30-06-2016
« État d’urgence » = état d’exception politique
Nous commençons dans ce numéro une série d’articles sur l’« état d’urgence » que la proposition de loi Alex Bodry entend instituer au niveau de la Constitution. L’article est rédigé par l’ancien député de déi Lénk, Serge Urbany, qui a participé aux travaux ayant donné naissance à cette proposition de loi (no 6938), soutenue par le CSV, rejetée par déi Lénk, et qui se trouve toujours pour avis devant le Conseil d’Etat. Lors d’une table-ronde organisée le 24.5.2016 par l’Institut Max Planck de droit procédural international sur cette proposition de loi, le chef de la fraction socialiste, Alex Bodry, a annoncé, en présence de plusieurs membres du Conseil d’Etat dans l’auditoire, vouloir tenir compte des critiques énoncées, dont certaines très violentes. Ainsi le professeur de droit pénal de l’Université de Luxembourg, Stefan Braum, a annoncé « la mort finale de l’Etat de droit ».
(1) L’historique de la notion d’urgence au Luxembourg
Entre 1915 et 1940, donc pendant la première et jusqu’au début de la deuxième guerre mondiale, plusieurs « lois de compétence » ont été votées.
Limitées au début à des questions économiques, notamment l’approvisionnement pendant la guerre, ces lois ont ensuite été utilisées pour régler des questions politiques, par exemple en matière de délégations du personnel ou de droits des étrangers.
C’était un moyen pour habiliter le gouvernement à agir à la place du parlement, quelques années après l’introduction du vote universel ouvrier et féminin en 1919.
La seule loi pendant cette période qui concernait véritablement l’ordre public (la loi « muselière » dirigée principalement contre le parti communiste, sur arrière-fond d’une droitisation fasciste en Europe) n’était pas une loi d’urgence.
Son échec au référendum du 6 juin 1937 fut une expérience historique durable, coupant court pour longtemps à des velléités d’état d’exception politique au Luxembourg.
Depuis 1946, des lois annuelles « d’habilitation » donnaient le feu vert au gouvernement, surtout en matière économique extérieure. Ainsi elles ont été utilisées pour prendre des sanctions économiques contre l’ex-Yougoslavie. Les questions « réservées » à la loi par la Constitution en de nombreuses matières, notamment sociales, en étaient formellement exclues.
Régulièrement décriées par l’opposition comme un blanc seing au gouvernement, mais votées chaque année par les majorités respectives, ces lois, peu utilisées en fait, ont été vécues comme un « rite » énervant. Et comme elles n’avaient guère d’effet direct sur les électeurs, leur importance politique était des plus réduites et la disponibilité était grande pour les remplacer par un mécanisme d’urgence permanent.
En 2004, la Constitution habilita donc directement le « Grand-Duc » (gouvernement) à prendre des règlements d’urgence en cas de « crise internationale ». Valables pendant 3 mois, sans qu’aucune intervention du parlement ne soit prévue, ces règlements peuvent actuellement déroger à la loi, même en cas de matière « réservée ». Cependant cette technique continuait à être peu utilisée. Elle l’a été, lors de la crise financière de 2008/2009, en matière de garantie de l’Etat pour la Dexia.
Le changement de paradigme sous-jacent, introduit par le ministre de la justice Luc Frieden, n’a pas été vu et, en tout cas pas, n’a pas été soulevé lors des débats parlementaires à la fin de la période 1999-2004, ceci également par le soussigné qui, en dépit de son opposition à la politique de Frieden, notamment en matière de terrorisme et de service de renseignement, a voté le changement par manque d’attention.
Pourtant les avertissements lancés par le Conseil d’Etat dans son avis de 2002 (après il y est revenu) étaient on ne peut plus clairs :
« Ici ce n’est plus une loi spéciale qui déclenche l’intervention du pouvoir réglementaire, mais c’est la Constitution elle-même qui habilite directement le Grand-Duc. » Il ne faudrait donc « pas se tromper sur cette nuance lourde de conséquences. » « A défaut de « filtre législatif » … c’est le pouvoir habilité qui est seul juge des conditions d’application du texte en cause. » « Le Grand-Duc disposerait en toute hypothèse de pouvoirs quasi illimités. »
Ce sont des phrases clefs pour comprendre la discussion actuelle sur l’extension de la notion d’urgence dans la Constitution au cadre national, qui risque de transposer le changement de paradigme théorique, introduit en 2004, en pratique politique très inquiétante et ceci à nouveau dans un cadre international de droitisation « sécuritaire » inspirée par l’état d’urgence en France.
Serge Urbany
Prochains articles :
(2) La proposition de loi Bodry
(3) La position de déi Lénk
(4) La législation de l’urgence
08-05-2015
Was will das neue Fach “Leben und Gesellschaft” ersetzen?
Am Montag diskutiert Erziehungsminister Claude Meisch mit Monique Adam, Grundschullehrerin und Präsidentin der FGIL, Dan Luciani, Lehrer der Formation Morale et Sociale und Christian Meyers, Erziehungswissenschaftler an der UNI Luxemburg (Moderation: André Hoffmann) über das neue Fach « Leben und Gesellschaft » (weitere Infos zu dieser Veranstaltung- siehe unten). Doch was beinhalten die bisherigen Lehrpläne von EMS (Éducation Morale et Sociale école fondamentale) und FMS (Formation Morale et Sociale – enseignement secondaire), die durch das neue Fach ersetzt werden sollen? – Im Vorfeld der Debatten, ein Beitrag von Rita Jeanty …
Seit 2008 sind beide Lehrpläne aufeinander abgestimmt: Zielsetzung, Inhalte, Didaktik, Unterrichtsmaterialien sowie die Aus- und Fortbildung der Lehrkräfte für die bisherigen “morale et sociale” Fächer basieren auf dem wissenschaftlich erforschten und in der Praxis bewährten Prinzip des Philosophierens mit Kindern und Jugendlichen.
Was bedeutet hier “Philosophieren”? Sicher nicht das rein rationale Bohren in alten Schriften oder Wiederkauen von vorgegebenen Textinterpretationen, Aufträge, die leider bis heute den Philosophieunterricht in den oberen Gymnasialklassen für diskussionsfreudige Schüler und Schülerinnen vielfach unattraktiv machen. “Philosophiert” wird in EMS/FMS in sogenannten “ateliers à visées philosophique et démocratique” (M.Tozzi) oder kleinen “Forschungsgemeinschaften” (M.Lipman) nach eingespielten und von allen Teilnehmern akzeptierten Diskussionsregeln. (J.Habermas, Diskursethik)
Die jetzigen EMS/FMS Lehrpläne
EMS/FMS orientiert sich an den Menschenrechten und den Grundwerten eines demokratischen Rechtsstaates. Es wird weltanschaulich und religiös neutral unterrichtet. Mit der innovativen Unterrichtspraxis des Philosophierens mit Kindern und Jugendlichen setzen sich diese gemeinsam mit unterschiedlichen Wert- und Sinnangeboten für das individuelle Leben auseinander. Durch das Entdecken von Gemeinsamkeiten und Unterschieden im Denken, Glauben und Handeln werden Vorurteile hinterfragt und eine Haltung der Offenheit und Nachdenklichkeit gefördert. Dabei entwickeln die Schülerinnen und Schüler personale, reflexive und soziale Kompetenzen, eine Dialog- und Urteilsfähigkeit, die auch in anderen Fächern, also transversal, eingesetzt werden können. Die im Laufe der Jahre erworbenen Kenntnisse verschiedener Weltanschauungen und Religionen ermöglichen ein Verständnis europäischer und internationaler Kulturgeschichte.
Was geschieht in einer strukturierten und nach didaktischen Prinzipien aufgebauten EMS-Stunde in der Grundschule, z.Bsp. zum Thema “Freundschaft” oder “Glück” oder “Tod”?
Das Thema wird in 4 Schritten, bzw. mit 4 philosophischen Arbeitsmethoden (nach E.Martens) angegangen:
1. Was nehme ich konkret, aufmerksam, mit meinen 5 Sinnen wahr? Wie erlebe ich das? Beschreiben, was es gibt, was vorkommt. (Phänomenologisches Denken)
2. Wie kann ich das Wahrgenommene verstehen, begreifen, interpretieren? Mein Nachbar ist anderer Meinung als ich. Was bedeutet mir meine Meinung, was bedeutet ihm meine Meinung? (Hermeneutisches Denken)
3. Begriffe und Argumente klären, Auseinandersetzungen führen, gemeinsam nachdenken um grosse Fragen zu beantworten, die Antworten begründen (Analytisch-dialogisches Denken)
4. Kreative Gedankenexperimente machen (was wäre, wenn …?), Perspektivwechsel, Horizonterweiterung. (Spekulatives Denken)
Obwohl das Philosophieren mit Kindern von konkreten Erfahrungen aus ihrem Lebensbereich ausgeht, so haben wir es hier nicht mit einem “lifeskill”– und schon gar nicht mit einem moralpädagogischen Modell zu tun. Didaktisch ist es ein Nachdenklichkeitsmodell basierend auf dem Prinzip von Michel Tozzi: “problématiser, conceptualiser, argumenter”.
Was geschieht in einer strukturierten und nach didaktischen Prinzipien aufgebauten FMS-Stunde im enseignement secondaire?
Die Themen werden aus drei didaktischen Perspektiven behandelt:
1. Die personale Perspektive greift Alltagserfahrungen, existenzielle Grunderfahrungen und Lebenssituationen von Schülerinnen und Schülern auf.
2. Die gesellschaftliche Perspektive ermöglicht es, gesellschaftliche Wertvorstellungen und Wertkonflikte sichtbar zu machen.
3. Die Ideen-Perspektive macht Fragen und Antworten der Ideengeschichte, vor allem der Philosophie und der grossen Religionen, aber auch aktuelle Denkansätze für die Beantwortung von Fragen der Schülerinnen und Schüler fruchtbar.
Die Themen stammen aus sieben zentralen Fragenkreisen:
1. Die Frage nach dem Selbst
2. Die Frage nach dem Anderen
3. Die Frage nach dem guten Handeln
4. Die Frage nach recht, Staat und Wirtschaft
5. Die Frage nach Natur, Kultur und Technik
6. Die Frage nach Wahrheit, Wirklichkeit und Medien
7. Die Frage nach Ursprung, Zukunft und Sinn
In der Auseinandersetzung mit der Thematik der 7 Fragenkreise erwerben Schülerinnen und Schüler Kentnisse in der Leitwissenschaft Philosophie und den Bezugswissenschaften Religionswissenschaft, Psychologie und Soziologie. Dabei werden religionswissenschaftliche Grundkenntnisse über die grossen Religionen erworben unter besonderer Berücksichtigung ihrer Wertekategorien und des daraus resultierenden Menschenbildes.
Im Laufe der Jahre gewinnen Kinder und Jugendliche vierfache fächerübergreifende Kompetenzen:
1. Die personale Kompetenz befähigt Schülerinnen und Schüler, ihre eigene Rolle in bestimmten Lebenssituationen zu erkennen und eine Persönlichkeit mit reflektierter Wertbindung zu entwickeln.
2. Die soziale Kompetenz befähigt sie, respektvoll und kritisch mit anderen Mneschen und deren Überzeugungen und Lebensweisen umzugehen und soziale Verantwortung zu übernehmen.
3. Die Sachkompetenz befähigt sie, Themen aus den Fragenkreisen zu verstehen und selbstständig und begründet zu beurteilen.
4. Die Methodenkompetenz befähigt sie, bestimmte Arbeitstechniken anzuwenden, z.Bsp. Texte und andere Medien erschliessen, argumentieren, Kritik üben, gedankliche Kreativität entwickeln, philosophische Gespräche führen.
Schlussfolgerung
Der didaktisch-rote Faden von der Grundschule bis zum Abschluss der Sekundarschule dürfte deutlich sein. Ebenso die Behandlung von Religionen und Weltanschauungen. Der Themen- und Kompetenzkatalog sowie die Fortbildungsmodule wurden von international anerkannten Fachexperten erstellt. Im Hinblick auf ein absehbares einheitliches Ethik-Fach stand von 2001-2014 für das beschriebene Modell ein grosszügiges Budget zur Verfügung.
Was bewegt die jetzige Regierung zu der Aussage: “Wir können weder das Modell “Religionsunterricht” noch das Modell “Philosophieren mit Kindern” übernehmen, es muss eine dritte Variante her? » Woraus besteht dieses “tertium”? Jedenfalls scheint es eine Schwergeburt zu werden. Dabei wurde von zwei vorhergehenden Unterrichtsministerien gute, voraussehende Hebammenarbeit geleistet. Es gibt nun aber Erzeuger, die eine Hausgeburt im Alleingang bevorzugen. Auf Kosten des Steuerzahlers!
Rita Jeanty
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Welche Inhalte für den « Werteunterricht »? – Rundtischgespräch mit Claude Meisch
Erziehungsminister Claude Meisch diskutiert am Montag, den 11. Mai um 19.00 Uhr im Hôtel Parc Belle-Vue, auf Einladung von déi Lénk, mit Monique Adam, Grundschullehrerin und Präsidentin der FGIL, Dan Luciani, Lehrer der Formation Morale et Sociale und Christian Meyers, Erziehungswissenschaftler an der UNI Luxemburg über das neue Fach « Leben und Gesellschaft ». Die Moderation übernimmt André Hoffmann.
17-03-2015
Der Kampf gegen Energiearmut soll nicht stattfinden?!
Da immer mehr Haushalte große Probleme haben, ihre Strom- und Gasrechnungen zu begleichen, hatte ich der für Familie und Integration Ministerin Corinne Cahen und Wirtschafts- und Energieminister Etienne Schneider verschiedene Fragen zu diesem Thema gestellt.
Wie viele Haushalte es gebe, die ihre Strom-, Gas- oder Heizölrechnung nicht mehr begleichen könnten? In wie vielen Fällen diese Kosten vom Sozialamt übernommen worden seien und wie oft es in den letzten 5 Jahren zum Absperren der Strom- resp. Gaszufuhr gekommen wäre? Zu all dem gab es präzise Antworten von Seiten der zuständigen Minister.
Im Jahr 2013 hätten die Stromlieferanten 3 360 Mal eine Prozedur eingeleitet, um eine Abschaltung zahlungsunfähiger Kunden vorzunehmen, im Gasbereich wären es in der gleichen Zeitspanne 1979 solcher Falle gewesen.
Jährlich fast tausend Haushalte von Strom und Gas abgeschnitten
Mit 962 tatsächlich ausgeführten Abschaltungen im Jahre 2013 (746 beim Strom und 216 beim Gas) seien “lediglich etwa 20% der Haushaltskunden, die ihre Rechnung nicht bezahlt hatten, auch tatsächlich abgeschaltet“ worden, heißt es weiter.
Die Rechnungen der restlichen Kunden wären nachträglich selber bezahlt oder, im Falle von schutzbedürftigen Kunden, vom zuständigen Sozialamt übernommen worden; die insgesamt 30 Sozialämter seien bei 335 Haushalten eingesprungen und hätten im Jahre 2013 dazu 182.393 Euro ausgegeben. Zu all dem werden ausführliche Tabellen für die Periode 2010 bis 2013 in der Antwort der Regierung auf meine Fragen mitgeliefert.
Doch zu den weiteren Fragen werden nur schwammige oder überhaupt keine Antworten gegeben.
Die Frage beispielsweise, wie die personelle Zusammensetzung und die Einkommenssituation der zahlungsunfähigen Haushalte aussehe, bleibt unbeantwortet – obschon gerade dies doch interessant wäre, um die Situation der betroffenen Haushalte besser kennen zu lernen.
Keine Antworten auf wesentliche Fragen
Auch die Fragen, in wie vielen Fällen und aus welchen Ursachen vom Lieferanten, trotz Nichtzahlung, auf eine Absperrung verzichtet wurde, blieben unbeantwortet. Die Frage, wie groß im Falle von Absperrung die Zeitspanne bis zur Wiederherstellung der Strom- oder Gaslieferung war, blieb ebenfalls ohne Antwort.
Dabei wurden allein im Jahr 2013 immerhin 962 Haushalten der Strom und/oder Gas abgeschnitten; 2012 waren es 729, 2011 deren 981 und 2010 deren 923!
Angesichts der Tatsache, dass jährlich rund tausend Haushalten Strom oder Gas abgeschnitten wurden, scheinen mir die Fragen doch ziemlich relevant, wie lange die Unterbrechung der Energiezufuhr jeweils dauerte, wie sich die betroffenen Haushalte zusammensetzten, welches ihre Einkommenssituation war und warum sie keine Unterstützung vom Sozialamt erhielten.
Auch die Frage, ob es eine umfassende Studie über die Energiearmut, deren Ursachen, die Betroffenen, die regionale Verteilung und Entwicklung, die Konsequenzen für die betroffenen Haushaltsmitglieder und internationale Vergleiche gäbe, blieb unbeantwortet! Auf die Frage, ob die Regierung beabsichtige, eine solche Studie, falls es sie noch nicht gäbe, in Auftrag zu geben, …ebenfalls keine Antwort!
Regierung hatte der Energiearmut den Kampf angesagt
Im Regierungsprogramm hatten DP, LSAP und Gréng der Energiearmut den Kampf angekündigt. Das hörte sich bei der Regierungserklärung folgendermaßen an: „Mir musse (…) déi nei sozial Erausfuerderungen ronderëm de Logement, d’Bildung an Energiearmut konsequent ugoen an d’Spillregele vun eiser Gesellschaft moderniséieren“, so Premierminister Xavier Bettel bei der Regierungserklärung in der Abgeordnetenkammer am 10. Dezember 2013.
Doch der Kampf gegen Energiearmut scheint inzwischen vergessen worden zu sein. Auf die Frage, „welche Maßnahmen die Regierung zu ergreifen (gedenkt), um ihr Vorhaben zur ‚konsequenten Bekämpfung der Energiearmut‘ zu verwirklichen“, gibt es folgende Antworten.
“Im Rahmen der Ausarbeitung der Gesetze zur Organisation des Strom- und des Gasmarktes wurden bereits In den Jahren 2006 und 2007 intensive Diskussionen über mögliche Lösungsansätze geführt mit dem Ziel, eine angepasste Lösung zu finden, die eine adäquate Antwort für diesen Problembereich darstellt.“ Welch schwammige Worthülsen: „intensive Diskussionen“, „mögliche Lösungsansätze“, „eine adäquate Antwort für diesen Problembereich“!!
Doch weiter: „Den Ergebnissen dieser Diskussionen wurden in den vorgenannten Gesetzen Rechnung getragen und haben den Grundstein gelegt für die Berücksichtigung der Problematik der Energiearmut der einkommensschwachen Haushalte.“ Und „die entsprechenden Regelungen sind im August 2007 in Kraft getreten.”
Kampf gegen die Energiearmut ist kein Thema mehr!
Weiter im Text der Antwort: “Im Rahmen der Arbeiten am Gesetz über die Organisation der Sozialhilfe wurden die Diskussionen über die Fragen der Energiearmut zwischen den zuständigen Ministerien ebenfalls aufgegriffen um damit eine optimale Verzahnung zwischen der Sozialgesetzgebung sowie der Gesetzgebung im Energiebereich zu erzielen. Die entsprechenden Regelungen sind Anfang 2011 in Kraft getreten.”
Die Schlussfolgerung dieser „Diskussionen“, „möglichen Lösungsansätze“, „adäquaten Antworten“ und „optimalen Verzahnung“ sind umwerfend: “Die derzeitigen Regelungen geben damit eine angemessene Antwort auf die Risiken der Energiearmut “!
Und: „myenergy, die nationale Struktur für Information und Beratung in den Bereichen Energieeffizienz und erneuerbare Energien, im Jahre 2014 ein Pilotprojekt mit einem ausgewählten Sozialamt durchgeführt hat, um weitere Erkenntnisse bei der Begleitung von einkommensschwachen Haushalten zu gewinnen.“
Na dann ist ja alles klar: Die Aktionen und Gesetzesänderungen, die die vorige Regierung von 2007 bis 2011 vorgenommen hat, stellen also, laut neuer Regierung „eine angemessene Antwort auf die Risiken der Energiearmut“ dar! Darüber hinaus sollen einkommensschwache Haushalte Energie sparen lernen – Problem gelöst, Energiearmut beseitigt! Da brat mir doch einer einen Storch!
Ginge es um ein Problem von Managern oder Multis, würde die Regierung, unter Antrieb der ‚Big Four‘ und anderer Lobbyisten, Kopf stehen, um „eine adäquate Antwort für diesen Problembereich“ zu finden. Doch hier geht es „nur” um einkommensschwache Haushalte, die nicht einmal Strom oder Gas zahlen können! Wohl selber schuld?
Um wen es dabei geht (Zusammensetzung der Haushalte, Einkommenssituation), was die Ursachen von Energiearmut sind, wie die Situation der Betroffenen gelöst werden soll – kein Thema. Dass die Bekämpfung der Energiearmut ein Versprechen von LSAP und Grünen war, um auch sozial Minderbemittelten zu helfen: vergessen! Das war gestern; heute ist „verantwortungsvolles Regieren“; da gelten andere Maßstäbe!
PS. Die von der Regierung nicht beantworteten Fragen aus der parlamentarischen Anfrage vom 15. Januar 2015 werden wir selbstverständlich nochmals stellen.
18-02-2015
Eine Herausforderung an die Gewerkschafter
Unser Kongress in diesem Januar wird in einem für die Gewerkschaft schwierigen Kontext stattfinden. Die Liberalisierung der europäischen Eisenbahnen im Rahmen des „4ème Paquet ferroviaire“ ist im vollen Gange. Die latenten Krisen in einigen EU-Staaten schaffen einen permanenten Druck für weitere soziale Verschlechterungen.
Durch den Fiskalpakt der EU wurde de facto die Austeritäts- und Sozialabbaupolitik in den nationalen Budgets festgeschrieben und mit dem TTIP-„Freihandelsabkommen“ droht die Vorherrschaft der Wirtschaftskonzerne über die „Politik“ endgültig zementiert zu werden.
Die Weichen sind also gestellt damit der Zug zukünftig nur in eine einzige Richtung, d.h. in die falsche Richtung, weiterfahren kann. Für immer mehr Menschen ist es aber nicht mehr akzeptabel dieser Dynamik tatenlos zuzusehen. Dieser Entwicklung muss bewusst entgegen gesteuert werden und dies in einer anderen Qualität als es bisher geschah!
Wenn einem die Decke erst auf den Kopf gefallen ist, dann ist es für strategische Überlegungen meist zu spät. Der jetzt bevorstehende Kongress der FNCTTFEL ist darum eine gute Gelegenheit um eine breite und offenen Diskussion über das zukünftige Vorgehen unserer Gewerkschaft zu beginnen.
Die letzten Jahrzehnte waren weltweit geprägt durch allgemeine soziale Rückschritte. Parallel zum rasanten technologischen Fortschritt, bedingt durch die Mikroelektronik, ist der soziale Fortschritt auch in den entwickeltesten Industriestaaten klar rückläufig.
Dank dem „Finanzplatz“ dauerten die sogenannten „trente glorieuses“ in Luxemburg zwar noch 30 Jahre länger als bei unseren Nachbarn, der Trend ist aber auch bei uns unübersehbar. Eingebettet in den Budgetvorgaben der EU, mit 7% Arbeitslosigkeit und laufend neuen Kürzungen bei den sozialen Errungenschaften, kann es darüber keinen Zweifel mehr geben.
Wie der Neoliberalismus in Fahrt kam?
Eine ungleiche Verteilung des Reichtums ist eine „natürliche Eigenart“ der kapitalistischen Gesellschaft. Das Patronat als Eigentümer der Produktionsmittel, zahlt seinen Angestellten immer nur einen kleineren Teil des von ihnen erwirtschafteten Profits. Auf Dauer bewirkt dieser ungleiche Tausch das Entstehen von „Groβkapital“, was wiederum die Schaffung einer Groβindustrie ermöglichte.
Das angehäufte Kapital im Besitz der Bourgeoisie, wurde jahrzehntelang mehrheitlich wieder in neue Produktionsanlagen investiert. Damit wuchsen mit dem Privatbesitz der Kapitalisten auch die industriellen Arbeitsplätzen und indirekt auch die „Arbeiter- und Gewerkschaftsbewegung“. Der Konsum der Lohnbezieher wurde letztlich zum wichtigsten Antriebsfaktor der Wirtschaft.
Dieses als « Fordismus » bezeichnete Wirtschaftsmodell funktionierte bis weit in die 70er Jahre. Folgende Faktoren haben dann den Übergang in eine andere Epoche bewirkt:
1) Die anhaltende ungleiche Anhäufung von Geld durch die Kapitalbesitzer, hat auf Dauer zu einer derartigen Konzentration von wirtschaftlicher und finanzieller Macht geführt dass im Verhältnis dazu die Macht der Staaten abnahm und die gesellschaftlichen Kräfteverhältnisse kippten. Früher gab es Millionäre, heute gibt es Multimilliardäre und Konzerne deren Vermögen die Budgets von einzelnen Staaten übersteigen(!).
2) Die „dritte technologische Revolution“, d.h. die Erfindung der Mikroelektronik hat ermöglicht dass eine Steigerung der Produktion auch ohne Wachstum von Lohnarbeitern machbar ist. Die Konsequenz davon war das Aufkommen von Massenarbeitslosigkeit in allen Industriestaaten.
3) Der dritte Grund ist auf politischer Ebene zu suchen. Das ist vor allem die in den Zeiten der Hochkonjunktur fast vollständig erfolgte Integration der politischen „Linken“ in die Logik des bestehenden Systems und andererseits die fortschreitende Bürokratisierung der nichtkapitalistischen Ostblockländer, die letztendlich zu einer Restauration der Klassengesellschaft über die Staatsparteien führte. Die scheinbare gesellschaftliche „Alternativlosigkeit“ begünstigte den Durchmarsch der Neoliberalen ungemein. Der Mangel eines eigenen Projektes sowie das Scheitern konkreter Forderungen (wie der Kampf um die 35-Stundenwoche) ermöglichten diesen Rückschritt.
Der politische Umschwung der 80er Jahre.
Die politischen Niederlagen der Gewerkschaftsbewegung vollzogen sich in Etappen ab den 80er Jahren. Hervorstehende Ereignisse dabei waren der sogenannte „tournant de la rigueur“ 1982 unter Mitterand in Frankreich; die Niederlagen in Italien (Fiat 1981) und England (Bergarbeiter 1984), markierten die Wende. In Deutschland können die Jahre der Kohlregierung sowie die „Hartz IV-“ und „Riesterreformen“ unter Schröder, als Wendepunkt betrachtet werden.
Die schrittweise Durchsetzung eines europäischen Zentralstaates auf neoliberaler Grundlage und Ausrichtung kann ebenfalls als Niederlage gewertet werden. Für Luxemburg war der etappenweise Abbau der Stahlindustrie wohl der entscheidende Faktor.
Zur jetzigen Lage.
Die letzten 30 Jahre sind nicht ohne negative Auswirkungen auf das Bewusstsein der Leute geblieben. Ein tiefgehender Pessimismus ist vorherrschend. Die defensive Haltung der europäischen Gewerkschaften, die in all den Jahren leider zu keiner erfolgreichen offensiven Gegenwehr fähig waren, hat zu einem realen Vertrauensverlust, vor allem bei der Jugend geführt.
Wir müssen uns darum die Frage stellen, ob verstärkte europaweite Kampagnen und Kampfaktionen nicht bitter notwendig gewesen wären? Der belgische Generalstreik vom 15. Dezember, der Kampf gegen die Präkarisierung des Arbeitsrechts in Italien, aber auch die deutschen und französischen Pilotenstreiks gegen Lohn- und Pensionsverschlechterungen und nicht zuletzt der Streik der deutschen GDL Lokführer, hat bewiesen dass noch immer Widerstandspotential vorhanden ist.
Was will das europäische Patronat?
Eigentlich stehen wir erst am Beginn einer Entwicklung die durch die Dynamik des Konkurrenz- und Verdrängungswettbewerbs unvermindert weiter getrieben wird. Über die Zielsetzung der „Unternehmerklasse“ kann derweil kein Zweifel bestehen. Es geht schlicht und ergreifend darum alle fundamentalen sozialen Errungenschaften des 20. Jahrhunderts nach und nach auszuhöhlen und schrittweise abzuschaffen.
Dieser Prozess ist in einigen Teilen Europas schon weit fortgeschritten. Im Namen der „Kompetitivität“ im internationalen Konkurrenzkampf, sollen die Sozialversicherungen, das Arbeitsrecht, die Gesundheitsversorgung, das Rentensystem und die formale Steuergerechtigkeit, nach und nach demontiert werden. Der öffentliche Dienst soll zuerst liberalisiert und dann privatisiert werden.
Die Widersprüche des Systems produzieren andauernd neue künstliche „Krisen“ deren Folgen auf die Lohnabhängigen und die schwächeren Staaten abgewälzt werden und als Rechtfertigung dienen den neoliberalen Umbau der Gesellschaft noch weiter voranzutreiben.
Am Ende der Entwicklung stünde dann eine knallharte festgefügte Klassengesellschaft, eine tiefe Spaltung zwischen einer reichen aber mächtigen Minderheit, eines schwindenden Mittelstandes und einer verarmten Mehrheit. Ein Blick auf die alte Industriestadt Detroit im US-Staat Michigan, kann einem eine Idee davon geben wie es dann in Europa aussehen würde.
Ein anderer Weg ist möglich
Das ist natürlich immer leichter gesagt als getan. Ich bin trotzdem der Meinung dass wenn der Wille besteht, auch ein Weg gefunden werden kann. Wenn die Gewerkschaften sich behaupten wollen, müssen sie sich meiner Meinung nach an folgenden Grundsätzen orientieren.
– Eine grundsätzliche Ablehnung der „Kompetitivitätslogik“. Eine Verinnerlichung dieser Denkweise oder auch Konzessionen an sie, bedeutet für die Gewerkschaften eine prinzipielle Unterwerfung unter der Logik des Neoliberalismus. Auf Dauer bedeutet dies den Untergang der Gewerkschaften. Für uns können immer nur soziale Kriterien zählen, niemals Funktionsmechanismen des Konkurrenz- und Verdrängungswettbewerbs.
– Zugeständnisse an diese Logik führen zu nichts. Es fehlt an vielem, aber sicher nicht am Geld. Seit dem Krisenjahr 2008, hat sich die Zahl der Dollar-Milliardäre weltweit verdoppelt und sie liegt derzeit bei 1645! Dem gegenüber wuchs in Musterstaaten wie Deutschland der Armutssektor der Bevölkerung auf mehr als 10 Millionen (Leiharbeiter, Hartz IV, Mini- und 1 € Jobber, etc.). Dem Kampf um Steuergerechtigkeit kommt hierbei erneut eine zentrale Bedeutung zu. Die „Luxleaks“-Journalisten haben bisher allerdings mehr zur Offenlegung des Steuerbetrugs des Patronats beigetragen als die europäischen Gewerkschaften.
– Die europäischen Gewerkschaften müssen verstärkt konkret solidarisch handeln. Die heraufziehenden politischen Krisen in Griechenland und Spanien bieten eine gute Gelegenheit um die EU Austeritätspolitik in Frage zu stellen und für eine fundamentale Umorientierung des „Maastricht Europas“ einzutreten. Es wird Zeit, dass die Gewerkschaften auf nationalem wie europäischem Niveau Initiativen hinsichtlich einer „sozialpolitischen Wende“ in Europa ergreifen.
09-01-2015
Charlie Hebdo : victime de la surenchère entre forces réactionnaires
Cet article a également été publié sur le site socialisme.be
Cette attaque d’une brutalité sans précédent a suscité une vague d’indignation et de colère qui a dépassé les frontières de l’Hexagone. Des dizaines de rassemblements spontanés se sont organisés dans de nombreuses villes de France, en Belgique et encore dans d’autres pays. La violence de l’attaque a créé une onde de choc qu’il est encore difficile de mesurer à l’heure actuelle, mais qui mettra du temps à s’apaiser.
Car toute attaque contre la liberté d’expression est une attaque contre tous nos droits fondamentaux : nos libertés individuelles, nos droits politiques, syndicaux… Ces droits n’existent pas seulement grâce aux lois et aux institutions « démocratiques ». Ils existent grâce aux hommes et aux femmes qui se lèvent chaque matin pour les défendre : journalistes, militants, travailleurs sociaux, délégués syndicaux, artistes… L’attaque contre Charlie Hebdo est un coup porté contre tous ceux-là.
La liberté d’expression que nous connaissons aujourd’hui est relative. Il ne saurait être question de liberté réelle tant que les magnats de la presse détiennent 90% des médias pour influencer l’opinion afin de défendre leur propre idéologie. Mais même de tels droits démocratiques limités (comme le droit de nous organiser, le droit de mener des actions collectives et la liberté d’expression) n’ont pu être arrachés que grâce à la lutte du mouvement des travailleurs.
Ne nous trompons pas d’ennemi
Nous devons donc nous mobiliser pour défendre ces droits contre ceux qui veulent nous bâillonner. Mais dans cette lutte, il ne faut pas se tromper d’ennemi. Il faut aussi prendre garde aux faux amis. Ceci mérite quelques explications.
Les gros amalgames se profilent déjà, en embuscade, venant de la droite et de l’extrême droite : « les terroristes sont des islamistes donc ‘l’islamisation’ de la France est un problème… ». Une communauté entière est assimilée à une poignée de fondamentalistes criminels. C’est tellement simple !
Et facile, tant le terrain a été patiemment préparé par de sinistres « polémistes » adeptes du suicide de la pensée et du déclin des valeurs humaines. Quelques faits divers avaient récemment fait monter le taux d’islamophobie dans l’atmosphère, comme signe prémonitoire d’une tempête qui s’annonçait.
A ceux qui seraient tentés par ces amalgames anti-musulmans, rappelons simplement deux faits. Premièrement, les victimes de la terreur islamiste sont majoritairement des musulmans. Ensuite, les islamistes n’ont pas le monopole de la terreur, bien au contraire : ces dernières décennies, les attaques contre les journaux étaient surtout le fait de l’extrême droite, de certains intégristes catholiques, ou encore des partisans de l’Algérie française…
En 2011, des dizaines de jeunes norvégiens sont tombés sous les balles d’un extrémiste de droite islamophobe. On pourrait multiplier les exemples…
L’unité contre le choc des civilisations
Mais l’heure n’est pas aux décomptes macabres. L’heure est à la mobilisation des jeunes et des travailleurs pour la liberté d’expression, contre toute forme de terreur, de racisme et de discrimination. Il ne faut pas laisser l’extrême droite et les partisans du repli sur soi identitaire occuper le terrain.
Pour éviter qu’à ce drame, s’ajoute celui d’un « choc des civilisations », les syndicats, les organisations du mouvement ouvrier, les associations doivent appeler à se rassembler et à rendre hommage aux victimes de Charlie Hebdo sur leurs propres bases : pour l’unité des travailleurs, des jeunes et de la grande majorité de la population quelles que soient son origine ou ses croyances, pour la liberté d’expression, contre tous les réactionnaires et les terroristes intégristes, contre les politiques racistes et impérialistes des gouvernements en France qui accroissent les divisions sectaires, l’intolérance et l’obscurantisme.
09-01-2015
Les frontières de la solidarité
Récension de l’ouvrage « Les frontières de la solidarité: les syndicats et les immigrés au coeur de l’Europe », par Adrien Thomas, Presses Universitaires de Rennes, Collection Res Publica
Parmi les conséquences de la mondialisation capitaliste, il y a l’internationalisation du marché de travail qui touche de manières diverses les pays capitalistes avancés et ceux dit en développement. Dans ce panorama, le Luxembourg occupe une place particulière. La tendance à l’internationalisation du marché du travail prend ici une dimension extrême.
Le salariat au Luxembourg est aujourd’hui composé de 29% de citoyens luxembourgeois, 27% d’immigrés (non-citoyens résidant dans le pays) et 44% de frontaliers. Les conséquences de ces évolutions concernent toute la société luxembourgeoise et évidemment le monde politique. Mais ce sont les syndicats qui sont concernés en premier lieu. C’est justement le thème du nouveau livre d’Adrien Thomas.
L’importance de l’immigration et le rôle des travailleurs étrangers dans l’économie luxembourgeoise ont commencé avec l’essor de la sidérurgie dans le dernier quart du 19e siècle. Adrien Thomas commence donc par remonter aux débuts et trace les différentes étapes des migrations. C’est aussi l’histoire de la manière dont l’Etat luxembourgeois a cherché à gérer les flux migratoires. Et surtout, de comment le mouvement syndical, qui a été confronté à la question de l’immigration dès ses débuts, s’est efforcé à y répondre.
Gestion des flux migratoires
Au début et jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, les politiques de l’Etat aussi bien que celles du mouvement syndical ont été caractérisées surtout par la volonté de contrôler les flux de migration (et les migrants) et de protéger la situation des salariés autochtones. Exception honorable, le KPL (Parti communiste luxembourgeois) et ses relais syndicaux ont dès le début pris la défense des immigrés.
Ce n’est qu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale que l’Etat luxembourgeois engage une évolution vers une politique d’intégration. Constatant le besoin de main d’œuvre, le gouvernement signe des accords avec le Portugal et la Yougoslavie et commence à voir l’immigration comme un apport positif et un phénomène permanent.
Les syndicats s’adaptent aussi, en parallèle et en concert avec l’Etat. Il s’agit pour eux d’une question vitale. Plus le salariat s’internationalise, plus il devient impératif pour les syndicats, afin de maintenir leur représentativité, de recruter des adhérents non-luxembourgeois. A première vue, il semble que les syndicats luxembourgeois ont bien relevé le défi de la syndicalisation des immigrés et des frontaliers.
Immigration – le défi syndical
Il y a eu beaucoup d’efforts de recrutement, avec la création de structures spécifiques, la prestation de conseils et de services, particulièrement utile pour des travailleurs qui débarquent dans un pays dont ils ne connaissent pas les règles, le travail avec les associations immigrés, etc. Des liens ont été tissés avec les syndicats des pays voisins et plus lointains (Italie, Portugal, Cap-Vert).
Le fait que la quasi-totalité des immigrés des dernières décennies sont citoyens de l’Union européenne a permis de s’appuyer sur des règlements européens pour exiger des droits égaux pour eux. Non seulement les règlements qui limitaient la participation syndicale des non-citoyens seront-ils progressivement supprimés, mais les syndicats ont commencé à aborder des sujets qui sortent du strict cadre syndical – logement, droit de vote, etc.
En ce qui concerne les frontaliers, les deux confédérations, OGBL et LCGB, ont des bureaux dans les principales concentrations de frontaliers en Allemagne, France et Belgique. On peut dire donc que l’effort de syndicalisation est largement réussi. Mais comme le démontre Adrien Thomas, les choses ne sont pas si simples. Syndicalisation des étrangers n’implique pas forcément intégration au même titre que les salariés luxembourgeois.
La barrière de la langue
La syndicalisation des immigrés a commencé dans les années 70 et 80 par le recrutement de permanents issus des communautés immigrées et parlant portugais ou italien. Vint ensuite la création de structures spécifiques pour accueillir les nouveaux adhérents. Celles-ci étaient conçues comme transitoires, une étape vers l’intégration des immigrés dans les structures normales du syndicat.
Pourtant, elles perdurent, car il y a des barrières à cette intégration. Les immigrés tombent tout de suite sur celle de la langue, car la langue des syndicats est le luxembourgeois, à tous les niveaux. Au début, il n’y avait aucune forme de traduction. Plus tard, dans les congrès et instances de direction, il y avait la traduction simultanée.
Mais pas dans les sections locales. Du coup, il devient quasiment impossible que les immigrés participent aux sections locales. Pour l’élection des délégués aux congrès des syndicats, les sections locales (basées sur le lieu de résidence) pèsent autant que les fédérations (basées sur le lieu du travail). Mais les immigrés ne pèsent pas dans les sections et n’ont qu’une présence réduite en tant que département d’immigrés. Cela va mieux sans doute dans les fédérations, surtout celles où les étrangers sont dominants.
Le syndicalisme luxembourgeois et les travailleurs frontaliers
La situation des frontaliers devrait être plus simple. Puisque les sections sont basées sur le lieu de résidence, pourquoi ne pas créer des sections à Thionville ou Longwy ? Il n’y a pas de problème de langue, tout le monde parle français. La réponse de l’OGBL s’arrête à mi-chemin. On crée des sous-sections, dépendant de sections luxembourgeoises, ce qui limite fortement les chances de l’élection de frontaliers comme délégués, ainsi que leur accès au financement par le syndicat.
Ici, la question de la langue ne joue pas. Les frontaliers sont confrontés à la forte centralisation des syndicats luxembourgeois et aussi à une certaine volonté, parfois affichée ouvertement, de garder la direction du syndicat au Luxembourg. Ce qui est fait pour l’instant : les onze membres du Bureau exécutif de l’OGBL sont tous de nationalité luxembourgeoise, ainsi que la quasi-totalité des 16 secrétaires centraux qui dirigent les fédérations.
Si des syndiqués immigrés dirigent bien leur propre secteur, ils arrivent rarement à des postes de responsabilité syndicale en dehors. Le résultat est une certaine marginalisation ou ghettoïsation des immigrés et des frontaliers. Souvenons-nous de la composition du salariat au Luxembourg, surtout le poids des frontaliers. Elle trouve son reflet au niveau syndical; il y a 13.000 adhérents de l’OGBL en Lorraine, un sixième des adhérents de la confédération. Il y a là un déséquilibre manifeste entre la syndicalisation réussie des frontaliers et leur poids dans les instances.
«Différences de cultures»?
Autre facteur qui favorise les autochtones contre les immigrés ou les frontaliers, et qu’Adrien Thomas décrit bien: « le contexte politique néo-corporatiste au Luxembourg, caractérisé par la proximité entre syndicats et partis politiques, ainsi que par le densité des interactions Etat-syndicats-employeurs ». Ce contexte favorise l’accession de syndicalistes autochtones à des postes de responsabilité.
En partie pour des raisons de langue, parce que tout cela fonctionne en luxembourgeois. Mais sans doute aussi tout simplement pour avoir grandi et évolué dans cette société, comme résultat naturel de leur insertion dans ses relations sociales.
On trouve aussi des attitudes stéréotypées à l’égard des immigrés. Par exemple l’idée des Portugais qui sont censés être passifs et avoir une conception « utilitaire » du syndicat, ou à l’autre extrême l’hostilité des syndicats à l’égard des Italiens dans les années 20-30, précisément parce qu’ils n’étaient pas assez passifs. Des stéréotypes fonctionnent aussi pour le syndicalisme d’autres pays.
Il est courant d’entendre qu’il y a des «différences de cultures» entre le syndicalisme dans les différents pays, notamment entre le Luxembourg et la France. Ce qui est vrai à un certain degré. Mais Adrien Thomas montre bien qu’il ne s’agit pas vraiment de «cultures nationales». Ce qu’on peut appeler les cultures syndicales sont le produit de l’histoire et des rapports avec l’Etat et les employeurs.
Toutes choses qui évoluent. Et puis on trouve des cultures syndicales tout à fait différentes dans le même pays, comme cela est le entre la CGT et la CFDT en France. Autrement dit, il s’agit moins de culture en tant que telle que de pratiques et conceptions liées au syndicalisme de combat ou au syndicalisme de négociation.
Et quand on regarde les formes d’action utilisées par les salariés de Villeroy et Boch en 2009, dans une lutte contre la fermeture de leur entreprise que le livre cite, et qui allaient jusqu’à l’invasion de l’usine de Villeroy et Boch à Mettlach en Sarre, le moins que l’on puisse dire est que cela ne correspond pas exactement au modèle de syndicalisme de négociation luxembourgeois.
Le Luxembourg: aspirateur de capitaux et de travailleurs
Les syndicats luxembourgeois entretiennent des rapports assez étroits avec ceux des autres composantes de la Grande région, des rapports de coopération et de concertation. A l’image des autorités publiques. Mais encore une fois, les choses ne sont pas si simples. Il y a une collaboration entre les différentes composantes de la Grande région, mais aussi une concurrence pour attirer des investissements et des salariés.
Au-delà de la mise en exergue de la Grande région comme « l’Europe en miniature », comme exemple de coopération au-delà des frontières, il existe ces concurrences. Et une des raisons pour laquelle le Luxembourg tire bien son épingle du jeu tient au fait qu’il est le seul Etat souverain. Alors que les autres composantes sont des régions dont les gouvernements nationaux ont bien d’autres préoccupations que celle de la Grande région.
Le Luxembourg réussit donc non seulement à attirer des capitaux vers son centre financier, il aspire aussi des salariés dont l’éducation et la formation professionnelle ont été payées par leurs pays d’origine.
D’Athus à Villeroy et Boch
Au niveau syndical aussi, il existe une certaine concurrence pour créer ou défendre l’emploi. Adrien Thomas cite trois exemples. D’abord, la grève avec occupation de l’usine d’Athus en 1977, dans une entreprise belgo-luxembourgeoise qui possédait aussi une usine à Rodange. Les syndicats luxembourgeois ont appelé les ouvriers de Rodange à ne pas soutenir leurs collègues belges.
Et le tout était accompagné dans la presse luxembourgeoise (y compris syndicale) par une comparaison entre la « tactique de lutte » des Belges (et des Français à la même époque) et la « tactique de négociation » luxembourgeoise, évidemment au bénéfice de cette dernière. Ensuite, le cas de Villeroy et Boch, déjà cité, où, face au surgissement de leurs collègues luxembourgeois dans leur usine, les ouvriers allemands sont restés de marbre, ne cessant même pas le travail pour discuter, avec le soutien de leur conseil d’entreprise.
Il s’agit ni dans un cas ni dans l’autre de diaboliser un groupe de salariés. Simplement de souligner que là où se trouvait en concurrence des groupes salariés de différents pays, les syndicats ont choisi de s’aligner sur une vision nationale étroite. Ce n’était sûrement pas la seule possible.
La question des bourses d’études
Le troisième exemple concerne la tentative du gouvernement luxembourgeois en 2010 de supprimer les bourses d’études pour les enfants de frontaliers. La réaction des syndicats a été tout à fait correcte : ils se sont opposés à la décision du gouvernement et ont soutenu les frontaliers. La riposte avait commencé par une manifestation importante à Luxembourg pour s’affaiblir par la suite.
Il est apparu qu’une certaine partie des syndiqués luxembourgeois n’était pas prête à se mobiliser sur la question, ce qui a contribué à ce que les syndicats se sont orientés vers la voie juridique plutôt que celle de la mobilisation. Ce qui a été assez mal vécu du côté des frontaliers, qui avaient été forcés par leur syndicat à abandonner l’idée de formes d’action plus radicales (blocage de routes).
Cette courte recension est loin d’avoir couvert toute la richesse du livre. On apprend beaucoup sur l’histoire des migrations ouvrières au Luxembourg et sur les complexités de la syndicalisation d’un salariat internationalisé. L’utilisation des courts extraits d’entretiens avec des syndicalistes luxembourgeois immigrés et frontaliers en donne un aperçu très vivant.
A la lecture de ce livre, il est clair qu’il reste beaucoup de chemin à faire pour arriver à une véritable intégration des immigrés et frontaliers aux syndicats luxembourgeois et qu’une telle intégration, si elle n’ira pas sans problèmes, renforcera les syndicats en les diversifiant. Ce qui sera important à un moment où le « modèle luxembourgeois » commence à prendre de l’eau de toutes parts et que la défense des acquis et de l’Etat social se pose avec une certaine acuité.
08-01-2015
Ne nous trompons pas de colère
Comme beaucoup de gens, j’ai été un lecteur de Charlie Hebdo. Puis, avec le temps, j’ai commencé à décrocher. Je pourrais écrire que j’aimais toujours leur travail, mais l’hypocrisie ne fait pas honneur aux morts. C’était surtout dû aux éditoriaux de l’ancien rédacteur en chef Philippe Val, dont les prises de position atlantistes, voire carrément néo-conservatrices m’énervaient.
Après le départ de Val, je ne me suis pas « réconcilié » avec ce journal. D’accord, en bon lecteur compulsif, il m’arrivait de le feuilleter s’il traînait quelque part dans les parages – je n’ai pas exercé le métier de journaliste par hasard. Et il m’arrivait d’apprécier parfois leurs dessins et articles. Pas tous, mais certains.
Parfois, je trouvais leurs dessins pas drôles du tout, plutôt rabaissants. Et pourtant, ceux qui me connaissent savent mon goût pour l’humour noir goudron. Je n’aime ni la censure, ni les limites, mais j’aime l’intelligence. Ce n’était pas (ou plus) du calibre d’un Desproges. Mais à chacun ses goûts et ses sensibilités.
Néanmoins, je suis rassuré de vivre dans une société où il est permis d’agacer et d’énerver tout le monde, y compris moi-même. Que ferais-je sans au moins un agacement quotidien ? L’ennui ! La mort !
Du droit de m’énerver
Mais aujourd’hui, je suis vraiment triste. Je n’aime pas étaler mes sentiments publiquement, mais je déroge à la règle. Français par ma mère, j’ai grandi dans la culture populaire de l’Hexagone. Cabu, je le connaissais depuis mon enfance, car il officiait dans des émissions enfantines dans lesquelles il se permettait de faire de l’anarchisme dessiné pour les moins de 12 ans. Il respirait la gentillesse.
Et puis, évidemment, je connaissais les autres têtes connues, Wolinski, Tignous, Charb (qui m’énervait souvent mais qui avait du talent) et Bernard Maris, trop social-démocrate à mon goût, mais doué d’une originalité de pensée. Qu’on les ait aimés pas du tout, un peu, beaucoup ou passionnément, c’est triste. On ne tue pas des gens et on ne tue pas des gens parce qu’ils sont journalistes.
Lorsque j’ai appris la nouvelle hier, j’ai évidemment été choqué et une grosse boule s’est formée dans mon ventre lorsqu’apparurent les images des victimes connues, surtout Cabu, pour lequel, je le répète, j’avais une tendresse particulière. Mais même si le ventre parle, le cerveau cogite. Les médias ont commencé à parler du « 7 janvier 2015 », que la France ne serait plus pareille après ce jour. On pense évidemment au « 11 septembre 2001 ». Là aussi, on disait que le monde ne serait plus pareil. Ce fut le cas, on connaît la suite qui n’est pas réjouissante.
Halte aux amalgames
Une amie marocaine m’a envoyé un sms : « Je crois que je ne vais pas sortir de chez moi pendant plusieurs jours ». Je lui ai répondu qu’elle devait remettre les cons à leur place, ceux qui pensent qu’elle devrait se justifier d’une manière ou d’une autre.
Car non, les musulmans dans leur ensemble n’ont pas à se justifier. Tout comme les juifs dans leur ensemble n’ont pas à se distancier pour les actes commis par Israël. Les amalgames foireux pointent du nez. Et voilà le danger qui guette.
Parmi les personnalités qui ne reculent devant rien, c’est le député ADR Roy Reding qui a ouvert la danse en retwittant le tweet d’un débile que la décence interdit que l’on publie le nom, et qui fait référence au mouvement d’extrême droite allemand « Pegida » (acronyme signifiant les « Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident » – oui, même le nom est débile…).
Ces gens-là qui n’ont de cesse de se référer aux valeurs du christianisme et de sa défense (on doute d’ailleurs fortement que l’on puisse retrouver ces valeurs dans le Nouveau Testament) n’hésitent pas à souiller les morts pour justifier leurs funestes projets.
Janus
Le journaliste Nico Graf de RTL a trouvé les mots justes : l’extrême droite islamophobe est l’alliée objective des fondamentalistes de ce qu’ils pensent être l’Islam. J’irais plus loin : lorsque j’entends le député Fernand Kartheiser (ADR lui aussi) pérorer sur ce qu’il pense être le christianisme, je ne peux m’empêcher de m’imaginer que s’il était né sous d’autres latitudes, disons l’Egypte, il porterait la barbe très longue et adresserait des fatwas à tort et à travers.
C’est le problème des réactionnaires de tous les pays : ils sont d’accord sur tout, ce qui les amène à vouloir se fracasser les uns les autres. Maintenant, il faut garder notre calme mais rester déterminés dans les luttes fondamentales. De l’Occident à l’Orient, les populations font face aux mêmes adversaires : à ces oligarchies de l’argent qui veulent nous soumettre, grignoter peu à peu nos droits démocratiques et sociaux. Et ce sont ces mêmes oligarchies qui étendent leurs intérêts en transformant le Moyen-Orient en brasier et charnier depuis 20 ans.
Leur cauchemar, c’est de nous voir unir nos luttes depuis la Syrie en passant par l’Egypte jusqu’en Europe et au-delà. Leur rêve, c’est de détourner nos colères et nos frustrations, de les orienter, en fonction de la région, vers celui qui aurait une autre foi ou pas de foi du tout. On ne va pas leur faire ce cadeau. Cabu et ses amis ne sont pas morts pour ça.
24-12-2014
Mission impossible? RiMaflow, une usine récupérée et autogérée à Milan
L’auteur de cet article est Bert Theis, artiste luxembourgeois vivant à Milan et sous-curateur du projet Isola Art Center.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » (Mark Twain)
L’usine « Maflow » où travaillent plus de 300 ouvriers est située dans la périphérie de Milan en Italie. On y construit des systèmes de climatisation pour voitures. En 2012, l’usine est délocalisée, les ouvriers licenciés, les machines transportées en Pologne. Une histoire comme beaucoup d’autres, aujourd’hui, en Europe.
Mais cette fois, c’est différent: Les travailleurs et les travailleuses décident d’occuper et d’autogérer l’usine et de faire repartir la production sans patrons. Ils décident aussi une conversion écologique de la production et se concentrent sur le recyclage de produits abandonnés par la société de consommation. Ils changent le nom de leur usine en « RiMaflow ».
Ils se lient au territoire en faisant de l’usine une « Citadelle de l’autre économie » avec, entre autres, un centre de recyclage, une vente de produits locaux équitables, un studio de musique, une salle de gym pour les habitants du quartier, une manufacture de liqueur de citron bio et d’autres projets encore. Le tout en autogestion.
Les travailleurs et travailleuses racontent que leur décision a changé leur vie: Ils étaient habitués à exécuter des ordres, maintenant ils doivent réinventer collectivement leur vie, prendre des décisions, devenir créatifs, faire des choses qu’ils n’ont jamais faites auparavant. Ils ont accueilli avec enthousiasme notre collaboration en tant que plate-forme d’art contemporain Isola Utopia/Isola Art Center, et nous proposent de devenir partie intégrante de leur « fabbrica cittadella ».
Pour comprendre le contexte, il faut savoir qu’à Milan on trouve d’innombrables usines fermées et des édifices industriels vides. Il y a même des gratte-ciels vides, comme par exemple la tour Galfa, que nous avions occupée en mai 2012 avec les travailleurs culturels et le projet Macao.
Solidarité internationale
Dans une situation de crise économique structurelle, où la possibilité de trouver de nouveau un travail après avoir été licencié est très improbable, l’initiative des RiMaflow gagne tout de suite la sympathie du public et des médias. RiMaflow noue aussi des contacts internationaux. Il y a l’exemple de centaines d’usines autogérées comme des coopératives en Argentine qui ont inspiré les RiMaflow, et avec lesquelles ils sont en contact.
Ensuite, le mouvement des paysans Sem Terra (sans terres) au Brésil, qui occupent des terrains et les cultivent en autogestion. En Europe, des contacts avec les travailleurs d’autres usines occupées et autogérées sont en train de se nouer, comme les Fralib à Marseille ou les Vio.Me à Thessalonique. Le message de ces initiatives est clair: Le mode de production capitaliste a échoué, une autre économie est possible, cherchons à le démontrer en créant des exemples qui peuvent servir à d’autres.
Pour entamer en 2015 une nouvelle étape importante de leur projet et de leur production, RiMaflow a besoin d’urgence d’une installation de compression d’air pour un montant de 15.000 euros. Isola Utopia les aide à réunir rapidement cette somme indispensable. Après plusieurs initiatives de soutien, il manque encore 2.300 euros pour arriver à cette somme jusqu’au 31 décembre. Evidemment, une machine ne suffit pas pour relancer une usine entière, mais c’est un début important. Toute aide financière supplémentaire aidera à faire d’autres pas vers une production autogérée.
Soutenez le projet « RiMaflow veut vivre! » par un don sur le compte:
Mariette Schiltz, CCPLLULL, Iban: LU95 1111 0640 5838 0000 (mention: RiMaflow-Isola Utopia)
– ou bien contactez-nous sur la page Facebook « Isola Art Center » pour acheter des travaux d’artistes luxembourgeois et internationaux au profit de RiMaflow, et pour suivre les résultats de la campagne de solidarité.
12-12-2014
Luxleaks – Origines et suites
L’auteur, Guy Foetz, est économiste et conseiller communal de déi Lénk à Luxembourg. Cet article a également été publié, sous forme raccourcie, dans la rubrique Forum du Tageblatt.
Le « Luxembourg Leaks » a mis à mal la réputation de notre pays en matière de transparence et de légitimité, sinon de légalité de sa politique fiscale. On a alors assisté à une levée de boucliers du gouvernement et des partis de l’opposition – à l’exception de déi Lénk – pour dire que tout serait légal et que le Luxembourg ne ferait pas autre chose en matière de « rulings » fiscaux que d’autres pays européens comme les Pays-Bas, l’Irlande ou le Royaume-Uni par exemple.
Il est vrai que la politique libérale de dérégulation et de concurrence fiscale instaurée depuis 30 ans montre à présent son vrai visage à travers les stratégies d’évitement fiscal de la part des firmes multinationales, et cela dans nombre de pays.
Or le Luxembourg s’est toujours trouvé à la pointe du «progrès» à cet égard: il a misé depuis les années 1980 sur le développement sans limites de la place financière, qui compte banques, gérants de fortune, organismes de placements collectifs, assurances, cabinets d’audit et de conseil (KPMG, Deloitte, E&Y, PwC), fiduciaires, avocats d’affaires et j’en passe.
Tout ce beau monde met l’ensemble de son potentiel intellectuel au service du capital mondialisé dans le chef de sociétés ou d’individus richissimes. Puisque les gouvernements luxembourgeois successifs ont négligé le maintien et le développement d’autres secteurs, l’économie du pays dépend à présent en grande partie du secteur financier et des niches fiscales.
Les lois et les règlements connexes – rédigés sous l’influence déterminante des acteurs même de ce secteur – portent l’empreinte de l’optimisation fiscale, et les moyens de contrôle public de ce qui se passe au jour le jour sont dérisoires par rapport aux volumes à surveiller.
Les éléments de la législation financière et fiscale luxembourgeoise, pris un à un, ne se différencient pas fondamentalement de ceux qu’on trouve dans d’autres pays. Il faut pourtant relever qu’il n’en manque aucune composante au Grand-Duché, qu’on y va parfois plus loin que dans d’autres pays et que la combinaison très souple et ingénieuse des différentes pièces du «puzzle » donne un résultat qui plaît parfaitement à ceux qui veulent éviter l’imposition fiscale complète ou partielle, notamment lorsqu’il s’agit de concocter un ruling.
Les principales pièces du puzzle luxembourgeois
Le Luxembourg a signé avec 74 pays des conventions fiscales bilatérales, qui ont pour but d’éviter une double imposition des sociétés et des personnes physiques. On y définit notamment comment est déterminée la résidence fiscale, c’est-à-dire le lieu d’imposition, de sorte que le citoyen ou l’entreprise résidant dans un autre pays ne soit pas imposé deux fois.
Le régime « mère-fille » prévu dans ce type de convention permet notamment d’éviter que le bénéfice réalisé par la filiale d’une société, taxé dans un pays et distribué sous forme de dividende à sa maison-mère, ne soit imposé une deuxième fois au niveau de celle-ci.
Cette dernière règle joue pleinement au niveau des holdings du moment qu’une société-mère possède un pourcentage minimum des actions d’une filiale. Le Luxembourg a toujours excellé dans la création de holdings. Il disposait dès 1929 d’une telle législation. Or, aprés que le « Holding ’29 », tellement avantageux que ce genre de société financière ne payait quasiment pas d’impôts, fut progressivement exclu des conventions internationales de non-double imposition, le Luxembourg inventa en 1990 la Société de participation financière (SOPARFI), en accord avec la réglementation européenne.
La SOPARFI, copiée par après par de nombreux autres pays de l’UE, s’inscrit dans le régime de la directive européenne « mère-filiale »; les dividendes distribués par une société de capitaux résidente ou non-résidente sont exonérés à 100% dans le chef de la société mère si celle-ci dispose de 10% de ses actions.
Même lorsqu’elle exploite une activité commerciale, la SOPARFI qui a son siège à Luxembourg, est libérée de l’impôt sur les dividendes provenant de ses filiales dont elle détient 10% du capital. L’impôt sur la fortune minimal à payer est de 62 € lorsque la SOPARFI est une SA et de 25 € lorsqu’il s’agit d’une Sàrl.
A côté de la SOPARFI, les Sociétés d’investissement SICAR sont spécialisées dans la gestion de capital à risque. Les SICAR bénéficient d’un régime fiscal encore plus favorable que les SOPARFI, à savoir : exonération de la rémunération des fonds en attente de placement et distribution de dividendes aux investisseurs totalement exemptée de retenue à la source au Luxembourg, qu’ils soient résidents ou non résidents, personnes physiques ou morales, résidents dans un pays de l’UE ou non, avec ou sans convention fiscale. La SICAR paie uniquement une taxe de 1.250 € lors de sa création.
En matière de fonds d’investissement (OPCVM / organismes de placement collectif en valeurs mobilières), réglementés par la Directive européenne UCITS IV (Undertakings for the Collective Investment In Transferable Securities), le Luxembourg occupe en ce moment la première place en Europe et la deuxième au niveau mondial.
Dans la division du travail qui caractérise l’industrie des fonds d’investissement, on trouve au Luxembourg principalement l’inscription du fonds (la domiciliation), les dépôts d’actifs et l’administration légalement prescrite ainsi que la comptabilité; tout cela en raison de faibles impôts (taxe d’abonnement annuelle de 0,01% sur les actifs, absence de TVA, aucune imposition à la source), d’une avance au niveau de la réglementation et d’une expérience de plusieurs années.
Quant au développement de ces produits financiers (zone d’investissement, monnaie de référence, actifs sous-jacents), leur distribution et la gestion de leur composition, ils ont lieu très souvent à Londres, Francfort ou Paris.
Au fil du temps, la législation luxembourgeoise a également été orientée vers les fonds alternatifs, qui investissent dans des actifs multiples comme actions, obligations, devises, matières premières, produits dérivés, immobilier (real estate) et entreprises non cotées.
Ils sont peu réglementés, leur stratégie est agressive et très spéculative, et ils s’adressent à des professionnels et aux grandes fortunes. Depuis 2004, de tels fonds spéculatifs peuvent être gérés au Luxembourg. Il faut mentionner aussi la loi de 2007 sur les Fonds d’investissement spécialisés (FIS), qui s’adressent aux investisseurs institutionnels et professionnels (le dépôt minimal dans un tel fonds s’élève à 125.000 euros) et qui peuvent être utilisés par des sociétés non cotées en bourse (private equity), par des fonds de pension et par des Hedge funds.
Les dividendes FIS des résidents ne sont pas imposés à la source et les non-résidents ne sont pas imposés. Enfin, le Luxembourg a été à la pointe pour transcrire en 2013 dans la législation nationale la directive européenne AIFM (Alternative Investment Fund Manager) pour les fonds alternatifs. Le succès est tel que la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a dû recruter une trentaine de personnes pour traiter les 240 demandes d’agrément. 170 de ces demandes ont actuellement été approuvées.
La loi du 22 mars 2004 sur la titrisation a défini très largement les actifs pouvant faire l’objet d’une titrisation (créances commerciales, prêts hypothécaires, comptes courants, actions, emprunts obligations, tout actif financier, tout actif immobilisé, toute activité ayant une valeur certaine ou future). Les sociétés de titrisation bénéficient d’un régime fiscal avantageux : aucune retenue à la source ; aucune imposition des profits d’un fonds de titrisation. La CSSF exerce seulement un contrôle en cas d’émission en continu de valeurs mobilières à destination du public.
A travers la computation de prix de transfert, les bénéfices des entreprises multinationales peuvent facilement être « rapatriés » là où elles échappent à l’impôt (profit shifting). Cela peut être le Luxembourg ou un autre pays.
Dans la stratégie d’évitement fiscal des grandes multinationales, qui canalisent leurs investissements au moyen de plateformes d’échanges et qui – à travers le mécanisme de factures plus ou moins fictives échangées entre les différentes entités du groupe – font apparaître les profits là où on paie le moins d’impôt, le rôle du Luxembourg apparaît à travers les statistiques d’investissements directs à l’étranger (IDE- ou FDI/Foreign Direct Investment).
La création de milliers de SOPARFI et de Holdings dits Special purpose entities (SPE) a en effet permis de faire du Luxembourg un champion des mouvements de FDI. Si on inclut les investissements directs internationaux dans des SPE, on voit que 95% des FDI au Luxembourg sont des Trans-shipped-FDI, qui n’ont rien à voir avec l’économie nationale.
Le Luxembourg y fait seulement figure de station de transit pour des fonds qui sont investis ou rapatriés ailleurs. En matière de revenus de la propriété, l’image est comparable : le Luxembourg a reçu 105 milliards d’euros du reste du monde en 2013 et a payé 114 milliards d’euros au reste du monde.
A côté des holdings, auxquels recourent les sociétés pour la gestion au coût minimum de leurs participations, il faut mentionner un autre instrument financier, c-à-d. la Société de gestion de patrimoine familial (SPF). Destinée à remplacer la Holding ’29 pour des personnes privées, elle est spécialement conçue pour des sociétés créées par des personnes physiques, des Trusts, ou des Fondations privées dans le but de gérer leur patrimoine familial dans des conditions « attractives ».
La SPF est exonérée de l’impôt sur le revenu des collectivités, de l’impôt commercial communal et de l’impôt sur la fortune; seule une taxe d’abonnement annuelle de 0,25% sur le capital libéré est demandée, avec un minimum de 100 € et un maximum de 125.000 €. Mentionnons encore la Fondation patrimoniale, en instance d’être votée ; nous y reviendrons plus tard dans cet article.
La réforme fiscale de 2002 a exonéré les distributions de dividendes à hauteur de 50%, s’ils sont distribués par une société de capitaux imposable située au Luxembourg, dans un pays membre de l’Union européenne ou dans un pays ayant conclu avec le Luxembourg une convention tendant à éviter les doubles impositions.
Depuis 2008, le Luxembourg exonère les revenus et les plus-values de la propriété intellectuelle (brevets, licences, marques, noms de domaines, logiciels, dessins ou modèles) à raison de 80%.
Ainsi, la base sur laquelle les impôts sont payés (l’assiette fiscale) diminue au Luxembourg de 28,8% à 5,8%. Il faut dire que cette loi, de par sa couverture générale des revenus de la propriété intellectuelle, est actuellement très contestée dans les autres pays, cela d’autant plus que les investissements dans la recherche au Luxembourg ont été plutôt faibles.
La législation fiscale luxembourgeoise est très favorable aussi à l’assurance-vie. Le Luxembourg ne taxe ni les primes, ni les gains en capital réalisés lors du rachat ou de l’expiration d’un contrat, ni le capital décès versé aux bénéficiaires. L’assurance-vie luxembourgeoise accepte aussi la détention de parts de fonds de placement collectifs, d’actions et d’obligations.
Pour cette raison, le contrat d’assurance-vie luxembourgeois, lié à des fonds de placement (une spécialité des assureurs luxembourgeois) est devenu un outil privilégié de gestion de fortune et de planification des successions. Comme tous les actifs financiers, les contrats d’assurance vie de droit luxembourgeois bénéficient aussi d’une réglementation très stricte en matière de secret professionnel.
Les gouvernements luxembourgeois successifs ont toujours insisté sur la facilité de dialogue et d’accessibilité comme constituant des atouts majeurs de la place financière.
Or – l’affaire « LuxLeaks » vient de le révéler -, cette facilité de dialogue et d’accessibilité a particulièrement bien joué en matière d’accords préalables sur l’interprétation de la loi fiscale (tax rulings) pour des firmes multinationales en contrepartie de leur localisation au Luxembourg.
Pendant des années, un seul fonctionnaire supérieur de l’administration des contributions directes a pu fixer forfaitairement au cas par cas et sans justification écrite le résultat d’exploitation des entreprises demanderesses. Lors de ces décisions, différentes pièces du puzzle d’évitement fiscal qui existent dans la législation luxembourgeoise ont été habilement combinées dans le sens d’un abaissement de la base d’assiette et d’un impôt très faible à payer par des sociétés localisées au Luxembourg – de l’ordre de 2,3% en moyenne pour les 458 dossiers de PricewaterhouseCoopers qui ont fait l’objet de la fuite Luxleaks.
Les réactions en matière de rulings fiscaux
Tous s’accordent à dire à présent qu’il faut barrer la route à la stratégie d’évitement fiscal des grandes entreprises multinationales. Quant à savoir comment y arriver, les opinions divergent et il faut dire que les moyens dans le cadre de l’idéologie dominante des marchés financiers déréglementés sont extrêmement limités.
Mais Luxleaks a fait sursauter l’opinion publique internationale: les pratiques fiscales ainsi dévoilées sont perçues comme illégitimes et le Luxembourg, qui a été pris « la main dans le sac budgétaire » des autres pays, est ouvertement accusé de s’enrichir à leurs dépens.
Face à cette mise au pilori de notre pays, pratiquement tous les partis politiques luxembourgeois se sont ralliés au drapeau, comme si cela pouvait objectivement invalider ou décourager les critiques fondées provenant de nos voisins.
déi Lénk sont les seuls à ne pas s’être solidarisés avec cette levée de boucliers. Ils ont accusé d’une part le CSV comme l’instigateur de rulings fiscaux non seulement illégitimes, mais aussi illégaux et ont exigé un débat à la Chambre des députés et la mise en place d’une commission d’enquête, ce qui leur a été refusé.
D’autre part, ils déclarent leur désaccord total avec la déclaration ridicule du ministre des Finances, comme quoi les rulings fiscaux feraient partie de notre patrimoine national, déclaration qui a davantage encore jeté le discrédit sur le Luxembourg. Ils militent enfin pour un abandon de telles pratiques tant au Luxembourg que dans les autres pays.
En fait, nombre de méthodes de réduction de la base fiscale – souvent en relation avec des entreprises fictives installées au Luxembourg -, mis au jour par les rulings publiés dans le cadre de LuxLeaks, sont contestés même par des libéraux comme faussant la sacro-sainte concurrence:
– des prêts financés par une banque interne à des taux qui n’ont rien à voir avec les taux du marché;
– des charges incorporelles fictives (know-how) résultant de l’appartenance à un groupe, déduites du bénéfice imposable;
– des paiements pour des licences à des prix non conformes au marché concurrentiel;
– des intérêts qui proviennent d’un emprunt obligations avec participation aux bénéfices; ces intérêts, variables suivant les bénéfices de la société débitrice, sont assimilés au Luxembourg à un dividende et donc non imposés dans le chef de la société qui a prêté les fonds.
Le débat sur les accords fiscaux anticipatifs et les sociétés fictives « boîtes aux lettres » installées au Luxembourg pour des raisons fiscales, ne date pas d’hier. Rappelons l’interview extrêmement pénible pour le ministre Luc Frieden face à une journaliste de France 2 en mai 2012, où celle-ci l’a confronté avec le manque d’activité réelle de ces firmes.
La Commission européenne a sollicité à maintes reprises le Luxembourg à ce sujet, mais le Grand-Duché s’est toujours limité à communiquer des indications d’ordre général ou incomplètes, argumentant avec le secret bancaire.
Or la déclaration du gouvernement luxembourgeois de vouloir abandonner le secret bancaire et de céder à la transparence via l’échange automatique d’informations, a fait revenir à charge la Commission. En juin 2014 – donc avant l’affaire LuxLeaks – la Commission a demandé au gouvernement luxembourgeois de lui fournir des informations détaillées sur les rescrits fiscaux « Fiat Finances and Trade » et « Amazon » pour qu’elle puisse les examiner sous l’angle d’une violation éventuelle du droit de la concurrence. Si une telle violation était actée – assimilant des rulings fiscaux à des aides d’Etat déguisées – l’affaire basculerait dans l’illégalité et prendrait ainsi une tournure plus grave encore.
À noter qu’une investigation analogue a été ouverte à l’encontre des Pays-Bas et de l’Irlande au sujet de Starbucks et Apple, respectivement. La Commission a demandé aussi au gouvernement luxembourgeois de lui communiquer le contenu de l’ensemble des accords préalables, ce que celui-ci refuse.
Le différend a été porté devant la Cour de justice européenne. Au Luxembourg, les rulings fiscaux sont secrets, contrairement par exemple à ce qui se passe en Belgique : ici, le « Service des décisions anticipées » publie chaque année un rapport où figurent de manière anonyme toutes les décisions rendues.
A l’occasion des investigations « Fiat » et « Amazon » lancées par la Commission européenne, le gouvernement luxembourgeois actuel semble avoir été acculé à réagir. En effet, après le récent départ à la retraite du fonctionnaire qui avait été seul à signer les rescrits fiscaux, une commission de six personnes a été chargée de ces dossiers. Aussi, le projet de loi du budget 2015 prévoit-il de remplacer l’ancien article 56 de la loi concernant l’impôt sur le revenu, qui prévoyait que le résultat d’exploitation pouvait être refixé.
Le nouvel article 56 proposé demande de vérifier que les prix de transfert entre les entreprises d’un même groupe permettant d’ajuster les bénéfices déclarés, aient été semblables entre des entreprises indépendantes. Le but de cette « analyse de comparabilité » consiste à permettre « de déterminer l’ajustement à opérer pour arriver à un résultat de pleine concurrence » en appliquant les lignes directrices de l’OCDE.
Par ailleurs, l’OCDE a lancé le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), qui cherche à déterminer si, suivant les règles actuelles, il est possible de découpler le lieu où les bénéfices imposables sont déclarés à des fins fiscales et le lieu où l’activité qui les génère se déroule effectivement. Si ce découplage est possible, l’OCDE veut fixer ce qui peut être fait pour y remédier.
Le plan d’action proposé par l’OCDE a été approuvé par les ministres des Finances du G20 et les gouverneurs des banques centrales en juillet 2013 ainsi que par les chefs d’État des pays du G20 en décembre 2013. Dans une réponse parlementaire datée du 18 septembre 2014, le ministre des Finances Pierre Gramegna s’est montré favorable à l’initiative BEPS.
L’avenir du « système Luxembourg »
L’affaire LuxLeaks fait en définitive surgir la question de l’avenir du « système Luxembourg », fortement basé sur les niches fiscales et une politique fiscale permissive à l’égard des non résidents et des sociétés multinationales.
En tenant compte des rulings fiscaux, il faut se demander quelle part de l’impôt sur le revenu des collectivités revient encore aux entreprises qui produisent des biens et services sur le territoire luxembourgeois.
Dans ce contexte surgissent la remarque de Jean-Claude Juncker à la tribune de la Chambre des députés que 80% des entreprises luxembourgeoises ne paieraient pas d’impôt sur le revenu, ainsi qu’une déclaration de Luc Frieden, comme quoi des centaines de millions d’euros retomberaient des rulings et de la localisation d’entreprises fictives au Grand-Duché.
A partir du 1er janvier 2015, le secret bancaire cédera la place à l’échange automatique d’informations concernant les non résidents sur les intérêts des comptes d’épargne; des comptes à vue; des comptes à terme; des bons de caisse; des obligations; des fonds d’investissement européens qui distribuent des dividendes, si le fonds investit au moins 15% en obligations et des fonds d’investissement européens qui ne distribuent pas de dividendes (fonds de capitalisation), si le fonds investit au moins 25% en obligations.
A partir de 2017, les pays européens échangeront également des informations sur les fonds d’investissement dépourvus de passeport européen, les produits structurés (avec combinaison complexe d’options, de swaps, etc.) et d’assurance.
Dans ce schéma européen, il est prévu que les dividendes et les plus-values ne seraient pas touchés et qu’aucune information ne serait pas non plus transmise sur les fonds dotés d’un passeport européen qui investissent moins de 15% ou de 25% dans des obligations.
Ce schéma semble déjà dépassé, puisque 50 États ont signé à Berlin le 29 octobre dernier un accord suivant lequel toute banque et toute autre institution financière aura l’obligation à partir du 1er janvier 2017, de communiquer soldes bancaires, intérêts et dividendes, produits d’assurance vie et plus-values sur les détenteurs de compte, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’entités de type trust, fiducie ou fondation. Pourtant, le récent rapport du Tax justice network a décelé des failles dans cet accord. Ainsi, par exemple,
– seulement les comptes avec plus de 250.000 dollars seront touchés et par conséquent des avoirs supérieurs à cette somme pourraient être saucissonnés pour éviter l’échange d’informations ;
– certaines places financières importantes ne participent pas (Singapour), ont reporté la date à 2018 (Suisse, Autriche) ou n’ont pas encore fixé de date pour l’échange (Panama) ;
– d’autre part, la Suisse ne voudrait fournir des informations qu’aux pays « considérés comme importants », en d’autres termes, les dépôts des riches du Tiers monde seraient exclus;
– les Etats-Unis d’Amérique n’ont pas adopté la norme OCDE et se limitent pour l’instant à leur système Fatca ;
– l’identité des bénéficiaires de revenus financiers ne devra être révélée par les banques que lorsqu’il s’agit de revenus issus d’investissements; les revenus d’activités commerciales sont exclus.
Tout cela pour conclure qu’un système d’échange d’informations universel et complet n’est probablement pas pour demain. Certains suggèrent par ailleurs que le sujet disparaîtrait à nouveau de l’actualité et que nombre de pays ne seraient pas intéressés à jouer le jeu de la transparence et refuseraient en fin de compte une harmonisation fiscale. Notre Premier ministre a déjà ouvertement pris position contre une telle harmonisation.
N’oublions pas non plus que la course au dumping fiscal continue au Luxembourg – et certainement aussi dans d’autres pays. Ainsi, au Grand-Duché, le secret bancaire sera maintenu pour les résidents.
Or, il faut savoir que suivant l’article 22 de l’ « Abgabenordnung » de 1931, « Au Luxembourg, les fonctionnaires de l’Administration des Contributions sont astreints au respect du secret fiscal » et que « l’inobservation du secret fiscal entraîne des sanctions pénales comportant soit des amendes, soit des peines d’emprisonnement allant jusqu’à six mois. »
Cela explique que les HNWI (High Net Worth Individuals), qui disposent d’actifs financiers d’au moins 1 million de dollars et les UHNWI (Ultra High Net Worth Individuals) avec des avoirs de 30 millions de dollars ou plus sont encouragés à fixer leur résidence au Luxembourg.
D’après le « Wealth-X and UBS World Ultra Wealth Report 2014 », 708 HNWI avec une fortune totale de 64 milliards de dollars et 17 UHNWI totalisant 61 milliards de dollars résideraient actuellement au Luxembourg.
Pour attirer les grandes fortunes, la Fondation patrimoniale, ultime projet de loi introduit par l’ancien ministre des Finances Luc Frieden, est appelée à jouer un rôle majeur. Cette forme de société du genre « family office » existe déjà dans d’autres pays, mais le projet luxembourgeois présente l’avantage pour les personnes physiques qui transfèrent leur résidence fiscale au Grand-Duché que les plus-values latentes sur leurs actifs ne sont pas prises en compte au Luxembourg.
En effet – via ce principe du « step-up » – les biens concernés sont évaluées à leur valeur de marché au moment du changement de résidence et cette valeur sera aussi considérée comme valeur d’acquisition d’un bien à l’occasion du calcul de la plus value lors d’une cession future. Voici d’autres avantages importants pour les richissimes personnes visées:
– l’identité du fondateur et les montants investis ne sont pas rendus publics;
– les comptes annuels ne doivent pas être publiés au Registre des sociétés;
– la Fondation pourra être domiciliée auprès d’un domiciliataire professionnel;
– la présence d’un conseil de surveillance et la nomination d’un réviseur d’entreprise est facultative, tant que le nombre de bénéficiaires est inférieur à 5 ou que le patrimoine de la Fondation n’excède pas 20 millions d’euros;
– les revenus des capitaux mobiliers (dividendes et intérêts) et les revenus de cession des biens ne sont pas imposables dans le chef de la Fondation;
– aucune retenue à la source n’est effectuée lors de la distribution de revenus à des bénéficiaires non résidents;
– la Fondation n’est pas soumise à l’impôt sur la fortune;
– lors du décès du fondateur ayant résidé au Luxembourg, les biens sont transférés aux héritiers non-résidents sous déduction d’un droit d’enregistrement dont les taux s’inspirent de ceux – très favorables – prévus en matière de droits de succession luxembourgeois (0% pour le conjoint et l’ascendant ou le descendant en ligne directe; 12% pour les parents en ligne indirecte; 40% dans les autres cas).
Ce projet de loi va être discuté prochainement en séance plénière à la Chambre des députés.
Quelles perspectives existent – et quelle politique faut-il mener ?
Les forces de droite – celles-là même qui ont cautionné la dérive financière – mettent en avant que le PIB par tête d’habitant du Luxembourg est largement supérieur à celui des autres pays et n’hésitent pas à accuser les salariés du Luxembourg d’être tout autant des receleurs, qui fermeraient les yeux devant les manigances de la place financière pour continuer à en tirer profit et « vivre au-dessus de leurs moyens ». Ils négligent ainsi des faits évidents:
– Comme ailleurs dans le monde capitaliste, la répartition de la richesse est très inégale au Luxembourg et elle se creuse d’année en année; le PIB moyen est donc un indicateur irréaliste du bien-être des différentes couches de la population;
– 160.000 frontaliers contribuent actuellement à la production de richesse au Luxembourg, mais le PIB par tête d’habitant n’en tient pas compte; comme son nom l’indique, il est en effet le résultat du PIB total divisé seulement par le nombre d’habitants. Le revenu national brut constitue un meilleur indicateur, puisqu’il se limite aux revenus perçus par les résidents; or le RNB moyen luxembourgeois s’élevait en 2013 à … 59% du PIB moyen.
– À l’intérieur de chaque pays, il existe des régions riches ou pauvres; par exemple la région de Hambourg totalise un PIB par habitant deux fois plus élevé que le PIB allemand moyen et Bruxelles se place peu après le Luxembourg au niveau du PIB moyen. Ainsi il n’est pas étonnant que dans un centre économique comme le Luxembourg, le PIB soit plus élevé qu’ailleurs.
– Le coût de la vie au Luxembourg compte parmi les plus élevés en Europe et même au monde, principalement en raison des prix exorbitants du logement. Dans de telles conditions, la consommation individuelle effective par habitant est un indicateur mieux adapté pour décrire l’état de bien-être matériel des ménages. Or en 2012, par rapport à l’indice 100 pour la moyenne européenne, cet indicateur se situait à 138 au Luxembourg, 123 en Allemagne, 120 en Autriche, 114 en France, 113 en Belgique et 111 aux Pays-Bas.
Finalement, bien que la majorité de la population vive nettement mieux au Luxembourg que dans la plupart des autres pays et que pour l’instant la crise y ait fait moins de ravages qu’ailleurs, ces observations relativisent l’idée que les salariés mèneraient ici un train de vie de pays de cocagne.
Ce qui est sûr par contre, c’est qu’à force d’avoir misé sur la financiarisation de l’économie aux dépens des autres branches économiques et particulièrement de l’industrie, la dépendance du secteur financier est devenue accablante et que l’image du Luxembourg colportée à l’étranger est négative.
Or malgré toutes les réticences, la transparence et l’harmonisation fiscales continueront très probablement à faire des progrès et les limites de tolérance sont à présent tracées, qu’on le veuille ou non. Peut-on alors rêver que notre pays pourra se délivrer de l’emprise de la Grande Finance et de ses secrets, mortifères pour la démocratie tant au Luxembourg qu’ailleurs, sans que cela ne se termine en catastrophe économique et sociale ?
En fait, les chances pour y arriver ne sont pas mauvaises, à condition de mener une politique conséquente permettant de développer les alternatives.
Le Luxembourg détient des atouts majeurs : sa situation géographique centrale, sa population multilingue et multiculturelle à un niveau qu’on ne trouve nulle part ailleurs en Europe; un système scolaire qui reste performant, à la condition absolue de résoudre le problème des langues et d’accroître l’égalité des chances, et enfin un marché du travail régional jeune et dynamique, dans le contexte duquel il est d’autant plus injustifiable de vouloir exclure les frontaliers de certaines prestations sociales.
Inverser la tendance à la désindustrialisation en renforçant les sites sidérurgiques existants et en promouvant le développement des technologies vertes; tirer profit de la position centrale du pays en matière de transport et de gestion des données informatiques; encourager les entreprises familiales agricoles, viticoles et horticoles à cultiver écologiquement et de manière durable; développer le concept et les infrastructures touristiques; voilà autant d’éléments d’une politique de développement conséquent des ressources internes, insuffisamment mises en oeuvre depuis nombre d’années.
Les premiers jalons posés dans les domaines des infrastructures logistiques, informatiques et de communication vont certainement dans la bonne direction.
D’autre part, la coopération économique, sociale et culturelle au sein de la Grande Région devra être fortement poussée.
En matière de recherche et développement, le Luxembourg s’est engagé à augmenter jusqu’en 2020 ses investissements jusqu’à 2,6% de son PIB; avec 1/3 provenant de la recherche publique. Après des années médiocres d’investissements dans la recherche, une telle augmentation est absolument nécessaire.
Pour assurer le développement économique sur des bases plus réelles, l’argent ne manque pas. Le fonds de réserve de la caisse de pension pourrait servir à constituer un fonds de financement public permettant d’investir dans l’économie locale et régionale. A remarquer que les 15 milliards dudit Fonds de compensation servent actuellement à spéculer sur les marchés financiers internationaux.
L’avenir montrera dans quelle mesure l’expertise de la place financière, si souvent mise en avant, lui permettra de se régénérer sous des conditions de transparence et d’harmonisation fiscales plus prononcées. Cette question se pose particulièrement pour la branche luxembourgeoise des fonds d’investissement.
Il faudra que le rôle de la place de Luxembourg dans ce domaine primordial se déplace davantage de la simple domiciliation vers les étapes stratégiques de la chaîne de production des fonds, dont notamment le développement du produit. De nouvelles ressources proviendront sans doute de la finance islamique et de l’internationalisation de la monnaie chinoise, qui sont en phase de démarrage.
Quant aux holdings, peut-être que les nouvelles conditions BEPS les pousseront à localiser de réels moyens d’exploitation à Luxembourg. On peut espérer que tout compte fait, une place financière plus saine, plus diversifiée et peut-être plus équitable ressortira de la crise de légitimité actuelle.
05-12-2014
L’Odyssée rouge de Manolís
Le 27 Novembre, le Luxembourg a eu le privilège d’accueillir Manolís Glézos. Une réunion publique a été organisée conjointement par déi Lénk et par les sections luxembourgeoises de Syriza, d’Izquierda Unida, du Parti communiste d’Espagne et de Rifondazione comunista. Cent cinquante personnes ont rempli la salle, beaucoup plus que le nombre de places assises. Sans surprise, le plus grand contingent venait de la communauté grecque au Luxembourg.
Manolís Glézos est une figure légendaire, en Grèce et au-delà. Son premier acte notable a été, avec Apóstolos Sántas, de monter sur l’Acropole en mai 1941 pour enlever le drapeau à croix gammée que les occupants nazis y avaient hissé. Mais il a fait beaucoup plus que cela. Il a été de tous les combats pendant plus de 70 ans. Il a été emprisonné et torturé par les nazis, puis par la contre-révolution victorieuse après la défaite de la gauche dans la guerre civile, et encore sous la dictature des colonels.
Les héros de l’Acropole
Plusieurs fois, il a vu une peine de mort commuée en peine de prison. Et l’année dernière, il a été triomphalement élu au Parlement européen à la tête de la liste de Syriza, devenant le doyen d’âge du parlement, avec un vote personnel de 430.000, plus que tout autre candidat en Grèce.
Mais Manolís ne parlait pas beaucoup de sa propre histoire. Juste pour nous dire, de manière très émouvante, que quand il parlait, nous devrions entendre non seulement sa voix, mais celle de ses camarades, ceux qui n’étaient plus là, ceux qui avait donné leur vie, y compris son frère cadet, fusillé par les nazis à l’âge de 19 ans.
Il a parlé beaucoup plus sur le présent et l’avenir. Et il ne nous a pas fait un long discours, comme beaucoup sans doute l’attendaient. Il a expliqué qu’il préférait le dialogue au monologue, a parlé pour seulement 5-10 minutes, puis a répondu aux questions et débattu avec la salle pendant deux heures et demie, debout, à l’âge de 92 ans.
« L’Histoire frappe à notre porte »
Manolís est solidement optimiste sur la situation en Grèce et sur les perspectives de Syriza: comme il l’a dit « l’Histoire frappe à notre porte » et nous sommes à un moment où les changements qui autrement pourraient prendre des décennies peuvent arriver en quelques mois ou années.
Il a également souligné qu’il ne s’agit pas simplement de remplacer une équipe de dirigeants par une autre, ni d’une direction ou d’un parti qui «guide» («un mot terrible», dit-il) le peuple, mais que le peuple lui-même exerce le pouvoir, qu’il y ait la souveraineté populaire, en Grèce et dans une Europe des peuples.
Beaucoup d’autres sujets ont surgi dans la discussion: comment briser le pouvoir du capital financier, comment faire face à la dette, la façon dont les gens s’organisent en Grèce aujourd’hui. Il a souvent parlé du village d’où il vient et où il est retourné, dont il a dit à un moment qu’il « émanait ».
Le peuple au lieu du « Guide »
Mais il semblait qu’il émanait non seulement de son village, que plus largement il avait ses racines dans le peuple grec et dans ses fortes traditions de résistance et de lutte, dont il a aussi parlé et qui semblent être la source de sa propre force et de son optimisme pour l’avenir.
C’était une soirée inoubliable pour ceux qui ont eu la chance d’y assister. Le lendemain, avant de retourner à Bruxelles, Manolís a été invité à parler aux élèves de l’école grecque à Luxembourg.