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To be or not to be – L’Europe à la croisée des chemins (3)

Un budget européen dérisoire

 

Suite à la crise de 2008, le budget de l’Union, déjà marginal en raison d’un cadre financier de l’ordre d’1 % du PIB européen et de 2 % de l’ensemble des budgets des États membres, avait encore été réduit de 35 milliards sur la période 2014-2020. Il est évident qu’un tel niveau de fonds ne permet ni de mener une politique européenne d’envergure, ni une politique de soutien des régions défavorisées qui mérite ce nom.

 

Quant à la crise actuelle, le cycle budgétaire 2014-2020 se termine cette année et très peu de fonds sont disponibles rapidement pour soutenir les pays plus fortement touchés par la crise sanitaire. Le budget européen ne peut être utilisé pour combattre la situation qu’à partir de l’année prochaine. Or le sommet européen des 20/21 février dernier s’est terminé sans accord sur le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027, ce qui a amené les députés européens à dénoncer ce manque de responsabilité : « Nous ne pouvons pas nous permettre une approche budgétaire étroite avec une absence totale de vision politique« .

 

 

La fin de l’Union européenne actuelle en perspective

 

L’analyse précédente des moyens actuels d’intervention européenne pour faire face à la grave crise économique qui s’annonce ne permet guère d’être optimiste, ni pour mettre en œuvre des solutions solidaires, ni pour sortir du cadre néolibéral de la politique de l’Union.

À part l’action de la Banque Européenne d’Investissement, toutes les mesures prévues contribueront à un endettement supplémentaire des pays déjà fortement affaiblis. Or ceux-ci répugnent une mise sous tutelle résultant des conditions qui y sont attachées.

 

Les discussions autour du prochain cadre financier pluriannuel, qui ont eu lieu avant la crise du Coronavirus, avaient déjà témoigné d’une vision politique clairement national(iste) des dirigeants européens des pays du Nord. Et il paraît que même face à la détresse de certains États particulièrement touchés par la crise sanitaire et en prévision de ce qui les attend par après, les responsables politiques allemands, néerlandais, autrichiens et finlandais ne veulent toujours pas entendre parler de solidarité économique.

 

On peut prévoir que sauf revirement de dernière minute, l’Union européenne perdra le reste de sa crédibilité, qu’elle se disloquera et que les forces xénophobes gagneront dangereusement du terrain.

 

 

Deux voies parallèles pour maintenir l’Union

 

 

L’Europe est à la croisée des chemins. Tous les pays de l’Union devront mobiliser des sommes très importantes pour surmonter la crise. Or un certain nombre d’États membres ne disposent pas des moyens financiers pour faire face et ils refusent de contracter des dettes supplémentaires octroyées sous conditions. Ces États ont besoin d’aides non remboursables. Quant à leurs dettes en cours, la BCE devra continuer à les monétiser pour les décharger.

 

Lancer rapidement un emprunt collectif via les marchés financiers et distribuer ces fonds suivant les besoins les plus urgents est une première voie à suivre. Elle exige de la part des dirigeants politiques européens le courage de dépasser leur egoisme nationaliste.

 

Une deuxième voie, complémentaire à la première, consiste à augmenter les ressources budgétaires tant des États membres que de l’Union européenne, en imposant plus fortement les grandes entreprises multinationales (dont certaines profitent amplement de la crise actuelle) et les grandes fortunes. Ces ressources supplémentaires serviront à secourir les PME, particulièrement touchées, à développer les services publics, à réduire les inégalités, à mener une politique de développement des régions faibles de l’Union et à réussir la transition écologique. Cette imposition plus importante des multinationales et des riches demandera sans doute aussi de combattre énergiquement l’évasion et la fraude fiscale.

 

Plus rien ne sera comme avant

 

 

Tout cela va en direction d’une réécriture des traités européens et bien au-delà. Il s’agit de tourner la page du néolibéralisme en réaffirmant le rôle économique, social et financier des pouvoirs publics, en remettant à une place subalterne les marchés financiers, en garantissant un système fiscal équitable permettant de financer des services publics performants, en réorganisant les flux de biens et services au niveau mondial et en assurant un développement économique équilibré aux pays du Sud. Cette réorientation fondamentale ne surviendra évidemment pas tout seul. Elle nécessite un rapport de force progressiste au sein de nos sociétés, qui impose des transformations de grande ampleur. Mais l’amplification des crises depuis le début du siècle, avec en paroxysme la crise actuelle, qui illustre en raccourci la grande crise écologique qui nous attend, pousse au changement. Elle fait prendre conscience brusquement chez un très grand nombre de personnes que le système économique actuel conduit au désastre et qu’il faut en sortir. Contrairement à ce qui s’est passé après la crise financière de 2008, le “retour à la normale” ne sera plus possible.

 

 

Guy Foetz 05/04/2020