Mélenchon : le diable insoumis est sorti de sa boite
La candidature qui progresse le plus en ce moment est celle de Jean-Luc Mélenchon, qui conteste de manière conséquente l’ordre néolibéral aussi bien que l’extrême droite. Mélenchon avait mené une bonne campagne en 2012 comme candidat du Front de gauche. Son score de plus de 11% représentait un succès dans un contexte où il y avait une forte pression pour un vote utile pour François Hollande, y compris pour être sûr que Marine Le Pen ne répète pas l’exploit de son père en 2002. Le Front de gauche n’existe plus comme force nationale, bien qu’il subsiste dans certaines régions. Il faudrait bien analyser un jour ses forces et ses faiblesses et les causes de son éclatement. C’est une question qui ne concerne pas que la France. Mélenchon aurait pu se replier sur le Parti de gauche, dont il était le principal dirigeant. Ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a lancé un mouvement qui s’appelle la France insoumise, dans lequel il y a des militants encartés, au Parti de gauche, mais aussi ailleurs, et beaucoup d’autres qui ne le sont pas. Le Parti communiste a décidé à l’automne dernier, après des débats difficiles, de soutenir la candidature de Mélenchon. Mais beaucoup de militants et responsables de ce parti, et notamment l’ancienne secrétaire nationale Marie-George Buffet, s’étaient déjà engagés avec lui bien avant. Sa campagne avait été lancée en février 2016. Son programme, l’Avenir en commun, a été publié en décembre. Il faut le lire. Bien sûr, il prône la rupture avec l’austérité et les recettes néolibérales, la reconstruction et extension de l’État social. Il y a une forte dimension écologique, tout à fait centrale au projet. Aussi central, la proposition d’une Assemblée constituante, d’une VIe République, avec des droits démocratiques et d’intervention populaire étendus, avec notamment l’abolition de la monarchie élective que représente la Présidence de la République.
Sur l’Europe, ou plutôt l’Union européenne, Mélenchon a une position radicale. Le Parti de gauche participe activement aux initiatives européennes du «Plan B», dont le point de départ est le constat qu’il ne sert à rien d’avoir un programme de transformation sociale, économique et politique, un Plan A, donc, si on n’a pas un Plan B pour faire face à l’opposition prévisible de l’Union européenne. Le programme propose une refondation démocratique, sociale et écologique de l’UE, ce qui nécessiterait de sortir des traités actuels, avec en cas d’échec, des propositions pour se défendre contre l’Europe de la finance, avec la transformation de l’euro en monnaie commune et plus unique, n’excluant pas une sortie de l’UE.
Les autres candidats ont aussi évidemment des positions sur l’Europe. Le Pen propose, dans une optique purement nationaliste, de sortir de l’euro et de tenir un referendum sur l’appartenance à l’UE. Les autres candidats ne contestent pas l’UE actuelle, prônant chacun plus d’intégration, sur des bases intergouvernementales pour Fillon, avec la création ou renforcement des institutions européennes pour Macron et Hamon.
Le meilleur ou le pire
Il serait plus que hasardeux, à trois semaines du premier tour, de prédire le résultat. Essayons simplement de résumer la situation actuelle. Le Pen reste dans une position de force et semble sûr d’être au second tour. Son élection est improbable, mais malheureusement pas impossible. Cela dépend de facteurs comme le report de voix des autres candidats, le niveau d’abstention, le fait que plus de 40% des électeurs restent indécis et même de choses imprévisibles qui peuvent intervenir d’ici le 23 avril. Macron reste en tête des autres candidats, mais son soutien semble relativement poreux et il est vulnérable aux attaques. Il est difficile d’imaginer que Fillon remonte, bien qu’il ait, à la différence de Macron, une machine de parti derrière lui.
Jean-Luc Mélenchon a souffert, dans un premier temps, de l’arrivée de Hamon, dont les positions sur certaines questions ne sont pas trop éloignées des siennes, avec l’exception importante de l’Europe, ce qui implique aussi une divergence sur l’OTAN, que Mélenchon propose de quitter. Pourtant les diverses tentatives d’aboutir à une campagne commune, soutenues notamment par le Parti communiste, ont toujours été problématiques. Cela aurait peut-être été possible si Hamon s’était émancipé de l’appareil socialiste. Mélenchon a commencé à remonter à partir du grand débat télévisé du 20 mars et à creuser un écart avec Hamon. Un sondage publié le 31 mars par Le Point donnait Mélenchon à 16% et Hamon à 8%. On commence à entendre des appels à Hamon à se retirer. Dans un autre sondage publié par le Journal du dimanche 2 avril, 44% des sondés pensent que Mélenchon incarne le mieux «les idées et les valeurs de la gauche», contre 31% pour Hamon et 21% pour Macron. Fillon est actuellement à 17%. S’il n’arrive pas à remonter et si Mélenchon maintient sa progression, le candidat de la France insoumise pourrait se trouver en troisième position. À partir de là, tout devient possible.
Pour la gauche française dans son ensemble, tout est déjà possible, le meilleur comme le pire. Le pire serait que la déroute prévisible du PS aux législatives et sa probable fragmentation entraînent toute la gauche dans sa chute. Le meilleur serait qu’il émerge du naufrage une force de gauche radicale conséquente. Il n’est pas exagéré de dire que l’avenir d’une telle force dépend pour beaucoup du succès ou de l’échec de la campagne de Jean-Luc Mélenchon.
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