Pour une tarification échelonnée de la consommation d’eau des ménages !
Suite aux directives européennes de l’année 2000, qui ont établi un cadre pour une politique communautaire de l’eau, les principes de l’utilisateur-payeur (volet de l’approvisionnement) et du pollueur-payeur (volet de l’assainissement) ont été introduits en 2008 dans la législation luxembourgeoise. Depuis lors, le prix de l’eau à payer par les ménages a fortement augmenté (entre 79% et 566% suivant la commune).
L’eau, une denrée rare de plus en plus chère
La dégradation des ressources, le renforcement des normes de qualité et la rénovation des réseaux de distribution, de collecte et d’assainissement des eaux usées sont autant de facteurs qui risquent de faire augmenter plus encore à l’avenir le prix de revient de l’eau potable.
En fait, l’eau potable est en train de devenir une denrée rare au Luxembourg et il est donc nécessaire d’un côté de dissuader les consommations excessives par rapport aux consommations normales. De l’autre côté, il faut garantir le droit de chacun à disposer d’un quota d’eau gratuit ou à un prix minimal pour ses usages essentiels. Enfin, il faut traiter tous les ménages de façon semblable, qu’ils soient petits ou grands.
Un objectif discutable
Il faut dire que l’objectif de la couverture du prix de revient de l’eau par chaque ménage consommateur, imposé dans le cadre européen, est en lui-même discutable.
D’abord les caractéristiques géographiques et démographiques sont totalement hétérogènes d’une commune à l’autre et le prix de revient varie en conséquence : dans une commune au relief accidenté et à l’habitat dispersé, l’acheminement d’un litre d’eau coûte plus cher que dans une ville. Sous cet angle, une tarification unitaire de l’eau à l’échelle du pays s’oppose à l’idée de la couverture par le prix de revient. Au Luxembourg, on a choisi d’atténuer les grandes variations du prix de revient de l’eau suivant les communes, en appliquant une formule d’harmonisation et on aboutit alors à un prix harmonisé par litre, qui est le même pour tous les ménages d’une même commune, quelle que soit la quantité d’eau consommée.
Il faut noter ensuite que plus on économise l’eau, plus les frais fixes de l’acheminement sont réparties sur une quantité inférieure et le prix par litre augmente. Gaspiller l’eau serait alors un facteur de réduction du prix unitaire, ce qui est absurde.
Enfin, la question de la justice sociale surgit avec vigueur : le prix « juste » de l’eau correspondant au prix de revient est dérisoire pour le riche et ne le poussera pas à économiser l’eau. Pour le pauvre au contraire, un prix de l’eau correspondant au prix de revient est ressenti comme élevé et l’empêchera de satisfaire ses besoins essentiels.
Une tarification progressive …
Il n’est donc pas étonnant que tant d’un point de vue économique que social, l’Observatoire de la compétitivité du ministère de l’Economie et du Commerce extérieur recommande dans son document intitulé « La formation du prix de l’eau potable » qu’« une tarification progressive serait plus efficace pour modérer la consommation d’eau » et qu’ « une tarification par tranches progressives serait considérée comme plus équitable et plus explicitement redistribuable » .
… demandée dans une motion des conseilleurs communaux de déi Lénk
Toutes ces vérités ont amené les conseillers communaux de déi Lénk à présenter aux différents conseils communaux où ils sont présents, une motion pour une tarification échelonnée de la consommation d’eau des ménages.
Tenant compte d’une réponse à une question parlementaire en avril 2014, où le Ministère de l’Environnement a clarifié que les communes peuvent en toute légalité mettre en place une tarification progressive, ils proposent d’inviter leur Collège des Bourgmestre et Échevins respectif:
– à concevoir des barèmes de prix plus intelligents pour la consommation d’eau des ménages, en distinguant l’eau vitale, avec une tarification sociale, de l’eau de confort avec une tarification plus élevée ;
– à mettre en place dans ce sens une tarification échelonnée avec 2 tranches au moins;
– à fixer une tranche gratuite ou à prix préférentiel pour les besoins essentiels par personne et par jour et à récupérer le manque à gagner sur les consommations d’eau au-delà de cette quantité.
À noter que dans son rapport intitulé « EU Water saving potential », l’Ecologic Institute de Berlin a estimé le besoin journalier essentiel d’une personne à 100 litres.
L’espoir d’une discussion honnête
La motion, formulée de manière très flexible, est accompagnée d’une documentation intitulée « Le prix de l’eau en 5 points » écrite par Christophe Wantz, un expert en matière de gestion de l’eau au Luxembourg, ainsi que de statistiques sur l’évolution du prix de l’eau dans les différentes communes du pays.
Il faut espérer que cette motion permettra de mener une discussion honnête et d’aboutir aussi bien à une atténuation des dépenses ménagères pour les besoins essentiels en eau qu’à une diminution de la consommation d’eau.