Requiem pour les Droits de l’Homme au Conservatoire
La Ville de Luxembourg vient de décider, visiblement dans la plus grande discrétion, de changer de société de gardiennage au Conservatoire. Outre la question de la sous-traitance, la nouvelle société, G4S, est tristement célèbre pour son rôle au côté de l’armée israélienne dans l’occupation de la Palestine.
Moins de deux semaines avant les congés scolaires de fin d’année, le personnel du Conservatoire de la Ville de Luxembourg (CVL) a été informé que la Ville de Luxembourg mettait fin au contrat de gardiennage pour le Conservatoire avec la société «Brinks». Selon nos informations, même la direction a été tardivement informée et, mise devant le fait accompli, n’a pu que se résoudre à accepter le départ de cette société et de ses employés. Certains parmi eux étaient présent quasiment à temps plein au CVL depuis presque huit années, et la nouvelle de la fin du contrat a été vécu comme un choc malgré les rumeurs qui circulaient depuis un certain temps.
Parfaitement intégré dans l’équipe technique et administrative, les différents employés de cette société de gardiennage ont toujours eu d’excellents rapports avec les élèves, les parents, les enseignants et la direction pour leurs tâches quotidiennes: permanence à la réception, fermeture des salles et du bâtiment, fermeture et gestion du parking… Bien qu’ils ne perdront pas leur emploi auprès de la société «Brinks», ils seront réaffectés par leur employeur à d’autres endroits, et de façon sans doute beaucoup plus flexible. C’est donc avec une vive émotion que les employés de «Brinks» ont reçu leur cadeau de remerciement lors d’une cérémonie organisée en dernière minutes avec la direction, les enseignants et l’administration. Émotion également présente chez les enseignants où une certaine incompréhension régnait: comment peut-on, quasiment du jour au lendemain décider de mettre fin à la présence de collaborateur dans le bâtiment?
Sous-traitance dans les institutions publiques
Contacté par nos soins, Guy Foetz, conseiller communal pour «Déi Lénk», nous a confirmé que le sujet de la société de gardiennage n’a pas été évoqué lors des discussions sur la gestion du Conservatoire et qu’il n’avait pas reçu d’informations sur cette affaire. Il semble donc que la décision ai été prise rapidement et dans la discrétion en évitant tout débat public. Encore une zone d’ombre sur le fonctionnement de la «démocratie» au niveau communal…
Mais c’est bien la question de la sous-traitance qui se retrouve encore une fois, hélas, sous les projecteurs. De plus en plus utilisé par les communes, le procédé consistant à signer des contrats avec des sociétés privées pour assurer des tâches relevant du service public devient incontournable dans la mentalité néolibérale de nos dirigeants et de leurs politiques d’austérité. C’est en effet un moyen sans faille pour se disculper en cas de mauvaise qualité du service fourni ou pour réduire le personnel; En cas de besoin, il suffit en effet de ne plus renouveler le contrat de la société…
Les exemples sont nombreux: cantines scolaires, gardiennage, nettoyage, gestion technique des bâtiments… Sur le territoire de la Ville de Luxembourg, on ne compte plus les écoles, les institutions culturelles (musées, Philharmonie…) qui ont recours à des sous-traitants. Pourtant, la contradiction est évidente: comment confier à une société privée, dans ce cas-ci une multinationale de la sécurité, la gestion et la responsabilité d’un bâtiment public, construit, entretenu et fonctionnant grâce à de l’argent public? L’argument du moindre coût est toujours mis en avant, mais on oublie qu’une partie de l’argent payé par les institutions publiques à ces sociétés alimente les profits de celles-ci et se retrouve investit en bourse, dans le cas de «Brinks» à la bourse de New-York.
Guy Foetz revient aussi sur cette question: «Nous avons à maintes reprises évoqué la question de la sous-traitance – tout récemment encore lors des débats budgétaires -, mais nous n’avons jamais eu gain de cause à ce sujet. L’argument du moindre prix est toujours avancé».
Dans le cas de la société de gardiennage au CVL, la précipitation de la prise de décision n’a pas permis de construire un mouvement de solidarité avec les travailleurs concernés pour pousser la ville à engager ceux-ci avec un contrat d’employés communaux.
«G4S», bras droit de l’occupant israélien en Palestine
Et c’est la veille des congés scolaires, le 22 décembre, que l’obtention du marché de gardiennage au CVL par la société «G4S» a été annoncée. Cette autre multinationale de la sécurité, la plus grande au monde, doit une partie de sa «notoriété» à sa participation active à la gestion de l’occupation israélienne de la Palestine, notamment en Cisjordanie. A juste titre épinglée par la campagne «BDS» (pour Boycott, Désinvestissement, Sanctions), cette société gère, pour le compte de l’armée israélienne, de nombreux «check-points» dans des territoires occupés ainsi que des centres de détentions où les abus des droits humains les plus élémentaires sont régulièrement bafoués y compris la torture de prisonniers mineurs.
La Ville de Luxembourg, qui a obtenu le statut de «Fairtrade Gemeng» en 2011, est de ce fait «une commune qui soutient le commerce équitable et les petits producteurs défavorisés au Sud». Elle est bien moins regardante pour les violations des droits humains commises par des sociétés auxquelles elle sous-traite de plus en plus de ses services.
Des institutions de l’ONU comme l’UNICEF ou l’UNHCR ont mis fin à leur contrat avec G4S pour son rôle dans l’occupation et la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens. La ville de Luxembourg n’a visiblement pas ce courage politique ou préfère simplement rester dans un statu quo bien confortable qui leur permet d’éviter les foudres des lobbys pro-israélien.