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Une remise en question fondamentale

Le choc brutal du coronavirus a abouti à une mise à l’arrêt de l’économie mondialisée et des rouages de la vie quotidienne. C’est un coup de semonce et une opportunité pour repartir sur de nouvelles bases.

Avec la crise actuelle, des vérités à présent indéniables éclatent au grand jour:
– Le Luxembourg est extrêmement vulnérable et son bien-être douillet est en fait construit sur du sable. Que vaut la notation financière “AAA” de Standard & Poor’s face à la réalité que le bon fonctionnement de notre économie dépend en grande partie des 200.000 salariés français, belges et allemands qui viennent travailler chez nous tous les jours et que 70% du personnel de santé sont des frontaliers ? Que se passerait-il en effet en cas de fermeture des frontières ou d’un réquisitionnement du personnel de santé par leurs Etats d’origine ? Quelle contribution à la survie fournit un secteur financier surdimensionné tourné vers l’optimisation fiscale aux dépens d’autres pays ? Qu’adviendra-t-il des recettes fiscales en cas de plongée de la valeur des fonds de placement ou d’une réglementation plus stricte des flux financiers ?
– L’idéologie néolibérale, qui a conduit au démantèlement systématique des piliers de l’Etat , dont tout particulièrement le système de santé publique, est à la base de la misère hospitalière actuelle dans nombre de pays développés. C’est aux instigateurs politiques des calculs d’utilité économique qu’incombe la responsabilité de milliers de morts supplémentaires dus aux manque d’équipement et de personnel.
Les effets dévastateurs du manque de protection sociale et sanitaire seront particulièrement forts aux Etats-Unis et probablement catastrophiques dans les pays du Tiers monde.
– Le besoin d’un Etat économiquement, financièrement et socialement fort, capable de prendre les choses en main et de protéger les individus à tous les points de vue se fait ressentir plus que jamais. Voici que même les hérauts les plus fervents du libre marché revendiquent des plans de sauvetage par des deniers publics, alors qu’il y a quelques semaines encore, ils ont exigé de poursuivre la réduction de la charge fiscale des entreprises. La tempête passée, assumeront-ils que pour mener une politique économique efficace, les pouvoirs publics doivent disposer des moyens nécessaires ?
– Comme jamais auparavant, l’Union européenne fait figure de parent pauvre. Le repli des États de l’Union sur leurs frontières nationales est à l’image du manque d’impact de cette institution au niveau social. Depuis le traité de Maastricht et la mise en place du marché unique et davantage encore depuis la réalisation de l’Union économique et monétaire, l’UE est apparue comme le fer de lance du neolibéralisme et le moteur de l’anéantissement des systèmes de solidarité nationales à travers les clauses restrictives du Pacte de stabilité, sans y substituer des solidarités européennes.
– Au niveau international et intercontinental, la crise sanitaire actuelle préfigure en raccourci ce que seront les effets de la crise climatique à venir. Elle nous signifie de manière brutale la faillite du modèle actuel de mondialisation, basée sur l’exploitation individualiste et sans ménagement des hommes et de la nature au nom du profit à court terme et elle constitue dès lors un coup de semonce ultime pour changer résolument de cap.

 

Faire face à une récession majeure et changer de modèle économique

 

Pourtant, la crise sanitaire passée, il serait naïf de penser qu’on se réveillera dans un monde guéri des mésaventures du passé et en rupture idéologique avec le neolibéralisme !

Anticiper la crise économique profonde qui se présentera dans quelques mois demande alors de mettre dès maintenant en place des plans de relance tant nationaux qu’européen pour éviter que les “petits” paient une nouvelle fois les pots cassés. Dans le même sens, il est impératif de repenser de fond en comble la politique européenne, de mobiliser tous les instruments budgétaires et monétaires disponibles et d’aider collectivement les Etats et les régions les plus fragiles.

Combattre le tout-marché exige de reréglementer les flux financiers, de remettre en cause les privatisations des services publics et des banques, y compris la sortie de la Banque centrale européenne de tout contrôle démocratique et de renforcer les dépenses et les investissement publics, notamment au niveau de la recherche fondamentale.

S’opposer au désastre futur de la crise écologique tout en luttant contre les inégalités, demande d’un côté de sortir de l’économie-carbone, de protéger la biodiversité, de réduire les chaînes de production, de soumettre les traités de commerce à des critères de transition écologique et de protection sociale et de l’autre, de renforcer les piliers de l’Etat social que sont le droit au travail, la sécurité sociale et les services publics.

Faire face aux ravages de la pandémie dans les pays du Tiers monde et aux flux migratoires demande d’apporter une aide d’urgence, de mener une politique de développement consistente et de conclure des traités d’échange commerciaux équitables.

La rupture avec les principes néfastes du néolibéralisme impliquera une imposition renforcée des revenus du capital ainsi que des patrimoines.

Au niveau luxembourgeois, il faudra surtout sortir l’économie de la dépendance de la place financière, mobiliser d’autres branches économiques et développer la politique régionale.

Il s’entend évidemment que “si nous voulons amorcer un véritable revirement politique pour sortir de la crise sociale, il ne suffit pas de dicter des changements d’en haut. Il s’agit plutôt d’établir un rapport de force progressiste au sein de la société, qui permette des changements politiques de grande ampleur.(1) »

 

(1) Sortir du piège systémique en misant sur des solutions de gauche (Extrait de la proposition de résolution pour le 17e congrès de déi Lénk qui était prévu pour le 29 mars, mais qui a dû être reporté en raison de la pandémie du Coronavirus)

 

Guy Foetz

25/03/2020