Tout ce que vous avez voulu savoir sur les réformes grecques et que personne n’ose vous dire !
Vous entendez tous les jours que la Grèce « doit faire davantage d’efforts ». La presse mainstream relaye en principe les déclarations des politiciens européens, une ou deux phrases. Parfois, une ou deux mesures, avérées ou issues d’une rumeur, transparaissent. Mais très rarement, on vous parlera des réelles propositions que le gouvernement grec soumet à l’Eurogroupe.
Ce n’est pas étonnant : ni Merkel, ni Juncker, ni Hollande ou encore, chez nous, Bettel, n’ont intérêt à ce que la population connaisse les propositions du gouvernement grec. Car elles auraient à partir de ce moment les plus grandes difficultés à expliquer pourquoi elles les rejettent.
Ce que l’on vous cache !
déi Lénk va vous dévoiler ce qu’on vous cache – ce que tous les gouvernements européens, y compris le nôtre, ne vous disent pas.
Dans un esprit de transparence, nous publions donc ici les 26 pages de propositions de réformes que le gouvernement grec a soumis à l’Eurogroupe qui se réunira le 24 avril pour en délibérer.
Le texte est en anglais, il regorge de termes techniques, voilà pourquoi nous nous permettons d’en résumer/rapporter les grandes lignes. Vous comprendrez très vite pourquoi l’Eurogroupe est si hostile au gouvernement grec : pour la première fois depuis des décennies, un gouvernement européen fait des réformes en faveur du peuple, des salariés, des retraités et des chômeurs et donc, forcément, en défaveur du grand capital. C’est exactement le contraire de la politique préconisée par l’Eurogroupe et qui a conduit la Grèce dans la situation actuelle de catastrophe humanitaire.
Comme vous le verrez, telle est la logique du fil rouge du gouvernement grecs : protection et extension des droits des salariés tout en mettant à contribution les grandes fortunes.
Quelles réformes ?
La fiscalité est le gros chantier de la politique du gouvernement Tsipras : sous le règne de la Troïka, le système fiscal exonérait le capital, favorisait l’évasion fiscale et faisait payer les travailleurs. Le gouvernement grec propose, entre autres, les mesures suivantes :
– Instauration d’un registre des richesses, d’un cadastre de la propriété foncière et augmentation de la taxe de luxe
– Criminaliser l’évasion fiscale
– Renforcement des contrôles des transferts bancaires vers les places offshores et des transferts à l’intérieur des entreprises multinationales
– Augmenter la lutte contre les trafics (alcool, tabac, essence)
– Lutte contre la fraude à la TVA
Le secteur bancaire doit aussi être réformé :
– Le rôle de la Banque de Grèce doit être réformé avec des mesures de protection contre les produits et services douteux
– Institution d’une Banque Nationale de Développement
– Le réseau des banques coopératives et régionales doit être réformé et élargi
– Des mesures législatives doivent inclure plus étroitement le secteur bancaire dans la lutte contre l’évasion fiscale
Les mesures principales concernant le marché du travail :
– L’économie grecque est fortement dominée par les PME (Petites et Moyennes Entreprises) ce qui ne facilitent pas le contrôle des droits des salarié-e-s. Afin de les garantir plus efficacement, le gouvernement propose de réformer l’Inspection du Travail défaillante
– Elévation graduelle du salaire minimum
– Réforme de la législation sur les conventions collectives en assurant une amélioration des droits des salariés
Le système de sécurité sociale a lourdement été frappé par les mesures de la Troïka. Le gouvernement veut y remédier, notamment par les mesures suivantes :
– De nombreuses et nombreux Grecques et Grecs ont été exlu-e-s de la couverture sociale par les mesures précédentes de la Troïka. Ils/elles y seront réintégré-e-s.
– Les réductions au niveau du paiement des retraites seront suspendues
– Les retraité-e-s à faible revenu percevront à nouveau un 13ème mois
– Refonte globale du système de santé et examen de la pratique des retraitées prématurées dans certains secteurs (banques)
Le gouvernement s’est engagé à réformer l’administration publique sans licencier des fonctionnaires mais en les plaçant là où ils seront le plus efficace et le plus utile.
Pour ce qui est de l’épineuse question des privatisations : le gouvernement constate que la politique de privatisation menée jusqu’à présent s’est soldée par un cuisant échec. Les privatisations déjà décidées seraient menées dans une optique participative visant à augmenter à long terme les bénéfices de l’Etat et de protéger les conditions de travail des salariés. Elles s’inscriront également dans un large plan de développement. La propriété de l’Etat devrait être gérée selon une stratégie définie.
Finalement, des mesures directes pour pallier à la catastrophe humanitaire seront entreprises : introduction d’un programme de nutrition, reconnexion à l’électricité ou au gaz, mesures préventives contre la pauvreté énergétique.
Ces réformes ne sont-elles pas chiffrées et datées ?
Rien qu’en jetant un regard sur le document annexé vous constaterez que toutes ces mesures sont chiffrées et qu’il y a des références très précises à des lois en préparation et leur date d’introduction projetée. Plusieurs de ces mesures sont préparées ensemble avec l’OECD et beaucoup se réfèrent à des législations européennes et internationales. Le gouvernement grec offre dès l’introduction de ce texte de partager l’intégralité des informations avec ses partenaires. Tout ce qu’on vous dit dans une certaine presse et par la bouche de certains politiciens est donc archifaux et est de l’intox! D’ailleurs il paraîtrait que beaucoup de ces mesures ont déjà été acceptées.
Les réformes proposées vont-elles à l’encontre du droit européen ?
Aucune de ces mesures ne heurte le droit européen qui ne prescrit ni privatisations ni n’exige qu’on doit prendre auprès des pauvres à la place des riches, même si la politique dominée par la droite et la « gauche » néolibérale va dans cette direction dans tous les autres pays européens, comme cela s’exprime dans les recommandations de politique macro-économique et dans les prescriptions des « programmes » en direction des pays endettés.
Ces programmes eux-mêmes sont souvent à la limite de la légalité, comme l’a constaté même le Parlement européen. D’ailleurs l’accord de la Grèce avec l’Eurogroup en date du 20 février, sur lequel se base la présente liste, prévoit expressément des changements au « programme » engagé.
Bien-sûr ceci ne veut pas dire que tout l’édifice des traités européens ne doit pas être revu de fond en comble.
La dette grecque doit-elle être intégralement remboursée ?
Non ! Une bonne partie de la dette grecque est carrément illégitime et odieuse. D’ailleurs une commission pour un audit de la dette publique a été instaurée par le Parlement grec.
Puisque l’UE a accepté de reprendre cette créance à l’origine privée de ses banques comme créance publique européenne, elle est au moins co-responsable. Aucun peuple n’acceptera à l’infini d’être placé dans une « prison pour dette » digne du Moyen Âge, comme l’a été le peuple grec. C’est pourquoi le nouveau gouvernement grec avait proposé un allègement de la dette de moitié et une politique économique visant à remettre l’économie sur ses rails et à permettre le remboursement futur de la dette restante pour sortir du marasme dans lequel la politique d’austérité l’avait mené, avec la complicité de nos gouvernement : au moins le ministre des affaires étrangères Jean Asselborn avait la décence de se déclarer coresponsable de cette politique à la télé allemande (chez Anne Will).