pour bien juger.
La blague du jour: l’Eurozone va mieux
Finalement, l’ex, Jean-Claude Juncker, a piqué sa petite crise en détaillant son fabuleux bilan à la tête de l’Eurogroupe qu’il partage avec la Troïka (qu’il ait baptisé son chien d’un prénom grec, Platon, en dit long). Personne n’avait pensé à le faire (sauf le député CSV Gilles Roth qui „a fait le job“). Bref, tout le monde était d’accord pour dire qu’il faut continuer dans cette direction et que bientôt, si, si, la crise sera surmontée. Une fois que les banques se seront bien goinfrées, elles finiront bien par vomir quelques grumeaux.
Nous sommes dans une situation très grave. Non, la crise ne va pas se dégonfler. Elle va s’amplifier. C’est triste, mais c’est ainsi. Nos gouvernements et les élus des partis de l’establishment politique ont capitulé devant les puissances de l’argent. Les uns le font par conviction, mais beaucoup d’autres par ignorance.
Aurélien Bernier : la désobéissance européenne 1/3 par Marianne2fr
Ce qui est en train de se passer dans les pays du Sud est une répétition générale pour le reste de l’Europe. L’endettement des Etats auprès des banques privées est un moyen de les asservir. En utilisant des institutions illégitimes et antidémocrates comme les trois qui forment la Troïka, les marchés financiers dérobent toute souveraineté populaire aux nations. Dans quel but? Afin de faire régner un nouvel ordre politique et économique: l’installation d’une démocratie de façade qui devrait empêcher toute avancée sociale. La dictature n’a pas besoin de bottes et d’uniformes militaires. Elle peut se contenter d’hommes en costume et de femmes en tailleur occupant des postes dans les institutions élues mais dépouillés de toute possibilité d’action.
La partie de tennis entre les Etats-membres et l’Union européenne est le truc du siècle! On délocalise une entreprise? „C’est l’Union européenne“, diront les gouvernements nationaux. Et l’UE quant à elle peut relancer la patate chaude au … Conseil des ministres, constitué des représentants de ces gouvernements nationaux! Qui décide de quoi, où et comment? Les pistes sont bien brouillées. Et les peuples écrabouillés.
Ping pong européen
Trop souvent, la démocratie est confondue avec la liberté d’expression. Mais disposer du droit de clamer son opinion sans crainte d’être poursuivi n’est qu’une condition pour vivre en régime démocratique, pas un aboutissement. La démocratie, c’est savoir clairement qui décide de quoi et comment. La démocratie, c’est la simplicité, la transparence et la proximité. Et c’est, finalement et surtout, la prise en mains directe de nos intérêts. C’est l’exact contraire du monde dans lequel vivent les 500 millions de citoyens de l’Union européenne.
Mais tout n’est pas perdu. Il est possible de reconquérir ce que nous avons perdu et même de conquérir davantage de droits sociaux et démocratiques. Mais ce ne sera pas une partie de plaisir. Une des mesures directes sera d’envoyer paître le FMI et de mettre à bas tout ce qui est antidémocratique dans l’UE. Aucune dette illégitime ne devra être remboursée. Les Etats doivent reconquérir le droit de se financer eux-mêmes. Le système bancaire doit être socialisé.
Les institutions démocratiques existantes devront être fondamentalement réformées afin de donner toujours plus de pouvoir, aussi bien politique qu’économique, à la grande masse du peuple. Il faudra donc rompre avec le système actuel et en construire un nouveau. Cela ne se fera pas sans grandes mobilisations. Le changement viendra d'“en bas“ et devra être accompagné et dynamisé par „en-haut“.
Oui, il faudra cesser la capitulation et chasser ces maîtres dont personne ne veut en réalité.
There is no alternative.
07-02-2014
Die Familie gegen Familien
In Frankreich bildete sich erbitterter Widerstand gegen die gesetzliche Gleichstellung Homosexueller durch die Öffnung der Ehe und des Adoptionsrechts, in Form der Initiative „Manif pour tous“. Hand in Hand marschierten konservative Gaullisten, katholische Integristen, islamische Fundamentalisten und Neonazis für die Fortführung der Diskriminierung gleichgeschlechtlicher Partnerschaften. Normalerweise mögen sich einige dieser Gruppierungen überhaupt nicht – dennoch scheinen sie alle ein einheitliches Familienbild zu vertreten: Mann, Frau und, wenn möglich, mehr als ein Kind. Es geht um Fortpflanzung. Und, ginge es nach ihnen, so sollte dies gesetzlich genau so festgeschrieben sein.
In Luxemburg hält sich dieser „Widerstand“ in Grenzen. Obwohl Luxemburg weitaus weniger säkular ist und von einem laizistischen Staatsmodell nur träumen kann, hält sich hier sogar die Führung der katholischen Kirche (noch?) weitgehend zurück; vor allem im Vergleich zu andern Ländern. Das heißt natürlich nicht, dass es in Luxemburg keine Schwulen- und Lesbenfeindlichkeit gäbe, oder dass niemand mehr die Meinung vertritt, die Frau habe sich dem Manne unterzuordnen und dürfe nicht über ihren eigenen Körper bestimmen – diese Haltung ist nur gesellschaftlich kaum organisiert. Zumindest außerhalb des Parlaments, bzw. des Wahlkampfs.
Doch im Gegensatz zu unseren deutschen Nachbarn sind es in Luxemburg nicht etwa die Christdemokraten, die der Gleichberechtigung homosexueller Partnerschaften im Weg stehen; denn selbst diese sind mittlerweile der Meinung, Ehe und Adoption sollten für gleichgeschlechtliche Paare geöffnet werden – wenn es auch etwas gedauert hat, bis diese Einsicht endgültig kam.
Eine parlamentarisch vertretene Partei aber vertritt weiterhin ganz offen die Ansicht, es dürfe nur ein gültiges Familienmodell geben und versucht auf diese Weise, Ressentiments zu schüren, und damit auch unzufriedene konservative Christdemokraten an sich zu binden: die Alternative Demokratische Reformpartei, kurz ADR. Diese einstmals sozialpopulistische Partei, die sich noch bis vor einigen Jahren jeglicher tiefer gehender gesellschaftlicher Analyse enthielt, hat in den vergangenen Jahren, besonders seit ihrem Zusammengehen mit dem Männerbund AHL (Association des Hommes du Luxembourg), immer mehr eine eindeutig rechtskonservative Haltung angenommen.
Sie engagierte sich auf europäischer Ebene erst in der Allianz für ein Europa der Nationen, in der auch die offen rassistische Dänische Volkspartei und die postfaschistische Alleanza Nazionale vertreten waren, und, als diese sich auflöste, in der Allianz der Europäischen Konservativen und Reformisten. Dort sind nicht nur die isländische Unabhängigkeitspartei und die britischen Konservativen vertreten, sondern auch die klerikalfaschistisch orientierte AKP der Türkei, die derzeit wieder die Grund- und Bürgerrechte der Menschen beschneidet, regelmäßig kritische Journalisten einsperren lässt und besonders die kurdische Minderheit unterdrückt.
Ihre schwulen- und lesbenfeindliche Haltung trifft nicht nur gleichgeschlechtliche Paare.
In der ADR verkörpert diese traditionalistische Haltung niemand besser als Fernand Kartheiser, auch wenn seine Kollegen im Parlament, Gast Gibéryen und besonders auch Roy Reding, der jüngst durch einen nicht einmal besonders originellen homophoben Witz auffiel, diese Ansichten durchaus teilen. Das geht so weit, dass Kartheiser den Erzbischof Jean-Claude Hollerich des Ungehorsams der katholischen Obrigkeit gegenüber bezichtigt – obwohl Hollerich nun wirklich nicht dafür bekannt ist, sich offen gegen den Willen des Vatikans zu stellen. Er hat nur nicht laut genug in den schwulen- und lesbenfeindlichen Tenor Papst Joseph Ratzingers eingestimmt. Er hat sich ungenügend darum bemüht, die katholische Mehrheitsbevölkerung gegen die böse, von katholischen Hardlinern oft beschworene „Homolobby“ aufzuhetzen.
Dies will der ehemalige Offizier natürlich nicht auf sich beruhen lassen. Und so lobt er in seinen Blogbeiträgen alte katholische Traditionen, wie die Missionierung, die lateinische Messe und den universalen Wahrheitsanspruch der einzig wahren Kirche, sowie die Bemühungen der Pius-Brüderschaft um katholische Restauration. Er betont, dass das Leben bei der Befruchtung der Eizelle beginne und Abtreibung deshalb Mord sei. Logische Folge wäre die Forderung nach lebenslänglichem Gefängnis für Frauen, die diese „ungeborenen Bürger“ im Embryonalstadium entfernen lassen, aus welchem Grund auch immer. Mindestens. Und wer Kondome benutzt, kommt dann wohl wegen der Freiheitsberaubung potenziellen Lebens vor Gericht.
„Traditionelle“ vs „minderwertige“ Ehe?
Deshalb definiert er die Ehe auch ganz klar: Es ist eine Zweck-, manchmal auch Liebesgemeinschaft zweier gegengeschlechtlicher Partner, die gefälligst Kinder zusammen zeugen sollen. Dieses überaus eingeschränkte, von Kartheiser als „universal“ bezeichnete Familienbild will er auch politisch für jeden durchgesetzt sehen. Wer davon abweicht, braucht sich gar keine Anerkennung vom Staat oder der Gesellschaft zu erwarten. Dies trifft also nicht nur Homosexuelle. Damit wütet der katholische Integrist auch gegen alleinerziehende Eltern und kinderlose Paare. Wenn er auch nicht offen fordert, kinderlose Ehen per Dekret zu annullieren, so stellt er diese doch als minderwertig dar gegenüber der „traditionellen“ Ehe.
Weiter wird aber auch betont – und diese Argumentation findet sich auch im ADR-Wahlprogramm – ein Kind bräuchte eine Mutter und einen Vater, also eine stereotyp weibliche und eine stereotyp männliche Bezugsperson. Damit macht er also Eltern, die in gleichgeschlechtlichen Partnerschaften sind, schlecht, wie auch alleinerziehende Eltern. Diese nämlich können, laut rechtskonservativer Argumentation, jeweils einen dieser beiden Geschlechterpole nicht vorzeigen. Die Aussage ist aber auch zutiefst frauenfeindlich; damit betont Kartheiser, ebenso wie seine Partei, die grundsätzliche „Andersartigkeit“ der Frauen. Und, auch wenn er es nicht so offen zugeben will, so meint er doch implizit damit, die Mutter habe sich eben gefälligst auf traditionelle „Kernaufgaben“ der Mutter zu beschränken – also Haushalt, Gebärung und Erziehung der Kinder, usw. Weil die Tradition das so verlangt.
Fernand K. alleine gegen die „schwule Weltverschwörung“.
Um seinen Rundumschlag gegen die Beseitigung struktureller Diskriminierung zu rechtfertigen, greift Kartheiser auch gerne mal in die verschwörungstheoretische Trickkiste – denn nichts lenkt besser ab von bestehenden strukturellen Defiziten, als wenn man eine Gruppe von „bösen Menschen“ für alles Schlechte verantwortlich machen kann. In diesem speziellen Fall ist es besonders die (nicht näher benannte) „Homolobby“, die irgendwie mit ihrer „Agenda“ die traditionelle Familie „zerstören“ will. Deren politischer Verbündeter ist in seiner kleinen Welt die „Linkskoalition“ – gemeint ist damit die amtierende liberal dominierte Dreierkoalition. Auf deren Seite seien seiner Ansicht nach aber auch die Oppositionsparteien déi Lénk und CSV. Kartheiser alleine gegen die ganze Welt.
Warum die Familie „zerstört“ werden soll, in wessen Interesse das sein sollte, bleibt hierbei im Dunkeln. Er schwafelt dabei nur davon, dass man damit diffuse, nicht näher formulierte „Gleichheitsfantasien“ realisieren wolle. Was aber an der Gleichheit der Menschen – in diesem Fall besonders der Gleichheit vor dem Gesetz – schlecht sein soll, kann wohl nur ein besonders konservativer Geist erahnen, der noch von der „guten alten Zeit“ vor 1789 träumt.
Besonders dreist findet Kartheiser dabei das angebliche „Verbot“ einer homophoben und frauenfeindlichen Veranstaltung auf der Kinnekswiss am 2. Februar. Dies sei quasi der Beweis für die „schwule Weltverschwörung“ und deren „totalitäre“ Absichten. Dass das Verbot sich aber in erster Linie auf den vorgeschlagenen Ort und die angemeldete Art der Veranstaltung bezog, interessiert ihn hierbei wenig. Hauptsache „Diktatur!“ rufen.
Ein Verbot… der keiner war
Fakt ist; die Veranstaltung wurde deswegen nicht genehmigt, weil die rechtskatholischen Veranstalter die Protestaktion wie eine private Veranstaltung aufziehen wollten; ein Familienpicknick mit Workshops, Glühwein und schwulen- und lesbenfeindlichen Parolen.
Auch war die Aktion bei der Anmeldung nicht eindeutig als Protest bezeichnet worden. Für solche Veranstaltungen ist aber dieser Park, eine der wenigen Grünflächen um die Innenstadt, nicht vorgesehen. Pech gehabt. Aber der rechtskatholische Mob wollte lieber, wie zuvor die Kollegen des Heiligen Rocks in Trier, den Rasen kaputttrampeln, als in der Innenstadt etwas öffentlichkeitswirksamer aufzutreten.
Besonders schlimm fand er aber, dass es eine Gegendemonstration geben sollte. Und das in einer Demokratie. Da sollte man doch seine Meinung kritiklos und ohne Widerspruch kundtun dürfen, oder? So versteht zumindest der rechtskonservative Abgeordnete „Meinungsfreiheit“. Und Gegendemonstranten und die „totalitäre Linksregierung“ machen ihm diese angeblich streitig. Trotzdem ist er weiter Abgeordneter. Trotzdem veröffentlicht er weiter ungestört eine Hasstirade nach der anderen.
Weg vom Sozialstaat, rein in die traditionelle Familie
Mit einer solchen Haltung zeigen die Partei, ihre Abgeordneten und besonders Fernand Kartheiser aber auch, was für eine Vision sie für die Gesellschaft vertreten. Dies wird besonders in Kombination mit der ADR-Sozial- und Wirtschaftspolitik deutlich: Wirtschaftliche Deregulierung, Sozialabbau, Sparpolitik und Steuerpopulismus gehen hier Hand in Hand mit der Forderung nach Alleinherrschaftsanspruch der traditionellen Familie. Der Staat soll sich zurückziehen und die Verantwortung wird an die staatlich anerkannten Familien delegiert.
Dies geschieht am besten, wenn dabei traditionelle, sich reproduzierende Familien mit möglichst vielen Kindern bevorzugt werden. Wenn dann das garantierte Mindesteinkommen RMG gekürzt wird, wie auch die ADR dies in ihrem Wahlprogramm, hinter geschicktem Politikersprech versteckt, forderte, und wieder eine sogenannte „Rentenreform“ (de facto eine Kürzung der Rentenansprüche) kommt, verlieren die Betroffenen ihre persönliche Autonomie endgültig und sind auf die Hilfe ihrer traditionellen Familie angewiesen.
Damit führt die rigide Haltung der rechtskonservativen Partei in Sachen Familienpolitik also, neben der offenkundigen Diskriminierung anderer Familienmodelle, zwangsläufig, Schritt für Schritt, zurück in eine Ära, als der Sozialstaat allenfalls rudimentär vorhanden war und Familien möglichst groß sein sollten, damit die Eltern auch im Alter versorgt sein würden. Die ADR will, wenn sie ihre eigene Logik fortführt, also, ob ihre Mitglieder sich dessen bewusst sind oder nicht, hinter den Sozialstaat zurück in eine Gesellschaft, in der besonders Arme und Mitglieder der unteren Mittelschicht sich nicht auf gesamtgesellschaftliche Sicherungsmechanismen verlassen könnten, sondern gezwungen wären, ihre Familienplanung der eigenen Selbsterhaltungslogik zu unterwerfen, anstatt diese frei zu gestalten. Gesellschaftliche Solidarität sucht man hier vergebens und stößt stattdessen auf archaisch anmutenden familiären Paternalismus.
23-01-2014
Intérêts notionnels: la dernière blague belge
Le renouveau politique annoncé par la coalition gambienne a rapidement montré ses limites sur le plan socio-économique : il ne sera donc pas question de faire payer la crise par ceux qui l’ont provoquée. La hausse de la TVA est même revenue à l’ordre du jour. Mais un point du programme est resté quelque peu dans l’ombre : les intérêts notionnels.
Quand on veut faire du renouveau, il faut trouver des idées originales. Alors pourquoi ne pas recycler celles des autres ? Rien de mal a priori. Le problème c’est d’emprunter la mesure fiscale la plus catastrophique jamais inventée par la Belgique, qui possède pourtant un certain « talent » en la matière.
De quoi s’agit-il ? Les intérêts notionnels ont été mis en place pour compenser la disparition des « centres de coordination » condamnés par l’Europe. Ce dispositif avait attiré une grande quantité de multinationales en Belgique, pour y ouvrir des centres de coordination qui leur permettaient de défiscaliser une bonne partie de leurs bénéfices. Les intérêts notionnels ont donc été mis au point pour les inciter à rester.
De quoi s’agit-il exactement ? Prenons une entreprise qui fait des investissements. Elle demande un prêt à sa banque pour les financer. Elle paye donc des intérêts sur cet emprunt. Elle peut ensuite déduire de ses revenus les intérêts versés à la banque. Si elle finance ses investissements sur fonds propres, elle ne peut pas déduire d’intérêts puisqu’elle n’en paye pas. Logique. Sauf que les intérêts notionnels permettent aux entreprises de déclarer les charges d’intérêts qu’elles auraient payés si elles avaient dû emprunter. D’où le terme « notionnel ».
Bilan désastreux
Les défenseurs de la mesure nous ont expliqué qu’il s’agissait d’encourager les entreprises à se financer sur fonds propres, surtout dans le contexte de crise financière qui rendait plus difficile l’accès au crédit. Soit. Toujours est-il que si l’on fait le bilan de cette mesure en Belgique, il est plutôt désastreux. Aucun emploi créé. Aucune richesse non plus. Par contre, des géants de l’industrie comme Mittal sont très contents d’avoir réussi à payer moins d’impôts qu’un seul de leurs ouvriers. Et les finances publiques ont perdu plusieurs milliards d’euro par an.
Il y a un peu plus d’un an, Bruno Colmant, le créateur des intérêts notionnels, faisait lui-même un bilan critique de la mesure, en avouant qu’elle avait fait l’objet de gros abus au travers de multinationales qui établissaient une filiale financière très fortement capitalisée en Belgique, sans rien apporter à l’économie nationale.
Depuis leur création, les intérêts notionnels ont été « adoucis » : leur taux a été réduit. Mais le principe reste le même : offrir des cadeaux fiscaux à ceux qui n’en ont pas besoin puisqu’ils ont les moyens d’investir sans emprunter. Pour les salariés et les indépendants, l’imposition est tout sauf « notionnelle » : pour déduire des frais professionnels, il faut qu’ils soient bien réels et dûment justifiés.
Fiscalité inversée
En recourant à cette mesure, le Luxembourg tenterait de bénéficier à son tour d’une niche fiscale totalement improductive. Au départ, l’impôt est fait pour redistribuer les revenus. Les plus gros revenus contribuent davantage au bien commun. Avec les intérêts notionnels, c’est le contraire. Ceux qui font le plus de bénéfices payent le moins.
Est-ce cela le renouveau promis ? Au lieu de développer une économie au service des besoins de la population et créatrice d’emplois nouveaux, on fait des cadeaux aux grands patrons ! Politiquement, le scénario est cousu de fil blanc : les socialistes voteront les intérêts notionnels les yeux fermés. Dans deux ans, ils pousseront des cris contre les dérives et les abus de cette mesure (anti)fiscale. Mais ils ne pourront pas dire qu’on ne les avait pas prévenus.
07-01-2014
Gauche européenne: le saut qualitatif
Du 13 au 15 décembre 2013 s’est tenu à Madrid le 4e Congrès du Parti de la gauche européenne (PGE). Quelque trois cents délégués des 33 partis membres et observateurs, ainsi que de nombreux invités de partis, organisations et mouvements progressistes, y ont assisté. Les orientations du PGE pour les élections européennes de mai 2014 ont fait l’objet de discussions et de décisions. La volonté de rupture avec les politiques austéritaires, indépendamment des formes concrètes qu’elles peuvent prendre dans les différents pays, a été réaffirmée avec force. Ce congrès fera date dans l’histoire du parti dont la gauche radicale européenne s’est doté il y a à peine dix ans.
Dix ans ne représentent qu’un court laps de temps. Ils ont cependant suffi au PGE pour devenir un acteur incontournable de la scène politique internationale. En témoigne la présence au congrès d’Álvaro García Linera, vice-président de l’État plurinational de Bolivie. Le discours de ce dernier a incontestablement été un des moments forts de ce congrès. Le vice-président bolivien a exhorté les peuples européens à dépasser l’état de léthargie dans lequel ils ont sombré et à renouer avec les rébellions, révolutions et messages universalistes, qui par le passé ont fait la grandeur de l’Europe.
Une grande signification politique revêt la présence au 4e Congrès du PGE de la Confédération européenne des syndicats (CES) au plus haut niveau – une première dans l’histoire du PGE. Tant le président de la CES, Ignacio Fernández Toxo, que la secrétaire générale Bernadette Ségol, se sont adressés aux délégués et aux invités présents à Madrid pour décrire la situation accablante que vivent aujourd’hui les salariés européens, à commencer par les 27 millions d’hommes et de femmes actuellement au chômage dans l’Union européenne et pour présenter leurs alternatives à la Troïka en matière de politiques économiques et sociales. Le congrès a connu beaucoup d’autres moments forts, notamment les interventions de représentants de peuples en lutte, venant des quatre coins du monde: Colombie, Venezuela, Cuba, Tunisie, Égypte, Palestine…
Un congrès de l’unité
Incontestablement, le 4e Congrès du PGE a été celui de l’unité. Le document politique «Unir pour une alternative de gauche en Europe», qui est certainement le document de congrès dans la jeune histoire du PGE le plus accentué dans la dénonciation des orientations capitalistes et impérialistes de l’Union européenne et dans l’opposition à ses traités et institutions existants, a été adopté par les délégués à une majorité de 93 %. Les axes programmatiques pour les élections européennes de mai 2014, conçues comme document de travail que les partis nationaux devront concrétiser en tenant compte des spécificités de chaque situation nationale, l’ont été à une majorité de 86 %. Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français, a été reconduit dans la fonction de président du PGE par plus de 78 % des délégués. Les vice-présidents du PGE Marisa Matias, Margarita Mileva, Maite Mola et Alexis Tsipras, ainsi que le trésorier Diether Dehm, ont également obtenu des scores très élevés.
Une des décisions les plus importantes du congrès a été la désignation d’Alexis Tsipras comme candidat du PGE à la présidence de la Commission européenne. Cette candidature, présentée dans le cadre de la campagne pour les élections européennes de mai 2014, ne doit cependant pas être comprise comme un ralliement aux institutions non démocratiques de l’actuelle Union européenne.
Dans son discours d’ouverture du congrès du PGE, Pierre Laurent a apporté les clarifications nécessaires en rappelant la résolution du Conseil des Présidents du PGE à ce propos: «Le Conseil des Présidents a discuté de la possibilité de présenter un candidat commun à la Présidence de la Commission européenne. Le PGE ne croit pas que cette disposition nouvelle soit de nature à démocratiser l’Union européenne. Elle ne masquera pas, comme l’espèrent les dirigeants européens de la Troïka, leur autoritarisme. (…) Il n’y a pourtant aucune raison, lors de la campagne électorale, de laisser le monopole de la parole aux forces responsables de la crise. Les peuples, les travailleurs, toutes celles et ceux qui luttent contre l’austérité et pour une refondation de l’Europe doivent avoir un porte-voix. Pour le PGE, cette candidature serait un symbole fort d’espoir pour l’Europe. La Grèce a servi de cobaye aux politiques d’austérité. Mais la Grèce a résisté et résiste encore. Syriza, le parti dont Alexis Tsipras est le président, a su rassembler le peuple grec contre les memoranda barbares et l’autoritarisme et pour un redressement de la Grèce dans une Europe solidaire. La voix d’Alexis Tsipras serait donc celle de la résistance et de l’espoir face aux politiques ultra-libérales et face à la menace de l’extrême droite. Cette candidature pourrait rassembler de nombreux citoyens et de nombreuses forces politiques.»
Le ralliement à la candidature d’Alexis Tsipras annoncée aux congressistes réunis à Madrid par Jonas Sjöstedt, le président du parti de gauche suédois Vänsterpartiet, en a encore souligné la grande valeur symbolique. Le Vänsterpartiet est actuellement crédité dans les sondages d’un score de 8 % aux prochaines élections générales suédoises prévues pour septembre 2014. Pour mesurer à sa juste valeur l’importance de cette décision, il faut se rappeler que la sensibilité gauche verte nordique avait au début pris beaucoup de distance avec le projet de construction d’un parti de gauche européen.
Il faut également insister sur l’ambiance du congrès. Au fil des dix ans de son existence, le PGE s’est transformé progressivement d’une union de partis frères nationaux en un parti européen, qui a comme ambition de refonder l’Europe sur des bases totalement opposées à l’actuelle construction de l’Union européenne au service des seuls intérêts du capitalisme financiarisé. Une ambiance de fraternité, qui commence à transcender la diversité des cultures politiques ayant convergé dans le PGE, s’est installée. Les votes sur les documents politiques, ainsi que les élections aux fonctions dirigeantes du parti, qui font apparaître des majorités et minorités fluctuantes, sont devenus une méthode de travail normale. Au cours des premières années de l’existence du PGE, il en allait encore autrement. Au congrès de Madrid, les résultats des votes ont même été parfois très serrés. Tel était le cas pour les votes sur les motions relatives à l’écosocialisme et sur les structures féministes, dont le PGE devrait se doter.
Tout en prenant acte avec satisfaction des progrès démocratiques réalisés dans la vie interne du PGE, on doit cependant convenir que la méthode de travail basée sur le consensus devra prévaloir à l’avenir. C’est cette méthode qui a fait ses preuves depuis les premières concertations entre partis frères nationaux en vue de fonder un sujet politique européen, il y a une dizaine d’années. Mieux vaut marcher plus lentement, mais continuer le chemin ensemble en plus grand nombre! Dans le cas du PGE, le bien-fondé de cette approche s’est vérifié tout au long de ses dix années d’existence. Qui plus est, elle n’a pas été un obstacle aux progrès continuels réalisés dans la perception collective des défis européens qui se posent à la gauche radicale. La grande unité constatée à Madrid est précisément le résultat d’un processus d’une année, au cours duquel les partis membres et observateurs du PGE ont préparé le 4e Congrès de façon collective et consensuelle, tout en s’enrichissant mutuellement.
Après le congrès de Madrid, le PGE est en ordre de bataille pour entamer une année importante avec en ligne de mire les élections européennes. La candidature d’Alexis Tsipras à la présidence de la Commission européenne en dit long sur les nouvelles ambitions du PGE pour construire une autre Europe. Au printemps déjà, le PGE organisera à Bruxelles une conférence sur la restructuration des dettes publiques. Cette conférence, qui sera largement ouverte aux forces politiques et syndicales, mouvements sociaux et milieux universitaires progressistes, devra défricher des pistes pour briser le cercle vicieux des politiques austéritaires imposées à l’Europe par la Troïka. Évidemment, le PGE s’engagera, tout au long de l’année, dans la «mère de toutes les batailles» contre le grand marché transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis, qui fait planer un danger mortel sur le modèle social européen tel qu’il subsiste encore. Enfin, le PGE se propose d’organiser à l’avenir chaque année un «Forum européen des alternatives», conçu comme nouvel espace de convergences progressistes avec toutes les forces politiques, syndicales et sociales, qui y sont disponibles. Une première édition de ce forum est prévue pour l’automne.
Retour en arrière
En se rappelant les origines du PGE, on doit regretter que la méthode de travail basée sur le consensus n’ait pas toujours été appliquée avec assez de conséquence. Il en est résulté des blessures, qui, jusqu’à ce jour, tardent à cicatriser complètement. On s’en est bien rendu compte en écoutant attentivement les interventions à Madrid des représentants de partis communistes, jouissant d’une grande représentativité dans leur paysage politique national, tel le Parti communiste de Bohême et Moravie (République tchèque) et le parti chypriote AKEL. Le fait que ces partis ont gardé jusqu’à ce jour le statut de parti observateur résulte des difficultés surgies au cours de la période de fondation du PGE.
À cette époque, l’interprétation du concept de «stalinisme» faisait débat et les avis divergeaient sur la vitesse avec laquelle on devait avancer dans la construction du nouveau sujet politique européen. Évidemment, on ne pouvait transiger sur la nécessaire rupture avec les néfastes pratiques staliniennes, qui, au cours du siècle passé, ont causé d’innombrables torts au mouvement ouvrier. De même, on ne pouvait pas prolonger indéfiniment le processus de formation du nouveau sujet politique européen sans courir le risque de faire échouer tout le projet. Il n’est non moins vrai qu’en agissant avec plus de circonspection lors de la fondation du PGE, on aurait pu éviter certaines controverses dont les conséquences négatives se font ressentir jusqu’à ce jour.
Il faut bien se rendre compte que la tâche entreprise il y a une dizaine d’années, consistant à rassembler dans une maison européenne commune des partis politiques aux orientations idéologiques et aux traditions et cultures politiques très diverses, représentait un défi énorme. Trouver un consensus entre partis communistes, socialistes de gauche et rouges-verts et dépasser l’antinomie stérile entre «stalinisme» et «trotskisme» étaient déjà en soi une entreprise difficile. Mais, au-delà de toutes les différenciations idéologiques, il fallait également rassembler des forces politiques qui avaient des vues différentes sur l’Union européenne et ses institutions.
Le point de départ du processus innovant entrepris à l’époque consistait dans la prise de conscience qu’indépendamment de l’analyse concrète qu’on pouvait faire de l’Union européenne, il ne suffisait plus de s’opposer aux contre-réformes néolibérales et de lutter pour une alternative sociale et écologique au seul niveau de l’État national. La gauche radicale était désormais obligée d’affronter les bourgeoisies européennes sur le terrain privilégié qu’elles avaient choisi pour renverser les rapports de forces en leur faveur et annuler les conquêtes sociales du mouvement ouvrier obtenues au cours de la période historique précédente. Il fallait impérativement étendre la lutte des classes au niveau européen. Ce terrain politique ne devait pas être abandonné aux seules forces conservatrices, libérales et sociales-démocrates. La gauche radicale y devait peser de tout son poids en regroupant au sein d’une formation politique supranationale, dans la mesure du possible, tous les partis situés à gauche de la social-démocratie qui disposaient d’une assise électorale dans les différents pays européens.
Controverses
Il faut aussi revenir sur certaines controverses suscitées à Madrid par la délégation du Parti de gauche français (PG). La première de ces controverses renvoyait au concept d’«écosocialisme». Avec 48 % de votes pour et 43 % contre, la motion sur les questions écologiques proposée par le PG, conjointement avec l’Alliance rouge-verte (Danemark), Syriza (Grèce), le Bloco de Esquerda (Portugal) et Die Linke (Allemagne), a été approuvée par le congrès. La motion a donné lieu à un débat contradictoire non pas à cause de son contenu, mais à cause de la volonté d’imposer au PGE dans son ensemble le concept d’«écosocialisme». Sur les idées fortes de la motion, un consensus beaucoup plus large aurait pu être atteint: la nécessité d’une transformation socialiste de la société allant de pair avec une transition écologique et énergétique; la dénonciation du productivisme capitaliste, qui met en danger notre écosystème et les bases mêmes de la civilisation humaine; la critique du consumérisme et l’affirmation de la nécessité d’un partage équitable des richesses produites aujourd’hui, en opposition à la course effrénée vers toujours plus de croissance économique comme préalable à une «redistribution des richesses», qui en fait ne fait qu’augmenter les inégalités sociales; l’insistance sur la nécessité d’une planification écologique, du développement de formes diverses de propriété collective et du contrôle exercé par les travailleurs et les usagers sur les moyens de production. C’est le mot «écosocialisme» qui a suscité des oppositions. Certains partis membres du PGE ne reprennent pas à leur compte le concept d’«écosocialisme», tout en partageant largement les analyses contenues dans la motion. N’aurait-il donc pas été plus efficace, dans le cadre des choix programmatiques à assumer par le PGE dans son ensemble, de renoncer au concept idéologique d’«écosocialisme», afin d’aboutir à un consensus beaucoup plus large sur les contenus concrets?
L’opposition réitérée par la délégation du PG à la reconduction de Pierre Laurent à la tête du PGE a été à l’origine d’une autre controverse. Dans son intervention en session plénière du congrès, François Delapierre, secrétaire national du PG, a motivé une nouvelle fois cette position en invoquant l’alliance du PCF avec le PS français dès le premier tour aux élections municipales de mars 2014 dans un certain nombre de villes et en insistant en particulier sur la situation créée à Paris. Il a cependant dû concéder que sur ce sujet le PG n’était suivi par aucun autre parti.
Malgré ce constat, le PG a annoncé en fin de congrès qu’il allait suspendre sa participation au PGE jusqu’aux élections municipales. Un grand nombre de délégués ont accueilli cette annonce avec désapprobation. Comme il ressort d’un billet de blog rédigé à ce sujet par Éric Coquerel, secrétaire national du PG lui aussi, cette décision ne devrait avoir qu’un caractère tout à fait symbolique: «Pour autant, la décision de suspendre de façon provisoire notre participation au PGE a été prise. Jusqu’aux municipales très exactement, soit 4 mois. C’est en quelque sorte une suspension conservatoire.»
«Une suspension conservatoire»
Il n’en reste pas moins que cette façon de procéder est contestable. Avec le respect dû à la grande nation française, qui a apporté tant de progrès de civilisation à l’humanité toute entière depuis la Révolution de 1789, posons-nous la question suivante: Quelle est l’incidence des élections municipales à Paris sur l’Europe prise dans son ensemble? Pierre Laurent a été un très bon président depuis sa première élection au 3e congrès du PGE à Paris en 2010. Depuis lors, le PGE n’a fait aucune concession au social-libéralisme. Tout au contraire! Il n’a fait que progresser dans ses analyses de l’Europe capitaliste – collectivement et dans l’unité! C’est également le cas pour l’approfondissement d’une stratégie de désobéissance vis-à-vis de l’Union européenne et de ses traités néolibéraux.
Quant au débat de fond qui agite actuellement le Front de gauche, il faut convenir qu’il dépasse de loin les frontières françaises. À ce jour, une réponse définitive n’a pas pu y être apportée. Partout en Europe, la gauche radicale doit assumer les contradictions provenant des deux stratégies suivantes: «se positionner en autonomie conquérante» respectivement «devenir le centre de gravité de la gauche toute entière». Comme sur beaucoup d’autres sujets, aucune dichotomie noir-blanc n’est de mise ici! Il faut sortir par le haut de ce débat. Une gauche radicale moderne se doit d’assurer une dialectique qui prend en compte la complémentarité des deux stratégies et non de leur irréductibilité.
Laissons le mot de la fin à Éric Coquerel. Dans le billet de blog cité plus haut, il écrit: «Cela nous oblige […] à politiser nos discussions, à les dégager des facilités de la polémique gratuite, et à chercher en toute occasion les équilibres à même de préserver notre unité. Cette unité qui doit être protégée comme notre plus grand acquis, car elle fut (et elle reste) aux fondements de tous nos succès des quatre années écoulées, de notre percée au premier tour de l’élection présidentielle, de la place incontournable que nous occupons sur le champ de la gauche française.» En effet, les peuples européens, qui sont confrontés à la pire crise du capitalisme depuis la Grande Dépression de 1929, ont besoin d’une gauche européenne unie – et, en France, d’un Front de gauche qui l’est tout autant!